La fourniture de chars d’assaut lourds à l’Ukraine

Publié le 30 janvier 2023 | Temps de lecture : 7 minutes

Il y a cinq jours, l’Allemagne a finalement autorisé les pays qui disposent de ses chars Leopard 2 à en acheminer vers l’Ukraine.

Pourquoi ces pays doivent-ils obtenir sa permission ?

L’Allemagne interdit la revente du matériel militaire de pointe qu’elle fabrique afin d’éviter l’éventualité que ce matériel se retrouve entre les mains d’un pays entré en guerre contre elle.

Il existe plus de deux-mille chars Leopard 2 dans le monde. L’Allemagne en possède 212 opérationnels, en plus d’une centaine de chars Leopard d’un autre modèle.

Le Canada possède 82 Leopard 2, dont quatre seront donnés à l’Ukraine.

En comparaison, la France disposait de 1 500 chars lourds au début des années 1990. Mais ces chars, comme les voitures, ne sont pas faits pour durer.

Ses meilleurs chars lourds, les Leclerc, ne sont plus fabriqués depuis 2008. La France en possède encore 226, dont seulement les deux tiers sont opérationnels.

Au total, les pays occidentaux comptent livrer de 143 à 177 chars lourds à l’Ukraine, dont 98 à 132 chars Leopard 2.

Cela ne correspond pas à une nouvelle escalade dans le conflit puisque dès avril ou mai 2022, la Pologne livrait plus de 200 chars T-72 de fabrication soviétique à l’armée ukrainienne.

Depuis le début du conflit, l’armée russe a perdu 1 642 chars. L’Ukraine en a perdu 449 (dont la totalité des chars T-72 livrés par la Pologne).

Puisque les chars Abrams M1 américains ont une logistique d’approvisionnement en carburant et en pièces de rechange plus compliquée que celle des Leopard 2, ces derniers seront livrés en premier à l’Ukraine, soit dès mai 2023.

Technologiquement, les Abrams M1 et les Leopard 2 sont nettement supérieurs aux chars T-72 soviétiques. Mais leurs poids sont respectivement de 68, de 64 et de 45 tonnes. Ce qui rend ces derniers un peu moins susceptibles de s’enliser dans les sols boueux des plaines ukrainiennes au printemps.

Qu’en sera-t-il dans la vraie vie ? C’est ce que nous verrons bientôt; la guerre en Ukraine est un laboratoire où les belligérants testent l’efficacité et la fiabilité de leur matériel militaire dans les conditions réelles d’un conflit armé.

Dans le cas des pays occidentaux, ils procèdent à cette vérification sans risque pour leurs soldats puisque l’Ukraine est heureuse d’accomplir cette tâche en contrepartie de la fourniture gratuite de ce qui lui faut pour se défendre.

Mais cette guerre de haute intensité met à mal les stocks d’armements. À l’été 2022, au plus fort des combats, soixante-mille obus russes et vingt-mille obus ukrainiens étaient tirés quotidiennement.

Avec le résultat que le Pentagone, principal fournisseur de l’Ukraine, lui a livré en neuf mois trois-mille drones et près d’un million d’obus de 155 mm, de même que 50 000 missiles sol-sol et 1 600 missiles sol-air. C’est le tiers des stocks américains de missiles.

À ce rythme, les États-Unis assisteraient impuissants à l’invasion de Taïwan par la Chine si cette dernière le décidait dans deux ans.

Du coup, la course aux armements déclenchée en 2014 par l’Otan à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie s’avère déjà insuffisante.

Un pays comme le Canada, endetté à hauteur d’environ 40 % de son PIB, peut se permettre de refiler ses achats militaires au service de la dette.

Celle-ci est constituée de bons du Trésor qui viennent périodiquement à échéance. Le pays émetteur peut alors les payer (s’il en a les moyens) ou pelleter vers l’avant cette dette en émettant de nouveaux bons du Trésor pour payer les anciens.

L’ambitieux programme de réduction de taxes pour les riches (qui devait accroitre substantiellement la dette britannique) a été abandonné par Londres quand les bons du Trésor nouvellement émis n’ont pas trouvé preneurs.

Dans le même ordre d’idée, la France a dernièrement annoncé une augmentation de son budget militaire de 413 milliards d’euros en sept ans. C’est considérable.

Par crainte de la sanction des milieux financiers, la France — déjà endettée à hauteur de 120 % de son PIB (comparativement à 20 % pour la Russie) — doit sabrer son filet de protection sociale, provoquant déjà la grogne de millions de Français.

Dans tous les pays démocratiques, la fabrication du consentement populaire est indispensable à la croissance colossale des dépenses militaires. Sinon, des partis pacifistes prendront le pouvoir.

Voilà pourquoi tous nos médias répètent cette nouvelle théorie des dominos (sur laquelle je reviendrai) qui consiste à dire que toute victoire russe en Ukraine provoquerait un effondrement de l’ordre mondial et le retour à l’âge des cavernes…

Certes, la guerre russo-ukrainienne a été déclenchée par la Russie. Mais la cause profonde de ce conflit est l’expansionnisme toxique de l’Otan, c’est-à-dire son obsession à encercler militairement la Russie au plus près.

La Russie ne peut pas accepter qu’on installe des ogives nucléaires dans sa cour arrière. Pas plus que les États-Unis ne pouvaient tolérer qu’on fasse pareil à Cuba en 1962.

Et n’oublions pas que l’armée américaine s’est rendue à l’autre bout du monde pour envahir l’Irak sous le prétexte fallacieux que ce pays possédait des armes de destruction massive.

Avant que l’Otan accueille en son sein une bonne partie des anciennes républiques soviétiques, c’est en Turquie (à environ deux-mille kilomètres de Moscou) que les États-Unis entreposaient leur plus grand stock d’ogives nucléaires hors du territoire américain.

Une décennie après l’adhésion de la Roumanie à l’Otan, les États-Unis ont déplacé une partie de leurs ogives nucléaires dans ce pays, à environ 1 500 km de Moscou.

Et si l’Ukraine et la Finlande rejoignent l’Otan, l’armée américaine sera en mesure de rapprocher ses missiles respectivement à 500 km de Moscou et à 125 km de Saint-Pétersbourg.

