Deux nouvelles sous le thème de la diversité sociale

6 juillet 2024

Une bonne nouvelle de Grande-Bretagne

Ce matin, le nouveau premier ministre britannique annonçait la composition de son Conseil des ministres.

Comme c’est souvent le cas en Angleterre, Keir Starmer a adressé son premier discours à la nation dans la rue, devant sa résidence officielle du 10 de la rue Downing.

Sa formation politique, le Parti travailliste, étant de la gauche traditionnelle, l’accent a été mis sur la diversité sociale. En effet, son cabinet fait une large place à des personnes issues de familles modestes formées à l’école publique.

En faisant cette annonce, le premier ministre a déclaré :

« Pendant trop longtemps, nous avons ignoré les personnes qui se comportaient en bons citoyens, qui travaillaient dur tous les jours. Je veux dire très clairement à ces personnes [qu’avec moi] elles ne seront plus ignorées. Notre mission de renouveau est urgente et nous commençons aujourd’hui.»

En Amérique du Nord, les règles qui régissent les mises en candidature politique sont des barrières économiques qui empêchent les classes laborieuses d’accéder au pouvoir.

C’est ainsi que le Congrès américain est exclusivement composé de millionnaires, généralement masculins à la peau pâle.

Ici même à Montréal, vous ne trouverez pas de travailleurs manuels ou d’assistés sociaux au sein de l’administration de Valérie Plante; ce sont tous de jeunes parvenus, qui aiment commander des huitres à Paris ou boire des vins dispendieux à Vienne, et qui ont été choisis pour composer un portrait de famille représentant toutes les nuances de la pigmentation humaine.

Lorsque l’avocate Cathy Wong — à l’époque, deuxième personne en ordre d’importance au sein de l’administration Plante — demande à un conseiller municipal de confession juive de ne pas se représenter aux élections afin de faire place à la ‘diversité’, elle veut dire qu’il nuit à ce portrait de famille. Parce que les Juifs, apparemment, ne font pas partie de la ‘diversité’.

L’an dernier, la ville de Montréal a démantelé 240 campements d’itinérants pour les forcer à aller dans des refuges qui, en réalité, n’acceptent plus personne parce que débordés par la crise du logement.

Le résultat, c’est que, expulsés des terrains vacants sous les ponts, ils se dispersent plutôt dans les quartiers centraux de la ville où ils agressent les passants et traumatisent les enfants des garderies ou des écoles à proximité.

De la même manière, l’administration Plante s’est acharnée contre Guylain Levasseur, ce bon samaritain qui alimente gratuitement les itinérants dans les campements ‘illégaux’ et conséquemment, fait concurrence aux travailleurs sociaux patentés de la ville.

Une mauvaise nouvelle des États-Unis

Mais par-dessus tout, la nouvelle du jour qui m’a fait le plus sursauter est ce clip vidéo, publié sur TikTok, dans lequel John McEntee — responsable du personnel de la Maison-Blanche sous Donald Trump — s’est vanté de faire l’aumône aux itinérants qu’il rencontre en leur donnant des billets contrefaits de 5$ afin qu’ils se fassent arrêter par la police en voulant s’en servir. Ce qui lui permet de faire œuvre utile en débarrassant les rues de ces gens-là.

Rappelons que George Floyd a été assassiné lors d’une arrestation policière après avoir effectué un achat payé avec un billet de banque contrefait. Or, on n’a jamais su si Floyd savait que son billet était un faux.

Je soupçonne que John McEntee a simplement voulu faire parler de lui comme aime le faire son ancien patron à la Maison-Blanche. Mais le simple fait que, de nos jours, on puisse sentir le besoin de publier des messages aussi outrageants, cela est le signe d’une société profondément malade.

Références :
Au Royaume-Uni, le nouveau premier ministre travailliste Keir Starmer forme un gouvernement marqué par la diversité sociale
En marge du meurtre de George Floyd
Guylain Levasseur vs l’hypocrisie bourgeoise de l’administration Plante
Le manque de jugement de l’avocate Wong
Les itinérants-campeurs et la gestion du risque
Montée du nombre de cas de COVID-19 dans les refuges pour itinérants à Montréal
Plus de 240 campements d’itinérants démantelés depuis le début de l’année à Montréal

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La nouvelle Théorie des dominos

28 mars 2024

Introduction

En 1954, à l’occasion d’une conférence de presse, le président américain Eisenhower justifiait la nécessité pour les États-Unis de guerroyer au Vietnam par la crainte d’un effet domino, c’est-à-dire d’une contagion du communisme dans tout le Sud-Est asiatique si le Vietnam en venait à tomber entre les mains du Vietcong.

Effectivement, en 1975, l’année de la défaite américaine au Vietnam, les Khmers rouges (communistes) prirent le pouvoir dans le pays voisin, le Cambodge. Ce qui tendait à prouver la validité de cette théorie.

Toutefois, cette contagion n’alla pas au-delà.

À plusieurs reprises, cette théorie fut invoquée par différentes administrations américaines pour justifier leurs interventions dans le monde.

Depuis l’effondrement du Rideau de fer en 1989, c’est, au contraire, le capitalisme qui s’est répandu. Au point que, de nos jours, les seuls pays communistes sont la Chine, la Corée du Nord, Cuba, le Vietnam et la Russie, de même que quelques anciennes républiques soviétiques du Caucase et d’Asie centrale.

Implicitement, la Théorie des dominos refait surface ces temps-ci alors qu’on affirme que la sécurité européenne serait compromise si la Russie devait gagner la guerre en Ukraine.

Les cassandres de la Troisième Guerre mondiale

De tous les chefs d’État européens, c’est l’ex-premier ministre polonais qui fut le plus ardent défenseur de la nouvelle Théorie des dominos.

Son argumentation était très simple. Un grand écrivain polonais avait prédit que la Russie envahirait l’Ukraine. Il prédit maintenant que la Russie ne s’arrêtera pas là. Or s’il avait raison dans sa première prédiction, il ne peut qu’avoir raison quant à la deuxième.

Peut-être ai-je mal compris son argumentaire. Mais si c’est effectivement ce qu’il disait, sa démonstration est un peu simpliste.

Plus étoffées furent les raisons invoquées par le président français lors d’une entrevue accordée il y a deux semaines à la télévision de son pays.

