Priver de bras l’effort de guerre ukrainien

24 juillet 2024

La guerre russo-ukrainienne oppose deux armées alimentées en soldats par la conscription.

Au lieu d’appeler sous les drapeaux tous ceux capables de guerroyer — soit les 18 ans ou plus — l’Ukraine a choisi dès le départ de fixer à 27 ans l’âge minimal pour s’inscrire dans son armée.

Au déclenchement de la guerre, la population ukrainienne comprenait environ 1 750 000 adultes de moins de 27 ans.

Exemptés du service militaire, une bonne partie d’entre eux en ont profité pour grossir les rangs des 6,4 millions d’Ukrainiens qui ont fui à l’Étranger (dont trois-cent-mille au Canada).

En février dernier, le seuil de la conscription a été réduit à 25 ans en raison de la pénurie aigüe de combattants du côté ukrainien. À l’heure actuelle, l’âge moyen des soldats ukrainiens est de 43 ans.

Mais cette mesure arrive trop tard; de nos jours, les bureaux de recrutement de l’armée ukrainienne accueillent plus d’hommes qui se présentent avec une exemption médicale que d’hommes aptes à guerroyer.

En vertu du programme de visa d’urgence pour les Ukrainiens déplacés par la guerre, Ottawa a émis 962 000 de ces visas. Environ 298 000 Ukrainiens ont effectivement fait le voyage jusqu’ici. Le ministère fédéral de l’Immigration ignore ce qui est arrivé aux autres.

Ce programme témoigne de l’influence politique de la vice-première ministre du Canada (de descendance ukrainienne).

En effet, le Canada n’a pas créé un programme semblable au sujet de la guerre en Congo (qui a fait entre 5 et 12 millions de morts), ni au sujet de la guerre dans la Bande de Gaza (qui, proportionnellement, a fait beaucoup plus de victimes). Le quota canadien pour les Gazaouis, c’est mille personnes. Autant dire qu’on ne veut pas d’eux.

Le programme d’urgence dont il est question ici s’adresse aux Canadiens de descendance ukrainienne qui, inquiets du sort de parents ou d’amis demeurés en Ukraine, aimeraient les accueillir au pays.

À leur place, tout le monde ferait pareil.

Toutefois, cette mesure a été adoptée par clientélisme politique, à l’encontre de l’avis des fonctionnaires du ministère fédéral de l’Immigration.

Si les dirigeants des pays qui ont accueilli un grand nombre de réfugiés ukrainiens avaient consulté leurs stratèges militaires, ceux-ci leur auraient probablement dit que les accueillir en si grand nombre nuit aux minces chances de l’Ukraine de l’emporter contre la Russie.

Pour l’Ukraine, il ne suffit pas de recevoir de l’armement occidental; encore faut-il des soldats pour s’en servir. Or l’Ukraine, saignée par l’Occident plus que par la guerre, manque de bras.

Selon le partage traditionnel de l’effort de guerre entre les sexes, les hommes prennent les armes tandis que les grands-parents gardent les enfants, permettant ainsi aux mères de participer à l’effort de guerre en travaillant dans les usines d’armement ou en soignant les blessés.

En somme, une guerre, c’est un effort collectif où chaque citoyen compte, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, d’un jeune ou d’un vieux.

Accueillir des millions de jeunes ukrainiens dans nos pays, c’est participer ainsi à la grande prédation occidentale de ce pays.

Références :
Accueil de réfugiés palestiniens  la limite d’accueil de 1000 critiquée
Des fonctionnaires avaient déconseillé d’offrir des visas d’urgence aux Ukrainiens
Le Congo et le verrou rwandais
Ukraine : l’âge de la conscription abaissé à 25 ans
Ukraine : le bilan de deux ans de guerre en chiffres

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Une Joconde chinoise

23 juillet 2024
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Le cadre enchanteur du Jardin botanique de Montréal se prête bien aux séances de photographie.

Le plus souvent, il s’agit de photos de mariage. Mais il n’est pas rare de rencontrer aussi un photographe à l’œuvre avec un modèle, généralement féminin.

Cet après-midi, au Jardin de Chine, je me suis permis de prendre mes propres photos de ce modèle-ci, parée de ses plus beaux attraits.

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II + objectif M.Zuiko 40-150mm F/2,8 — 1/160 sec. — F/5,6 — ISO 320 — 75 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les Gloires des neiges

20 juillet 2024

Le genre Chionodoxa ne compte que six espèces, collectivement surnommées ‘Gloire des neiges’. Ce surnom leur vient de leur floraison très précoce. En grec, le mot qui de prononce ‘chioni’ veut dire neige et celui qui se dit ‘dvoxa’ signifie gloire

Ces plantes sont originaires des montagnes du sud-est de la Turquie, de même que celles de Crête et de Chypre.


Chionodoxa forbesii

La plus connue est le Chionodoxa forbesii, aux fleurs bleu poudre à cœur blanc. Hautes de 20 cm, ces plantes ont de fines feuilles en lanières au-dessus desquelles se dressent leurs tiges florales portant plusieurs fleurs à six tépales.


Chionodoxa luciliae Alba

Semblable à l’espèce précédente, le Chionodoxa luciliae Alba se distingue par le nombre restreint de fleurs par tige florale (une seule, dans ce cas-ci) et, évidemment, par sa couleur.