Non seulement elle pourrait le faire, mais elle le fera.

Pour Poutine (ou n’importe quel dirigeant russe compétent), cela est totalement inacceptable.

De plus, en prolongeant cette guerre au-delà de ce qui est nécessaire pour amener le peuple ukrainien à la raison, l’Otan pousse la Russie à recourir à l’arme nucléaire.

Comme les États-Unis l’ont fait en 1945 au Japon pour briser l’aveuglement du peuple japonais à croire que leur empereur était un demi-dieu.

À ce jour, les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki constituent les deux plus importants ‘crimes de guerre’ de l’histoire de l’Humanité.

Espérons que ce triste record américain ne sera pas battu.

Références :
Bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki
Crise des missiles de Cuba
La fabrication du consentement politique : un exemple américain
La guerre en Ukraine met les stocks d’armes occidentaux sous pression
La Pologne serait en train de livrer 200 chars T-72 aux forces ukrainiennes
La première ministre britannique Liz Truss démissionne
Les chars occidentaux marqueront-ils un tournant dans la guerre en Ukraine?
L’expansionnisme toxique de l’Otan
Loi de programmation militaire : un budget colossal mais des choix drastiques
Pourquoi la France hésite à livrer des chars Leclerc à l’Ukraine

Parus depuis :
L’armée française manque de munitions pour la haute intensité (2023-02-18)
Réforme des retraites : Macron justifie le 49.3 en invoquant des « risques financiers trop grands » (2023-03-16)
UK urged to protect Ukraine from legal action over private debt default (2024-07-07)

Compléments de lecture :
L’engrenage ukrainien
L’épouvantail russe

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Kiev ou Kyiv ?

Publié le 28 janvier 2023 | Temps de lecture : 2 minutes

Introduction

En lettres cyrilliques, le nom de la capitale ukrainienne s’écrit Киев en russe (littéralement, Kyev) et Киïв en ukrainien (littéralement, Kyiv).

Phonétiquement, il est impossible de distinguer l’un de l’autre. C’est donc à l’écrit que cette différence a de l’importance.

Il y a quelques jours, la chaine anglaise de Radio-Canada a ordonné à ses journalistes d’utiliser le nom Kyiv pour parler de la capitale ukrainienne (comme c’est devenu la coutume dans les médias anglo-saxons à travers le monde) alors que le service français de Radio-Canada préfère écrire Kiev (tout comme le fait jusqu’à maintenant le quotidien Le Monde).

Le cas de Trois-Rivières

Il y a très longtemps, la compagnie Bell Canada avait décidé d’adresser les relevés de compte de ses abonnés trifluviens en renommant leur ville Three Rivers.

Ceux-ci avaient été choqués par l’attitude cavalière de leur fournisseur de service téléphonique. Mais que pouvait-on y faire ?

C’est en chaire que l’évêque de Trois-Rivières déclencha la réplique collective à cette indélicatesse. Et ce, en utilisant la seule langue que connait le monde capitaliste; la langue de l’argent.

Le prélat suggéra à ses paroissiens de payer leur solde en libellant leur chèque à l’ordre de ‘La compagnie Cloche du Canada’.

Incapable d’encaisser ses chèques, Bell fit volteface dès le mois suivant…

Qui décide ?

Il y a quelques années, les Mohawks ont fait savoir qu’ils préféraient qu’on cesse de les appeler ‘Iroquois’ et qu’on dise Kahnawake pour désigner leur réserve de Caughnawaga.

Le consensus québécois est que ce n’est pas aux ‘Blancs’ de déterminer comment les Autochtones doivent s’appeler.

De la même manière, on dit maintenant Beijing au lieu de Pékin. Et autrice ou auteure, selon les préférences de l’écrivaine concernée.

Voilà pourquoi, à partir de maintenant, sur ce blogue, on écrira ‘Kyiv’ plutôt que ‘Kiev’.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La mésange à tête noire

Publié le 27 janvier 2023 | Temps de lecture : 2 minutes
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La mésange à tête noire (Poccile atricapillus) est la plus commune des mésanges d’Amérique. Elle tire son nom de la grande tache noire oblique qu’elle porte sur la partie antérieure de la tête, et qui accompagne le plastron de la même couleur au cou. Ses joues et sa gorge sont blanches.

Long de 12 à 15 cm (dont une queue de 6 ou 7 cm), cet oiseau agile et nerveux est un de ceux qui sont les plus faciles à attirer à une mangeoire.

Son habitat comprend toute la partie recouverte d’arbres et de buissons du sud du Québec.

Les insectes constituent la plus grande partie de son alimentation. Mais il aime aussi les graines et les baies sauvages.

Il fait son nid dans les cavités des arbres morts, dans le trou abandonné d’un pic ou dans une cavité naturelle. Chaque année, la femelle y pond de 6 à 8 œufs qu’elle et son conjoint couvent à tour de rôle pendant 13 jours.

Les petits entament leur premier vol à l’âge de treize à seize jours. Lorsqu’elle réussit à passer son premier hiver, la mésange peut vivre de 2,5 à 4 ans.

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 infrarouge à spectre complet, objectif M.Zuiko 12-40mm F/2,8 + filtre bleu FS KB20 + filtre FS VertX1 + filtre bleu 80c d’Omega — 1/125 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 40 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Justin Trudeau et la camisole de force constitutionnelle de 1982

Publié le 25 janvier 2023 | Temps de lecture : 8 minutes

Introduction

La clause dérogatoire est un article qui permet de soustraire une loi provinciale ou fédérale aux exigences de la Canadian Constitution et lui éviter d’être déclarée anticonstitutionnelle par les tribunaux.

Au cours d’une entrevue accordée récemment à La Presse, le premier ministre canadien a reproché aux provinces de recourir abusivement à cette clause et réitéré son intention d’obtenir de la Cour suprême une jurisprudence qui en limiterait l’usage.

Sans attendre qu’une cause concrète soit présentée devant la Cour suprême, le gouvernement fédéral veut l’obliger à se prononcer à ce sujet par le moyen d’une requête spéciale appelée renvoi.