Une guerre existentielle pour l’Europe

Puisque le continent européen existe depuis des millions d’années, cette affirmation n’a du sens que si ‘Europe’ veut dire l’Union européenne.

L’Europe ainsi définie a survécu aux guerres de la Russie en Tchétchénie et en Géorgie, et a également survécu à la guerre de l’URSS en Afghanistan.

Il aurait été utile qu’on nous précise pourquoi il en serait autrement en Ukraine.

La crédibilité de l’Europe serait réduite à zéro

La défaite probable de l’Ukraine serait, effectivement, une humiliation pour la réputation d’invincibilité des forces occidentales.

Mais l’Europe s’en remettra comme les États-Unis s’en sont remis après avoir perdu au Vietnam, en Syrie et en Afghanistan.

La vie des Français changerait

De toute évidence, l’engagement volontaire des pays de l’Otan de dépenser au moins deux pour cent de leur PIB en armement ne suffit pas. Pour gagner une Troisième Guerre mondiale, il leur faudrait dépenser bien davantage.

En 2023, le PIB de la France était de 2 763 milliards d’euros. Faire passer, par exemple, les dépenses militaires de 2 % à 4 ou à 6 % du PIB, c’est y consacrer entre 55 et 83 milliards d’euros de plus, annuellement.

Or la réforme des retraites ne rapportera qu’environ vingt-milliards d’euros pour l’État français. À cela s’ajoutent les économies de dix-milliards d’euros annoncées en juin dernier en coupant dans les domaines de la santé, des aides au logement et à l’emploi, de même que la fin progressive des avantages fiscaux pour les énergies fossiles.

On est encore loin du compte.

Ce qui changera la vie des Français, ce n’est pas la défaite de l’Ukraine. C’est plutôt l’affaiblissement du filet de protection sociale nécessité par l’accroissement important des dépenses militaires.

La paix, ce n’est pas capitulation de l’Ukraine

Vraiment ? Comment Emmanuel Macron voit-il la fin des hostilités, si ce n’est pas la capitulation du plus faible au plus fort ?

Le recours aux emprunts pour financer l’aide à l’Ukraine

Puisque l’Ukraine ne peut pas gagner la guerre et que la Russie ne doit pas la gagner, que veut le président de la République française ?

Quel est son objectif ?

Désire-t-il que les contribuables français financent cette guerre pour l’éternité ? À quel moment dit-on que cela suffit ?

Conclusion

À l’heure actuelle, l’État ukrainien est en faillite. Sans le financement occidental, Kyiv serait incapable de payer les fonctionnaires, les soldats, les enseignants, les travailleurs de la Santé, etc.

Jusqu’ici, Washington a principalement payé la note. Mais une proportion croissante de l’électorat américain veut que leur pays se désengage de cette guerre dont il ne voit pas d’issue heureuse.

Or ça tombe bien; Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen et d’autres dirigeants du Vieux Continent jugent important de prendre la relève.

D’où l’idée, croissante aux États-Unis, de leur refiler la patate chaude.

Emmanuel Macron peut bien soutenir la nouvelle Théorie des dominos. Mais, comme nous l’avons dit plus tôt, celle-ci ne s’est pas vérifiée après la victoire de la Russie en Tchétchénie et en Géorgie. Alors sur quoi se base-t-il pour présumer qu’une victoire en l’Ukraine ferait toute la différence…

Si le passé est garant du futur, il y a lieu d’être rassuré. Depuis le 24 février 2022, la Russie peine à faire la conquête d’un pays de 38 millions de personnes. Or, on voudrait nous faire croire que, victorieuse sur l’Ukraine, la Russie lancerait bientôt ses troupes contre l’Occident, peuplé de 880 millions de personnes. Est-ce bien sérieux ?

Ceci étant dit, nous dirigeons-nous vers une Troisième Guerre Mondiale ? C’est possible. Mais celle-ci n’aura lieu que si les va-t-en-guerre comme Macron font tout pour que cela arrive.

Il serait opportun que le président de la République française agisse conformément à la dignité de ses fonctions, plutôt que de se comporter comme un boxeur de fond de ruelle.

S’il est vrai que notre consommation effrénée est une menace à long terme quant à la survie de notre espèce, le danger d’une guerre thermonucléaire déclenchée par l’irresponsabilité de nos chefs d’État est une menace beaucoup plus immédiate…

Références :
Aide à l’Ukraine : la ligne de crête d’Emmanuel Macron
Interview d’Emmanuel Macron : « Nous n’aurons plus de sécurité » en Europe si la Russie « venait à gagner » en Ukraine
Khmers rouges
Le gouvernement veut faire 10 milliards d’euros d’économies
Réforme des retraites : combien va-t-elle rapporter, combien va-t-elle coûter ?
Théorie des dominos

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Écrit par Jean-Pierre Martel


États-Unis : l’importance politique des sionistes chrétiens

23 février 2024

De 1948 (l’année de la création de l’État d’Israël) à 2023, les États-Unis lui ont versé environ 260 milliards$US, majoritairement sous forme d’armement. Ce qui fait de ce pays, de loin, le principal bénéficiaire de l’aide américaine.

À l’Onu, les États-Unis ont principalement utilisé leur droit de véto au Conseil de sécurité pour protéger Israël des critiques et des sanctions internationales.

De nos jours, qu’est-ce qui explique l’appui inconditionnel des États-Unis à l’égard de ce pays ?

Au début de son témoignage de la semaine dernière devant la Commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat français, le spécialiste Jean-Pierre Filiu souligne (de 8:34 à 21:14) l’importance capitale que joue le sionisme chrétien dans la politique des États-Unis à l’égard d’Israël.

Qu’est-ce que le sionisme et en quoi le sionisme chrétien se distingue-t-il ?

Dans la Bible hébraïque, ‘fille de Sion’ est la désignation poétique de la ville de Jérusalem et de sa population. Par extension, cela désigne l’ensemble du peuple juif.

À sa naissance en Europe au XIXe siècle, le sionisme était l’aspiration du peuple juif à posséder un pays qui lui serait propre en Palestine. Cette aspiration mènera à la formation de l’État d’Israël en 1948.

Apparu des siècles plus tôt, le sionisme chrétien est un dogme religieux créé par des théologiens protestants.