Détails techniques des photos : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 40-150 mm F/2,8 (4e photo) + multiplicateur de focale M.Zuiko MC-14 (2e et 3e photos) ou multiplicateur de focale M.Zuiko MC-20 (1re photo)
1re photo : 1/250 sec. — F/6,3 — ISO 200 — 140 mm
2e  photo : 1/640 sec. — F/4,0 — ISO 200 — 125 mm
3e  photo : 1/1000 sec. — F/4,0 — ISO 200 — 125 mm
4e  photo : 1/320 sec. — F/5,6 — ISO 200 — 140 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Infrarouge au parc Angrignon

18 juillet 2024






Détails techniques : Sigma DP1 infrarouge à spectre complet + filtre bleu B+W KB20 + filtre vert jaunâtre B+W 061 + filtre bleu LBC8 de Kenko + filtre anti-infrarouge partiel GRB3/KG3 [1 mm d’épaisseur]
1re photo : 1/60 sec. — F/4,0 — ISO 100 — 16,6 mm
2e  photo : 1/50 sec. — F/4,0 — ISO 100 — 16,6 mm
3e  photo : 1/80 sec. — F/4,0 — ISO 100 — 16,6 mm
4e  photo : 1/60 sec. — F/4,0 — ISO 100 — 16,6 mm
5e  photo : 1/50 sec. — F/4,0 — ISO 100 — 16,6 mm
6e  photo : 1/40 sec. — F/4,0 — ISO 100 — 16,6 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Faire disparaitre la pollution par magie

17 juillet 2024
Lac Louise, en Alberta

La restauration de sites miniers abandonnés

L’article 101 de la loi sur les mines permet la création d’une mine si un plan de réaménagement et de restauration minière a été préalablement approuvé par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune.

L’article 232.4 de cette loi oblige la compagnie minière à fournir une garantie dont le montant correspond aux couts anticipés de ce plan.

Mais restaurer coute cher.

La magie au service de l’environnement

Depuis des mois, les démarcheurs des compagnies minières se relaient aux antichambres ministérielles afin de les convaincre d’une brillante idée.

Au lieu d’enfouir des résidus miniers dans des réservoirs souterrains imperméables, puis de les recouvrir de manière à redonner au site minier un aspect ‘présentable’, ne serait-il pas beaucoup plus économique de jeter tous ces résidus dans nos lacs afin de les faire disparaitre instantanément ? Comme par magie…

L’idée vous fait sourire ? Lisez bien ce qui suit.

Après une bataille juridique de quinze ans contre deux organismes de défense de l’environnement, le gouvernement norvégien a reçu en début d’année la bénédiction des tribunaux du pays pour autoriser Nordic Mining à déverser 170 millions de tonnes de résidus toxiques dans le fjord Førde.

Selon l’Institut norvégien de recherche marine (Havforskninginstituttet), cette décharge sera située à proximité d’un des sites dont la biodiversité marine est parmi les plus riches du pays.

Après la Turquie et la Papouasie—Nouvelle-Guinée, la Norvège devenait ainsi le troisième pays au monde à permettre le déversement maritime des déchets miniers.

Trente-sept lacs à polluer

Il y a deux ans, le gouvernement de la CAQ autorisait Minerai de fer Québec (filiale d’une minière australienne) à jeter ses résidus miniers dans des lacs. Et ce, malgré l’avis contraire du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) et malgré l’opposition des groupes environnementalistes.

Mais il restait à obtenir l’appui d’Ottawa.

C’est fait. Le fédéral vient d’accorder à cette minière la permission de jeter 408 millions de mètres cubes de résidus miniers dans trente-sept lacs du Québec.

Toutefois, cette permission est assortie d’une contrepartie, soit l’obligation de dépolluer, ailleurs, un territoire d’une superficie équivalente à ces 37 lacs, 1,56 km².

On connait la chanson.

Au cours de la campagne électorale fédérale de 2019, Justin Trudeau promettait de faire planter deux-milliards d’arbres en contrepartie de la construction d’un pipeline traversant les montagnes Rocheuses.

Cinq ans plus tard, le pipeline est construit. Mais la contrepartie se fait attendre; en avril dernier, Ottawa annonçait que la plantation (embryonnaire jusqu’ici) des deux-milliards d’arbres commencerait véritablement bientôt.

La nature d’un lac

La mine de fer en question est située à proximité du lac Bloom, à 747 mètres d’altitude.

Les 37 lacs qui serviront de dépôts de résidus miniers ne sont pas des bassins d’eau morte. L’eau s’y renouvèle par le biais de sources qui les alimentent ou qui en font la vidange, et enfin par le biais de canaux aquifères qui relient ces lacs à des nappes phréatiques situées au travers du roc.

Lorsque des résidus miniers s’accumulent hors du sol, l’eau de pluie n’a que quelques secondes pour solubiliser ce qui se trouve à leur surface. Baignant dans un lac, les mêmes résidus offrent à l’eau la possibilité de se minéraliser pendant un temps considérable.

Jeter de grandes quantités de roches dans un lac libère les acides et les solvants utilisés par le processus d’extraction et de raffinage. Inévitablement, ces lacs pollueront les nappes phréatiques auxquelles ils sont reliés, de même que les cours d’eau en surface que ces nappes phréatiques alimentent.

La loi québécoise sur les mines permet l’exploitation minière des cours d’eau à faible débit et des plans d’eau (lacs et étangs). Les minières peuvent y faire ce qu’elles veulent à la condition de restaurer le site à la fin de l’exploitation minière.

La permission accordée à Minerai de fer Québec est une exemption implicite de l’obligation de restaurer.

On voit mal le ministère des Ressources naturelles s’équiper de scaphandres pour vérifier si, à la fermeture du site, cette multinationale a oublié une roche au fond d’un lac.

Les résidus engloutis seront donc là pour de bon.

Conclusion

Selon le ministre fédéral de l’Environnement, la destruction des 37 lacs québécois est nécessaire (sic) puisque les métaux extraits de cette mine seront utiles à la transition énergétique. Bref, leur destruction est un sacrifice sur l’autel de l’environnement.