Le moteur du renouvèlement constitutionnel canadien

C’est l’adoption de la Loi 101 par le gouvernement péquiste de René Lévesque en 1977 qui a motivé le gouvernement canadien à entreprendre la rédaction d’une nouvelle constitution. Celle-ci est entrée en vigueur cinq ans plus tard.

Jusque là, le British North America Act, voté par le parlement de Londres en 1867, faisait office de constitution canadienne et régissait le fonctionnement du pays.

Mais la Loi 101 était une loi révolutionnaire qui ajoutait au droit canadien la notion de droits collectifs; elle établissait les bases juridiques du droit du peuple francoQuébécois d’assurer sa survie en protégeant le français au Québec.

Pour contrer la Loi 101, les stratèges d’Ottawa eurent l’idée d’une nouvelle constitution dont l’élément central fut une charte des droits et libertés.

Celle-ci vise à consacrer la suprématie absolue des droits individuels puisque ceux-ci comprennent implicitement le droit de s’assimiler au groupe linguistique de son choix.

Ce principe — le droit de s’assimiler au groupe linguistique de son choix — était à la base de la loi 63 adoptée en 1969 par le gouvernement québécois de l’Union Nationale.

En ouvrant toutes grandes les portes de l’école publique anglaise à n’importe qui, elle forçait le peuple francoQuébécois à financer sa propre extinction.

Le Québec tout entier fut scandalisé par la stupidité du gouvernement de l’Union Nationale. À l’élection suivante, ce parti politique fut rayé de la carte.

Droits fondamentaux vs caprices constitutionnels

Dans leur zèle à consacrer la suprématie des droits individuels sur les droits collectifs, les rédacteurs de la Charte canadienne des droits ont élevé de simples caprices au rang de droits constitutionnels.

À titre d’exemple, il est indéniable que croire en une religion est un droit fondamental. De la même manière, se réunir dans un lieu de culte l’est également.

Mais les manifestations extérieures de la foi — porter des breloques ou des bijoux en forme de symboles religieux — ne sont pas des droits, mais de simples caprices décoratifs.

Dans son entrevue à La Presse, on aurait aimé que le premier ministre canadien nous précise ce qu’il a à l’esprit lorsqu’il déclare : « On est en train de banaliser la suspension des droits fondamentaux.». Quels droits fondamentaux ?

l’abolition du droit de grève en Ontario

S’il parle de la décision du premier ministre ontarien (à laquelle il a aussitôt renoncé) de retirer le droit de grève à certains employés du secteur public, on voit mal la différence entre cette décision et l’adoption d’une loi spéciale qui force le retour au travail des grévistes, ce qui est parfaitement constitutionnel et revient au même.

En réalité, le tabou au sujet de la clause dérogatoire vise à préserver le mythe selon lequel Pierre-Elliot Trudeau (le père du premier ministre actuel) serait descendu de la colline parlementaire avec une constitution sacrée sous le bras comme Moïse est descendu du mont Sinaï avec la Table des dix commandements…

la loi 96 du Québec

S’il parle de la loi 96, destinée à renforcer la Loi 101, quels sont les droits fondamentaux que violerait cette loi ?

Le droit de nos petits Rhodésiens de ne pas apprendre le français à l’école anglaise ?

Le droit des entreprises montréalaises d’imposer le bilinguisme à leurs employés lorsque cette exigence n’est pas nécessaire, exerçant ainsi une discrimination à l’embauche contre quatre-millions de francoQuébécois unilingues ?

Est-ce que c’est ça que monsieur Trudeau veut perpétuer ?

la loi 21 du Québec

Cette loi interdit l’expression publique d’une appartenance confessionnelle aux fonctionnaires en position d’autorité et aux enseignants du secteur public. Et ce, seulement dans l’exercice de leurs fonctions.

Les interdits de cette loi sont ceux qu’on trouve déjà dans des lois analogues adoptées par de nombreuses démocraties européennes. Des interdits déjà validés par leurs plus hautes instances juridiques.

Or de simples croyances, qui ne sont retrouvées dans aucun texte sacré — par exemple, la croyance en l’obligation de porter le niqab ou la burka — ont été promues au Canada au rang de droits constitutionnels, au même titre que le droit à la vie.

Conséquemment, la Canadian Constitution élève des fixations identitaires (le port de chiffon et de breloques) au rang de droits fondamentaux.

Plutôt que de regretter que les auteurs de la Canadian Constitution n’aient pas vu la montée de l’intégrisme religieux financé par l’Arabie saoudite, le premier ministre canadien désavoue implicitement les centaines de milliers d’Iraniennes qui, ces jours-ci, risquent leur vie en protestant contre un voile qu’une théocratie obscurantiste veut leur imposer.

Les incohérences idéologiques d’Ottawa

Dans son entrevue à La Presse, le premier ministre s’objecte à ce que les provinces invoquent la clause dérogatoire de manière préventive.

À son avis, il serait préférable qu’elles attendent qu’une loi soit déclarée anticonstitutionnelle avant de lui ajouter une clause dérogatoire (si elles jugent toujours cette loi nécessaire).

Et du même souffle, il réitère son intention de procéder à un renvoi auprès de la Cour suprême au sujet de l’utilisation de la clause dérogatoire par les provinces.

Or un renvoi est essentiellement préventif; il consiste à demander l’avis de la Cour suprême avant même qu’elle ait à se prononcer dans le cadre d’une cause concrète présentée devant elle.

De plus, pour bien alerter les lecteurs de La Presse au sujet des menaces qui planent sur les droits fondamentaux à travers le monde, il donne l’exemple de l’invalidation récente de l’arrêt Roe c. Wade (au sujet de l’avortement) par la Cour suprême des États-Unis.

Comble de l’incohérence, il professe sa foi dans les tribunaux pour protéger les droits fondamentaux. Malheureusement pour lui, ce que cet exemple démontre, c’est précisément qu’on ne peut pas compter sur eux.

En 1982, le gouvernement canadien et les provinces anglophones du pays adoptaient une nouvelle constitution à l’issue d’une séance ultime de négociation tenue secrète et à laquelle le Québec n’avait pas été invité.