De nos jours, sans nécessairement savoir que cela porte le nom de ‘sionisme chrétien’, environ le quart de la population américaine et environ la moitié de l’électorat républicain croit en ce dogme. Que dit-il ?

Ce dogme proclame que la Terre promise par Dieu à Abraham et à sa descendance est inaliénable, c’est-à-dire qu’elle ne peut être partagée avec d’autres peuples.

De plus, cette Terre sainte s’étend de la Méditerranée au Jourdain. Ce qui signifie que les Arabes doivent en être chassés.

La reconstitution de l’Israël biblique (le Grand Israël) est la première étape d’un processus apocalyptique qui mènera bientôt au retour du Christ et à l’établissement définitif du Royaume de Dieu sur Terre.

Toutefois, pour ce faire, les Israéliens devront reconnaitre Jésus de Nazareth comme étant leur Messie. En d’autres mots, ils devront se convertir au christianisme, croient les Sionistes chrétiens.

C’est pour cette raison que les Juifs américains (qui votent majoritairement pour le parti Démocrate) se méfient des Sionistes chrétiens (qui votent massivement pour le parti Républicain).

En outre, le soutien de ces derniers en faveur de la politique coloniale d’Israël en Palestine est insensible aux considérations humanitaires puisqu’il trouve sa source dans la lecture littérale de la Bible. Pour eux, même si Dieu semble parfois cruel, ils n’ont d’autre choix que de s’incliner devant Sa Volonté.

En somme, aimer et apporter son soutien inconditionnel à Israël ne relève pas d’un choix car il s’agit d’un Ordre Divin.

En raison de leur importance démographique, les Sionistes chrétiens exercent dans le Bible Belt (ci-contre, en rouge) une influence politique considérable.

Peu importe les résolutions de l’Onu et les décisions éventuelles de la Cour pénale internationale, Washington soutiendra pendant encore longtemps la colonisation israélienne dans les territoires occupés.

Tout au plus, peut-on s’attendre à ce que le gouvernement américain condamne ses excès du bout des lèvres. À défaut de quoi, il pourrait en payer un prix politique élevé…

Références :
Bible Belt
Les chrétiens sionistes aux États-Unis
Moyen-Orient : l’embrasement (vidéo)
Pourquoi les États-Unis soutiennent-ils Israël ?
Sionisme
Sionisme chrétien

Parus depuis :
Aux sources de la ferveur des chrétiens évangéliques envers Israël (2024-03-17)
L’église vidée par Trump (2024-06-15)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les accords de libre-échange avec l’Ukraine

21 février 2024

Après un premier accord de libre-échange conclu en 2016, le Canada et l’Ukraine en ont signé une deuxième version le 23 septembre dernier.

Selon Ottawa, cet accord permettra aux entreprises canadiennes de participer plus activement à la reconstruction de l’Ukraine. Ce qui n’est pas pour demain.

Pour l’instant, l’entente fait que le Canada a éliminé ses droits de douane sur 99,9 % de ses importations provenant d’Ukraine et qu’en retour, celle-ci a fait de même pour 86 % de ses importations canadiennes.

Le commerce international a subi d’importants bouleversements depuis quelques années en raison de la pandémie au Covid-19 et des sanctions occidentales contre la Russie.

On peut soupçonner que ces bouleversements ont empêché l’Ukraine de profiter pleinement de la libération de ses échanges avec le Canada et donc, que ce pays est demeuré un partenaire commercial très secondaire pour notre pays.

Il en est autrement en Europe.

Au début de la guerre russo-ukrainienne, le peuple polonais a fait preuve d’une hospitalité exemplaire à l’égard des réfugiés ukrainiens qui fuyaient le théâtre de la guerre.

Toutefois, l’opinion publique s’est retournée contre eux lorsque cette immigration massive y a provoqué une grave pénurie de logements.

Après avoir écoulé en l’Ukraine son important arsenal militaire qui datait de l’époque soviétique, le gouvernement polonais est maintenant ulcéré de voir qu’on organise dans ce pays des processions qui célèbrent annuellement la mémoire des milices pro-nazies ukrainiennes qui, sur ordre SS, ont massacré des dizaines de milliers de Polonais au cours de la Deuxième Guerre mondiale.

Pour aider l’économie ukrainienne en favorisant ses exportations, l’Union européenne a décidé de dispenser les camionneurs ukrainiens de l’obligation de posséder le permis couteux qui est normalement exigé pour transporter des marchandises au sein du marché commun.

En décembre dernier, les camionneurs polonais bloquaient la frontière ukrainienne afin de protester contre cette concurrence déloyale puisqu’eux sont obligés de posséder ce permis.

D’autre part, depuis deux décennies, l’Union européenne et l’Ukraine signent des ententes économiques qui visent progressivement à une intégration règlementaire et économique préparatoire à une adhésion formelle (et lointaine) de l’Ukraine au marché commun.

À terme, l’agriculture ukrainienne bannira les mêmes pesticides et les mêmes insecticides que ceux interdits dans l’Union européenne et appliquera les mêmes normes quant au bien-être animal.

D’ici là, le parlement européen adopte un certain nombre de mesures d’exception qui visent à aider dès maintenant l’économie de ce pays.

La plus récente de ces mesures est le règlement 2013/1077, en vigueur pour un an à partir du 6 juin 2023.

Il prévoit que les droits antidumpings appliqués normalement aux importations ukrainiennes ne seront pas perçus au cours de cette période et, de manière générale, toutes les mesures de défense commerciales actuelles seront suspendues.

Récemment, les agriculteurs polonais ont bloqué une centaine de routes et de voies ferrées à la frontière ukrainienne afin de protester contre les importations agroalimentaires ukrainiennes jugées incontrôlées.

Parallèlement, les agriculteurs français érigent depuis trois semaines des barricades pour protester contre les importations massives de poulet ukrainien.

Dispensée des normes de production européennes, l’industrie de la volaille est dominée en Ukraine par un oligarque dont l’entreprise est enregistrée dans un paradis fiscal et qui est dirigée à partir d’une pétromonarchie. Cette entreprise réussit à vendre du poulet à trois euros du kilo alors que le prix coutant des éleveurs français est de sept euros du kilo.

En réalité, la France importe moins de poulet frais ou congelé d’Ukraine que la plupart des autres pays européens. Mais le poulet ukrainien se retrouve dans les produits dérivés (ex.: les croquettes congelées de poulet) qui inondent l’Europe, dont le marché français.

