Faire disparaitre la pollution par magie

17 juillet 2024
Lac Louise, en Alberta

La restauration de sites miniers abandonnés

L’article 101 de la loi sur les mines permet la création d’une mine si un plan de réaménagement et de restauration minière a été préalablement approuvé par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune.

L’article 232.4 de cette loi oblige la compagnie minière à fournir une garantie dont le montant correspond aux couts anticipés de ce plan.

Mais restaurer coute cher.

La magie au service de l’environnement

Depuis des mois, les démarcheurs des compagnies minières se relaient aux antichambres ministérielles afin de les convaincre d’une brillante idée.

Au lieu d’enfouir des résidus miniers dans des réservoirs souterrains imperméables, puis de les recouvrir de manière à redonner au site minier un aspect ‘présentable’, ne serait-il pas beaucoup plus économique de jeter tous ces résidus dans nos lacs afin de les faire disparaitre instantanément ? Comme par magie…

L’idée vous fait sourire ? Lisez bien ce qui suit.

Après une bataille juridique de quinze ans contre deux organismes de défense de l’environnement, le gouvernement norvégien a reçu en début d’année la bénédiction des tribunaux du pays pour autoriser Nordic Mining à déverser 170 millions de tonnes de résidus toxiques dans le fjord Førde.

Selon l’Institut norvégien de recherche marine (Havforskninginstituttet), cette décharge sera située à proximité d’un des sites dont la biodiversité marine est parmi les plus riches du pays.

Après la Turquie et la Papouasie—Nouvelle-Guinée, la Norvège devenait ainsi le troisième pays au monde à permettre le déversement maritime des déchets miniers.

Trente-sept lacs à polluer

Il y a deux ans, le gouvernement de la CAQ autorisait Minerai de fer Québec (filiale d’une minière australienne) à jeter ses résidus miniers dans des lacs. Et ce, malgré l’avis contraire du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) et malgré l’opposition des groupes environnementalistes.

Mais il restait à obtenir l’appui d’Ottawa.

C’est fait. Le fédéral vient d’accorder à cette minière la permission de jeter 408 millions de mètres cubes de résidus miniers dans trente-sept lacs du Québec.

Toutefois, cette permission est assortie d’une contrepartie, soit l’obligation de dépolluer, ailleurs, un territoire d’une superficie équivalente à ces 37 lacs, 1,56 km².

On connait la chanson.

Au cours de la campagne électorale fédérale de 2019, Justin Trudeau promettait de faire planter deux-milliards d’arbres en contrepartie de la construction d’un pipeline traversant les montagnes Rocheuses.

Cinq ans plus tard, le pipeline est construit. Mais la contrepartie se fait attendre; en avril dernier, Ottawa annonçait que la plantation (embryonnaire jusqu’ici) des deux-milliards d’arbres commencerait véritablement bientôt.

La nature d’un lac

La mine de fer en question est située à proximité du lac Bloom, à 747 mètres d’altitude.

Les 37 lacs qui serviront de dépôts de résidus miniers ne sont pas des bassins d’eau morte. L’eau s’y renouvèle par le biais de sources qui les alimentent ou qui en font la vidange, et enfin par le biais de canaux aquifères qui relient ces lacs à des nappes phréatiques situées au travers du roc.

Lorsque des résidus miniers s’accumulent hors du sol, l’eau de pluie n’a que quelques secondes pour solubiliser ce qui se trouve à leur surface. Baignant dans un lac, les mêmes résidus offrent à l’eau la possibilité de se minéraliser pendant un temps considérable.

Jeter de grandes quantités de roches dans un lac libère les acides et les solvants utilisés par le processus d’extraction et de raffinage. Inévitablement, ces lacs pollueront les nappes phréatiques auxquelles ils sont reliés, de même que les cours d’eau en surface que ces nappes phréatiques alimentent.

La loi québécoise sur les mines permet l’exploitation minière des cours d’eau à faible débit et des plans d’eau (lacs et étangs). Les minières peuvent y faire ce qu’elles veulent à la condition de restaurer le site à la fin de l’exploitation minière.

La permission accordée à Minerai de fer Québec est une exemption implicite de l’obligation de restaurer.

On voit mal le ministère des Ressources naturelles s’équiper de scaphandres pour vérifier si, à la fermeture du site, cette multinationale a oublié une roche au fond d’un lac.

Les résidus engloutis seront donc là pour de bon.

Conclusion

Selon le ministre fédéral de l’Environnement, la destruction des 37 lacs québécois est nécessaire (sic) puisque les métaux extraits de cette mine seront utiles à la transition énergétique. Bref, leur destruction est un sacrifice sur l’autel de l’environnement.

C’est aussi la chanson utilisée par la CAQ pour faire accepter aux citoyens de Limoilou le sacrifice de respirer cinq fois plus de poussière de nickel, probablement cancérigène. Parce que ce métal est utile à la transition énergétique.

En d’autres mots, pour combattre la pollution de l’air et les bouleversements climatiques qui en découlent, il est nécessaire d’empoisonner l’eau et le sol.

Alors, il reste quoi ?

Références :
Historic lawsuit to save the Førdefjord
La destruction de 37 lacs est nécessaire, selon Steven Guilbeault
La plantation de deux milliards d’arbres commencera ce printemps
Norway to allow mining waste to be dumped in fjords
Seuls 8,5 millions des 2 milliards d’arbres promis par Justin Trudeau ont été plantés

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’ubérisation du taxi québécois : le premier grand gaspillage de la CAQ

3 juillet 2024
Cliquez sur la photo pour l’agrandir

Le contexte

À son arrivée au pouvoir en 2018, la CAQ héritait des surplus budgétaires dégagés par l’austérité budgétaire du gouvernement libéral de Philippe Couillard.

Plutôt que d’investir massivement dans les différentes missions de l’État négligées par quinze ans d’incurie libérale, la CAQ a préféré gaspiller ces surplus en accordant des réductions d’impôt et en ubérisant l’industrie du taxi québécois.

À l’époque, le grand gourou informatique de la CAQ était le ministre Éric Caire. Or celui-ci était formel; il fallait, à n’importe quel prix ubériser le taxi québécois afin de moderniser cette industrie. Comme si c’était la priorité économique de son gouvernement.

Grâce à l’application téléphonique d’Uber, les utilisateurs du taxi québécois pourront, disait-il, bénéficier de la facturation dynamique — c’est-à-dire d’un tarif fluctuant selon l’offre et de la demande — tandis que, d’autre part, n’importe quel automobiliste pourra se transformer en opérateur de taxi.

Pour un parti de droite comme la CAQ, Uber était le symbole de l’économie de demain, caractérisée par le ‘capitalisme participatif’.

Pour les utopistes libertariens, une démocratie parfaite serait celle où tous les citoyens, même les plus pauvres, seraient des capitalismes par gout ou par nécessité.

Toutefois, l’ubérisation de l’industrie du taxi nécessitait le rachat de tous les permis de taxi en circulation (sic).

Lorsque la CAQ l’a promise, il s’agissait d’une promesse mineure de son programme électoral. Essentiellement, à l’élection générale de 2018, l’immense majorité de ceux qui ont voté pour la CAQ, l’ont fait pour se débarrasser des Libéraux.

Si on leur avait demandé de nommer les principales promesses de la CAQ, presque personne n’aurait mentionné l’ubérisaton du taxi. Cette promesse était tellement mineure que la CAQ elle-même en ignorait le cout exact.

Mais bientôt, il s’est avéré que la somme à débourser était colossale. N’importe quel gouvernement responsable aurait renoncé à une promesse qui s’avèrerait excessivement couteuse.

Le dogmatisme idéologique du gouvernement

Lorsqu’une entreprise privée a besoin d’un bien pour opérer (un terrain, une bâtisse, de la machinerie, etc.), c’est à elle de l’acquérir à ses frais.