Limiter le recours à la clause dérogatoire par les provinces, c’est limiter la capacité du Québec d’échapper à la camisole de force constitutionnelle que l’ethnie dominante du Canada lui a imposée pour contrer son pouvoir de protéger notre langue et notre culture.

Puisque cette constitution est leur constitution et non la nôtre, on ne voit pas pourquoi nous devrions hésiter à déroger d’un contrat que nous n’avons pas signé.

Références :
Actes de l’Amérique du Nord britannique
Disposition de dérogation – Legault reproche à Trudeau de vouloir « s’attaquer au peuple québécois »
Disposition de dérogation – Trudeau envisage de se tourner vers la Cour suprême
Laïcité : juges contre démocratie
Le compromis oublié
Le défilé des Rhodésiens
Loi 101
Loi constitutionnelle de 1982
Loi 63
Lois d’exception au Québec depuis 1986
Quatre-millions de Québécois victimes de discrimination à l’embauche

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le rapatriement des terroristes canadiens de Syrie

Publié le 23 janvier 2023 | Temps de lecture : 5 minutes
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Introduction

On apprend aujourd’hui qu’à l’instar de plusieurs pays occidentaux, le Canada devrait rapatrier prochainement 23 prisonniers détenus dans les prisons kurdes de Syrie : quatre hommes, six femmes et treize enfants.

Il s’agit de quatre djihadistes canadiens et “d’épouses” (c’est-à-dire d’esclaves sexuelles) de Canadiens morts depuis pour l’État islamique. Ces dernières ne sont pas des citoyennes canadiennes puisque la citoyenneté à notre pays ne se transferre pas par le sperme. Quant aux enfants, dix d’entre eux sont nés en Syrie de mères étrangères et de djihadistes canadiens tués là-bas.

L’avocat canadien de vingt-deux de ces prisonniers, Me Lawrence Greenspon, estime que ce rapatriement était inévitable en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

Celui-ci croit également que les poursuites criminelles qui pourraient être intentées contre eux se dérouleraient dans un contexte plus juste au Canada que si leur procès avait lieu en Syrie.

Selon l’ONG américaine Human Rights Watch, une partie des gens concernés auraient été victimes de traite de personnes et se seraient retrouvés malgré eux dans les rangs de l’État islamique.

Le procès ‘juste’

Afin de déposer des accusations criminelles, les enquêteurs canadiens devront d’abord faire enquête. Ce qui signifie recueillir les témoignages des complices potentiels et des victimes demeurées sur place.

Pour ce faire, ils auront besoin de la collaboration du gouvernement de Syrie. Or non seulement le Canada a rompu ses relations diplomatiques avec ce pays, mais il a cherché à abattre le régime de Bachar al-Assad et procédé à des bombardements ‘humanitaires’ (sic) contre sa population.

En supposant que ce régime collabore à ce sujet, il faudra également qu’il accepte, une fois les accusations portées, d’homologuer les citations à comparaitre émis par les tribunaux canadiens afin que les personnes concernées témoignent par vidéoconférence.

Pour Bachar al-Assad, le meilleur moyen de se venger de l’agression militaire canadienne contre son pays, c’est de se trainer les pieds de manière à ce que tous ces procès s’éternisent et avortent en vertu de l’arrêt Jordan.

Si par bonheur, certains de ces terroristes acceptaient de plaider coupables, leur longue détention dans les prisons syriennes sera soustraite de la sanction imposée par les tribunaux canadiens. Bref, ils seront probablement remis en liberté peu de temps après leur condamnation.

Voilà ce que signifie un procès ‘juste’ dans ce contexte.

La pseudo traite de personnes

Sans exception, tous les Canadiens qui ont accepté de combattre dans les rangs de l’État islamique l’ont fait de leur plein gré.

Ils se sont d’abord renseignés au sujet des moyens pour se rendre en Syrie et ont obtenu les coordonnées des passeurs qui leur ont permis de traverser la frontière turco-syrienne. Ils ont demandé un passeport, acheté leurs billets d’avion, menti aux douaniers quant aux motifs de leur voyage en Turquie, se sont rendus clandestinement aux lieux de passage frontaliers, etc.

Bref, l’idée du jeune adulte qui s’endort le soir au Canada et se réveille le lendemain en Syrie dans les rangs d’une organisation terroriste a peu de chance de devenir un scénario de film tellement tout cela est invraisemblable.

Conclusion

La seule manière d’assurer aux terroristes canadiens un procès juste et équitable, c’est qu’ils soient jugés dans le pays où auraient été commis les méfaits dont on les accuse. En effet, c’est là que se trouvent ceux qui pourraient leur fournir un alibi ou témoigner en leur faveur.

La guerre en Syrie a fait plus de 350 000 morts, dont 175 000 femmes. Les survivants d’actes terroristes dans ce pays ont droit de connaitre la vérité eux aussi.

C’est seulement après leur procès en Syrie qu’il sera opportun de les rapatrier au pays. Quitte à leur permettre, une fois les témoignages entendus et consignés là-bas, de faire appel au Canada de leur condamnation syrienne, le cas échéant.

Au sujet des djihadistes canadiens, plaider leur rapatriement est une manière détournée d’obtenir leur libération à l’issue d’un procès canadien bâclé où on n’aura ni la preuve de leur culpabilité ni la preuve de leur innocence.

Or un seul djihadiste canadien qui rentre au pays pour y commettre un attentat terroriste est un djihadiste de trop.

Parus depuis :
Qui sont les Canadiens détenus dans des camps en Syrie? (2023-01-24)
La Cour d’appel casse la décision exigeant le rapatriement de Canadiens en Syrie (2023-05-31)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le 75e anniversaire du drapeau québécois

Publié le 22 janvier 2023 | Temps de lecture : 1 minute


 
Dans les principales villes du Québec, la Société Saint-Jean-Baptise organisait hier les festivités célébrant le soixante-quinzième anniversaire de l’adoption officielle du drapeau québécois (appelé Fleurdelisé).

Au son d’une troupe de percussionnistes, on déroula sur l’esplanade de la Place des Arts le plus grand drapeau québécois jamais conçu, mesurant 18 x 28 mètres.

Rappelons que le Québec adopta le Fleurdelisé en 1948, soit 17 ans avant l’Unifolié canadien.