Face à ces protestations, le gouvernement Macron s’est engagé à défendre bec et ongles les agriculteurs français. Ce qui ne fait pas oublier que les représentants de la France ont consenti aux mesures adoptées par l’Union européenne en guise de solidarité avec l’Ukraine sans en prévoir les conséquences.

Références :
Accueil des réfugiés : l’usure de la bonne volonté
Frontière polonaise bloquée : « La situation est catastrophique » pour l’Ukraine
La Chambre des communes adopte un accord de libre-échange avec l’Ukraine
La nostalgie nazie en Ukraine
La Pologne ne fournit plus d’armes à l’Ukraine pour se concentrer sur son armement
Le loup dans le poulailler de l’Europe
Les agriculteurs polonais déversent des céréales ukrainiennes, Kyiv en colère
Règlement 2023/1077 du Parlement européen
Trudeau signe l’accord de libre-échange Canada-Ukraine

Paru depuis : UK urged to protect Ukraine from legal action over private debt default (2024-07-07)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Droit international et géopolitique (deuxième partie)

2 février 2024

Le droit des pays à la légitime défense

L’article 51 de la Charte des Nations Unies établit “…[le] droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée.”

Aucun autre article de cette charte ne vient nuancer l’article 51. Est-ce à dire que ce droit est absolu ?

Plus précisément, peut-on invoquer la légitime défense pour massacrer tous les hommes d’un village après que l’un d’entre eux ait fait dérailler un des trains qui ravitaillent l’armée d’occupation ? En corolaire, peut-on dire que tous les films glorifiant la Résistance française font l’apologie du terrorisme ?

Les résolutions adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies font aussi partie du Droit international. Elles ont le même poids juridique que les articles de la Charte de l’Onu.

En 1960, l’Onu a adopté sans opposition la résolution 1514. Intitulée ‘Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux’, cette résolution s’adresse à tous les peuples colonisés ou subissant une occupation militaire.

Entre autres, cette résolution déclare :

Des mesures immédiates [doivent être] prises, dans les territoires sous tutelle, les territoires non autonomes et tous autres territoires qui n’ont pas encore accédé à l’indépendance, pour transférer tous pouvoirs aux peuples de ces territoires […] conformément à leur volonté et à leurs vœux librement exprimés […] afin de leur permettre de jouir d’une indépendance et d’une liberté complètes.

Dix ans plus tard, la résolution 2621 est adoptée. Celle-ci stipule :

[L’assemblée générale de l’Onu] réaffirme le droit inhérent des peuples coloniaux de lutter, par tous les moyens nécessaires dont ils peuvent disposer, contre les puissances qui répriment leur aspiration à la liberté et à l’indépendance.

Ce qui signifie que l’utilisation de la violence armée est légitime et conforme au Droit international lorsqu’elle sert à lutter contre l’oppression d’une puissance étrangère. Du moment que cette lutte respecte les règles humanitaires du droit de la guerre.

Du strict point de vue du Droit international, le droit de se défendre appartient aux peuples opprimés et non à leurs oppresseurs. Sinon, cela équivaudrait à interdire toute opposition à la prédation des puissances colonisatrices.

Celles-ci peuvent bien répliquer aux attaques qu’elles subissent, mais elles ne peuvent le faire en invoquant le Droit international.

Les résolutions ci-dessus rejoignent, avec plus de 150 ans de retard, la Déclaration des droits de la personne et du citoyen de 1798, adoptée à la Révolution française. Son article 2 proclame le droit à la résistance à l’oppression.

Références :
Charte des Nations Unies
Israël et ses alliés au mépris du droit des peuples
Résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations unies
Résolution 2021 de l’Assemblée générale des Nations unies

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’aide humanitaire à Gaza : l’hypocrisie du Canada

31 janvier 2024

Les allégations israéliennes contre l’Onu

Vendredi dernier, les dirigeants israéliens ont accusé une agence de l’Onu (l’UNRWA) de compter des terroristes parmi son personnel.

Le jour même, onze pays occidentaux se sont empressés de suspendre leur contribution à cette agence : les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Finlande, l’Autriche, la Roumanie, l’Italie, le Japon et l’Australie.

Pour compenser, le ministre canadien du Développement international annonce aujourd’hui que son ministère versera 40 millions$ à des organismes qui prendront, dit-il, la relève de l’UNRWA :

« Nous accordons un financement d’urgence supplémentaire pour que nos partenaires fiables et expérimentés du secteur humanitaire puissent continuer à veiller à ce que ce financement vienne en aide aux personnes plus vulnérables lorsqu’elles en ont besoin.»

L’UNRWA

L’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a été créée en 1949 à la suite de l’épuration ethnique à l’origine de la création d’Israël et après les déplacements de la population palestinienne occasionnés par le conflit arabo-israélien qui en a résulté.

L’agence offre ses services partout où se trouvent des réfugiés palestiniens au Proche-Orient.

Même si des organismes onusiens ont été créés pour pallier d’autres crises humanitaires, l’UNRWA est le seul qui s’occupe des réfugiés palestiniens.

Voilà pourquoi une vingtaine d’ONG — dont le Conseil norvégien pour les réfugiés, Oxfam et Save the Children — ont affirmé qu’il n’y a pas de solution de remplacement à l’UNRWA.

Le but de cette agence est de répondre aux besoins essentiels des Palestiniens en matière de santé, d’éducation, d’aide humanitaire et de services sociaux.

C’est ainsi qu’elle prend en charge la scolarité de plus de 540 000 enfants palestiniens au sein de ses écoles, tout en supervisant environ soixante camps de réfugiés (dont 19 en Cisjordanie et 8 dans la bande de Gaza).

Entre le 21 octobre 2023 et le 24 janvier 2024, l’Agence a distribué aux Gazaouis treize tonnes de farine, pour 6,2 millions$ de médicaments et de fournitures médicales, et 19 millions de litres d’eau.

Sur les 30 000 employés de l’Agence, 13 000 opèrent dans l’une ou l’autre de ses trois-cents installations situées dans la bande de Gaza. Ils y œuvrent comme enseignants, médecins, pharmaciens, infirmiers, aides-soignants, travailleurs sociaux et gestionnaires.