Si le modèle d’affaire d’Uber nécessite le rachat de tous les permis de taxi au Québec, c’est à Uber d’en assumer le cout.

Afin de plaire à cette multinationale, la CAQ a préféré gaspiller notre argent en rachetant les milliers de permis détenus par des Québécois. Des Québécois qui paient honnêtement l’impôt sur leurs revenus. Alors qu’Uber pratique l’optimisation fiscale en délocalisant ses profits dans des paradis fiscaux.

Si bien que la CAQ a dépensé une fortune pour diminuer ses revenus fiscaux.

À sa face même, c’était une idée stupide.

Le cout final

Le 21 juin dernier, la Cour supérieure condamnait le gouvernement de la CAQ à payer 143,9 millions de dollars supplémentaires en raison des sommes insuffisantes que la CAQ a versées jusqu’ici pour le rachat des permis de taxi.

Avec les intérêts, cela fait 220 millions de dollars. Cela s’ajoute à la somme versée en 2018 aux propriétaires de permis de taxi, soit 873 millions de dollars.

Au total, l’ubérisation de l’industrie du taxi a couté plus d’un milliard de dollars aux contribuables québécois.

Références :
Baisse d’impôts de la CAQ: voici combien vous pourriez économiser
Libertarianisme
L’ubérisation du taxi québécois
Perte de valeur des permis de taxis : Québec devra verser plus de 143 millions $

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II + objectif M.Zuiko 25mm F/1,2 — 1/320 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 25 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Quand l’histoire du Québec débute-t-elle ?

14 mai 2024

Par définition, l’histoire de l’Humanité débute avec l’invention de l’écriture. Avant, on parle de préhistoire.

Pourtant, peut-on imaginer une histoire de la France qui débuterait avec la conquête romaine des Gaules sous le prétexte que les Romains ont laissé des écrits alors que les Gaulois, illettrés, n’ont laissé aucun document antérieur à cette conquête ?

Pour pallier cette lacune, on a créé le concept (controversé) de ‘protohistoire’. Celle-ci se situe entre la préhistoire et l’histoire. Elle couvre l’histoire des peuples illettrés telle que racontée à la même époque par des peuples dotés d’une écriture.

Dans sa rubrique consacrée à l’histoire de France, Wikipédia la divise en quatre époques :
• la préhistoire,
• la protohistoire et l’antiquité,
• du Moyen-Âge à la Révolution, et
• depuis la Révolution.

De la même manière, l’histoire du Québec (au sens général du terme) comprend évidemment l’histoire de nos peuples autochtones. Mais l’histoire proprement dite débute avec la colonisation française au Québec, c’est-à-dire avec l’arrivée chez nous de Samuel de Champlain.

Dernièrement, le premier ministre du Québec annonçait l’intention de son gouvernement de créer un musée national consacré à l’histoire proprement dite du Québec.

Cette décision a aussitôt suscité la controverse. On reproche à ce projet d’ignorer notre préhistoire, celle des peuples autochtones qui occupaient ce territoire depuis des siècles, voire depuis plus d’un millénaire.

Toutefois, selon le dicton, qui trop embrasse mal étreint. En d’autres mots, le premier ministre a sans doute raison de limiter dès le départ l’ambition de ce nouveau musée, quitte à en élargir la portée lorsqu’il atteindra sa maturité.

Ceci étant dit, il serait peut-être avantageux que ce musée présente également notre protohistoire, c’est-à-dire l’époque des voyages infructueux de Jacques Cartier.

En comparant Cartier à Champlain, cela permettrait d’expliquer l’échec du premier (qui s’est mis tous les peuples autochtones à dos), et de comprendre pourquoi le doigté et la diplomatie du second ont rendu possible une présence française en Amérique, une présence qui s’est poursuivie jusqu’à maintenant, en dépit des difficultés qu’elle a rencontrées.

À une époque où le militantisme idéologique de certains tend à gommer les différences fondamentales entre la colonisation française en Amérique et les autres, notre passé (unique dans l’histoire de l’Humanité) mérite d’être présenté.

Or, pour éviter l’appropriation culturelle — si condamnable aux yeux du mouvement woke — cette histoire ne peut être racontée que par nous, quitte à laisser aux peuples autochtones le soin de raconter la leur (aidés par le financement de l’État).

Compléments de lecture :
Colonisation et esclavage en Nouvelle-France
Gabriel Sagard en Huronie
L’époque troublée du premier Irlandais au Canada
Les Sauvages
L’histoire de la Fleur de Lys

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Écrit par Jean-Pierre Martel


McGill : protestataires vs donateurs

6 mai 2024


 
Le budget de fonctionnement de l’université McGill dépasse le milliard de dollars par année. Une partie de cette somme sert à payer des gardes de sécurité.

Cela évite d’appeler les forces policières chaque fois qu’un délit mineur est commis sur le campus de McGill. Parce que la police municipale a mieux à faire que de réprimer des délits insignifiants survenus sur des propriétés privées.

Toutefois, cet établissement est parfaitement justifié de réclamer l’intervention policière lorsqu’on paralyse son fonctionnement.

Ce n’est pas le cas actuellement puisque les tentes dressées par les protestataires pro-palestiniens n’entravent pas l’accès à ses bâtiments.

De plus, les protestataires ont bien pris soin de protester contre ce qui se passe à Gaza en évitant soigneusement de propager de la haine contre le peuple israélien ou contre les Québécois de religion juive.

C’est d’ailleurs pourquoi un rabbin antisioniste fait partie, par exemple, des protestataires.

Leurs opposants pro-israéliens les accusent d’antisémitisme sans en faire la preuve puisque dans leur esprit, toute critique de l’État d’Israël est de l’antisémitisme.

Ceci était dit, il est indéniable que les protestataires pro-palestiniens causent des dommages à la propriété de McGill puisqu’ils piétinent son gazon. Et le temps pluvieux des derniers jours empire évidemment la situation.

Quand le premier ministre du Québec ordonne qu’on mette fin à l’occupation (illégale, souligne-t-il) à McGill, est-il bien certain que dans une société démocratique, le respect du droit de propriété d’une pelouse l’emporte sur le droit de manifester ?

Parce que ce qui est en cause ici, ce n’est pas seulement le droit de propriété, mais également le droit de manifester.

Rares sont les manifestations où les participants demeurent chez eux. En somme, on manifeste toujours sur la propriété d’autrui. Celle-ci peut être privée ou publique.

Si les protestataires désiraient une autorisation municipale pour déambuler pacifiquement sur la voie publique, ils l’obtiendraient facilement. Mais l’auraient-ils s’ils bloquaient pendant deux semaines la rue qui passe devant l’entrée principale de McGill, soit la rue Sherbrooke ? Surement pas.

L’auraient-ils s’ils occupaient un parc municipal ? Pas très longtemps puisqu’on invoquerait bientôt le droit des citoyens de profiter des espaces verts de la ville.

Bref, l’occupation pacifique d’une partie de la pelouse de McGill ne justifie pas, pour l’instant, une intervention policière. Et ce, pour les mêmes raisons que les tribunaux ont refusé jusqu’ici d’accorder les injonctions réclamées devant eux.

Le fond du problème, c’est que l’université McGill est menacée par une partie de ses donateurs qui réclament l’expulsion des manifestants pro-palestiniens à défaut de quoi leur mécénat s’exercerait ailleurs.

Et quand le premier ministre intervient dans ce dossier, ce n’est pas parce que son ministère de l’Environnement s’inquiète du sort du gazon piétiné à McGill, mais parce que cette institution invoque le risque de voir diminuer le mécénat dont elle bénéficie.

D’où la question : la Démocratie a-t-elle un prix ?