C’est aussi la chanson utilisée par la CAQ pour faire accepter aux citoyens de Limoilou le sacrifice de respirer cinq fois plus de poussière de nickel, probablement cancérigène. Parce que ce métal est utile à la transition énergétique.

En d’autres mots, pour combattre la pollution de l’air et les bouleversements climatiques qui en découlent, il est nécessaire d’empoisonner l’eau et le sol.

Alors, il reste quoi ?

Références :
Historic lawsuit to save the Førdefjord
La destruction de 37 lacs est nécessaire, selon Steven Guilbeault
La plantation de deux milliards d’arbres commencera ce printemps
Norway to allow mining waste to be dumped in fjords
Seuls 8,5 millions des 2 milliards d’arbres promis par Justin Trudeau ont été plantés

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II + objectif M.Zuiko 7-14mm F/2,8 — 1/4000 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 7 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Guerre au Proche-Orient et racisme woke

11 juillet 2024

On apprenait hier qu’on organise sur les médias sociaux un boycottage des restaurants montréalais qui appartiennent à des Québécois de confession juive ou de descendance juive.

L’idée de boycotter les restaurants ‘juifs’ est née aux États-Unis.

L’appartenance ethnique est la fondation sur laquelle se sont édifiées les sociétés anglo-saxonnes; sous l’appellation de ‘multiculturalisme’ se cache un tribalisme qui sape la cohésion sociale de ces sociétés.

Ce tribalisme est omniprésent. Dans ces pays, même l’antiracisme (dont le wokisme) contribue à perpétuer involontairement l’enracinement profond de l’appartenance ethnique en tant que vecteur identitaire.

Lorsqu’on dit que ces restaurants sont ciblés en raison de leurs liens avec Israël, c’est faux; ils sont visés en raison de l’appartenance ethnique de leurs propriétaires.

Le boycottage des entreprises en Israël (ou celui des produits agricoles importés des colonies juives en Palestine) peut se justifier en raison de la relation entre la puissance économique d’Israël et sa puissance militaire.

Mais les restaurants ‘juifs’ de Montréal et leurs propriétaires ne paient pas d’impôt à l’État d’Israël. On peut présumer qu’il leur arrive de cotiser à des causes israéliennes, mais cela n’est qu’une présomption.

Ce boycottage est contraire à la Charte québécoise des droits et libertés. Son article 10 interdit toute discrimination fondée sur la religion et l’origine ethnique ou nationale.

Or, on a affaire ici à une discrimination ethnique qui se présente hypocritement sous le couvert de l’anticolonialisme et de l’appui à la cause palestinienne.

Que ce boycottage soit dirigé contre des entrepreneurs québécois de descendance juive, arabe, russe, chinoise ou autres, cela constitue une menace à la paix sociale québécoise. Une menace qui doit être condamnée dans les termes les plus sévères.

Références :
Boycottage de restaurants : Parce que « nous sommes juifs »
Europeans are experiencing a ‘wave of antisemitism’, survey finds
La convergence culturelle : communion et symbiose
Le multiculturalisme ou le tribalisme des sociétés anglo-saxonnes
McGill : protestataires vs donateurs

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’Occident ne veut pas payer pour reconstruire l’Ukraine

9 juillet 2024


 
La conférence de Londres

Avant le début de l’invasion russe, l’Ukraine était le deuxième pays le plus pauvre d’Europe (devant la Moldavie). Or depuis, plus de 30 % de l’économie ukrainienne a été détruite.

De nos jours, l’État ukrainien vit sous le respirateur artificiel de l’Occident. Sans les sommes qui lui sont versées, Kyiv serait incapable de payer la solde des soldats, les salaires des professeurs, des médecins, des fonctionnaires, de même que la pension des retraités.

Selon Alain Juillet (de 16:45 à 17:50 dans le vidéo à la fin du texte), l’aide américaine serait exclusivement constituée de prêts accordés à l’Ukraine en contrepartie du contrôle américain sur la reconstruction à venir du pays.

À la conférence de Londres, tenu en juin 2023, une soixantaine de pays se sont entendus sur le financement de la reconstruction de l’Ukraine après la guerre. On estime que cette reconstruction coutera entre 410 et 750 milliards$, soit entre 230 % et 419 % de son PIB.

Si l’Ukraine devait assumer seule une telle reconstruction, elle deviendrait, de très loin, le pays le plus endetté au monde. Et les intérêts qu’elle aurait à payer sur sa dette la condamneraient à la ruine perpétuelle.

C’est Anthony Blinken, secrétaire d’État américain (soit l’équivalent de ministre des Affaires étrangères des États-Unis) qui a le mieux résumé le consensus auquel sont parvenus les pays représentés à la Conférence de Londres :

« Soyons clairs : la Russie est à l’origine de la destruction de l’Ukraine. Et la Russie finira par payer le cout de la reconstruction de l’Ukraine.»

Si on lit entre les lignes, cela veut dire « Ce n’est pas à nous, les États-Unis, de payer pour ça.»

En Afghanistan, les Américains n’ont rien dépensé pour la reconstruction du pays. En Irak, la reconstruction promise s’est limitée à réparer les routes et les ponts menant à la ‘zone verte’ (là où étaient stationnés les soldats américains à Bagdad). En Syrie, le pays est toujours en ruine. Quant à la Libye, après avoir renversé le régime de Kadhafi, on livré le pays au chaos et à l’anarchie.

Les États-Unis ont utilisé l’Ukraine pour affaiblir l’armée russe et tester le matériel de guerre américain dans les conditions réelles d’un conflit armé.

Maintenant que la Finlande a rejoint l’Otan, Washington n’a plus besoin de l’Ukraine pour y déployer ses missiles nucléaires au voisinage de la Russie.