Compléments de lecture :
Le jour du drapeau
L’histoire de la Fleur de Lys

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 12-40mm F/2,8 — 1/1000 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 12 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les ‘urineurs’ de Soho

Publié le 17 janvier 2023 | Temps de lecture : 3 minutes

Préambule

À l’Université de Montréal, la tour centrale se dresse au-dessus de la bibliothèque principale et sert à entreposer ses livres. En plus, l’université compte plusieurs bibliothèques satellites disséminées sur son campus.

Autrefois, le vandalisme était répandu dans celles de médecine et de pharmacie; beaucoup de livres devaient y être achetés de nouveau parce que certains étudiants préféraient déchirer des pages plutôt que de transcrire le texte qui les intéressait.

Au comité des bibliothèques où je siégeais à titre de représentant étudiant, on parlait de procéder à une campagne de sensibilisation auprès des étudiants, d’installer des caméras de surveillance, et de hausser le montant des amandes pour vandalisme.

J’avais plutôt proposé qu’on installe deux photocopieuses en libre-service à un prix modique (5 cents la photocopie). À l’époque, toutes les photocopieuses se trouvaient à l’extérieur des bibliothèques, parfois loin d’elles.

Malgré le bruit anticipé de ces machines, c’est cette suggestion qui fut retenue : du jour au lendemain, le vandalisme cessa.

L’odeur d’urine à Soho

Au Moyen-Âge, Londres était une ville surpeuplée et sale. C’était une agglomération à l’urbanisme anarchique où les maisons étaient couvertes de suie puisqu’on s’y chauffait au charbon. Une ville surpeuplée de miséreux le jour, et de rats la nuit.

Devenue depuis la métropole d’un empire, Londres s’est grandement améliorée.

Mais certains problèmes persistent.

Depuis plusieurs années, les habitants et les commerçants de Soho — un quartier à la mode de l’ouest de Londres — s’y plaignent de l’odeur laissée par les visiteurs qui, surtout les fins de semaine, urinent dans les ruelles ou sur les murs des bâtiments.

Récemment, le conseil municipal de Westminster (qui a autorité sur Soho) a décidé de s’attaquer à ce problème. À cette fin, on compte badigeonner le bas des murs du quartier d’une peinture antiurine.

Présentée comme une merveille de haute technologie, cette peinture possède la propriété de laisser sur les surfaces une couche hydrofuge qui fait rebondir tout liquide qui y est projeté. Et du coup, qui éclabousse les ‘urineurs’.


 
Le quartier de Soho possède une superficie de 2,6 km². Si on demande au moteur de recherche de Google de nous indiquer où s’y trouvent des toilettes publiques, on apprend qu’il n’y en a que trois (en rouge), toutes à la périphérie nord du quartier.

Évidemment, aux heures où ils sont ouverts, on peut toujours emprunter la toilette d’un commerce, d’un pub ou d’un restaurant. Mais ceux-ci ont le droit de réserver leurs lieux d’aisance à leur clientèle.

Conclusion

Tout comme les photocopieuses préviennent le vandalisme dans les bibliothèques, les toilettes publiques permettent le soulagement de besoins irrépressibles.

Il est trop tôt pour juger de l’efficacité de la peinture antiurine à Soho. Mais il serait étonnant que dans les années qui viennent, on nous rapporte une ‘épidémie’ de vessies éclatées sous la pression du trop-plein d’urine…

En d’autres mots, il faudra bien que dans ce quartier, on se soulage quelque part… ou qu’on évite de le fréquenter.

Références :
Un quartier de Londres introduit une peinture « anti-urine » qui éclabousse

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Brigadière scolaire happée par une automobiliste

Publié le 12 janvier 2023 | Temps de lecture : 7 minutes

Rappel d’un accident antérieur

Le 19 juillet dernier, alors qu’un feu vert l’y autorisait, une mère qui traversait la rue Fleury a été blessée par une conductrice qui l’a coupée en tournant à gauche sur cette rue. Le véhicule utilitaire qu’elle conduisait a happé mortellement la fillette de deux ans que cette mère poussait.

À la suite de cet évènement, les dirigeants municipaux ont annoncé que d’ici la fin de l’été 2022, plus de 70 dos-d’âne allaient être ajoutés dans l’arrondissement où s’est produit l’accident (Ahunstic-Cartierville). De plus, de nouvelles avancées de trottoirs et traverses piétonnes allaient être aménagées.

Depuis, l’administration Plante nous assure que toutes ces promesses ont été réalisées… ou sont en voie de l’être. Ce qui ne veut strictement rien dire.

Six mois plus tard

Dans l’arrondissement adjacent de Montréal-Nord, on n’a pas senti le besoin d’agir puisque la mort d’aucun enfant n’y a soulevé jusqu’ici l’indignation populaire.

Toutefois, il y a deux jours, à l’intersection de l’avenue Papineau et de la rue Prieur, une brigadière scolaire fut happée par une automobiliste. L’accident est survenu à 230 mètres de l’école primaire La Visitation.

Après avoir aidé des écoliers à traverser la rue Papineau vers l’ouest, la brigadière revenait sur ses pas, vers le coin nord-est de l’intersection. Un feu vert l’y autorisait.

Ce feu vert autorisait également les automobilistes sur la rue Prieur à traverser l’avenue Papineau ou à l’emprunter. À condition, dans ce dernier cas, de laisser la priorité aux piétons.

Afin d’aller prendre le pont Papineau-Leblanc tout près, l’automobiliste (qui circulait vers l’ouest sur Prieur) n’a pas vu la brigadière en tournant à droite sur Papineau. Et ce, malgré le gilet de sécurité jaune fluo qu’elle portait.

La brigadière happée en était à sa première journée de travail à cet endroit.

Interrogée par la journaliste Véronique Dubé de la chaine de télévision Noovo, la brigadière a raconté qu’immédiatement après la collision, la conductrice a immobilisé sa voiture, s’est retournée, a vu la brigadière blessée étendue au sol et s’est écriée : « Qu’est-ce qu’elle fait là ? Ôtez-la de là » pour aussitôt reprendre la route.

En d’autres mots, si la brigadière tient à la vie, qu’elle s’ôte de mon chemin.

