L’engouement pour la géopolitique

Publié le 28 janvier 2025 | Temps de lecture : 4 minutes

Introduction

Depuis toujours, on sait que la géographie détermine l’histoire des peuples. Voilà pourquoi la Suisse, pays enclavé, n’est jamais devenue une puissance maritime puisqu’elle n’a pas accès à la mer.

De la même manière, on peut dire que si Montréal est une ville presque deux fois plus populeuse qu’Amsterdam, c’est en raison de sa proximité avec le marché américain. Une proximité qui lui permet de générer une activité économique suffisante pour nourrir 1,8 million de personnes.

Toutefois, la géopolitique dépasse le cadre étroit du déterminisme géographique.

De nos jours, la géopolitique est une discipline académique à cheval entre la géographie, les sciences politiques et la stratégie militaire.

La compréhension du réel

On devrait s’attendre à ce que la lecture méticuleuse des nouvelles internationales suffise à la compréhension ce qui se passe à travers le monde.

Ce n’est pas le cas.

Pendant que les médias traditionnels perdaient une bonne partie de leurs revenus publicitaires au profit des géants du Web, la première chose qu’ils ont sacrifiée, ce sont leurs journalistes et leurs correspondants à l’Étranger.

Dépêche de l’Agence France-Presse (AFP)

Et pour compenser cette perte, ils se sont abonnés à des agences de presse couvrant l’actualité internationale. Malheureusement, depuis toujours, celles-ci sont ces entreprises opaques qui véhiculent de la propagande.

En Occident, l’Agence France-Presse, Associated Press et Reuters (entre autres) véhiculent de la propagande occidentale. L’Agence Tass et Sputnik véhiculent de la propagande russe. Et ainsi de suite.

Cela ne veut pas dire que ce qu’elles écrivent est faux. La plupart du temps, leurs dépêches ne font que présenter la partie de la vérité qui correspond au narratif occidental. Mais parfois, ce qu’elles propagent est totalement faux.

L’exemple du ‘pogrome’ d’Amsterdam

Pour s’en convaincre, on peut prendre un exemple récent qui ne devrait pas être de nature à susciter la controverse; le fameux ‘pogrome’ d’Amsterdam

Pour qu’il y ait pogrome, il faut qu’au moins un Juif soit tué.

Je ne dis pas qu’il est regrettable qu’aucun Juif n’ai été tué à Amsterdam. Je dis : pas de Juif tué, pas de pogrome.

De plus, comparer les émeutes d’Amsterdam à la Nuit de Cristal survenue les 9 et 10 novembre 1938 est une grossière exagération : il y a 86 ans, des centaines de Juifs ont été tués, 267 synagogues furent réduites en cendres, et sept-mille commerces juifs ont été pillés ou détruits.

Il n’y a pas eu l’ombre de tout cela à Amsterdam en novembre dernier.

Pourtant, toutes les agences de presse occidentales (et conséquemment, tous les médias qui publient leurs dépêches) ont relayé comme un fait avéré l’accusation du gouvernement israélien selon laquelle, les Pays-Bas ont été complices d’un ‘pogrome’ en novembre dernier.

Bref, tous nos journaux nous ont menti.

Nouvelles internationales et géopolitique

L’intérêt de la géopolitique, c’est qu’elle permet de comprendre le fond des choses. En plus de s’appuyer sur les faits, elle vise à expliquer le pourquoi et le comment.

Voilà pourquoi cette disciple est à ce point populaire, notamment sur YouTube.

Mais comme tout ce qui s’avère à la mode sur les médias électroniques, elle est aussitôt contaminée par des propagandistes.

Comment reconnaitre les imposteurs ? Par leur usage de l’adjectif.

L’analyse objective n’a pas besoin d’une abondance d’adjectifs. Par contre, si on veut susciter l’indignation et la haine, l’exagération et l’abus de l’adjectif sont indispensables.

De plus, si un texte est un plaidoyer en faveur de la supériorité morale d’une partie des protagonistes d’un conflit, c’est que ce texte substitue la foi à la vérité.

Référence : Un ‘pogrome’ à Amsterdam : vraiment ?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La rivalité commerciale sino-américaine : le cas du port péruvien de Chancay

Publié le 16 mai 2024 | Temps de lecture : 4 minutes

La route de la soie

Depuis 2013, la Chine investit des sommes colossales afin de développer un réseau de voies ferroviaires et maritimes regroupées sous le vocable de ‘Nouvelle route de la soie’.