Bref, l’Ukraine n’est plus utile aux États-Unis. Si bien qu’un nombre croissant d’experts trouvent que la poursuite de cette guerre n’en vaut pas la peine et qu’on devrait même fermer définitivement la porte de l’Otan à l’Ukraine pour avoir la paix.

Les États-Unis trouvent d’autant plus légitime de se désintéresser militairement de l’Ukraine que se propage en Europe la Nouvelle théorie des dominos.

En vertu de cette théorie, les soldats ukrainiens ne font pas que défendre leur pays attaqué par la Russie; ils se battent pour protéger le monde libre. Si l’Ukraine capitule, l’Europe tout entière tombera à son tour entre les mains de Vladimir Poutine.

En réalité, la Russie peine à faire la conquête d’un pays de 44 millions d’habitants, soit l’Ukraine avant la guerre. On voit mal comment elle pourrait guerroyer avec succès contre l’Occident qui totalise 880 millions d’habitants, soit vingt fois plus.

À preuve, c’est précisément parce que la Russie en a plein les bras en Ukraine qu’elle n’a rien fait, en septembre 2023, pour empêcher l’Azeibaïdjan d’annexer le Haut-Karabagh aux dépends de l’Arménie (son alliée).

La dette ukrainienne

Les pays créditeurs et le Fond monétaire international se sont entendus pour laisser à l’Ukraine jusqu’en 2027 pour payer ce qu’elle leur doit. Toutefois, il en est autrement des créditeurs privés.

On appelle moratorium tout délai accordé par la loi pour s’acquitter d’une dette. Depuis deux ans, l’Ukraine bénéficie d’un moratorium qui vient à échéance le 1er aout prochain.

Ce pays doit 24 milliards $US à des firmes privés d’investissements. Ce qui représente douze pour cent de son PIB.

Évidemment, en pleine guerre, l’Ukraine est incapable de payer cette somme. Elle leur propose une décote de 60 % — c’est-à-dire de les rembourser à hauteur de 40 cents par dollar de dette — alors que ceux-ci ne veulent pas accepter une décote supérieure à 22 cents (c’est-à-dire descendre en dessous de 78 cents par dollar de dette).

À défaut d’une entente, l’Ukraine se retrouverait en défaut de paiement. Ce qui ouvre la porte à des poursuites devant les tribunaux.

Ce qu’on craint, c’est que ces fonds d’investissement vendent leurs bons du Trésor ukrainien à des fonds spéculatifs (hedge funds) qui, tels des chiens pitbulls, s’acharneraient sur ce pays jusqu’au paiement de la totalité de ce qu’elle leur doit.

Le mirage de la confiscation

Depuis des mois, certains pays occidentaux font miroiter la possibilité de confisquer les biens russes détenus en Occident pour aider l’Ukraine à payer ses dettes. Cette idée s’apparente à un bluff.

Déposséder les oligarques russes

Dans les pays occidentaux, le droit de propriété est sacré.

Si quelqu’un a commis un crime, les tribunaux peuvent le condamner à une amende, voire à être dépouillé de ses biens (en partie ou en totalité). Mais être ami avec quelqu’un qu’on déteste ne constitue pas un crime punissable de quoi que ce soit.

Henry Ford était un admirateur d’Hitler. Au moment de son embauche, chaque employé dans les usines Ford en Allemagne recevait une copie de Mein Kampf, écrit par Hitler. De plus à chaque anniversaire du führer, Ford lui versait un cadeau personnel de 50 000$ (ce qui équivaut aujourd’hui à un million de dollars).

À la fin de la guerre, le carrossier General Motor a eu l’audace de poursuivre le gouvernement américain pour les dommages subis à ses installations allemandes, celles qui participaient à l’effort de guerre de l’Allemagne nazie.

En 1967, GM a reçu 33 millions$ de dédommagement de la part du gouvernement américain.

Ce qui prouve bien que le caractère sacré du droit de propriété dans les pays capitalistes.

Conscient de cela, le Canada s’est vanté d’avoir saisi les biens d’oligarques russes, mais est incapable d’en fournir un seul exemple. Probablement parce qu’il sait qu’il n’a aucune base juridique pour ce faire.

S’emparer des réserves monétaires de la Banque de Russie

Reste à savoir si les pays occidentaux peuvent saisir les devises que la Banque centrale de Russie possède à l’Étranger.

En temps de guerre, les pays peuvent geler les avoirs d’un pays ennemi : certains pays peuvent même les confisquer.

La différence entre les deux, c’est que le détenteur d’un bien ne peut en jouir tant que ce bien est gelé. Mais en demeure propriétaire. Dans le deuxième cas, il en perd la propriété.

Ceci est vrai en temps de guerre. Mais officiellement, les pays occidentaux ne sont pas en guerre contre la Russie. Ils nient même être co-belligérants.

Pour les créanciers étatiques de l’Ukraine, le plus grand risque n’est pas la capitulation de l’Ukraine puisqu’en soi, cela ne change rien à ses obligations.

Le risque viendrait d’un changement de statut juridique du pays.

Après la Deuxième Guerre mondiale, la Finlande et l’URSS ont conclu un traité d’amitié en vertu duquel la Finlande s’engageait respecter une stricte neutralité militaire. Ce qui a permis à ces deux voisins de vivre en paix depuis.

Mais après l’effondrement de l’URSS en 1991, la Finlande a estimé ne plus être liée par ce traité puisqu’il a été conclu avec l’URSS (qui n’existe plus) et non avec la Fédération de Russie (qui lui a succédé).

Le corolaire de cette logique (un peu mince, à mon avis) entraine que si l’Ukraine, amputée du cinquième de son territoire, devenait une république membre de la Fédération de Russie, elle échapperait à ses créanciers occidentaux puisqu’ils ont fait affaire avec un pays qui n’existerait plus.