Jean Lapointe, qui fut brigadier scolaire au même endroit pendant deux ans, a confié au quotidien La Presse qu’il a failli être renversé par une automobile à deux occasions durant cette période. « C’est très dangereux ici…» a-t-il déclaré. « J’ai demandé plusieurs fois à l’arrondissement de mettre des dos-d’âne sur la rue Prieur, mais ils ne le font pas.»

La solution

Les dos-d’âne sont indiqués pour ralentir une circulation automobile excessive. Il est possible que ce soit le cas sur la rue Prieur, mais du fait que l’incident concerne un virage automobile à droite, la vitesse excessive en n’est probablement pas la cause.

En ce temps-ci de l’année, le soleil est très bas en fin d’après-midi. Du coup, l’éblouissement est probablement responsable de cet accident, survenu vers 16h.

Or les experts sont unanimes; la mesure la plus sécuritaire aux feux de circulation est d’avoir une phase réservée exclusivement aux piétons.

Durant le temps laissé aux piétons pour traverser l’intersection, tous les feux devraient être au rouge. Dans toutes les directions. Et pendant un certain temps, l’intersection devient le royaume des piétons; ceux-ci sont alors libres d’aller dans toutes les directions, y compris en diagonale.

Nous avons tous à l’esprit l’exemple d’une intersection japonaise mondialement connue.

Dès que les feux de circulation changent, le décompte doit s’afficher. Même quand le feu vire au rouge. Les piétons doivent être informés du temps à leur disposition, qu’ils aient à traverser la rue ou à attendre de le faire.

Il serait tentant de créer une expérience-pilote à cet endroit. Ce serait une erreur.

Si un conducteur est aveuglé par le soleil couchant et ne voit pas un adulte portant un gilet fluorescent, il est possible qu’il ne voie pas non plus le feu rouge qui lui est adressé. Il se fie alors à la silhouette des voitures sur la rue transversale (sur Papineau, dans ce cas-ci). Dès qu’il les voit s’immobiliser, il pourrait avoir l’impression que c’est à son tour de passer.

Voilà pourquoi une telle mesure doit être implantée partout où se trouvent des feux de circulation sur l’ile de Montréal, être précédée d’une longue campagne d’information, et être associée à une répression policière immédiate qui accélèrera le changement des mentalités.

La panne d’idées

À la lecture de la section Montréal utilisera plusieurs outils à la fin du texte paru dans La Presse, il est clair que les responsables de la ville n’ont pas la moindre idée de ce qu’ils doivent faire.

Vaguement, on compte utiliser plusieurs outils :
• embaucher plus de brigadiers. Pourtant, il y en avait déjà une sur place. Est-ce que deux à cette intersection aurait fait une différence ?
• repenser l’aménagement des rues. Peut-on être plus vague ?
• ‘sensibiliser’ la population, notamment par des messages répétés de vigilance au volant. Comme si les automobilistes le faisaient par exprès.

Bref, voilà le fruit d’un remue-méninge sans queue ni tête.

Si ces mesures avaient la moindre chance de réduire la mortalité des piétons, pourquoi Mme Plante, mairesse depuis novembre 2017, ne les a pas adoptées plus tôt ?

La raison est que pendant tout son premier mandant, Mme Plante s’est refusée à destituer le responsable incompétent qu’elle avait nommé à la ‘mobilité durable’, Éric-Alan Caldwell (monsieur Trottinettes Lime).

Avec le résultat, que les choses ont été de mal en pis sauf au cours du confinement sanitaire (alors que les rues de Montréal étaient vides). Si bien que l’administration Plante est devenue un désert d’idées.

Depuis ce temps, la saturation automobile dans les rues de Montréal a fait place à une sursaturation qui révèle béante l’inaction de l’administration Plante quant à la sécurité des piétons.

Malheureusement, la crise des piétons à Montréal ne partira pas d’elle-même et ne sera corrigée que par des moyens audacieux. Ce dont l’administration Plante est difficilement capable, tout imbibée qu’elle est de beaux sentiments rassembleurs (l’inclusion, la promotion de l’écriture woke, de même que de la diversité raciale, sexuelle et de genre).

Le critère essentiel pour faire bouger l’administration Plante, ce sont les PPP. Ici, PPP ne signifie pas ‘Partenariat public-privé’, mais plutôt ‘Parents qui protestent avec des pancartes’.

Ça, c’est ce qui fait bouger l’administration Plante; les pancartes. Elles sont le signe que les promesses en l’air ne suffisent plus. Donc, qu’il faut passer à l’action…

Pour aider la ville à se grouiller le derrière, j’invite les piétons exaspérés à suivre les forums Facebook de Piétons Québec et de Piétons engagés.

Références :
Brigadière heurtée par une automobiliste : « On attend quoi, au juste ? »
La crise des piétons tués durera huit ans
Une fillette a été happée mortellement à Montréal-Nord

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la sécurité des piétons, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La corruption au parlement européen

Publié le 9 janvier 2023 | Temps de lecture : 7 minutes

L’exemple québécois

Depuis une loi adoptée par le Parti Québécois en 1984, seuls les adultes canadiens domiciliés au Québec depuis au moins un an peuvent contribuer à la caisse électorale des partis politiques québécois.

En plus du montant — généralement minime, de l’ordre de 5$ par année — exigé pour être membre d’un parti politique, on peut effectuer une contribution annuelle maximale de 100$, sauf l’année d’une élection alors que ce maximum est porté à 200$.

Après un scrutin, l’État verse à chaque parti politique un montant fixe pour chaque vote obtenu.

Suivant l’exemple du Québec, le parlement canadien a adopté une loi semblable en 2003.

Cela élimine presque totalement la corruption. Seules subsistent des ‘faveurs’ qui disposent favorablement le récipiendaire à l’égard du donateur sans obliger formellement le premier à accorder des contrats gouvernementaux à ce dernier.

C’est ainsi qu’en 2017, le premier ministre du Canada a passé gratuitement le temps des Fêtes à bord du yacht luxueux d’un millionnaire qui, parait-il, est son ami d’enfance… mais qu’il ne connaissait pas avant d’accéder au pouvoir.