Dans le cas de l’ensemble des installations portuaires que la Chine achète ou construit à l’Étranger, il est à noter que des groupes de réflexion américains lui ont donné le nom spécifique de ‘Collier de perles’. Toutefois, cette expression ne fait pas partie du vocabulaire de l’État chinois.

Ce réseau terrestre et maritime est destiné à favoriser l’importation des matières premières dont l’économie chinoise a besoin et à faciliter l’exportation de ses produits finis.

Puisque le territoire chinois, pourtant vaste, est insuffisant à nourrir les 1,3 milliard de personnes que compte sa population, ce réseau servira également à assurer l’approvisionnement alimentaire de la Chine à partir des terres agricoles que ce pays a acquises à l’Étranger, notamment de ses palmeraies africaines.

Le port de Chancay


 
Une des ‘perles’ du collier chinois sera le port en eau profonde de Chancay. En construction depuis quelques années, il situé à 74 km de la capitale du Pérou. C’est le fruit d’un partenariat entre ce pays et la Chine.

Il s’agit un projet de 3,6 milliards$US destiné à faire de Chancay le ’Shanghai’ de l’Amérique du Sud. Il comprendra des quais, des entrepôts, des équipements de manutention et tout ce qui est nécessaire au fonctionnement du terminal.

Le traité intervenu entre la Chine et le Pérou prévoyait que la China Ocean Shipping Company (ou COSCO) aurait été l’opérateur exclusif du port.

COSCO est une entreprise de Hong Kong détenue par l’État chinois. Œuvrant dans 1 600 ports répartis dans 160 pays, elle est une des principales entreprises de transport maritime et de logistique au monde; sa flotte comprend des porte-conteneurs, des pétroliers, des navires de transport de véhicules ou de transport de marchandise en vrac, etc.

De plus, elle est impliquée dans la construction navale, le courtage maritime, les services de transport intermodal et, comme dans ce cas-ci, la gestion des terminaux portuaires.

L’ouverture officielle des premiers quais du port de Chancay est prévue lors d’une visite du président chinois à l’occasion du sommet de l’APEC, en novembre prochain.

Importance géostratégique

La mise en service de ce port devrait bouleverser le transport maritime en Amérique du Sud.

En 2023, la Chine importait pour 135 milliards$US de marchandises provenant des cinq pays suivants : la Colombie, l’Équateur, le Pérou, le Chili et le Brésil. Les importations chinoises concernaient du lithium, du soya, du maïs, des huiles végétales, du fer et du ciment.

À l’heure actuelle, l’Amérique du Sud compte déjà quatre ports en eau profonde donnant sur le Pacifique. Chancay deviendra donc le cinquième, mais le premier contrôlé par la Chine.

Même si la COSCO s’abstenait de concentrer ses opérations à Chancay (ce qui est douteux), celui-ci pourrait recevoir par train les marchandises que le Brésil destine à la Chine. Ce qui lui évitera le détour par le canal de Panama ou le contournement du redoutable Cap Horn.

Le monopole de COSCO sur Chancay ne signifie pas que seuls des navires chinois y auront accès, mais que les navires des autres pays seraient forcés de faire affaire avec l’entreprise chinoise.

Les États-Unis voient d’un très mauvais œil la construction de ce port puisque cela permettrait de contourner ou de rendre plus difficile un blocus maritime américain contre la Chine.

Déjà, sous pression de Washington, le parlement péruvien a adopté le mois dernier une nouvelle loi qui remet en question la parole donnée par le Pérou à la Chine.

D’où la menace chinoise de porter l’affaire devant les tribunaux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

C’est à suivre…

Références :
China vows ‘firm support’ for Peru as Foreign Minister Javier Gonzalez-Olaechea Franco visits Beijing
Le port de Chancay au Pérou : une pierre chinoise dans l’arrière-cour des Etats-Unis ?
Liste des ports Panamax
Nouvelle route de la soie
Stratégie du collier de perles
Why is the US uneasy about China’s troubled US$3.6 billion port project in Peru?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La géopolitique de la baisse du prix du pétrole

Publié le 2 décembre 2014 | Temps de lecture : 4 minutes

Les États-Unis

Sur les 93 millions de barils de pétrole que l’Humanité brule quotidiennement, les États-Unis en produisent maintenant 12 millions. Si bien que ce pays est devenu le principal producteur mondial d’or noir, devançant l’Arabie saoudite.