À 99 %, ces employés-là sont des Gazaouis : personne n’est plus motivé qu’eux pour aider leur propre peuple. À preuve : ils continuent d’accomplir leurs tâches en dépit du fait que 152 d’entre eux ont été tués jusqu’ici au cours de la riposte israélienne.

En supposant que les partenaires fiables dont parle le ministre recrutent d’ici peu les milliers de personnes courageuses qui voudront, sous les bombes, prendre la relève de l’UNRWA, jamais le gouvernement de Gaza (le Hamas) n’acceptera que des ONG occidentales, truffées d’espions à la solde des États-Unis, opèrent sur son sol en pleine guerre.

La solution du ministre est d’une telle stupidité qu’on se demande sur quelle planète vit le gouvernement canadien.

Conclusion

L’affrontement actuel entre le Hamas et Israël est non seulement un conflit armé; c’est aussi une guerre de propagande.

Depuis des années, l’Onu condamne la colonisation illégale de la Palestine par Israël. Même les États-Unis sont de cet avis. Pour se venger, Israël tente de discréditer l’Onu.

Pour l’instant, les allégations d’Israël semblent être vraies puisque l’UNRWA a, sur-le-champ, congédié elle-même presque tous les employés pointés du doigt par Israël.

Toutefois, on ne doit pas oublier que ces accusations concernent un millième du personnel de l’UNRWA dans la bande de Gaza.

Il y a deux jours, en éditorial, le quotidien Le Monde concluait :

« Les actes d’une dizaine d’employés ne doivent pas être instrumentalisés contre une agence tout entière, dont l’action est aujourd’hui indispensable pour éviter une catastrophe encore plus grande.»

L’empressement du Canada à couper les vivres à l’UNRWA est indécent. Alors que l’État d’Israël est accusé par l’Onu de punir tout le peuple palestinien pour des actes commis par le Hamas, le Canada fait pareil; il coupe son financement à l’UNRWA et punit ainsi les centaines de milliers de ses bénéficiaires.

Intrinsèquement, la décision d’Ottawa est déjà gênante. Défendre cette décision en prétendant que l’aide du Canada à l’égard des Palestiniens est maintenue, mais sera simplement acheminée autrement, est typique de l’hypocrisie d’Ottawa : cela n’arrivera pas.

Références :
Gaza : l’ONU mise en cause mais indispensable
Gaza: qu’est ce que l’UNRWA, cette agence de l’One mise en cause par Israël
Le Canada versera 40 millions $ à d’autres ONG que l’UNRWA pour aider à Gaza
Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient
Pourquoi l’UNRWA, l’agence d’aide humanitaire à Gaza, est au cœur d’une polémique ?
Qu’est-ce que l’UNRWA, à laquelle plusieurs pays ont suspendu leurs versements ?
What we know about Israel’s allegations against UN staffers in Gaza

Parus depuis :
Pays-Bas : un tribunal suspend la livraison de pièces de F-35 à Israël (2024-02-12)
Israël bloque au port d’Ashdod de l’aide alimentaire destinée à Gaza (2024-02-15)
Which countries are still funding UNRWA amid Israel’s war on Gaza? (2024-02-17)
Nicaragua drags Germany to ICJ for ‘facilitating Israel’s genocide’ in Gaza (2024-03-02)
Une coalition poursuit Ottawa pour faire cesser ses exportations militaires à Israël (2024-03-05)
Sept travailleurs humanitaires tués :Israël dénoncé de toutes parts (2024-04-02)

Complément de lecture :
« Je vais vous parler de notre vie sous la tente, et de celle des milliers de gens qui nous entourent » (2024-06-10)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La prise en charge du patient Trump par le vétérinaire Trudeau

26 janvier 2024

L’Équipe Canada

En novembre prochain, Donald Trump pourrait de nouveau être élu président des États-Unis.

Face aux inquiétudes exprimées à ce sujet, Justin Trudeau se montre rassurant : « M. Trump représente une certaine… euh… incertitude. On ne sait pas exactement ce qu’il va amener. Mais comme on a su le faire [lors de la renégociation de l’Aléna], on a su bien gérer M. Trump en défendant les intérêts canadiens et en démontrant qu’on peut créer de la croissance économique des deux côtés de la frontière.»

Le premier ministre annonce donc la création d’une ‘Équipe Canada’ qui sera composée principalement de ministres et de fonctionnaires qui ont joué un rôle important dans la renégociation de l’accord de libre-échange avec les États-Unis.

Puisque tous les gains de cette nouvelle mouture (l’ACEUM), en comparaison avec l’ancienne (l’ALÉNA), ont été à l’avantage des États-Unis, les négociateurs canadiens ont bien tenté de faire passer leur défaite pour une victoire : « Ç’aurait pu être pire.»

Ce qui, à mes oreilles, ne sonne pas comme un triomphe. On dirait plutôt un échec… pas si pire… dans le fond.

Le problème

Sur toutes les tribunes, Donald Trump ne cache pas son intention d’abattre son bras vengeur sur ses ennemis.

Pendant ce temps, Justin Trudeau fanfaronne en se présentant comme celui qui sait comment ‘dégriffer’ Donald Trump.

C’est la dernière chose à dire.

Tout le monde sait que Donald Trump déteste Justin Trudeau; à titre de coq du poulailler nord-américain, le magnat immobilier le déteste personnellement. Et en retour, Trudeau méprise l’ancien président américain.

Nous faire croire qu’il est le mieux placé pour pallier l’incertitude trumpienne demande un acte de foi que partagent de moins en moins de Canadiens.

En dépit de ses qualités personnelles, Justin Trudeau n’est plus l’homme de la situation.

Une obligation de réserve

Un des tout premiers devoirs d’un premier ministre canadien, c’est de bien s’entendre avec son vis-à-vis américain puisque son pays est notre principal marché d’exportation.

À l’interne, le Canada peut se distinguer de son puissant voisin par ses mesures sociales, ses lois limitant la possession d’armes, etc.

Le prix de cette indépendance, c’est notre soumission totale aux positions américaines sur la scène internationale. En d’autres mots, sur les tribunes desquelles s’adresse le premier ministre du Canada, celui-ci doit être le perroquet du président américain.

On ne lui demande pas de penser ce qu’il dit, mais simplement de dire la même chose… à voix basse si cela le gène. Il est payé pour ça.