Le meilleur moyen d’éviter ce risque, aussi léger soit-il, est que les États-Unis aient le contrôle des négociations de paix entre l’Ukraine et la Russie. De manière à s’assurer que l’effort de reconstruction repose entre leurs mains.

Pour ce faire, ils devront faire échouer toute tentative de paix qui ne viendrait pas d’eux.

Le résumé de géopolitique concernant l’Ukraine

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Pour terminer, je vous invite à écouter une conférence qu’Alain Juillet prononçait le 17 juin dernier et qui résume assez bien les enjeux géopolitiques qui concernent l’Ukraine.

Références :
Conférence de haut niveau sur la paix en Ukraine
Conflit au Haut-Karabakh : comment l’Azerbaïdjan a fait plier l’Arménie
Divergences occidentales sur une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN
Ford Motor Company Sued the US Government for Bombing Its Factories in Nazi Germany
General Motors : mark of excellence
Henry Ford
La délicate restructuration de la dette ukrainienne
La nouvelle Théorie des dominos
La saisie fictive des avoirs d’oligarques russes au Canada
Les alliés veulent faire payer la Russie pour la reconstruction
L’Ukraine, sous la menace du défaut de paiement, bataille avec ses créanciers privés
Reconstruire l’Ukraine coûtera au moins 750 milliards de dollars, dit Kiev
The Nato alliance should not invite Ukraine to become a member – Open letter
Ukraine eyes debt deal before deadline, seeks to add GDP warrants, sources say
Ukraine : un détournement de 40 millions de dollars destinés à l’achat d’armes révélé
UK urged to protect Ukraine from legal action over private debt default

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Deux nouvelles sous le thème de la diversité sociale

6 juillet 2024

Une bonne nouvelle de Grande-Bretagne

Ce matin, le nouveau premier ministre britannique annonçait la composition de son Conseil des ministres.

Comme c’est souvent le cas en Angleterre, Keir Starmer a adressé son premier discours à la nation dans la rue, devant sa résidence officielle du 10 de la rue Downing.

Sa formation politique, le Parti travailliste, étant de la gauche traditionnelle, l’accent a été mis sur la diversité sociale. En effet, son cabinet fait une large place à des personnes issues de familles modestes formées à l’école publique.

En faisant cette annonce, le premier ministre a déclaré :

« Pendant trop longtemps, nous avons ignoré les personnes qui se comportaient en bons citoyens, qui travaillaient dur tous les jours. Je veux dire très clairement à ces personnes [qu’avec moi] elles ne seront plus ignorées. Notre mission de renouveau est urgente et nous commençons aujourd’hui.»

En Amérique du Nord, les règles qui régissent les mises en candidature politique sont des barrières économiques qui empêchent les classes laborieuses d’accéder au pouvoir.

C’est ainsi que le Congrès américain est exclusivement composé de millionnaires, généralement masculins à la peau pâle.

Ici même à Montréal, vous ne trouverez pas de travailleurs manuels ou d’assistés sociaux au sein de l’administration de Valérie Plante; ce sont tous de jeunes parvenus, qui aiment commander des huitres à Paris ou boire des vins dispendieux à Vienne, et qui ont été choisis pour composer un portrait de famille représentant toutes les nuances de la pigmentation humaine.

Lorsque l’avocate Cathy Wong — à l’époque, deuxième personne en ordre d’importance au sein de l’administration Plante — demande à un conseiller municipal de confession juive de ne pas se représenter aux élections afin de faire place à la ‘diversité’, elle veut dire qu’il nuit à ce portrait de famille. Parce que les Juifs, apparemment, ne font pas partie de la ‘diversité’.

L’an dernier, la ville de Montréal a démantelé 240 campements d’itinérants pour les forcer à aller dans des refuges qui, en réalité, n’acceptent plus personne parce que débordés par la crise du logement.

Le résultat, c’est que, expulsés des terrains vacants sous les ponts, ils se dispersent plutôt dans les quartiers centraux de la ville où ils agressent les passants et traumatisent les enfants des garderies ou des écoles à proximité.

De la même manière, l’administration Plante s’est acharnée contre Guylain Levasseur, ce bon samaritain qui alimente gratuitement les itinérants dans les campements ‘illégaux’ et conséquemment, fait concurrence aux travailleurs sociaux patentés de la ville.

Une mauvaise nouvelle des États-Unis

Mais par-dessus tout, la nouvelle du jour qui m’a fait le plus sursauter est ce clip vidéo, publié sur TikTok, dans lequel John McEntee — responsable du personnel de la Maison-Blanche sous Donald Trump — s’est vanté de faire l’aumône aux itinérants qu’il rencontre en leur donnant des billets contrefaits de 5$ afin qu’ils se fassent arrêter par la police en voulant s’en servir. Ce qui lui permet de faire œuvre utile en débarrassant les rues de ces gens-là.

Rappelons que George Floyd a été assassiné lors d’une arrestation policière après avoir effectué un achat payé avec un billet de banque contrefait. Or, on n’a jamais su si Floyd savait que son billet était un faux.

Je soupçonne que John McEntee a simplement voulu faire parler de lui comme aime le faire son ancien patron à la Maison-Blanche. Mais le simple fait que, de nos jours, on puisse sentir le besoin de publier des messages aussi outrageants, cela est le signe d’une société profondément malade.

Références :
Au Royaume-Uni, le nouveau premier ministre travailliste Keir Starmer forme un gouvernement marqué par la diversité sociale
En marge du meurtre de George Floyd
Guylain Levasseur vs l’hypocrisie bourgeoise de l’administration Plante
Le manque de jugement de l’avocate Wong
Les itinérants-campeurs et la gestion du risque
Montée du nombre de cas de COVID-19 dans les refuges pour itinérants à Montréal
Plus de 240 campements d’itinérants démantelés depuis le début de l’année à Montréal

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’ubérisation du taxi québécois : le premier grand gaspillage de la CAQ

3 juillet 2024
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Le contexte

À son arrivée au pouvoir en 2018, la CAQ héritait des surplus budgétaires dégagés par l’austérité budgétaire du gouvernement libéral de Philippe Couillard.