Références :
Et si McGill négociait au lieu d’appeler la police ?
Guillaume Meurice entendu en audition libre par la police à la suite de son sketch polémique sur Benyamin Nétanyahou
François Legault demande à la police de démanteler le campement à McGill

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La peur de l’indépendance

18 avril 2024


 
Introduction

Le moteur des révolutions est le sentiment d’injustice. En contrepartie, le moteur des contre-révolutions, c’est la peur.

Dans ce second cas, ce peut être la peur de la mitraille ou la peur de l’inconnu. Pour paraphraser Machiavel, on peut dire qu’un peuple consentira aveuglément à sa domination tant qu’il sera habité par de la peur de tout perdre en dépit du fait qu’il ne possède rien…

Depuis un demi-siècle, chaque fois que le peuple francoQuébécois s’apprêtait à poser un geste de rupture, ceux qui n’y avaient pas intérêt ont invoqué la peur.

Les camions de la Brink’s

Au cours de la campagne électorale québécoise de 1970, les sondages révélaient que deux partis politiques étaient presque à égalité dans les intentions de vote : le Parti libéral du Québec (d’allégeance fédéraliste) et un tout nouveau parti indépendantiste, le Parti Québécois. Loin derrière eux se trouvait l’Union nationale, un parti nationaliste au pouvoir jusque-là.

Trois jours avant le scrutin, neuf camions blindés de la Brink’s partaient des bureaux montréalais du Royal Trust en direction de Toronto. À leur bord, une quantité présumée importante de titres financiers.

Le tout devait démontrer le risque de fuite des capitaux hors du Québec si le Parti Québécois devait prendre le pouvoir.

Selon Wikipédia, l’opération était une tentative de manipulation de l’opinion publique orchestrée par le premier ministre canadien de l’époque, Pierre-Elliott Trudeau (le père de Justin Trudeau).

Publiée en exclusivité par le quotidien montréalais The Gazette (avisé à l’avance par un appel anonyme), la primeur sera reprise le lendemain — soit l’avant-veille du vote — par tous les journaux du Québec.

Le résultat fut que seuls sept députés du PQ furent élus deux jours plus tard.

La perte de la péréquation fédérale

Il existe plusieurs programmes en vertu desquels le gouvernement fédéral verse de l’argent aux provinces dans leurs champs de compétence constitutionnelle; santé, infrastructures, logement, garderies, etc.

En gros, les sommes versées par Ottawa correspondent à l’importance démographique ou économique de chaque province.

Toutefois, il existe un programme où le Québec semble recevoir bien davantage que sa ‘juste part’; c’est la péréquation.

Celle-ci est un mécanisme de redistribution de la richesse entre les provinces riches du pays vers les provinces qui le sont moins, dont le Québec.

C’est ainsi que le gouvernement québécois reçoit annuellement environ treize-milliards de dollars d’Ottawa.

À chacun des deux référendums sur l’indépendance tenus jusqu’ici, l’argument massue du camp fédéraliste a toujours été que si le Québec se sépare, il perdra les milliards de dollars qu’Ottawa a la bonté de lui verser, plongeant l’économie du Québec dans le marasme et la misère.

Il y a plusieurs années, ce blogue avait publié une analyse économique qui démontrait que le Québec souffrait d’un sous-investissement chronique d’Ottawa dans l’économie québécoise. Un sous-investissement qui était presque totalement corrigé par la péréquation.

En somme, l’argent de nos taxes et de nos impôts qu’Ottawa n’investit pas dans l’économie du Québec, il le verse annuellement sous forme de péréquation en nous faisant croire qu’il nous fait la charité.

Précisons que cette analyse ne tient pas compte des gouffres financiers que sont devenus l’aménagement des chutes Muskrat à Terre-Neuve, la construction du pipeline Trans-Mountain en Colombie-Britannique et la construction des frégates canadiennes en Nouvelle-Écosse.

Par contre, le fédéral fait valoir que depuis des années, il dépense plus au Québec que ce qu’il y perçoit. Ce qui est vrai. Mais n’est-ce pas contradictoire avec ce que nous venons de dire ?

En réalité, lorsque le fédéral fait des déficits colossaux (ce qui est le cas depuis que Justin Trudeau est au pouvoir), Ottawa dépense plus dans chaque province que ce qu’il perçoit. C’est justement pour cela qu’il fait un déficit.

Toutefois, lorsqu’on tient compte du partage de la dette canadienne que le Québec aura à payer lorsqu’il fera son indépendance, cet argument fédéraliste s’effondre.

En présentant le budget de l’an 1, le Parti Québécois a fait la démonstration que l’État québécois, même privé totalement de péréquation, serait mieux financé dans un Québec souverain.

Conclusion

On ne peut pas faire la promotion de l’indépendance sans critiquer le colonialisme canadian.

En effet, le Canada est une puissance coloniale qui, à la différence des autres, ne possède pas ses colonies sous les tropiques. Les siennes sont incrustées dans son territoire.

D’une part, ce sont des dizaines de réserves indiennes régies par un apartheid juridique. Et d’autre part, c’est le Québec dont on favorise l’anglicisation, entre autres par un déluge migratoire qui dépasse largement ses capacités d’intégration.

La preuve la plus irréfutable de ce statut colonial est l’adoption d’une nouvelle constitution sans le Québec par l’ethnie dominante du pays en 1982. Tout comme n’importe quelle métropole coloniale n’hésite pas à imposer sa volonté à ses colonies.

En disant tout haut ce qu’une bonne partie du peuple francoQuébécois pense tout bas, Paul Saint-Pierre Plamondon abandonne brièvement cette image positive et rose bonbon dans lequel les forces fédéralistes aimeraient le voir se limiter.

En réalité, les chemins qui mènent à la liberté sont parsemés d’embuches. Pour être guidé vers l’indépendance, ce que nous avons besoin, c’est d’un chef qui, tout en étant fondamentalement bienveillant envers son peuple, peut également froncer les sourcils et élever le ton lorsque nécessaire.

Il est rassurant de voir que c’est le cas du chef péquiste.

Références :
Coup de la Brink’s
Le colonialisme économique ‘canadian’
Le coût de l’oléoduc Trans Mountain explose à nouveau
Le référendum de la dernière chance, dit St-Pierre Plamondon
Les chutes Muskrat : un éléphant blanc à nos frais
Les miettes fédérales au chantier maritime Davie
Le texte de ‘refondation’ du PQ : le paroxysme de l’insignifiance
L’indépendance permettrait au Québec d’économiser 12 milliards sur 7 ans, selon le PQ
Péréquation fédérale au Canada
Québec solidaire reproche à St-Pierre Plamondon de verser dans le « catastrophisme »

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Radio-Canada à la défense du wokisme à la Cour suprême du Canada

17 mars 2024
Cour suprême du Canada

Dans un jugement rendu le 8 mars dernier, le plus haut tribunal du pays a utilisé 67 fois le mot femme et une fois la périphrase personne ayant un vagin à titre de synonyme.

Dans la catégorie de ce qu’il considère être de fausses nouvelles,
le site web de Radio-Canada publiait vendredi le texte Non, la Cour suprême du Canada ne préfère pas « personne ayant un vagin » à « femme ».

Dans son article, le journaliste de Radio-Canada déclare qu’il est faux de dire que la Cour suprême préfère cette périphrase. Ici, le verbe est important.

La motion adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale du Québec ne reproche pas à la Cour suprême de préférer cette périphrase. Personne ne peut lire dans la tête des juges pour savoir ce qu’ils préfèrent.

Le parlement québécois reproche aux juges d’avoir utilisé cette périphrase découlant de la théorie du genre, créant ainsi un précédent regrettable.