D’ici les élections présidentielles américaines (prévues pour novembre prochain), le premier ministre canadien aurait intérêt à présenter des offrandes au Ciel pour que Donald Trump soit soudainement frappé d’amnésie.

Sinon, il risque de regretter l’imprudence de ses fanfaronnades…

Références :
Donald Trump représente une «certaine incertitude» pour le Canada, dit Trudeau
Enjeux agricoles : « La pilule d’avoir servi de monnaie d’échange n’est pas passée »
La Barbade dit adieu à la couronne britannique et devient une république
Une « Équipe Canada » renouvelée pour préparer le pays en vue des élections américaines

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Droit international et géopolitique (première partie)

23 janvier 2024

La portée limitée du droit international

Ce qui fait que les lois adoptées par nos gouvernements sont généralement respectées, c’est que l’État possède un certain nombre de pouvoirs répressifs — la police, les tribunaux et les prisons — destinés à punir les contrevenants.

Sans le recours à ces moyens répressifs, ce serait l’anarchie.

Mais à la différence de nos gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral, aucune instance supranationale ne possède de moyen répressif destiné à faire respecter sa volonté.

Jusqu’à la création de la Cour pénale internationale (CPI), les crimes de guerre étaient jugés à l’issue du conflit par des tribunaux temporaires mis sur pied par les vainqueurs.

La CPI est née en 2002 de la ratification d’un traité appelé Statut de Rome. Ce tribunal ne juge pas les pays ni les gouvernements; seuls des dirigeants politiques ou militaires sont sommés d’y apparaitre.

Étendue de l’autorité de la Cour pénale internationale

Pour être inculpé, l’accusé doit remplir l’une ou l’autre des conditions suivantes :
• être citoyen d’un État qui a ratifié le traité, ou
• avoir commis son crime sur le territoire d’un État membre, ou
• avoir été référé par le Conseil de sécurité de l’Onu (où les États-Unis et la Russie ont droit de véto).

De plus, la CPI fonctionne sur le principe de la complémentarité. Si un État signataire s’acquitte de sa responsabilité de punir lui-même ses ressortissants coupables de crimes de guerre, la CPI ne s’en mêle pas.

Le cas des crimes de guerre commis dans le Sud global

Quand un pays a été le théâtre d’une guerre civile, par exemple, il est rare que ce pays ait envie de raviver de vieilles plaies en inculpant ceux qui l’ont perdue.

En effet, la réconciliation nationale passe plus souvent par le pardon que par la justice vengeresse.

Voilà pourquoi, dans le cas de chefs d’État, ceux-ci ne sont convoqués devant la CPI qu’après avoir perdu le pouvoir et lorsque leurs successeurs ont profité d’un mandat international pour se débarrasser d’eux.

Voilà pourquoi, la CPI n’a condamné que du menu fretin jusqu’ici.

Le cas américain

Les deux plus importants crimes de guerre de toute l’histoire de l’Humanité ont été commis par les États-Unis à Hiroshima et à Nagasaki. Puisque le but de ces deux bombardements était de tuer le maximum de civils japonais.

Mais ces deux crimes de guerre — à mon avis justifiés — n’ont jamais été sanctionnés par la CPI parce qu’antérieurs à sa création.

À la prison de Guantánano, quand les États-Unis ont décidé de violer la Convention contre la torture, ni G.W. Bush ni Donald Rumsfeld n’ont été inculpés à titre de criminels de guerre parce qu’ils sont citoyens d’un pays qui n’a pas ratifié le Statut de Rome et que leurs crimes ont été commis dans une prison en territoire américain (même si elle est située sur l’ile de Cuba).

Le cas russe

L’Ukraine a ratifié le Statut de Rome. Ce qui signifie que même si la Russie ne l’a pas fait, les gestes posés par l’armée russe en Ukraine relèvent de l’autorité de la CPI.

Malgré un mandat d’arrêt émis en mars 2023 par la CPI contre Vladimir Poutine, ce dernier n’a pas été arrêté dans son pays parce que, pour ce faire, il aurait fallu sa collaboration.

D’autre part, il n’a pas été arrêté non plus lors de son voyage au Moyen-Orient en décembre dernier parce qu’il n’a mis les pieds que dans des pays qui ne reconnaissent pas l’autorité de la CPI.

De plus, son avion était escorté par quatre bombardiers Su-35 afin d’éviter qu’il soit intercepté et détourné par l’Otan.

Quant à l’idée d’abattre son avion en vol, personne à l’Otan ne peut certifier que le successeur du président russe serait plus acceptable aux yeux des pays occidentaux que Poutine.

Le cas israélien

L’initiative sud-africaine d’accuser Israël pour crimes de guerre commis dans la bande de Gaza sera intéressante à suivre. Toutefois, il est à noter que cette plainte a été portée devant la Cour internationale de justice (CIJ) et non la Cour pénale internationale (CPI).

La première est un tribunal de l’Onu (donc financée par elle), alors que la CPI est un tribunal indépendant de l’Onu qui est financé par les États membres du Statut de Rome.

De plus, la CIJ s’adresse aux États (ou aux entités étatiques comme l’Autorité palestinienne). Son but est de régler pacifiquement des différends internationaux par le moyen, entre autres, de la négociation, de la médiation, de la conciliation, et de l’arbitrage.

Pour sa part, la CPI mène enquête et juge des personnes accusées d’avoir commis des crimes internationaux tels que génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes d’agression. Son but est d’empêcher l’impunité des auteurs de ces crimes afin que ceux-ci ne soient plus jamais commis.

Les États-Unis ont le pouvoir de facto de bloquer autant la CIJ que la CPI.

Rappelons qu’en septembre 2020, sous la présidence de Donald Trump, la procureure de la CPI et l’un de ses subordonnés ont été inscrits sur une liste noire américaine bloquant leurs avoirs et leur interdisant l’entrée sur le territoire américain (sauf pour New York qui dispose d’un statut spécial en raison de la présence des Nations Unies dans cette ville).

De plus, on ne voit pas comment la CIJ pourrait enquêter dans la bande Gaza si Israël interdit à ses procureurs d’y entrer.

Jusqu’ici, 83 journalistes et artisans des médias ont été tués dans la bande de Gaza. Vingt-cinq autres ont été emprisonnés. Ce n’est pas pour rien que l’armée israélienne a systématiquement assassiné les journalistes qui y œuvraient; c’est pour les empêcher de documenter comment elle y a guerroyé.

