Introduction
Le Bureau national anticorruption (BNAC) est un corps policier spécialisé créé par le parlement ukrainien en 2014.
Employant actuellement 700 personnes, le BNAC dispose de larges pouvoirs d’enquêtes, mais n’a pas le pouvoir d’intenter des poursuites. Dans ce sens, il correspond au Québec à l’Unité permanente anticorruption (UPAC).
Lorsqu’il estime irréfutable la preuve qu’il a recueillie, le BNAC la soumet au Bureau du procureur spécialisé anticorruption. Celui-ci est placé sous l’autorité directe du Procureur général (c’est-à-dire du ministre de la Justice).
De manière analogue, lorsque l’UPAC estime que sa preuve justifie une accusation criminelle, il la soumet à la Direction des poursuites criminelles et pénales (DPCP), seul détenteur au Québec du pouvoir d’intenter des poursuites criminelles, et relevant du ministre de la Justice.
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Lutte anticorruption : l’Ukraine vs le Québec
| Pouvoir… | Ukraine | Québec |
| …d’enquête | BNAC | UPAC |
| …de poursuite | Procureur spécialisé anticorruption | DPCP |
| …de sanction | Tribunal spécialisé | Cour Supérieure |
La loi No 12414
Le 21 juillet, des forces policières effectuaient une descente dans les bureaux du BNAC à la suite d’allégations de trafic d’influence à l’encontre de quinze de ses employés et d’une accusation d’espionnage au profit de la Russie à l’encontre d’un haut responsable.
Accusant le BNAC d’être infiltré par des agents russes, le parlement ukrainien adoptait dès le lendemain une loi qui assujettissait plus directement le BNAC au ministre de la Justice.
À l’origine, il s’agissait d’un projet de loi assez inoffensif, soumis au parlement il y a plusieurs mois, mais qui a été modifié à la dernière minute de manière inattendue.
Selon Radio-Canada, cette loi permet au ministre de la Justice de donner des ‘instructions’ au BNAC. Ce qui, en soi, est normal. En comparaison, le ministre de la Justice du Québec peut ordonner une enquête policière à la suite, par exemple, de révélations journalistiques.
Mais plus inquiétant est le pouvoir qui lui est accordé d’avoir accès aux détails de n’importe quelle enquête, de retirer au BNAC des dossiers (ceux politiquement sensibles, par exemple) pour les confier à des enquêteurs de son choix, et d’être dorénavant le seul habilité à poursuivre de hauts fonctionnaires pour corruption.
La Révolution des cartons
Dès l’adoption de cette loi, l’Union européenne a activé tout son réseau d’ONG en Ukraine pour qu’ils mobilisent les jeunes.
Afin de les galvaniser, le narratif européen soutient que la loi No 12414 «…viole l’héritage sacré de la révolution de Maïdan de 2014, qui avait placé la lutte contre la corruption et la séparation des pouvoirs au cœur du renouveau démocratique ukrainien.»
En réalité, la Révolution de Maïdan était un coup d’État destiné à empêcher la signature d’un traité de coopération économique très avantageux que la Russie proposait à l’Ukraine. Ce coup d’État n’a pas de rapport avec la création du BNAC.
Après le rejet de l’offre de la Russie, l’Union européenne n’avait rien de concret à offrir à l’Ukraine pour la sauver de la faillite. Plus tard cette année-là, le pays s’est donc tourné vers le Fonds monétaire international. Et c’est le FMI qui a conditionné son aide à l’adoption de mesures énergiques destinées à combattre la corruption dans le pays.
Les dessous de l’affaire
On doit savoir que lorsqu’une affaire est ‘classée’ (sous-entendu : classée… sans suite), on est habilité à en détruire la preuve. À défaut de quoi les archives policières crouleraient sous le poids des plaintes non fondées.
Or c’est un secret de Polichinelle que dans un pays aussi corrompu que l’Ukraine, la guerre russo-ukrainienne a été une occasion formidable d’enrichissement personnel pour les oligarques, la classe politique et le crime organisé.
D’autant plus que jusqu’ici, tous les bailleurs de fonds de l’Ukraine ont évité de lui demander de rendre des comptes. Mais l’heure des comptes approche.
Dès la fin de la guerre, les puissances occidentales tenteront de récupérer le maximum de tout l’argent qui ne s’est jamais rendu au front.
D’où l’importance des enquêtes du BNAC, sachant que celui-ci travaillait en étroite collaboration avec l’Union européenne et surtout, le FBI. Rappelons qu’en 2016, Joe Biden avait réclamé et obtenu la destitution du procureur spécialisé anticorruption (Viktor Chokine) qui ne lui plaisait pas.
Donner au ministre de la Justice ukrainien le pouvoir discrétionnaire de fermer les dossiers compromettants et d’en faire détruire la preuve sent la fin de régime…
Références :
La génération Z en colère contre le gouvernement
La loi anticorruption approuvée par Zelensky suscite la colère en Ukraine
L’engrenage ukrainien
Le SBU et l’UCP ont dénoncé un député ukrainien travaillant actuellement en Fédération de Russie : il avait une influence significative sur les activités du NABU (vidéo) (en ukrainien)
National Anti-Corruption Bureau of Ukraine
Nikolaï Azarov : Zelensky a détruit le NABU pour cacher les milliards d’Ermak
Ukraine : l’histoire secrète de la révolution de Maïdan
Ukraine’s anti-corruption crackdown: How NABU and SAPO were targeted and what’s at stake
Ukraine : Une nouvelle loi sape l’indépendance des organismes anti-corruption
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Écrit par Jean-Pierre Martel