Une femme ne se résume pas à sa fonction reproductrice ni à la présence d’un vagin. Le plus haut tribunal du pays fait preuve de mépris en estimant interchangeables le mot femme et la périphrase qu’il a utilisée.

Rappelons-nous qu’avant 1929, les femmes ne pouvaient pas être nommées au Sénat canadien. Même si la constitution du pays reconnaissait que toute personne pouvait l’être, la Cour suprême estimait que cela ne s’appliquait pas aux femmes puisque celles-ci n’étaient pas des personnes…

Il a fallu qu’une décision en ce sens soit renversée en appel devant le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres — auprès duquel on pouvait, à l’époque, faire appel d’un jugement de la Cour suprême — pour qu’enfin, les femmes soient considérées comme des personnes et puissent accéder au Sénat.

Près d’un siècle plus tard, la Cour suprême estime qu’une femme est une personne ayant un vagin.

On demeure sans voix devant les immenses progrès accomplis depuis un siècle par la cause des femmes à la Cour suprême du Canada…

Références :
Depuis 1929: les femmes sont reconnues comme des personnes au Canada
«Personne ayant un vagin»: le choix de mots de la Cour suprême dénoncé par l’Assemblée nationale

Compléments de lecture :
La dysphorie de genre chez l’enfant
La théorie du genre et ses excès

Postscriptum du 23 mars 2024 : Au Canada, les juges à la Cour suprême sont nommés par le Conseil des ministres.

Normalement, le processus de nomination débute par la création d’un comité non-partisan, formé de juristes respectés, qui a le mandat de lancer un appel de candidatures et de choisir la ou le candidat le plus compétent.

Dans le but de respecter l’indépendance de la profession juridique, le ministère de la Justice se contente de transmettre cette recommandation au Conseil des ministres, qui l’entérine.

Le jugement de la Cour suprême dans l’affaire dont il est question ci-dessus a été écrit par la juge Sheilah-L. Martin. En 2017, celle-ci a été nommée au plus haut tribunal du pays à la suite d’une intervention politique dans le processus de sélection.

Dans son cas, la ministre de la Justice avait transmis au Conseil des ministre le nom du juge Glen Joyal, puisque c’est lui qui avait été choisi le comité de sélection.

Mais le Cabinet fédéral a rejeté ce choix, préférant arbitrairement nommer Sheilah-L. Martin, jugée idéologiquement plus proche de la vision ‘trudeauiste’ de la Charte canadienne des droits et libertés.

Référence : Enquête sur une fuite liée à la nomination d’un juge à la Cour suprême
Glenn Joyal

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les fabricants craignent la Loi 101, dit-on

14 mars 2024

Introduction

Il y a six décennies, le Québec interdisait l’étiquetage unilingue anglais. Parce qu’à l’époque, on trouvait, par exemple, des produits alimentaires dont le mode d’emploi et la liste des ingrédients étaient entièrement rédigés en anglais.

En vertu de cet interdit, il suffisait au consommateur de porter plainte contre le marchand auprès de la Cour des petites créances — où la présence d’un avocat est superflue — de présenter en preuve le contenant du produit et le reçu de la transaction pour que le marchand soit automatiquement condamné.

Le plaignant empochait alors la pénalité imposée par le tribunal. Si bien qu’un couple d’étudiants en droit avait financé la totalité de leur formation universitaire en portant toute une série de plaintes.

La réaction des marchands fut de prendre soin de vérifier chaque produit reçu de leur grossiste et retourner aussitôt les articles en anglais.

Confrontés à la masse de leurs invendus, les fabricants ont refait leurs étiquettes et les importateurs ont simplement apposé un collant bilingue par-dessus l’étiquette fautive.

En moins de deux ans, sans avoir à embaucher des inspecteurs pour faire respecter la loi, on n’arrivait plus à trouver au Québec un seul produit unilingue anglais.

Lorsque le fédéral a adopté sa loi obligeant l’étiquetage bilingue à travers tout le pays, la législation québécoise devenait caduque.

Toutefois, il a suffi au fédéral — dont la majorité des fonctionnaires à Ottawa sont unilingues Anglais — de ne pas faire d’inspections et de ne jamais donner suite aux plaintes reçues pour que l’unilinguisme anglais revienne peu à peu.

De nos jours, on le trouve fréquemment sur les jouets pour enfants et sur les gros électroménagers. Et grâce au commerce en ligne, c’est généralement le cas de ce qui vient de l’Étranger.

Les craintes du Conseil du patronat

Le gouvernement de la CAQ a dernièrement fait connaitre son intention d’obliger, par voie de règlement, les fabricants d’électroménagers à franciser les inscriptions qui apparaissent sur leurs produits.

À l’achat de mon microonde actuel, celui-ci venait avec un collant qui permettait à tous ses boutons d’apparaitre en français (ou de demeurer en anglais si cela avait été ma préférence).

Mais l’Association canadienne des fabricants d’électroménagers rétorque que les autocollants risquent de fondre à la chaleur. Comme s’il n’existait aucune colle au monde capable de résister à la chaleur.

De son côté, le Conseil du patronat s’inquiète des ventes perdues par les commerçants d’ici quand les consommateurs se tourneront vers l’internet pour se faire livrer par la poste les modèles de laveuse ou de sécheuse que les fabricants cesseront d’offrir au Québec.

On s’étonne que la mairesse de Montréal, au nom de l’inclusion et de la diversité, n’ait pas encore signalé le danger que des personnes vulnérables soient incapables d’utiliser leur grille-pain au petit déjeuner et se laissent mourir de faim, faute de connaitre le français…

De manière générale, on fait valoir que le Québec ne représente que deux pour cent du marché nord-américain. Cela passe sous silence les 230 millions de consommateurs francophones à travers le monde. À titre d’exemple, les laveuses de Samsung en Belgique affichent des réglages bilingues français/néerlandais.

Tout en disant du bout des lèvres être conscient de l’importance de défendre le français, le Conseil du patronat souligne les graves dangers de le faire.

Il y a toujours eu un gouffre entre les petits commerçants — près du peuple et conséquemment, qui partagent ses préoccupations — et le riche ‘milieu des affaires’, collabo du colonialisme canadian, et que le cinéaste Pierre Falardeau mettait en vedette dans son documentaire ‘Le temps de bouffons’.

Référence : Nouvelle loi sur l’affichage en français: des fabricants menacent de retirer leurs électroménagers du marché québécois

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le nouveau toit du Stade olympique

4 mars 2024

Introduction

Il y a un mois, le gouvernement québécois annonçait son intention de consacrer 870 millions$ à la réfection du toit du Stade olympique. Un demi-siècle après sa construction, cette toiture arrive en fin de vie après environ vingt-mille déchirures.

Soutenue par certains, l’idée de le détruire (parce que cela éviterait une telle dépense) doit être rejetée pour une raison très simple; une grande métropole a besoin d’un stade sportif qui répond à ses besoins actuels et futurs.

Dans la liste des stades montréalais, les deuxième et troisième places sont occupées par des stades extérieurs d’une capacité nettement moindre : le stade Percival-Molson (25 000 places) et le stade de soccer Saputo (20 000 place).

Couvert, le Stade olympique (d’une capacité de 65 000 places) est unique et irremplaçable. De plus, c’est une structure emblématique de la métropole.

La neige et le verglas : des dangers sous-estimés

Pour vendre le nouveau toit, on nous promet une meilleure acoustique. Ce qui permettrait, dit-on, de rentabiliser cet investissement en rendant possible la tenue à Montréal de concerts de vedettes pop d’envergure mondiale comme Taylor Swift.

Tout ceci fait penser à la fable ‘La laitière et le pot au lait’; on ne construit pas un modèle d’affaires sur du vent.