Un droit ‘facultatif’

En 2004, la CIJ a eu à se prononcer sur la légalité de l’édification d’un mur entre Israël et la Cisjordanie. Le long de ses 700 km, ce mur empiète à 80 % dans le territoire cisjordanien. Et ce, afin d’englober des colonies juives (ce qui n’est pas le cas du mur qui encercle la bande de Gaza).

Dans le cas du mur en Cisjordanie, la CIJ en est venue à la conclusion que la construction du mur, en raison de son tracé, était contraire au droit international.

Ce qui n’a pas empêché Israël d’ignorer ce jugement et de poursuite la construction de ce mur pendant plus d’une décennie sans en modifier substantiellement le tracé prévu, sinon pour englober de nouvelles colonies israéliennes.

Dans les faits, la soumission au droit international est facultative; on le respecte lorsque cela fait son affaire et on le viole lorsqu’il ne convient plus (comme le prouve également l’exemple américain au sujet du traité contre la torture).

Toutefois, lorsqu’un pays viole ce droit ‘facultatif’, il court un risque; celui qu’un pays beaucoup plus puissant saisisse le prétexte de cette violation pour faire adopter par l’Onu une résolution qui l’autorise à utiliser la force contre le pays contrevenant.

Mais qu’arrive-t-il quand l’Assemblée générale de l’Onu refuse d’autoriser une guerre punitive ?

Pour répondre à cette question, prenons le cas de la guerre en Irak.

En 2003, Washington aurait préféré obtenir de l’Onu une résolution habilitante pour justifier son invasion de ce pays.

Mais après l’échec du secrétaire américain à la Défense (Colin Powell) à convaincre les pays membres de l’Onu que ce pays possédait des armes de destruction massive, les États-Unis ont fait à leur tête; ils ont envahi illégalement l’Irak… pour finalement avouer qu’ils étaient incapables de trouver les armes de destruction massive qui justifiaient leur invasion.

Selon Wikipédia, cette guerre aurait fait entre cent-mille et deux-millions de morts.

En réalité, celle-ci n’était qu’un prétexte visant à renverser le régime de Saddam Hussain et ainsi permettre au pétrole irakien (jusque-là sous embargo) de couler librement sur les marchés internationaux afin d’en réduire le prix.

À suivre…

Références :
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
Cour internationale de justice, Cour pénale internationale… comment fonctionne la justice internationale ?
Cour pénale internationale
Journalist casualties in the Israel-Gaza war
Guantánamo : dix ans de honte
La torture par les États-Unis : un crime de guerre impuni
Poutine escorté par des Su-35 : son voyage dans le Golfe, une démonstration de force

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le cout environnemental de la guerre

20 janvier 2024


 
Introduction

Les guerres sont principalement des catastrophes humaines au cours desquels un grand nombre de personnes perdent la vie ou deviennent handicapées, physiquement ou moralement, pour le reste de leur vie.

Mais un des aspects dont on parle insuffisamment est le cout environnemental des conflits armés.

Les destructions matérielles

En Syrie

Trois ans après le début de la guerre en Syrie, 791 000 logements avaient été détruits dans ce pays, dont 58 % des habitations d’Alep, la ville la plus peuplée du pays à l’époque.

De nos jours, on estime que 98 % de l’économie syrienne a été détruite par cette guerre, du site d’extraction pétrolière à la petite boulangerie de quartier.

En Ukraine

Avant l’invasion russe du 24 février 2022, l’Ukraine était déjà le deuxième pays le plus pauvre d’Europe (après la Moldavie).

Au cours de la première année du conflit, le pays a enregistré une chute d’environ trente pour cent de son PIB.

De nos jours, l’État ukrainien vit sous le respirateur artificiel de l’Occident. Sans les sommes qui lui sont versées, Kyiv serait incapable de payer la solde des soldats, les salaires des professeurs, des médecins, des fonctionnaires, de même que la pension des retraités.

Dans la bande de Gaza

Il y a dix jours, entre 48 et 60 % de tous les bâtiments de la bande de Gaza avaient été endommagés ou détruits par les bombardements israéliens.

Cela comprend 70 % des écoles et lycées. De plus, 23 des 36 hôpitaux gazaouis ne sont plus en fonction.

Au cours des deux premiers mois de cette guerre, la riposte israélienne a généré 281 000 tonnes de CO₂, soit l’équivalent de la combustion de plus de 150 000 tonnes de charbon.

De leur côté, les missiles du Hamas tirés sur Israël ont généré 713 tonnes de CO₂, soit l’équivalent de la combustion de 300 tonnes de charbon.

Cette différence reflète le déséquilibre des forces en présence.

Un peu plus de la moitié de l’empreinte environnementale de la riposte israélienne vient… des États-Unis; l’appui inconditionnel de Washington a signifié, concrètement, le transport par cargo de 10 000 de tonnes de matériel militaire américain vers Israël.

Cela compte pour 133 650 des 281 315 tonnes de CO₂ de la riposte israélienne.

L’autre moitié, c’est l’essence brulée par les bombardiers, les chars d’assaut, et les véhicules de transport des soldats israéliens. Ce sont également les émissions de gaz à effet de serre généré par la fabrication et l’explosion des missiles utilisés.

De manière générale

Dans leurs engagements climatiques, les pays ne chiffrent jamais l’empreinte environnementale de leurs aventures guerrières à l’Étranger. Par exemple, les bombardements ‘humanitaires’ (sic) du Canada en Syrie n’ont jamais été comptabilisés dans le bilan carbone de notre pays.

En 2022, les bombardements américains au Moyen-Orient contre les infrastructures pétrolières de DAECH ont généré plus de gaz à effet de serre que les émissions totales de 150 pays.

Selon certaines estimations, l’empreinte carbone de la protection militaire américaine dont bénéficient les pays producteurs de pétrole au Moyen-Orient équivaut au cinquième de l’empreinte carbone de tout le pétrole qu’ils produisent.

C’est comme si les États-Unis utilisaient 20 % de tout le pétrole pompé au Moyen-Orient pour protéger les pays producteurs dans cette partie du monde.

