Par définition, l’histoire de l’Humanité débute avec l’invention de l’écriture. Avant, on parle de préhistoire.
Pourtant, peut-on imaginer une histoire de la France qui débuterait avec la conquête romaine des Gaules sous le prétexte que les Romains ont laissé des écrits alors que les Gaulois, illettrés, n’ont laissé aucun document antérieur à cette conquête ?
Pour pallier cette lacune, on a créé le concept (controversé) de ‘protohistoire’. Celle-ci se situe entre la préhistoire et l’histoire. Elle couvre l’histoire des peuples illettrés telle que racontée à la même époque par des peuples dotés d’une écriture.
Dans sa rubrique consacrée à l’histoire de France, Wikipédia la divise en quatre époques :
• la préhistoire,
• la protohistoire et l’antiquité,
• du Moyen-Âge à la Révolution, et
• depuis la Révolution.
De la même manière, l’histoire du Québec (au sens général du terme) comprend évidemment l’histoire de nos peuples autochtones. Mais l’histoire proprement dite débute avec la colonisation française au Québec, c’est-à-dire avec l’arrivée chez nous de Samuel de Champlain.
Dernièrement, le premier ministre du Québec annonçait l’intention de son gouvernement de créer un musée national consacré à l’histoire proprement dite du Québec.
Cette décision a aussitôt suscité la controverse. On reproche à ce projet d’ignorer notre préhistoire, celle des peuples autochtones qui occupaient ce territoire depuis des siècles, voire depuis plus d’un millénaire.
Toutefois, selon le dicton, qui trop embrasse mal étreint. En d’autres mots, le premier ministre a sans doute raison de limiter dès le départ l’ambition de ce nouveau musée, quitte à en élargir la portée lorsqu’il atteindra sa maturité.
Ceci étant dit, il serait peut-être avantageux que ce musée présente également notre protohistoire, c’est-à-dire l’époque des voyages infructueux de Jacques Cartier.
En comparant Cartier à Champlain, cela permettrait d’expliquer l’échec du premier (qui s’est mis tous les peuples autochtones à dos), et de comprendre pourquoi le doigté et la diplomatie du second ont rendu possible une présence française en Amérique, une présence qui s’est poursuivie jusqu’à maintenant, en dépit des difficultés qu’elle a rencontrées.
À une époque où le militantisme idéologique de certains tend à gommer les différences fondamentales entre la colonisation française en Amérique et les autres, notre passé (unique dans l’histoire de l’Humanité) mérite d’être présenté.
Or, pour éviter l’appropriation culturelle — si condamnable aux yeux du mouvement woke — cette histoire ne peut être racontée que par nous, quitte à laisser aux peuples autochtones le soin de raconter la leur (aidés par le financement de l’État).
Compléments de lecture :
Colonisation et esclavage en Nouvelle-France
Gabriel Sagard en Huronie
L’époque troublée du premier Irlandais au Canada
Les Sauvages
L’histoire de la Fleur de Lys
« quitte à laisser aux peuples autochtones le soin de raconter la leur…»
Comment pourraient-ils mettre dans un musée leur histoire du 15è siècle?
Plusieurs historiens et archéologues extrêmement compétents font partie des peuples autochtones du Québec.
À partir des artefacts, on peut recréer des modes de vie, des rites religieux et d’autres aspects des différentes cultures qui prévalaient avant l’arrivée des Européens.
Tout cela peut être mis en valeur grâce à une scénographie moderne.
Faisons confiance à nos créateurs pour rendre passionnante cette partie de notre histoire au sens large du terme.