En tant que grosse structure creuse en béton, le stade possède une acoustique très réverbérée. La seule fois où j’y ai assisté à un concert, on entendait à peine les artistes sur scène, enterrés par la clameur de la foule et son écho. Or la toiture dont on parle n’est que la partie centrale d’une voute dont la majeure partie, en périphérie, demeurera inchangée.

D’autre part, en vertu du Code du bâtiment, on ne peut pas y tenir des évènements si plus de 3 cm de neige ou si plus de 3 mm de verglas s’est accumulé sur le toit.

Cela ne signifie pas que le toit s’effondrerait au quatrième centimètre. Cette norme est dictée par la prudence; les responsables nous assurent que le toit pourrait supporter un poids bien au-delà de la charge maximale permise… sans savoir exactement leur marge de manœuvre; j’ai posé la question à ce sujet à la Régie des installations olympiques (RIO) sans réussir à obtenir une réponse précise. Donc, on ne le sait pas.
 

 
La partie périphérique du toit comprend une large bande verte. Cette bande, c’est une pellicule de polychlorure de vinyle. Cette pellicule fait glisser la neige du toit.

De plus, en raison de la forme convexe du toit actuel, la neige a peu tendance à y rester. En balayant la neige de son souffle, le vent évite qu’elle ne s’y accumule.

Toutefois avec le nouveau toit, cela n’est plus vrai.

À l’entrevue qu’il a accordée à Benoit Dutrisac, l’ingénieur québécois François Delaney est catégorique. En raison du fait que la partie centrale du nouveau toit sera plate, cela veut dire qu’à chaque tempête, il faudra pelleter la neige qui s’y accumulera.

À défaut de quoi, lors d’une vraie grosse tempête, le poids de la neige sera suffisant pour provoquer l’effondrement de la tour inclinée. (sic)

Or M. Delaney n’est pas n’importe qui; c’était un des adjoints de Roger Taillibert, l’architecte du Stade olympique.

Écoutez la vidéo de cette entrevue : c’est ce que M. Delaney déclare explicitement. En effet, cette tour-ci supportera à 75 % le poids de la neige accumulée. Or, selon l’expert, elle n’a pas été conçue pour cela.

L’autre 25 % sera supporté par l’anneau technique. En réalité, cela se fait par l’intermédiaire d’un anneau elliptique de verre. À sa face même, compter sur la solidité du verre pour supporter quoi que ce soit est une mauvaise idée.

Pour ce qui est du verglas, rappelons que le Stade olympique a traversé la crise du verglas de 1998 sans s’être effondré. Pourtant, beaucoup plus que 3 mm de glace la recouvrait.

Paradoxalement, ce qui l’a protégé, c’est la fragilité du tissu de la partie centrale du toit.

En effet, lors d’une tempête de verglas, de la glace s’accumule le long des câbles qui relient la tour au toit. Or en dégelant, des carottes de glace glissent le long des câbles et viennent frapper la partie du toit qu’ils soutiennent.

C’est ainsi qu’au cours de cette tempête, la chute de ces carottes a perforé la toiture à plusieurs endroits.

Avec un toit plus solide, celui-ci encaissera leur impact plutôt que de les évacuer par des déchirures. Ces carottes rebondiront sans doute un peu partout sur la toiture et tomberont peut-être au sol.

Toutefois, il ne semble pas qu’on ait modélisé tout cela.

Un toit ouvrable ou fermé ?

Cliquez sur l’image pour démarrer

Depuis une vingtaine d’années, François Delaney propose une solution audacieuse; un toit ouvrable en deux moitiés, reposant sur quatre bras (ou consoles) fixés directement sur le roc situé sous le bâtiment.

Non seulement ces consoles s’intègreraient à l’architecture intérieure du stade, mais elles soulageraient celui-ci de quatre-mille tonnes de pression.

Projet retenu

Le projet retenu par la RIO est plutôt un toit fixe dont la partie centrale, relativement plate, sera soutenue à 75 % par des câbles reliés à la tour et à 25 % par l’appui sur l’anneau technique.

Ce nouveau toit aura une partie centrale opaque, entourée d’une ellipse de verre translucide. On dit qu’il permettra à beaucoup plus de lumière naturelle d’entrer dans le stade.

En réalité, cette dose de lumière sera homéopathique. La partie centrale du nouveau toit fixe sera pâle, mais opaque. Et la toiture verte en périphérie (de loin, plus importante) est également opaque. Seule la minuscule ellipse de verre permettra à la lumière extérieure de pénétrer dans le stade.

Lorsqu’on compare la solution retenue par les dirigeants du stade avec la suggestion de M. Delaney, la première est, à mon avis, plus artistiquement réussie alors que la seconde est plus sécuritaire.

Avec la solution de M. Delaney, la nouvelle partie du toit s’appuie directement sur le roc du Bouclier canadien. Rien n’est plus solide.

L’étude de marché

Selon une étude de marché effectuée par la RIO, 99 % des évènements qui se dérouleront au Stade olympique ne nécessiteront pas de toit ouvert.

Pourtant, je verrais très bien un salon annuel du jardinage tenu au printemps dans un stade ensoleillé, mais dont on pourrait fermer le toit rétractable les jours de pluie.

Je verrai un très bien également un derby de démolition (où la poussière serait évacuée par le haut), une course équestre, et plein d’autres activités auxquelles il serait agréable d’assister au grand air dans un espace au toit ouvert.

Il suffirait d’un peu d’imagination pour attirer au Stade olympique la tenue d’évènements qui n’intéresserait personne dans un stade scellé comme une tour de bureaux.

Mais l’étude non dévoilée de la RIO dit le contraire…

Conclusion

Je suis assez indifférent quant à savoir quelle est la meilleure solution. Toutefois, je ne vous cacherai pas que les mises en garde de M. Delaney m’inquiètent au plus haut point alors que les arguments de vente des dirigeants de la RIO me semblent extrêmement superficiels.

Quand on me dit que ce projet est réalisé en mode ‘collaboratif’ (sous-entendu : entre tous les partenaires), j’y vois des gens qui couchent dans le même lit.

Ce qui me désole, c’est la mauvaise foi des dirigeants de la RIO. Or cette mauvaise foi s’explique par le lien fusionnel qui se développe inévitablement lorsqu’on travaille en mode ‘collaboratif’ puisque toute menace aux intérêts de l’un devient une menace aux intérêts de l’autre.

Dire à M. Delaney qu’il n’a qu’à se trouver un consortium prêt à réaliser son idée et à soumettre un devis, cela aurait été bien inutile face à un appel d’offres taillé sur mesure pour lui être défavorable.

Il y eut une époque où on était heureux de rencontrer et d’encourager les nôtres qui avaient de bonnes idées.

En 1962, le gouvernement du Québec mandatait un ingénieur de 32 ans de réaliser ce qui était à l’époque la plus importante structure en béton au monde, longue de 1,5 km, soit le pont-tunnel Hippolyte-La Fontaine.

C’était à cette époque qu’on confiait à un étudiant en architecture à McGill la tâche de concevoir Habitat’67, devenu un des chefs-d’œuvre mondiaux d’architecture du XXe siècle.

Un demi-siècle plus tard, après la réussite de nos grands barrages hydroélectriques, nous sommes devenus des peureux. Et lorsqu’un des nôtres présente une idée originale, on sent le besoin de tuer son idée dans l’œuf plutôt que s’y intéresser et de la promouvoir s’il y a lieu.

Dans l’histoire de l’architecture, on n’aurait jamais érigé des cathédrales gothiques (dont Notre-Dame de Paris) si on avait tenu à continuer de faire des petites églises romanes, comme il y en avait déjà partout.

On n’aurait jamais donné naissance à des gratte-ciels (édifiés autour d’un squelette de métal) si on avait continué à construire des édifices reposant sur des murs porteurs.

