L’inéligibilité de Marine Le Pen

Publié le 31 mars 2025 | Temps de lecture : 3 minutes

C’est plus tôt aujourd’hui que Marine Le Pen (la cheffe du Rassemblement national) et huit de ses eurodéputés ont été reconnus coupables de détournement de fonds publics.

Madame Le Pen a été condamnée à une peine d’inéligibilité de cinq ans et à une peine d’emprisonnement de quatre ans, dont deux sous bracelet électronique.

La législation québécoise au sujet du financement politique relève du Code civil (québécois) et non du droit criminel (canadien). Or le droit civiliste considère la fraude politique comme un délit et non comme un crime.

Ce qui évite que les tribunaux québécois soient instrumentalisés à des fins politiques, comme ils le sont dans d’autres pays (en Roumanie, par exemple).

Promulguée le 9 décembre 2016, la loi française surnommée Sapin-II stipule à son article 19 que les magistrats ont l’obligation de retirer l’éligibilité des politiciens condamnés pour fraude politique. Le législateur français commettait ainsi une grave erreur en faisant du pouvoir discrétionnaire des procureurs un outil de répression politique.

Après avoir accepté ce cadeau empoisonné, les tribunaux se retrouvent aujourd’hui dans la nécessité d’invoquer le respect de l’État de droit pour faire avaler au peuple français l’érosion de son pouvoir souverain.

Imaginez qu’à la suite du rapport Gomery (au sujet du scandale des commandites), le système judiciaire canadien ait profité de l’élection du gouvernement conservateur de Steven Harper pour faire emprisonner une bonne partie du cabinet libéral de Paul Martin, le Canada aurait passé pour une république de bananes.

Ceci étant dit, personne ne réclame ici l’impunité de Marie Le Pen. Elle a fraudé : eh bien, qu’elle paie.

Toutefois, si les tribunaux français avaient condamné le Rassemblement national à rembourser les 2,9 millions d’euros de la fraude, majorés d’une pénalité importante, ce parti serait en faillite. Et ses dirigeants auraient à rebâtir à neuf une nouvelle formation politique, une corvée dont ils se souviendraient longtemps.

Ce faisant, les tribunaux n’auraient pas privé le peuple français de son droit de choisir ses dirigeants, aussi imparfaits soient-ils.

En confiant aux tribunaux le pouvoir d’empêcher le peuple français de s’exprimer par voie démocratique, ils ne lui laissent que le choix d’imposer sa volonté par des voies qui ne le sont pas, et notamment par la violence (aidé discrètement par l’ami américain).

Références :
Article 19 de la loi Sapin-II
Inéligibilité : que prévoient les lois de 2016 et 2017 ?
La volonté populaire en Europe soumise à la dictature des juges : le cas de la Roumanie
Marine Le Pen inéligible cinq ans et condamnée à quatre ans de prison

Paru depuis : Condamnation de Marine Le Pen : Jean-Luc Mélenchon rejoint les critiques de la droite et de l’extrême droite sur la justice (2025-03-31)

Complément de lecture : Kadhafi a-t-il « investi » dans Sarkozy ? (2025-04-06)

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2 commentaires à L’inéligibilité de Marine Le Pen

  1. André joyal dit :

    «…faire emprisonner une bonne partie du cabinet libéral de Paul Martin…» S’ils avaient commis un crime, il aurait fallu les condamner.

    Il semble que Marine Le Pen mérite son sort, elle l’a cherché.
    Dommage. Moi qui souhaite la candidature de De Villepin, je l’imagine, entre les deux tours, dévorer la Marine de façon encore plus subtile que l’a fait Macron pour son 1er mandat.

  2. Jacques Légaré dit :

    La position de Monsieur Martel, pourtant bien argumentée en droit comparatif, aboutit au pire : l’électorat devient juge.

    Or la démocratie grecque, il y a 2500 ans, donnait à l’Ecclésia qui est l’assemblée du peuple en démocratie directe, un pouvoir judiciaire.

    Elle fit exécuter sur le champ les généraux, pourtant au retour d’une grande victoire, qui s’étaient présentés devant elle pour recevoir tous les honneurs de la victoire. Accusés de n’avoir pas secouru leurs propres marins naufragés, ils furent exécutés sur le champ.

    Très mauvais quand une institution cumule des pouvoirs qui nécessitent leur stricte séparation pour agir en toute cohérence, à défaut de sérénité. Les juges au tribunal sont plus sereins que les élus en assemblée.

    Les juges ne sont pas mus par l’intérêt, la passion partisane ou le carriérisme. Uniquement par la vertu de justice et celle qu’ils réussissent à trouver dans les lois qui les encadrent et qu’ils appliquent.

    Enfin, l’électeur veut voir sur son bulletin de vote que des gens intègres. Pas de criminels condamnés qui viennent par la bande lui commander une immunité par le suffrage universel.

    La célébrité ou la notoriété ne sont pas des chèques en blanc pour l’impunité

    Trump a réussi ce coup fumeux et vicieux, très vicieux. Les Canadiens, et même les Américains, ont déjà commencé à en manger les fruits pourris.

    Que des mains propres comme candidats. Dehors les arrivistes, les populistes, les fascisants, les fourbes et les ratoureux qui détournent les fonds publics ou mentent comme ils respirent.

    Seuls Poutine, Orban et Musk les appuient publiquement, et leurs partisans indignes parce qu’ils sont justement des crapules, dans les faits avérés ou dans l’âme.

    Pas beau notre avenir qui s’en vient.

    Jacques Légaré
    ph.d. en philosophie politique

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