Plutôt que d’investir massivement dans les différentes missions de l’État négligées par quinze ans d’incurie libérale, la CAQ a préféré gaspiller ces surplus en accordant des réductions d’impôt et en ubérisant l’industrie du taxi québécois.

À l’époque, le grand gourou informatique de la CAQ était le ministre Éric Caire. Or celui-ci était formel; il fallait, à n’importe quel prix ubériser le taxi québécois afin de moderniser cette industrie. Comme si c’était la priorité économique de son gouvernement.

Grâce à l’application téléphonique d’Uber, les utilisateurs du taxi québécois pourront, disait-il, bénéficier de la facturation dynamique — c’est-à-dire d’un tarif fluctuant selon l’offre et de la demande — tandis que, d’autre part, n’importe quel automobiliste pourra se transformer en opérateur de taxi.

Pour un parti de droite comme la CAQ, Uber était le symbole de l’économie de demain, caractérisée par le ‘capitalisme participatif’.

Pour les utopistes libertariens, une démocratie parfaite serait celle où tous les citoyens, même les plus pauvres, seraient des capitalismes par gout ou par nécessité.

Toutefois, l’ubérisation de l’industrie du taxi nécessitait le rachat de tous les permis de taxi en circulation (sic).

Lorsque la CAQ l’a promise, il s’agissait d’une promesse mineure de son programme électoral. Essentiellement, à l’élection générale de 2018, l’immense majorité de ceux qui ont voté pour la CAQ, l’ont fait pour se débarrasser des Libéraux.

Si on leur avait demandé de nommer les principales promesses de la CAQ, presque personne n’aurait mentionné l’ubérisaton du taxi. Cette promesse était tellement mineure que la CAQ elle-même en ignorait le cout exact.

Mais bientôt, il s’est avéré que la somme à débourser était colossale. N’importe quel gouvernement responsable aurait renoncé à une promesse qui s’avèrerait excessivement couteuse.

Le dogmatisme idéologique du gouvernement

Lorsqu’une entreprise privée a besoin d’un bien pour opérer (un terrain, une bâtisse, de la machinerie, etc.), c’est à elle de l’acquérir à ses frais.

Si le modèle d’affaire d’Uber nécessite le rachat de tous les permis de taxi au Québec, c’est à Uber d’en assumer le cout.

Afin de plaire à cette multinationale, la CAQ a préféré gaspiller notre argent en rachetant les milliers de permis détenus par des Québécois. Des Québécois qui paient honnêtement l’impôt sur leurs revenus. Alors qu’Uber pratique l’optimisation fiscale en délocalisant ses profits dans des paradis fiscaux.

Si bien que la CAQ a dépensé une fortune pour diminuer ses revenus fiscaux.

À sa face même, c’était une idée stupide.

Le cout final

Le 21 juin dernier, la Cour supérieure condamnait le gouvernement de la CAQ à payer 143,9 millions de dollars supplémentaires en raison des sommes insuffisantes que la CAQ a versées jusqu’ici pour le rachat des permis de taxi.

Avec les intérêts, cela fait 220 millions de dollars. Cela s’ajoute à la somme versée en 2018 aux propriétaires de permis de taxi, soit 873 millions de dollars.

Au total, l’ubérisation de l’industrie du taxi a couté plus d’un milliard de dollars aux contribuables québécois.

Références :
Baisse d’impôts de la CAQ: voici combien vous pourriez économiser
Libertarianisme
L’ubérisation du taxi québécois
Perte de valeur des permis de taxis : Québec devra verser plus de 143 millions $

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II + objectif M.Zuiko 25mm F/1,2 — 1/320 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 25 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La Géorgie (2e partie) : le sommet de Bucarest et la guerre

17 juin 2024


Avant-propos : Pour consulter la première partie de cette série, on cliquera sur ceci.

Cliquez sur la carte pour l’agrandir

Mikheil Saakachvili, président de 2004 à 2013

Après la révolution des Roses (survenue en novembre 2003), l’avocat Mikheil Saakachvili fut élu à la présidence de la Géorgie le 4 janvier 2004. Son arrivée au pouvoir suscita de grands espoirs.

Qui était-il ?

Après l’effondrement de l’URSS en 1991, le personnel diplomatique américain stationné dans les anciennes républiques soviétiques avait pour mission de déceler les jeunes talents qui avaient les caractéristiques de futurs leadeurs pour leur pays.

On leur offrait alors des bourses d’études dans les meilleures universités américaines afin de les former.

Ces bourses n’avaient aucune contrepartie. Elles faisaient partie du soft power américain dans ce qu’il avait de mieux. Mikheil Saakachvili fut l’un de ces jeunes bénéficiaires.

Après des études en russe à l’Institut des relations internationales de Kyiv (où il se fit remarquer), il partit donc aux États-Unis où il obtient une maitrise en droit de l’université de Columbia (en 1994) et un doctorat en droit de l’université George-Washington (en 1995).

En plus du géorgien (sa langue maternelle), du russe, de l’ukrainien, de l’anglais, et du français, Mikheil Saakachvili parle l’abkhaze et l’ossète (deux langues minoritaires de Géorgie).

Lorsqu’il fut ministre de la Justice (sous son prédécesseur, Edouard Chevardnadze), il s’était mis à dos de nombreuses personnes en voulant combattre la corruption au sein de la police, de la magistrature et du système carcéral de Géorgie. Ses ennemis le poussèrent à la démission en 2001. Ce qui accrut sa réputation d’incorruptible.