On n’aurait pas construit des dômes géodésiques (comme le Biodôme de Montréal). Les arcs elliptiques de Gaudí n’auraient jamais vu le jour.

Devant tout projet d’infrastructure, la première question à se poser est de savoir si celui-ci est cautionné par des ingénieurs ou des architectes qui en garantissent la solidité.

L’insistance des dirigeants de la RIO à ne considérer que des solutions dites ‘éprouvées’ témoigne de leur manque d’audace et de leur médiocrité.

Références :
Breffage technique, remplacement de la toiture du Stade olympique (vidéo)
870 millions pour le nouveau toit et le nouvel anneau technique du Stade olympique
Le nouveau toit du Stade olympique devra laisser entrer la lumière naturelle
Le stade, l’invraisemblable saga du toit et l’inventeur François Delaney
Stade : il a proposé un toit moins cher, sans risques et… on l’a ignoré ! (vidéo)
Un nouveau toit fiable pour les 50 prochaines années

Postscriptum du 7 mars 2024 : On annonce aujourd’hui que le contrat entre Québec et le consortium Pomerleau-Canam a été officiellement conclu au prix de 729 millions$ (excluant les dépenses déjà effectuées).

Réalisé en mode ‘collabo’, ce contrat est 279 millions$ plus élevé que les 450 millions$ du projet de François Delaney.

Contre les dépassements de couts, celui-ci comprenait déjà un ‘coussin’ représenté par une marge de profit de 100 % pour les entrepreneurs qui auraient réalisé son projet.

Référence : Le contrat officiellement conclu (2024-03-07)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pour un durcissement du financement des études universitaires

24 février 2024

Introduction

On apprenait hier la décision des universités McGill et Concordia de poursuivre le gouvernement Legault afin de s’opposer à sa décision de hausser les frais de scolarité imposés aux étudiants étrangers qui fréquentent les universités du Québec.

Rappel de la situation

Les étudiants qui proviennent des provinces anglophones du pays bénéficient d’une subvention de Québec pour venir effectuer ici leur formation universitaire. À la fin de quoi, ils repartent chez eux avec leur diplôme en poche.

Essentiellement, ils payent la moitié du cout réel de cette formation (8 992$ sur 17 000$). L’autre moitié est assumée par les contribuables québécois.

Pendant qu’ils font leurs études, leurs dépenses courantes constituent des retombées économiques intéressantes pour la région montréalaise. C’est le bon côté.

Mais de l’autre, ils contribuent à l’anglicisation de Montréal. À la fois en tant que consommateurs unilingues anglais et en tant que travailleurs à temps partiel, incapables de nous servir en français.

De plus, ces milliers de locataires exercent une pression significative sur le marché locatif et concourent donc à la pénurie des logements, principalement dans le centre-ville de Montréal.

Les accommodements de la CAQ

Face à la levée de boucliers des universités anglophones, le gouvernement de la CAQ s’est empressé d’offrir des accommodements qui ne les ont pas satisfaites. Voilà pourquoi, celles-ci viennent de s’adresser aux tribunaux.

Il est toujours hasardeux d’essayer de prévoir comment les tribunaux d’Ottawa pourraient trancher dans un cas comme celui-ci. Mais il est clair que plus une politique possède d’exceptions, plus il est facile de démontrer qu’elle est discriminatoire.

Il serait donc préférable que la CAQ simplifie sa politique à ce sujet.

L’exemption pour Bishop

Privée de ses étudiants étrangers, l’université Bishop estime qu’elle n’est plus rentable.

Toutefois, elle semblait l’être avant que le gouvernement libéral dérèglemente le financement des études post-secondaires en 2018.

Privée de cette manne, l’université Bishop devra s’astreindre à une certaine rigueur budgétaire comme le font des centaines d’entreprises québécoises.

La ‘péréquation’ en faveur des universités francophones

Pour vendre sa réforme, la CAQ faisait miroiter la promesse de redistribuer aux universités francophones les revenus occasionnés par la hausse des frais de scolarité dans les universités anglophones.

L’idée de dépouiller Pierre pour habiller Paul n’a séduit personne. Tout simplement parce qu’une chute brutale (et probable) des inscriptions ne laisserait pas grand-chose à redistribuer.

Aussi important que soit le financement de nos institutions universitaires, il constitue une considération mineure face au caractère fondamental de l’anglicisation de Montréal et de la crise du logement.

Voilà pourquoi, j’invite la CAQ à renoncer à l’idée d’une ‘péréquation’ qui ne fera qu’alimenter l’argumentaire de McGill et de Concordia, victimes de discrimination selon leurs avocats.

Le prix plancher de 20 000$

Des frais d’inscription minimaux de 20 000$ seront imposés aux étudiants qui ne sont pas des Canadiens.

Cela ne s’applique pas aux étudiants français ou belges puisque leurs pays ont conclu des accords de réciprocité avec le Québec.

En dépit du fait que les provinces anglophones du Canada ont refusé de conclure de tels accords, on a vu plus tôt que ce prix plancher ne s’applique pas aux étudiants des autres provinces, frappés dans leur cas d’une hausse moindre.

Cette discrimination devait également être supprimée, pour les mêmes raisons. En d’autres mots, tous les étudiants étrangers (angloCanadiens ou non) devraient payer le même prix.

Toutefois, le gouvernement de la CAQ devait être prêt à revenir à une tarification moindre… si les universités anglophones abandonnent l’idée de contester les décisions de Québec devant les tribunaux.

Comme quoi une belle carotte vaut mieux qu’un petit bâton.

Les arguments de McGill et de Concordia

L’Université Concordia estime que l’augmentation les tarifs imposés aux étudiants hors Québec contrevient à la Canadian Constitution de 1982.

En premier lieu, l’obligation constitutionnelle qui garantit l’enseignement dans leur langue au peuple angloQuébécois n’est valide que pour l’enseignement au niveau des écoles primaires et secondaires.

Cela ne s’applique pas à l’enseignement post-secondaire (Cégeps et universités).

En deuxième lieu, aucun étranger n’a droit au filet de protection sociale du Québec; on ne peut pas descendre de l’avion pour se faire soigner gratuitement dans un de nos hôpitaux.

Ce n’est donc pas vrai que le contribuable de Rimouski, par exemple, est obligé de subventionner la formation universitaire en anglais des étudiants étrangers. On est cave, mais pas à ce point-là.

Toujours selon Concordia, le gouvernement du Québec n’a pas pris ses responsabilités quant au fait de protéger les établissements ‘minoritaires’.

Le peuple angloQuébécois peut être vu comme une minorité au Québec. Ou il peut être considéré comme l’annexe québécoise de la majorité anglo-canadienne.

Appelé à se prononcer à ce sujet, le Comite des droits de la Personne de l’ONU statuait en 1993 :

To summarize, the United Nations Human Rights Committee ruled […] that Quebec’s English community does not qualify for protection as a minority language group, because it forms part of the Canadian English-speaking majority.

En d’autres mots, les Canadiens anglophones ne peuvent pas être considérés comme une minorité linguistique dans le contexte canadien où ils sont majoritaires.

À mon avis, il serait temps que nos amis angloQuébécois cessent de jouer à la victime; c’est le français et non l’anglais qui est menacé au Québec.

Quant à McGill, ses avocats font valoir que les mesures annoncées par Québec sont discriminatoires et qu’elles résultent d’un exercice déraisonnable de la ministre de l’Enseignement supérieur.

Pour ce qui est de son aspect discriminatoire, il y a certainement matière à débat (comme nous l’avons vu précédemment). C’est peut-être le talon d’Achille des mesures de la CAQ.

Ce parti serait donc avisé de simplifier tout cela. Ou, à défaut, d’invoquer dès maintenant la clause dérogatoire de la Canadian Constitution de 1982 afin de rendre ses politiques conformes à celle-ci.