L’indignation feinte de la cheffe d’opposition à ce sujet a complètement disparu lorsque les journalistes ont révélé qu’elle avait fait pareil.

Au Sénat canadien, accepter des voyages payés par des gouvernements étrangers est parfaitement ‘normal’.

Dernièrement, le ministre de l’Économie du Québec a été invité à chasser gratuitement le faisan sur une ile privée qui appartient à un groupe de millionnaires québécois.

Dans chacun de ces exemples, les ‘faveurs’ représentent des dizaines de milliers de dollars. Pour le simple député, surtout s’il est dans l’opposition, les faveurs se limitent à des broutilles; en effet, pourquoi devrait-on ‘investir’ dans quelqu’un qui ne décide de rien ?

Par contre, dans la plupart des pays démocratiques, le financement politique est de la corruption légalisée. C’est le cas aux États-Unis et au parlement européen, où la corruption est dans un autre ordre de grandeur.

Le Qatargate

Le vendredi 9 décembre, Alexandros Kaïlí était arrêté à Bruxelles dans le cadre d’une enquête pour corruption menée depuis juillet dernier. Au moment de son arrestation, les policiers ont découvert environ 600 000 euros (en argent liquide) dans son appartement.

À partir de cette découverte, les policiers belges ont fait lever l’immunité parlementaire dont jouissait sa fille, Éva Kaïlí — une des quatorze vice-présidents du parlement européen — et ont fouillé le jour même l’appartement de celle-ci où ils ont trouvé une autre tranche de 150 000 euros, toujours en billets de banque.

Ont également été arrêtés :
• l’assistant parlementaire de Mme  Kaïlí, Francesco Giorgi, qui est également son conjoint,
• Niccolò Figà-Talamanca (démarcheur et activiste),
• l’ancien eurodéputé Antonio Panzeri, avec lequel Mme Kaïlí a co-fondé l’ONG Combattons l’impunité (sic), et qui, selon le quotidien Le Soir, serait le chef d’une organisation criminelle chargée d’influencer les décisions du Parlement européen en faveur du Qatar.

Selon Wikipédia, ces trois personnes auraient plaidé coupables à l’accusation de corruption et de blanchiment d’argent.

Le ‘corrupteur’ dans cette affaire serait le Qatar, une des pétromonarchies qui, par la force des décisions du parlement européen, est devenu un des principaux fournisseurs de gaz fossile liquide (GFL) de l’Union européenne.

Après la Norvège, et les États-Unis, le Qatar est maintenant au troisième rang des fournisseurs de GFL avec seize pour cent des approvisionnements.

Le parti Renew Europe (autrefois appelé Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe) est la quatrième formation politique en ordre d’importance; il compte 104 députés sur les 705 du parlement européen

Avant qu’elle n’en soit expulsée, ce parti, par la voix de son président, a présenté sa députée, Mme  Kaïlí, comme une victime.

Pointant un doigt accusateur vers le Qatar, le Français Stéphane Séjourné a déclaré : « Nous ne laisserons pas salir notre travail. Nous ne laisserons pas salir ce Parlement. Nous ne laisserons pas salir l’Europe », sous les applaudissements de ses partisans.

En entendant celui-ci, on peut se demander quel mineur de charbon, couvert de suie au fond de son puits, n’aimerait pas lui aussi être sali par de beaux billets de banque tout neufs…

Signalons que le parti Renew Europe a reçu près d’un demi-million d’euros de multinationales. Son congrès de Madrid, tenu en 2018, a été financé par les succursales européennes de Google, Walt Disney, Microsoft et Bayer (fabricant du glyphosate).

Quand le premier réflexe d’un parti est de blâmer le corrupteur et non la corrompue (qui était libre de refuser l’argent), c’est que ce parti est plus gangréné par la corruption qu’il ne le croit…

Comment le parlement européen est-il tombé si bas ?

Tout comme au Québec, les partis en lice au parlement européen peuvent percevoir des dons des particuliers, en plus de l’argent versé par le parlement européen pour chaque vote obtenu à l’occasion d’une élection.

Mais contrairement aux législations québécoise et française, les partis européens peuvent également accepter des dons provenant de personnes morales (c’est-à-dire d’entreprises, d’associations, de groupes de pression, de syndicats, etc.).

Chaque don est limité à 18 000 euros. Mais chaque filiale d’un conglomérat peut effectuer un don, ce qui permet de contourner cette limite.

De plus, après Washington, le parlement européen est sollicité par la deuxième plus importante horde de démarcheurs au monde, soit environ 37 300 personnes.

Les hauts dirigeants européens doivent, théoriquement, inscrire leurs rencontres dans un registre. Ce à quoi ne sont pas tenus les simples eurodéputés hors de l’enceinte parlementaire.

On estime à trois-milliards d’euros les sommes consacrées à tenter d’influencer les décideurs au sein du parlement européen.

Même si Ursula von der Leyden, présidente de la Commission européenne, a bien tenté d’adopter un profil bas depuis cette affaire afin de ne pas en être éclaboussée, on doit savoir qu’en juillet dernier, l’exécutif européen adoptait une résolution destinée à élargir le financement des partis européens aux ‘donateurs’ (particuliers, entreprises ou gouvernements) hors de l’Union européenne.

À sa face même, cette recommandation de l’exécutif était une invitation à la corruption étrangère du parlement européen.

Même si cette proposition avait été rejetée (ce qui n’est pas le cas), le simple fait qu’on ait pu l’envisager sérieusement en dit long sur l’état de pourrissement de la démocratie en Europe.