Dès son accession au pouvoir en 2004, il fit adopter un nouveau drapeau national et un nouvel hymne géorgien (à partir de deux airs d’opéra composés en 1918 et en 1923, et de paroles réécrites en 2004 par son ex-collège ministre de la Culture sous Chevardnadze).

L’affaire du drapeau

La première crise qu’il eut à surmonter fut la ‘rébellion’ des dirigeants de la province d’Adjarie.

Celle-ci est une province semi-autonome située dans le sud-ouest de la Géorgie (voir la carte au début du texte).

Les raisons de cette crise sont obscures. Toutefois, on peut avancer l’hypothèse suivante.

En grec, le mot agriculture se prononce ‘guéhorguïa’. C’est de lui que vient la dénomination grecque (et française) du pays.

Christianisé dès le IVe siècle, le royaume d’Ibérie (qui couvrait une bonne partie de la Géorgie actuelle) avait choisi saint Georges comme patron national et adopté comme drapeau une croix de saint Georges rouge sur fond blanc (donc sans les quatre petites croix grecques dans les quartiers délimités par la croix principale).

À la suite de plusieurs conquêtes, le royaume de Géorgie fut fondé en 1010. Dans des documents maritimes du XIIIe ou XIVe siècle conservés à Paris, ce royaume était représenté par un drapeau identique à celui adopté en 2004 par le gouvernement de Mikheil Saakachvili.

Or la province d’Adjarie doit son autonomie gouvernementale non pas à des particularités ethniques — puisqu’elle est peuplée à 93,3 % de personnes de langue maternelle géorgienne — mais à des caractéristiques religieuses car on y trouve majoritairement des Musulmans sunnites (tout comme en Turquie voisine).

Dans cette partie du monde où la religion occupe un rôle central et dans un pays divisé depuis l’indépendance par de violents conflits linguistiques, les imams d’Adjarie et leurs fidèles avaient toutes les raisons de craindre que l’adoption d’un symbole national presque identique à la croix de Jérusalem puisse être le signe précurseur d’une guerre sainte contre les Musulmans du pays.

Cette inquiétude populaire fut récupérée à des fins politiques par les dirigeants pro-russes de la province, en lutte contre le pouvoir central pro-occidental de Géorgie.

Indépendamment de ce qui précède (et qui est hypothétique), ce qui est certain, c’est qu’au printemps de 2004, les relations sont tellement tendues entre les deux qu’une guerre civile semble poindre à l’horizon.

Accusé par Mikheil Saakachvili d’être un criminel et un trafiquant de drogue, le président d’Adjarie fait sauter le principal pont qui relie sa province au reste de la Géorgie.

En mai 2004, dans la capitale d’Adjarie, des manifestations monstres — organisées par des ONG financées par George Soros — poussent son président à la démission et mettent fin au conflit avec le gouvernement central.

Un néolibéralisme draconien

De 2004 à 2012, le gouvernement de Saakachvili abolit les postes de 30 000 agents de la circulation et de 60 000 fonctionnaires.

L’impôt sur les sociétés passe de 20 % à 15 % tandis que l’impôt progressif (c’est-à-dire croissant) sur le revenu des particuliers est remplacé par un impôt fixe de 20 %.

Le salaire minimum et les lois protégeant les travailleurs contre les licenciements sont abolis. Tout comme les règlementations en matière de santé et sécurité au travail.

En conséquence, le pays se retrouve au quatrième rang des pays les moins taxés au monde.

Les investissements étrangers passent de 450 millions$ en 2005 à 2 015 millions$ en 2007 (avant la Grande Récession) tandis que le taux de croissance du PIB passe de 5,8 % entre 1994 et 2004 à 9 % entre 2004 et 2008.

Mais cette richesse ne profite pas à la population, dont la moitié travaille sur de petites exploitations agricoles. Elle s’est concentrée dans des secteurs de l’économie peu demandeurs de main d’œuvre comme la finance, les télécommunications et l’hôtellerie.

Si bien que les salaires ont stagné (à environ 150$ par mois, en moyenne).

De plus, privé de revenus, l’État géorgien a connu de la difficulté à payer le salaire de ses fonctionnaires, de même que la pension de vieillesse de ses retraités (pourtant de seulement 7$ par mois).

La Grande Récession de 2007-2008 et la guerre éclair du pays avec la Russie ont eu raison de l’enthousiasme des investisseurs étrangers pour la Géorgie.

Contrairement à pérestroïka de Gorbatchev en Russie de 1985 à 1991, l’austérité draconienne de Mikheil Saakachvili n’a pas appauvri le pays, mais n’a donné que très peu de résultats tangibles pour la population géorgienne.

La rupture

L’imposition du géorgien comme seule langue de l’administration publique avait poussé la province d’Ossétie du Sud à déclarer son indépendance en 1992.

En représailles contre la reconnaissance de cette indépendance par la Russie, la Géorgie ordonna la fermeture des bases russes sur son territoire. Ce qui se concrétisa en juillet et aout 2005.

Alors que la Géorgie est confrontée à une vague de froid sans précédent, une explosion criminelle, le 22 janvier 2006, la prive de son approvisionnement en gaz fossile russe. Dès le rétablissement de l’approvisionnement, la société russe Gazprom annonce une augmentation importante de ses tarifs.

À l’été de 2006, Moscou interdit l’importation des vins et eaux minérales géorgiennes alors que 86 % y étaient exportés.

Mais la goutte qui fait déborder le vase est la demande officielle d’adhésion de la Géorgie à l’Otan, présentée au sommet de l’Alliance atlantique à Bucarest du 2 au 4 avril 2008.