Ce qui éviterait des années de procédures judiciaires au cours desquelles l’anglais continuera de progresser au Québec.

Conclusion

La CAQ est au pouvoir depuis six ans.

Quand on regarde son bilan nul en matière de défense du français et les mesures timides qu’elle a prises pour lutter contre la crise du logement — deux domaines impactés par la venue de milliers d’étudiants unilingues anglais — on comprend l’inquiétude des stratèges de la CAQ devant la remontée irrésistible du Parti Québécois.

Tant que le Québec n’aura pas accédé à son indépendance, la communauté anglaise du Québec confondra toujours ses privilèges avec des droits fondamentaux. Et les partis fédéralistes ou mollement nationalistes seront toujours prêts à tergiverser au lieu d’agir.

Références :
Décision de l’Onu
Droits de scolarité des étudiants non résidents : Concordia et McGill poursuivent Québec
Financement universitaire: un déséquilibre à corriger
Francisation des étudiants de McGill : La CAQ a raison
La ministre Déry revoit son annonce sur les droits de scolarité des non-Québécois de fond en comble
L’anglicisation du Québec et la Caisse de dépôt et placement
Le Québec, Dollarama des études postsecondaires ?
Les universités anglophones du Québec proposent de franciser 40 % de leurs étudiants
Principaux pays d’où proviennent les étudiants internationaux à l’université McGill

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Bilinguisme des magistrats : la capitulation du ministre Simon Jolin-Barrette

9 décembre 2023

Introduction

De 2016 à tout récemment, Me Julie Rondeau était juge en chef de la Cour du Québec. À ce titre, c’est elle qui coordonnait et répartissait le travail des juges en plus de voir à l’allocation des ressources afin d’assurer la bonne marche de la justice sous son autorité.

En janvier 2022, elle ordonnait une grève du zèle des magistrats en chambre criminelle, c’est-à-dire des juges qui président aux procès intentés en vertu du Code criminel canadien.

Jusque là, ceux-ci siégeaient deux jours sur trois, l’autre étant consacré à la rédaction de leurs décisions. La directive de la juge Rondeau, c’était de ne siéger que la moitié du temps, une mesure destinée à accentuer la thrombose judiciaire actuelle.

Signalons qu’ailleurs au Canada, les juges des Cours criminelles siègent 80 % du temps.

La juge Rondeau voulait ainsi forcer le gouvernement de la CAQ à nommer davantage de juges bilingues.

Dans un premier temps, le ministre de la Justice et la juge Rondeau en sont arrivés à une entente provisoire où les juges siégeaient un peu plus souvent en contrepartie de quelques juges bilingues de plus.

L’aplatissement du ministre

Plus tôt cette semaine, on apprenait que le ministre de la Justice et le nouveau juge en chef de la Cour du Québec avaient résolu définitivement leur conflit quant à l’exigence du bilinguisme chez les candidats à la fonction de juge.

À sa sortie de l’Assemblée nationale, le ministre déclarait triomphalement :

[Cette entente] vient garantir que n’importe quel avocat ou notaire qui va accéder à la magistrature n’est pas obligé de maitriser la langue anglaise. Donc, la langue anglaise ne constitue pas une barrière pour être juge.

Vraiment ?

En l’an 2000, dans tout le Québec, un seul appel de candidature au poste de magistrat exigeait la connaissance de l’anglais. Un seul dans tout le Québec.

De manière générale, l’exigence du bilinguisme était rare avant l’accession au pouvoir du gouvernement libéral de Jean Charest en 2003. Cette exigence s’est généralisée avec le retour de ce parti au pouvoir en 2014 sous la direction de Philippe Couillard.

Si bien que de nos jours, la proportion de juges bilingues au Québec atteint 87,9 %.

En vertu de cette nouvelle entente, 90 % des juges devront obligatoirement maitriser la langue de Shakespeare dans tous les tribunaux montréalais relevant de la Cour du Québec, tant en chambre criminelle et pénale qu’en chambre de la jeunesse et en chambre civile.
 

 
Cette entente est une capitulation du ministre puisqu’elle pérennise définitivement la bilinguisation à outrance du système judiciaire québécois instaurée par le Parti libéral du Québec.

En plus de la région métropolitaine, les régions les plus nordiques du Québec faisaient partie du litige. Dans ces régions, les Inuits (autrefois connus sous l’appellation d’Eskimos) ont l’anglais comme langue seconde puisqu’ils n’ont connu que la colonisation anglaise.

Ce que les peuples autochtones réclament, ce n’est pas qu’on leur accorde l’immense privilège de pouvoir s’adresser à la Cour dans la langue de leur colonisateur anglais, mais le droit de témoigner dans leur langue maternelle. Ce qui permettrait aux enfants (généralement unilingues) d’être entendus.

À défaut de nommer des avocats autochtones à la magistrature, la solution de rechange la plus appropriée est de permettre aux Inuits de s’adresser à la Cour par l’intermédiaire d’un traducteur. C’est probablement ce qui se fait déjà.

Conséquemment, la langue du juge n’a pas d’importance dans ces procès. Ce qui compte, ce sont les langues parlées par les traducteurs.

Or parmi les centaines de Québécois qui travaillent dans ces régions, il est impossible qu’il n’y en ait aucun qui soit apte à traduire du français à l’inuktitut (la langue des Inuits) et vice-versa.

L’objectif des juges ultra-fédéralistes de la Cour du Québec, ce n’est pas de faciliter l’accès des Inuits à la Justice, mais de poursuivre l’assimilation anglaise des Autochtones à laquelle Ottawa travaille depuis le milieu du XIXe siècle.

Une violation de l’esprit de la Loi 101

La bilinguisation mur-à-mur des milieux de travail sous le prétexte que cela est plus simple pour les gestionnaires de personnel est précisément ce que voulait interdire la version originelle de la Loi 101, celle adoptée par le Parti Québécois.

Il est difficile d’imaginer que le ministre de la Justice, avocat de formation, ait pu s’entendre avec le juge en chef de la Cour du Québec pour violer le texte de la Loi 101.

On doit donc présumer que leur accord est compatible avec ce qui reste de la Loi 101 (adoptée en 1977), après que des pans entiers eurent été invalidés par la Canadian Constitution (adoptée en 1982 justement en réaction à la Loi 101).

La langue des procédures criminelles

Les deux branches du droit canadien sont le droit civil et le droit criminel. Le premier vise à régler des conflits entre des particuliers alors que le second vise à punir des comportements antisociaux.

C’est le parlement canadien qui légifère en matière criminelle alors que c’est l’Assemblée nationale du Québec qui légifère en matière civile.

L’article 133 du British North America Act (adopté par Londres en 1867) autorise les témoins, les avocats et les juges à s’exprimer dans la langue de leur choix au cours des procès criminels qui se déroulent au Québec.

La version anglaise de cet article (la seule version officielle) se lit comme suit :

Either the English or the French language […] may be used by any person or in any pleading or process in or issuing from […] any of the courts of Quebec.

Une des règles d’interprétation des lois est que le législateur ne parle pas pour rien. Donc même si, strictement parlant, l’article 133 consacre le droit du juge de parler sa langue à lui, puisque cet article permet à l’accusé de s’exprimer dans une autre langue, il va de soi que le juge doit être capable de comprendre ce qu’il dit. Directement ou par le biais d’un interprète.

Dans son domaine de compétence constitutionnelle, le gouvernement canadien a accordé en 1985 à chaque personne accusée en vertu du droit criminel (peu importe la province), le droit d’être jugé par un magistrat qui parle sa langue (s’il s’agit d’une des deux langues officielles du pays).