À travers le monde, les forces armées produisent un peu moins de 5,5 % des gaz à effet de serre de la planète, soit presque autant que le bilan carbone combiné du transport aérien de passagers (2,9 %) et du transport maritime des marchandises (3 %).

La reconstruction éventuelle

En décembre dernier, l’Ukraine estimait à 150 milliards de dollars US le montant des dommages matériels subis par le pays.

En Syrie, on estime que la reconstruction du pays couterait entre 100 et 200 milliards de dollars. Dans la mesure où l’Occident a perdu la guerre contre le régime syrien, il est hors de question pour nos pays de réparer ce qu’ils ont détruit.

Dans la bande de Gaza, la reconstruction des 500 km du métro de Gaza — ce réseau de tunnels souterrains servant autant à des fins militaires qu’à l’importation clandestine d’objets de première nécessité — génèrera 176 000 tonnes de gaz à effet de serre.

De manière générale, la reconstruction des cent-mille édifices endommagés de la bande de Gaza génèrerait l’équivalent de trente-millions de tonnes de CO₂. C’est environ 40 % des GES produits annuellement par le Québec, selon les plus récentes données disponibles (soit celles de 2021).

Conclusion

La production d’armements nécessite le recours à des ressources matérielles importantes.

Il faut creuser le sol pour y extraire des métaux qui seront fondus à haute température en lingots. Puis il faut laminer ces lingots pour créer, entre autres, les carcasses de bombardiers et des cartouches d’obus ou de missiles.

Sans parler de l’extraction extrêmement polluante des métaux stratégiques nécessaires à la fabrication des circuits électroniques qui rendront ‘intelligentes’ les armes utilisées.

Malheureusement, aucune bombe n’est recyclable. Aucune poudre à canon n’est biologique. Aucun bombardier, aucun char d’assaut et aucun missile n’est alimenté par une source d’énergie renouvelable.

Bref, la guerre est polluante et quand on y recourt, on crée des ruines qu’il faut déblayer et qu’il faut habituellement remplacer. Ce qui exige de nouvelles ressources.

Bref, la guerre est non seulement une boucherie, c’est aussi un désastre environnemental d’origine humaine.

Si on veut sauver la planète, il faudra responsabiliser les va-t-en-guerre, les médias qui propagent leur idéologie haineuse, et les niais qui les applaudissent.

Il arrive que la guerre soit nécessaire. Mais c’est rarement le cas; sur la quarantaine de guerres régionales ou mondiales survenues au XXe siècle, on peut compter sur les doigts d’une main, les conflits armés dont c’était le cas. Les autres n’ont servi qu’à répandre le malheur, qu’à perpétuer les haines, et à polluer l’environnement.

Références :
A Multitemporal Snapshot of Greenhouse Gas Emissions from the Israel-Gaza Conflict
Après un an de guerre en Ukraine, une économie de la résilience
Cinq éléments qui influenceront la guerre en Ukraine en 2024
COP27 : le fret maritime est l’un des plus grands émetteurs de CO2, et il tarde à changer de cap
‘Elephant in the room’: The US military’s devastating carbon footprint
Emissions from Israel’s war in Gaza have ‘immense’ effect on climate catastrophe
Impact climatique du transport aérien
Interventions militaires des États-Unis dans le monde
Léger rebond des GES au Québec en 2021 par rapport à l’année précédente
L’impact de 100 jours de guerre entre Israël et le Hamas, en chiffres et en cartes
Liste des guerres du XXe siècle
The numbers that reveal the extent of the destruction in Gaza

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le pétard mouillé du centre de commandement du Hamas sous l’hôpital Al-Shifa

11 décembre 2023

Le mois dernier, la chaine américaine CNN diffusait un reportage du journaliste Westley Clark au cours duquel le brigadier Daniel Hagari, porte-parole de l’armée israélienne, procédait à une ‘visite guidée’ des tunnels construits par le Hamas sous l’hôpital Al-Shifa, le principal hôpital de la bande de Gaza.

Puisque ce reportage est maintenant disponible sur YouTube (ci-après), les lecteurs de ce blogue qui ne parlent pas anglais peuvent maintenant choisir d’afficher des sous-titres en français, ce qui n’était pas possible originellement sur CNN.

Cliquez sur l’image pour démarrer

L’armée israélienne a justifié sa destruction de l’hôpital Al-Shifa par le fait que, selon elle, celui-ci servait de façade à des opérations militaires souterraines du Hamas.

En voyant le reportage de CNN, ce qui est frappant, c’est la minceur de la preuve.

On y voit plusieurs petites salles dont une qui est présentée comme l’arsenal du Hamas puisqu’on y trouve quatre mitraillettes laissées à terre. Plus loin, une motocyclette poussiéreuse qui a servi peut-être à l’attaque du 7 octobre dernier… ou peut-être pas.

Ailleurs, une corde près d’une modeste chaise en bois prouverait que cette dernière servait à la torture de prisonniers attachés à celle-ci.

Cliquez sur l’image pour démarrer

Les journalistes Liselotte Mas et Thomas Eydoux du quotidien Le Monde ont soigneusement analysé les vidéos publiés par l’armée israélienne pour en arriver à la conclusion que les tunnels qu’on y voit ne sont pas situés sous l’hôpital.

En réalité, le Hamas a construit un important réseau de tunnels souterrains pour les mêmes raisons que fut construit le ‘Montréal souterrain’ au centre-ville; pour se protéger d’une menace.

À Montréal, il s’agit d’une menace climatique (les rigueurs de l’hiver) alors qu’à Gaza, c’est la menace de bombardements israéliens.

Le Montréal souterrain est long de 32 km alors que les tunnels de la bande de Gaza totaliseraient près de 400 km.

Autre différence majeure : les tunnels de la bande de Gaza sont étroits et interdits aux Gazaouis en général.

Ils servent au Hamas à transporter du personnel et du matériel. En cas d’attaque, ils peuvent accélérer les déplacements lorsque les rues sont envahies par des ennemis et/ou encombrées de débris.

Il semble bien que l’armée israélienne soit obsédée par ces tunnels de Gaza comme le mari contrôlant est obsédé par les secrets de l’épouse qui lui résiste.

Complément de lecture : What ‘tunnels’ and ‘hostages’ mean in Gaza

Paru depuis : Droit international : peut-on parler de génocide à Gaza ? (2023-12-14)

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Écrit par Jean-Pierre Martel