On doit savoir qu’au cours des négociations en vue de la réunification de l’Allemagne en 1989, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France avaient garanti verbalement à Moscou que l’Otan n’en profiterait pas pour s’étendre vers l’Est.

On le sait parce qu’au fil des années, les négociateurs occidentaux l’ont reconnu dans leurs mémoires ou dans des entrevues.

Strictement parlant, il ne s’agissait pas d’une promesse de l’Alliance atlantique elle-même, mais de trois pays qui ont droit de véto sur l’adhésion de tout nouveau pays membre à cet organisme.

Vladimir Poutine prend le pouvoir en Russie le 9 aout 1999. Dix-sept jours plus tard éclate la Deuxième guerre de Tchétchénie au cours de laquelle son pays lutte contre des salafistes sunnites.

Deux ans plus tard, le 11 septembre 2001, quand les États-Unis sont eux aussi confrontés au terrorisme islamique, Poutine y voit une occasion pour la Russie de se joindre à l’Otan afin de combattre une menace commune.

L’Otan proposera donc à la Russie et aux anciennes républiques soviétiques différents partenariats qui leur font croire à une adhésion éventuelle.

Ce qui sera le cas pour une bonne partie de ces pays alors que l’Otan s’agrandit vers l’Est en deux vagues successives (en 1999 et en 2004).

Mais en 2008, au Sommet de l’Otan de Bucarest, quand l’Alliance accepte de recevoir la demande d’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine, Vladimir Poutine réalise soudainement que les États-Unis se sont moqués de lui et que toutes les belles promesses qu’on lui a faites n’avaient que pour but de l’endormir pendant que l’Otan encerclait son pays d’ennemis militaires.

Ce sommet de l’Otan représente un cataclysme géopolitique. Il est à l’origine de la guerre russo-géorgienne (dont nous allons parler dans un instant), de la guerre russo-ukrainienne, du déclin économique actuel de l’Europe, de l’annexion définitive du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan, et des débuts de la dédollarisation de l’économie mondiale, Tout cela favorisant l’émergence de la Chine en tant que première puissance mondiale.

On ne peut que mépriser ces néoconservateurs américains (aveuglés par leur anticommunisme primaire) qui ont refusé de saisir la main que leur tendait Poutine il y a deux décennies.

La guerre russo-géorgienne

À partir de 2004, l’austérité draconienne imposée par Mikheil Saakachvili avait permis au pays d’augmenter substantiellement ses dépenses militaires puisque cette austérité ne s’appliquait pas au ministère de la Défense. En 2007, le quart de tous les revenus de l’État géorgien servait à acheter de l’armement américain, israélien, tchèque, ukrainien et turc.

À cela s’ajoutaient les 74 millions$ d’armes que le Pentagone lui avait fournies, notamment pour combattre des terroristes tchétchènes (affiliés, dit-on, à Al-Qaïda) qui s’entrainaient dans la vallée géorgienne de Pankissi.

Quatre mois après le Sommet de Bucarest, des escarmouches éclatent entre la Géorgie et ses provinces sécessionnistes.

Surestimant sa puissance, Mikheil Saakachvili lance l’armée géorgienne à la conquête de la province sécessionniste d’Ossétie du Sud.

Toutefois, depuis 1992, celle-ci était de facto un protectorat russe. Conséquemment, dès l’entrée des forces géorgiennes en Ossétie du Sud, la Russie réplique. En neuf jours, l’initiative géorgienne tourne à la catastrophe.

La Géorgie perd 150 chars d’assaut — dont une centaine capturés intacts par la Russie — une soixantaine de véhicules militaires, cinq avions et quatre hélicoptères. Et dans la mesure où cette guerre éclair se déroule également sur les côtes de la province géorgienne d’Abkhazie, la Géorgie y perd onze navires en mer Noire.

De son côté, les pertes subies par la Russie (limitées essentiellement à six bombardiers) n’ont pas affecté substantiellement son arsenal militaire.

Pour la Géorgie, l’année 2008 se résume donc à quatre évènements majeurs :
• la réélection de Mikheil Saakachvili à la présidence le 5 janvier,
• la présentation de la demande d’adhésion à l’Otan de la Géorgie au sommet de Bucarest, tenu du 2 au 4 avril, et
• la guerre russo-géorgienne du 7 au 16 aout,
• la crise financière mondiale qui atteint la Géorgie en fin d’année.

Après la Grande Récession de 2008, le second mandat présidentiel de Mikheil Saakachvili coïncida avec une importante perte de sa popularité.

En octobre 2012, son parti politique perd les élections législatives. Au cours des mois qui suivent, la cohabitation entre le président Saakachvili et le nouveau premier ministre pro-russe s’avère difficile; plusieurs personnalités du clan Saakachvili sont victimes d’une chasse aux sorcières et poursuivies par la justice.

En novembre 2013, dans un geste politique à la française, Saakachvili quitte la présidence avant d’avoir terminé son deuxième mandat… pour se réfugier aussitôt aux États-Unis.

Références :
Adjarie
Aslan Abachidze
Bataille des côtes d’Abkhazie
Bataille de Tskhinvali
Bidzina Ivanichvili
Court Finds ex-Defense Minister Guilty of ‘Organizing’ Torture, Sexual Abuse
Crise de la vallée de Pankissi
Crise des missiles de Cuba
Croix de Jérusalem
2002 en Géorgie
Économie de la Géorgie
Élections législatives géorgiennes de 2012
Géorgie (pays)
Géorgie : la cohabitation s’annonce difficile
Guerre russo-géorgienne
L’économie géorgienne : menaces au présent, poids du passé, incertitudes pour l’avenir
Le drapeau national de la Géorgie est le deuxième plus ancien au monde
L’expansionnisme toxique de l’Otan
Révolution des Roses
Saakachvili poussé à la démission
Tavisupleba

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