Contrairement à ce qu’on dit souvent, l’article 530 du Code criminel canadien n’oblige pas le plaidoyer des avocats ni la décision du tribunal d’être dans la langue de l’accusé : tout ce qui est exigé, c’est que dans les causes criminelles, le juge ‘parle’ la langue de l’accusé. Rien n’exige de lui qu’il ait une connaissance avancée de cette langue. Il n’est même pas nécessaire qu’il sache l’écrire.

À part le Nouveau-Brunswick (qui est un cas particulier), aucune province anglophone n’a cru bon bilinguiser sa magistrature mur-à-mur au cas où un accusé francophone se pointerait quelque part à demander un procès dans sa langue.

Au Canada anglais, si l’accusé exprime sa préférence d’être jugé en français au moment de sa comparution, le magistrat qui reçoit cette demande réfère la cause à un collègue qui en est capable si lui ne le peut pas.

Au Québec, la juge en chef de la Cour du Québec (de qui dépendent, entre autres, toutes les chambres criminelles) a préféré exiger le bilinguisme de tous les juges sous son autorité. Ce qui est plus simple pour elle car cela lui permet d’attribuer paresseusement les causes au hasard puisque tous ses magistrats possèdent les compétences requises, tant en anglais qu’en français.

Malheureusement, cela est contraire à l’esprit de la Loi 101. Pour la Charte de la langue française, l’exigence du bilinguisme ne se justifie que lorsque cela est nécessaire. Et non quand c’est simplement plus commode pour l’employeur.

La langue des procédures civiles

Contrairement à ce qu’on pense, dans les causes civiles (et non criminelles), il n’existe pas au Canada de droit constitutionnel d’être jugé dans sa langue ailleurs qu’au Nouveau-Brunswick.

En 2013, la Cour suprême du Canada a reconnu le droit des tribunaux de Colombie-Britannique d’exiger la traduction anglaise de tous les documents en français qui leur sont soumis à titre de preuves.

Dans son jugement, le plus haut tribunal du pays écrit :

La Charte [canadienne des droits et libertés] n’oblige aucune province, sauf le Nouveau-Brunswick, à assurer le déroulement des instances judiciaires dans les deux langues officielles. Elle reconnait l’importance non seulement des droits linguistiques, mais aussi du respect des pouvoirs constitutionnels des provinces.
[…]
[Or] les provinces ont le pouvoir constitutionnel de légiférer sur la langue utilisée devant leurs tribunaux, un pouvoir qui découle de leur compétence en matière d’administration de la justice.

La législature de la Colombie-Britannique a exercé ce pouvoir [en prescrivant] le déroulement des procès civils en anglais, [ce qui vaut] aussi pour les pièces jointes aux affidavits déposés dans le cadre de ces instances.
[…]
Il n’est donc pas contraire à la Charte [canadienne des droits et libertés] que la législature de la Colombie-Britannique décide que les instances judiciaires se déroulent uniquement en langue anglaise dans cette province.

En effet, les rédacteurs de la constitution canadienne auraient pu décider de consacrer explicitement le droit fondamental d’être jugé dans sa langue, même dans les causes civiles. Ils ont préféré s’en abstenir, s’en remettant plutôt au pouvoir discrétionnaire des provinces.

C’est ainsi que depuis son accession à la magistrature québécoise (grâce à Ottawa), la juge fédérale Karen Kear-Jodoin rend presque tous ses jugements dans sa langue maternelle, l’anglais.

Elle le fait même dans les causes où tous les avocats et tous les témoins se sont exprimés en français, et lorsque tous les documents soumis en preuve sont rédigés dans la langue de Molière.

Étant donné qu’il est légal au Québec de rendre justice en anglais dans des causes où l’accusé est unilingue français — l’inverse ferait scandale au Canada anglais — et puisque même la Loi 101 n’y peut rien, il faut recourir à des moyens plus efficaces pour s’opposer à la bilinguisation à outrance de la Justice québécoise.

La solution ultime

Pour aller au-delà de la Loi 101 — qui est déjà en elle-même une loi supra-législative — il faut que le législateur précise sa volonté dans la Constitution du Québec.

Contrairement à la Canadian Constitution de 1982, celle du Québec peut être amendée par un vote des deux tiers des députés de l’Assemblée nationale, ce qui lui confère une faculté d’adaptation face à l’avenir dont la Canadian constitution de 1982 est incapable.

Notre constitution devrait statuer que dans toutes les causes civiles, la Justice devrait être rendue au Québec en français. Comme elle l’est en anglais dans toutes les autres provinces du pays (sauf le Nouveau-Brunswick).

Ce qui signifie qu’elle doit accorder aux juges le pouvoir d’exiger la traduction française de tout document soumis dans une autre langue. Comme la Colombie-Britannique exige déjà la traduction anglaise des documents soumis à ses tribunaux.

De plus, à l’issue des causes civiles, tous les jugements devraient être rendus en français (sauf évidemment les passages où sont citées des lois ou de la jurisprudence en anglais). Pourquoi ? Grâce à l’Intelligence artificielle, la traduction effectuée par Google Translation dépassera bientôt en qualité et en exactitude celle de n’importe quel traducteur professionnel.

Et surtout, le Québec devrait étendre le droit de témoigner dans sa langue à chacun des onze peuples autochtones du Québec… quand il s’agit d’une cause civile. Pour ce faire, il suffira à l’accusé, au moment de sa comparution, d’exprimer sa préférence et le système judiciaire fera appel à sa banque de traducteurs pour assurer à l’accusé le droit de témoigner dans sa langue et de comprendre ce qui se passe grâce à la ‘traduction simultanée’ qui lui est offerte.

Conclusion politique

Puisque l’immigration massive voulue par Ottawa au cours des prochaines années représente un péril mortel pour le Québec, on peut s’étonner que seuls 19 % d’entre nous jugent que François Legault devrait s’attaquer en priorité au déclin du français.

En réalité, c’est beaucoup.

Quand la majorité des Québécois peinent à boucler leur budget, quand un Québécois sur dix fréquente les banques alimentaires, quand des millions de locataires craignent d’être victimes d’une rénoviction, quand un nombre record de dix-mille sans-abris (dont trois-mille femmes) couchent çà et là dans nos villes, quand le tambour de la guerre résonne partout, il est extraordinaire qu’il y ait encore des gens pour se soucier du péril abstrait que représente l’extinction du peuple francoQuébécois.

Toutefois, ce modeste 19 % pourrait faire la différence entre la réélection de la CAQ et l’élection d’un nouveau gouvernement péquiste.

Si le premier ministre veut un troisième mandat, il faudra qu’il nous donne des raisons de voter pour lui. Or personne ne pouvait prévoir la capitulation honteuse de celui qui était perçu jusque-là comme le chef de l’aile nationaliste de la CAQ.

L’entente intervenue entre le ministre Simon Jolin-Barrette et le juge en chef de la Cour du Québec est en dessous de tout; cette entente pérennise la bilinguisation à outrance de l’appareil judiciaire québécois voulue par le régime hyperfédéraliste de Philippe Couillard.

Dans le contexte actuel, le message de la CAQ est le suivant; ne comptez pas sur nous pour assurer la survie du français au Québec. Si cette survie vous préoccupe, votez péquiste !

Références :
Bilinguisme chez les juges : le ministre de la Justice et la Cour du Québec s’entendent
Bilinguisme chez les juges: Québec essuie un nouveau revers face à la juge Rondeau
Être condamné dans une langue qu’on ne comprend pas
La juge en chef remporte la première manche contre Québec
L’esprit de caste de la juge Lucie Rondeau
Multiplication des postes de juges bilingues depuis 15 ans au Québec
Réforme de la juge Rondeau : 9000 causes criminelles en péril, selon Québec

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Écrit par Jean-Pierre Martel