Si la surproduction de pétrole et la baisse des prix qui en découle sont une très mauvaise nouvelle pour presque tous les pays producteurs, elles sont une bonne nouvelle pour les États-Unis dont l’économie est demeurée très énergivore.

En effet, cela augmente la compétitivité de ses entreprises; le prix de revient du pétrole de schiste consommé par les entreprises américaines est moindre que le pétrole acheté au prix international et acheminé sur de longues distances aux entreprises européennes, notamment.

De plus, elle sert la politique étrangère américaine.

La Russie

La Russie est un état mafieux dont la montée en puissance est une menace pour ses voisins européens (pays baltes, Géorgie, et Ukraine, entre autres).

Toutefois, plus de la moitié du budget de l’État russe est financée par ses exportations de gaz et de pétrole en direction de l’Europe. Cette dépendance énergétique fait en sorte que l’Union européenne est divisée quant à la sévérité des sanctions à adopter pour limiter l’expansionnisme russe.

La chute des revenus dont dispose Moscou, associée à la fuite des capitaux provoquée par les sanctions financières imposées à la Russie, atteint le même but que si les pays européens avaient pu se payer le luxe de boycotter les hydrocarbures russes dont ils dépendent.

Le Venezuela

Depuis d’accession au pouvoir d’Hugo Chávez (décédé l’an dernier), le Venezuela est le grain de sable dans le soulier des Américains. Les États-Unis ont bien tenté de déstabiliser son gouvernement. En vain.

Depuis, l’influence du Venezuela est en partie responsable des victoires électorales des partis de gauche en Amérique latine.

Mais les mesures sociales introduites par Chávez et la popularité de son régime dépendent étroitement du cours élevé du prix du pétrole. Au prix actuel, le Venezuela sera en sérieuses difficultés financières dans moins de deux ans, ce qui réduira d’autant son influence régionale.

L’Arabie saoudite

Il en coûte environ 10$ à l’Arabie saoudite pour produire un baril de pétrole. Si la baisse ces cours lui est défavorable, elle a un effet encore plus dramatique pour ses ennemis, au premier rang desquels se trouve l’Iran.

L’Iran

L’Iran et l’Arabie saoudite sont en guerre. Il ne s’agit pas d’un conflit armé, mais d’une guerre religieuse et d’une lutte impitoyable en vue de la suprématie régionale. D’une certaine mesure, on peut comparer ce conflit à celui qui a opposé l’Angleterre et la France pendant des siècles.

Le coût de revient d’un baril de pétrole est bas en Iran, comme il l’est partout au Moyen-Orient. Mais en refusant de diminuer sa production afin de favoriser l’augmentation des prix, l’Arabie saoudite pratique une politique de terre brulée destinée à affamer le régime des Mollahs iraniens.

En effet, l’Arabie saoudite possède des réserves financières colossales qui lui permettent de traverser des décennies de privation, ce qui n’est pas le cas de l’Iran, déjà affaibli par les sanctions économiques internationales.

La production de pétrole alternatif

Pour les compagnies productrices de pétrole de schiste et de celui extrait des sables bitumineux, la baisse du prix du pétrole compromet la rentabilité de certains investissements et dissuade la mise en production de nouveaux gisements en Russie et en Chine.

En d’autres mots, en favorisant la baisse des prix, l’Arabie saoudite met hors d’état de nuire ses concurrents économiques les plus vulnérables et renforce la dépendance de ses clients à son propre pétrole et l’influence mondiale qui en découle.

Les Saoudiens savent très bien que le règne du pétrole est condamné et conséquemment, qu’ils ont intérêt à en profiter sans relâche, quel qu’en soit le prix.

Conclusion

La conséquence de toute reprise de l’économie réelle, c’est que la demande mondiale de pétrole repartira à la hausse. Mais d’ici là, la chute des prix sert les intérêts géopolitiques des pays occidentaux et des pétromonarchies.

Références :
Le pétrole est en chute libre après la réunion de l’OPEP
Pourquoi l’or noir ne vaut plus de l’or

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Écrit par Jean-Pierre Martel