Références :
Clara Robert-Motta. Qatargate : “Les Européens sont dans une situation schizophrénique”
Corruption fédérale : les voyages forment la vieillesse
Elections européennes: Argent public, dons d’entreprises… Comment sont financés les partis européens?
Fitzgibbon à la chasse sur l’île de la gang du lac
Le Parlement européen dénonce une « attaque » contre la démocratie
Les eurodéputés veulent étendre le financement des partis politiques au-delà de l’UE
Pendant que Trudeau était critiqué pour ses vacances dans l’île de l’Aga Khan, Rona Ambrose était sur le yacht d’un milliardaire
Petit guide de lobbying dans les arènes de l’Union européenne
« Qatargate » : au Parlement européen, l’urgence de la transparence
« Qatargate » : ce que l’on sait des soupçons de corruption au Parlement européen
Qatargate : « L’amitié professionnelle » embarrassante de Marie Arena avec Pier Antonio Panzeri

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Traverser en dehors des clous : la gestion du risque par le piéton

Publié le 6 janvier 2023 | Temps de lecture : 6 minutes


Préambule

Le Journal de Montréal rapportait hier un délit de fuite survenu après que deux adolescents (respectivement de 15 et de 14 ans) eurent été légèrement blessés le 30 décembre dernier par un chauffard alors qu’ils traversaient l’intersection des rues Pie-IX et Hochelaga sur un feu pour piétons qui les y autorisait.

À cette intersection très fréquentée, les excès de vitesse et les traversées par des automobilistes sur un feu ‘jaune orange foncé’ sont habituels. Et les contraventions, presque jamais données.

À la suite d’un autre accident impliquant un piéton survenue précédemment au même endroit, l’ancien responsable de la mobilité nommé par Mme Plante avait déclaré qu’une collision, c’est toujours entre deux usagers et que la responsabilité est partagée entre les deux.

Devant une telle attitude, personne ne s’étonnera du laisser-faire de l’administration actuelle en matière de sécurité des piétons depuis cinq ans.

La Loi sur la liberté de traversée des piétons

En octobre dernier, l’Assemblée législative de la Californie adoptait le Freedom to Walk Act (ou Loi sur la liberté de traversée des piétons). Cette loi est entrée en vigueur le premier janvier de cette année.

Selon le quotidien La Presse, la Californie vient ainsi d’interdire à ses policiers de donner des constats d’infraction à un piéton qui traverse la rue entre deux intersections — ou aux intersections lorsque le feu piéton l’interdit — à moins que cette traversée l’ait mis en danger immédiat de collision avec un véhicule en mouvement (camion, automobile, vélo ou trottinette).

À la lecture de cette loi, on se rend compte qu’elle va beaucoup plus loin.

Sans légaliser la libre traversée des rues, elle décriminalise toute infraction routière commise par un piéton à moins que ce dernier ait, ce faisant, compromis sa sécurité immédiate.

Le préambule de cette loi stipule :

« This bill would prohibit a peace officer, as defined, from stopping a pedestrian for specified traffic infractions unless a reasonably careful person would realize there is an immediate danger of collision with a moving vehicle or other device moving exclusively by human power.»

De plus, la loi oblige à ce que soient colligées des données au sujet des accidents impliquant des piétons et qu’un rapport à ce sujet soit soumis au parlement californien d’ici cinq ans.

Rappel historique

Jusqu’à la première décennie du XXe siècle, piétons, vélos, calèches et automobiles se partageaient nonchalamment la voie publique. Évidemment, la majorité des piétons déambulaient sur les trottoirs. Mais ceux qui voulaient traverser la rue le faisaient là où ils le voulaient.

Ce ‘chaos harmonieux’ était possible parce que les voitures roulaient lentement.

Avec la montée en puissance des moteurs automobiles, l’expérience de la conduite motorisée ne pouvait être optimale que si on enlevait les piétons du chemin.

Les municipalités adoptèrent donc des règlements destinés à ghettoïser les piétons sur leurs trottoirs. Et ce, pour leur bien; lorsque la vitesse du véhicule à l’impact passe de 30 km/h à 50 km/h ou à 70 km/h, les chances de survie du piéton diminuent de 90 % à 25 % ou à 5 %.

Partout à travers le monde, s’est établi un contrat implicite entre les villes et leurs piétons en vertu duquel les piétons perdaient leur droit de traverser les rues là où ils le voulaient en contrepartie de quoi on leur garantissait une traversée sécuritaire de la voie publique aux intersections.

Ce contrat a été respecté pendant un siècle. De nos jours, cette promesse ne tient plus.

Malgré tout le mal qu’on en dit, les piétons qui traversent les rues entre les intersections ont moins de risque d’être tués par un automobiliste que ceux qui traversent les rues aux intersections.

Il suffit de lire l’actualité pour constater qu’à Montréal, par exemple, l’immense majorité des collisions impliquant des piétons surviennent lorsque ces derniers traversent les rues dans le plus strict respect des règles de circulation.

Deux raisons expliquent cela.

Premièrement, personne n’est assez fou pour se jeter devant une voiture qui lui fonce dessus. Et deuxièmement, pour le piéton qui traverse une rue entre deux intersections, le danger ne peut venir que de gauche ou de droite, c’est-à-dire de deux directions qu’il peut voir facilement.

Par contre, traverser lorsque le feu pour piéton l’autorise soumet le piéton à un danger qui vient de l’avant (très visible), mais aussi de l’arrière (c’est-à-dire hors de son champ de vision). Or, depuis quelque temps, des piétons sont fauchés parce que, disent les conducteurs, ‘Je l’ai pas vu’.

Conclusion

Depuis plusieurs mois, la Santé publique du Québec n’impose plus de mesures sanitaires à l’ensemble de la population pour combattre la pandémie au Covid-19, préférant s’en remettre à la gestion individuelle du risque par chaque citoyen.

De la même manière, obliger les piétons à ne traverser les rues qu’aux intersections est absurde quand cela correspond à un risque plus élevé d’être happé par une voiture. Ce qui est malheureusement le cas.

Tant que traverser une rue ne sera pas redevenue une activité banale et généralement dépourvue de danger, la ville doit imiter la Californie et nous laisser libres de gérer notre propre risque.

Références :
Freedom to Walk Act
Furieux contre le chauffard qui a happé leurs ados
La Californie a décriminalisé le jaywalking
L’excès de voitures dans nos rues
Sécurité des piétons : réduire la vitesse ou implanter le péage ?
Zones scolaires, zones dangereuses

Parus depuis :
Brigadière heurtée par une automobiliste : « On attend quoi, au juste ? » (2023-01-12)
Les automobilistes ne comprennent pas le principe de la rue partagée (2023-03-22)
‘I’m walking here!’: jaywalking legalized in New York City (2024-10-30)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la sécurité des piétons, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel