La régression finlandaise

Publié le 21 avril 2025 | Temps de lecture : 11 minutes
Vue d’Helsinki

Introduction

L’adhésion de la Finlande à l’Otan complète un basculement géostratégique majeur débuté trois décennies plus tôt.

Jusqu’à la réunification de l’Allemagne, la mer Baltique était de facto une mer intérieure soviétique dont seule l’embouchure occidentale était contrôlée par trois membres de l’Otan; l’Allemagne de l’Ouest, le Danemark et la Norvège.

Les autres pays riverains étaient soit des pays neutres (au nord), ou des membres du Pacte Varsovie (de l’Allemagne de l’Est à la Russie).

La réunification de l’Allemagne en 1990, puis l’adhésion des pays baltes à l’Otan en 1999 et enfin celle des deux derniers pays scandinaves qui n’en faisaient pas partie (la Finlande et la Suède), ont fait en sorte que la mer Baltique est maintenant une mer otanienne à laquelle la Russie n’a accès qu’au fond du golfe de Finlande et par l’enclave de Kaliningrad.

En somme, la seule véritable défaite de la Russie occasionnée par la guerre russo-ukrainienne ne s’est pas produite quelque part en Ukraine, mais dans le nord-est de l’Europe, en mer Baltique.

Tout cela est une victoire incontestable pour l’Otan. Mais qu’en est-il des Finlandais ?

Avant 1945

De l’indépendance à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Finlande a entretenu des relations amicales avec l’Allemagne et conflictuelles avec la Russie.

La naissance de la République finlandaise

Au XIXe siècle, la Finlande était un duché russe. Après des années de lutte autonomiste contre le pouvoir impérial, la Finlande profita du renversement du tsar Nicolas II en mars 1917 pour obtenir son indépendance le 6 décembre de la même année.

Aussitôt, une guerre civile éclata en Finlande. Celle-ci dura quatre mois, de janvier à mai 1918.

Tout comme la Révolution russe opposa les Russes blancs (tsaristes) aux les Russes rouges (communistes), la guerre civile finlandaise opposa les Finlandais blancs aux Finlandais rouges.

La partie nouvellement industrialisée de la Finlande, soit l’extrémité sud du pays, fut le fief des Rouges. La population rurale (très majoritaire à l’époque) et la bourgeoisie conservatrice soutinrent les Blancs.

Appuyés par un corps expéditionnaire allemand, les Blancs triomphèrent des Rouges. À l’issue de ce conflit, les Blancs instaurèrent brièvement une monarchie dirigée par un membre de la noblesse allemande (le beau-frère de l’Empereur Guillaume-II).

À la fin de la Première Guerre mondiale, l’effondrement de l’Empire allemand et l’abdication de la dynastie des Hohenzollern entrainèrent la fin du Royaume de Finlande, un mois après sa création.

Si bien que la Finlande adopta finalement un régime républicain, plus acceptable aux yeux des vainqueurs de la Première Guerre mondiale. En dépit de cela, la nouvelle république finlandaise demeura essentiellement pro-allemande, par crainte des tendances hégémoniques de son puissant voisin.

La Deuxième Guerre mondiale

Aussi longtemps que la Finlande faisait partie de l’Empire russe, la proximité de sa frontière, à trente kilomètres de Saint-Pétersbourg, ne causait pas de souci.

Mais après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne en septembre 1939, Staline prend conscience que la proximité de frontière de la Finlande (sympathique à l’Allemagne) représente un risque sécuritaire pour Leningrad (le nom de Saint-Pétersbourg à l’époque).

Il tente alors de négocier le recul des frontières finlandaises par le moyen d’un échange de territoire.

Devant l’échec de cette négociation, Staline déclenche une guerre qui durera trois mois et à l’issue de laquelle la Finlande acceptera, par le Traité de Moscou du 12 mars 1940, des clauses de paix qui étaient presque identiques à celles exigées par Staline dès l’origine.

Même si, techniquement, la Finlande avait dû capituler à la Russie, cette guerre avait révélé les faiblesses de l’armée russe.

Cette dernière possédait du matériel militaire neuf et abondant. Mais les purges staliniennes avaient décimé plus de 80 % des officiers supérieurs, remplacés par des incompétents menés par des ‘commissaires politiques’ fidèles à Staline.

Bref, le fait qu’un petit pays comme la Finlande avait pu résister à l’envahissement russe, cela avait révélé la faiblesse de l’Armée rouge. Ce qui incita Hitler à violer son acte de non-agression avec la Russie et à l’envahir plus tôt qu’il l’avait imaginé.

Profitant de l’invasion allemande en Russie à partir du 22 juin 1941, la Finlande lui déclare à son tour la guerre dans l’espoir de reprendre les territoires qu’elle lui avait cédés un an plus tôt.

À la fin de la guerre, la Finlande consentit définitivement aux pertes territoriales du Traité de Moscou, mais préserva l’essentiel; son indépendance en contrepartie de sa finlandisation.

L’amitié russo-finlandaise : un mariage de raison

Le 6 avril 1948, la Finlande et la Russie signent l’Accord d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle. Ce traité est à l’origine du concept de ‘finlandisation’.

En vertu de ce traité, la Russie s’engageait à respecter l’indépendance de la Finlande, sa démocratie parlementaire et son économie de marché.

En contrepartie, la Finlande s’engageait, en cas de conflit entre l’Occident et l’URSS, à défendre son territoire et son espace aérien des intrusions occidentales.

Pour la Russie, c’était une aubaine. Au lieu d’utiliser des ressources militaires à défendre un territoire — soit une Finlande qui aurait été annexé à l’empire soviétique — la Russie obtenait le même résultat puisque la Finlande s’occupait elle-même de défendre son propre territoire et devenait un État tampon.

La fin des amitiés

De 1948 à 1971, la neutralité militaire de la Finlande a fait en sorte que le pays n’a dépensé presque rien pour sa défense militaire. Ce qui lui a permis d’allouer des sommes considérables à la construction de son filet de protection sociale.

Dans les années 1980, la croissance économique de la Finlande fut parmi les plus élevées des pays industrialisés. Toutefois, en tant que fournisseur de matières premières à la Russie, le pays dépendait encore beaucoup du commerce avec l’URSS. Quand cette dernière s’effondre le 26 décembre 1991, cela entraine une crise économique en Finlande.

L’autre conséquence de cet effondrement, c’est que la Finlande a estimé qu’elle n’était plus liée par le traité d’amitié signé en 1948 puisque, juridiquement, celui-ci avait été conclu avec l’URSS et non avec la Russie.

La Finlande amorce alors une coopération croissante avec l’Otan qui mènera à son adhésion formelle à l’Alliance le 4 avril 2023.


 
Le résultat de cette évolution est que les dépenses militaires annuelles de la Finlande (en dollars américains) sont passées de 178 millions en 1971, à 2,2 milliards en 1991, à 4,8 milliards en 2022, et à 7,3 milliards en 2023.

Plutôt que de hausser les taxes ou de sabrer le filet de protection sociale — ce qui aurait rendu impopulaire l’augmentation des dépenses militaires — les gouvernements finlandais ont préféré s’endetter.

Depuis 1976, l’endettement de la Finlande s’est creusé à quatre occasions :
• de 1991 à 1997, à la suite de l’effondrement de l’URSS,
• à la suite de la Grande Récession de 2007-2008,
• en 2020, lors du confinement sanitaire, et
• à partir de 2023, à la suite de son adhésion à l’Otan.

Chaque fois, la dette finlandaise a fait un saut d’environ dix pour cent. Faisant passer le ratio dette/PIB de 42,4 % en 2000 à 80,5 % en 2024

Ce qui est inférieur à la moyenne européenne. Mais ce qui représente un abandon de la rigueur budgétaire qui a toujours caractérisé les pays de tradition luthérienne, notamment les pays scandinaves.

La paranoïa due à la guerre russo-ukrainienne

En février 2023, la Finlande commençait la construction d’une clôture métallique de trois mètres de hauteur, surmonté de barbelés. Elle s’étirera le long d’un tronçon de 200 km, soit le septième de la frontière qu’elle partage avec la Russie (longue de 1 340 km).

Selon la BBC, cette clôture n’est pas destinée à arrêter l’Armée rouge, mais à empêcher les Russes qui voudraient fuir la conscription dans leur pays. Le tout sera terminé en 2026 ou en 2027.

Si la guerre russo-ukrainienne prend fin d’ici là, cette clôture pourra toujours servir un jour. Qui sait ?

Par crainte d’une invasion russe, le 18 mars dernier, la Lituanie a quitté la convention d’Oslo interdisant les bombes à sous-munitions. De la même manière, la Pologne et les trois pays baltes ont annoncé vouloir se retirer de la convention bannissant les mines antipersonnelles.

Moins de deux semaines plus tard, ces quatre pays ont été suivis par la Finlande.

Une fois balancés dans la nature, les mines antipersonnelles sont des instruments persistants de terreur qui ne font aucune distinction entre civils et militaires, entre les enfants et les adultes, et qui tuent ou handicapent longtemps après que des belligérants ont déposé les armes.

Elles frappent surtout les paysans qui n’ont d’autre choix que de cultiver leur terre dans les zones contaminées. Ou ceux qui s’aventurent dans les bois dans l’espoir de se ressourcer ou d’y admirer la nature.

Bref, elles sont en contradiction avec les principes du droit international humanitaire

Conclusion

À partir du moment où la Russie et la Finlande ont signé l’Accord d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle en 1948, Russes et Finlandais ont vécu en paix pendant plus de 75 ans.

Si la Russie avait voulu violer ce traité, elle l’aurait déjà fait, particulièrement à l’époque où la Finlande était littéralement sans défense.

Selon la nouvelle Théorie des dominos, l’Ukraine est le rempart de la Démocratie en Europe; si elle devait capituler à la Russie, cette dernière refera d’abord ses forces, puis se lancera aussitôt à la conquête du reste de l’Europe.

Cela ne s’est pas produit à la suite de la victoire russe en Tchétchénie ni en Georgie. Mais après l’Ukraine, ce serait différent. Sans qu’on sache exactement pourquoi.

Une des leçons de la guerre russo-ukrainienne, c’est que la Russie n’a pas la puissance nécessaire pour conquérir l’ensemble du territoire ukrainien, malgré trois ans d’efforts et la perte de dizaines (ou de centaines) de milliers de soldats.

Et on veut nous faire croire qu’elle pourrait se lancer à la conquête de l’Occident, plus vaste et plus peuplé.

C’est que les Finlandais ont cru.

Peu importe les murs de barbelés, les mines antipersonnelles, et tout l’armement que pourra se payer la Finlande avant d’être endettée jusqu’au cou, la Russie sera encore son pays voisin dans mille ans.

Par le biais des agences de presse qui propagent sa propagande paranoïaque, l’Otan a fait croire aux Finlandais qu’ils pourraient très bien être les prochaines victimes de la Russie s’ils ne s’empressaient pas de rejoindre l’Alliance.

Et c’est ainsi que les Finlandais ont mis fin à des décennies de relations harmonieuses avec la Russie.

Quel gâchis…

Références :
Budget de la dette en Finlande
Économie de la Finlande
Finlandisation
Finland’s colossal underground bunkers a model for anxious Europe
Finland : Military Spending
Finland joins other Russian neighbours exiting from landmine treaty
Finland starts construction of Russia border fence
Grande Trêve
Guerre civile finlandaise
Guerre d’Hiver
Histoire de la Finlande
La corruption de la presse occidentale par Washington
La nouvelle Théorie des dominos
La peur de la guerre pousse plusieurs pays voisins de la Russie à se retirer de deux traités de désarmement
Mines antipersonnel : « Le risque d’un terrible retour en arrière »
Royaume de Finlande (1918)
Traité de Moscou (1940)
Traité finlando-soviétique de 1948

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le statut des provinces ukrainiennes conquises par la Russie

Publié le 13 avril 2025 | Temps de lecture : 4 minutes

Signés en septembre 2014 et en février 2015, les accords de Minsk visaient à faire cesser la guerre civile ukrainienne déclenchée précédemment par le coup d’État du 20 février 2014 et, dans sa foulée, par la décision de Kiev de retirer au russe son statut de langue officielle dans les provinces majoritairement peuplées d’Ukrainiens russophones.

Au cours de l’élection présidentielle de 2019, Volodymyr Zelensky n’a pas seulement fait campagne contre la corruption puisqu’il s’agissait d’un thème récurrent en politique ukrainienne auquel plus personne ne croyait.

S’il a été élu, c’est qu’il avait promis de faire respecter les accords de Minsk. En tant qu’Ukrainien russophone, il apparaissait particulièrement crédible pour ce faire. Surtout lorsqu’on sait que la guerre civile ukrainienne se déroulait dans son coin de pays.

Le résultat, c’est qu’il a obtenu le vote massif des électeurs russophones, de même que la grande majorité des électeurs ukrainophones.

Une fois élu, il a été empêché de réaliser cette promesse (à laquelle il croyait sincèrement).

Le mécène qui finançait sa campagne électorale était l’oligarque ukrainien Ihor Kolomoïsky, le 2e ou 3e homme le plus riche du pays. Et Juif comme Zelensky.

Cet oligarque était propriétaire de la chaine de télévision qui avait présenté la populaire série dans laquelle Zelensky s’est fait connaitre en tant qu’acteur.

Mais il était également le financier de la milice Azov, impliquée jusqu’au cou dans le massacre des Ukrainiens russophones dans l’Est de l’Ukraine depuis 2014. Leur haine antirusse était telle qu’il était hors de question pour ces miliciens de céder aux désirs de Zelensky.

Grâce aux pressions de Kolomoïsky, le président ukrainien croyait bien faire en incorporant ces milices dans l’armée ukrainienne.

Mais au lieu de professionnaliser ces brutes, ceux-ci ont plutôt répandu leur idéologie haineuse au sein de l’armée au fur et à mesure de leurs promotions, méritées en raison de leur bravoure.

Le 24 mars 2021, quand Zelensky signe le décret (ci-contre) ordonnant l’assaut contre les provinces séparatistes, Poutine y voit (à juste titre) l’annonce d’un ‘génocide’ contre la population russophone d’Ukraine.

D’où l’accumulation de son armada aux frontières ukrainiennes à partir d’avril 2021, et le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne le 24 février de l’année suivante.

Tout ceci pour dire qu’il n’y a rien à espérer d’une réconciliation nationale en Ukraine; jamais la population des provinces séparatistes d’Ukraine n’acceptera de faire confiance de nouveau à Kyiv.

Cliquer sur l’image pour l’agrandir

Même si la propagande occidentale répète à satiété que la guerre russo-ukrainienne est illégale, cette affirmation ne s’appuie sur aucune résolution du Conseil de sécurité de l’Onu (où la Russie a droit de véto), ni sur la condamnation d’un tribunal international.

Cette accusation repose sur des résolutions non contraignantes de l’Assemblée générale de l’Onu. Or celles-ci ne font pas partie du Droit international.

En tant qu’avocat, Vladimir Poutine est obsédé par la légalité des gestes qu’il pose (à l’exclusion de l’empoisonnement de ses rivaux politiques).

Même si le Droit international est de facto consultatif, il sait que ce droit peut être instrumentalisé pour justifier la confiscation (et non seulement la saisie) des avoirs de la Banque centrale de Russie en Occident.

Dans l’éventualité où un tribunal aurait à juger de la légalité de l’invasion russe en Ukraine, son argumentaire est résumé dans le tableau ci-dessus.

On peut y voir que le statut réservé aux ‘anciennes’ provinces ukrainiennes est celui de Républiques populaires au sein de la Fédération de Russie.

Références :
Ihor Kolomoïsky
L’engrenage ukrainien
Minsk II
Protocole de Minsk
Ukraine : l’histoire secrète de la révolution de Maïdan

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La première joute diplomatique de Trump à l’Onu

Publié le 26 février 2025 | Temps de lecture : 6 minutes


 
En première période

Il y a quatre jours, l’Ukraine et les États-Unis soumettaient à l’Assemblée générale de l’Onu deux résolutions concurrentes.

Première débattue fut la résolution ukrainienne.

Depuis le début de ce conflit, l’Ukraine fait adopter annuellement une résolution qui condamne l’invasion de la Russie dans ce pays.

Longue de 22 paragraphes, cette résolution reprend l’ensemble des reproches occidentaux contre la Russie à ce sujet.

En vain, les États-Unis ont fait pression sur l’Ukraine pour qu’elle retire sa résolution. Aux yeux de Donald Trump, celle-ci reflète l’esprit de confrontation qui caractérisait l’administration de son prédécesseur et de laquelle il désire s’éloigner en vue d’une désescalade du conflit.
 

 
Au final, la résolution ukrainienne a été adoptée par 93 voix pour (dont le Canada et tous les membres de l’Union européenne), 18 voix contre (dont les États-Unis et la Russie) et 65 abstentions (dont la Chine et l’Inde).

En deuxième période

Puis vint le tour de la résolution américaine. Proposée par les États-Unis et appuyée par la Géorgie, cette résolution se lit comme suit :

Le Conseil de sécurité…
– déplorant les tragiques pertes en vies humaines qu’a causées le conflit entre la Fédération de Russie et l’Ukraine,
– réaffirmant que l’Organisation des Nations Unies a pour but premier, comme l’énonce la Charte des Nations Unies, de maintenir la paix et la sécurité internationales et de régler les différends par des moyens pacifiques,

…demande instamment qu’il soit mis fin au conflit dans les plus brefs délais et plaide pour une paix durable entre l’Ukraine et la Fédération de Russie.

Normalement, au sein d’un organisme comme l’Onu, se prononcer en faveur de la paix devrait faire consensus.

Intitulée ‘Une Voie vers la paix’, la nouvelle résolution américaine marque un changement d’époque; Donald Trump veut pacifier l’Europe afin de passer à autre chose.

La toute première étape qui mène à la paix est l’abandon du langage guerrier; ce n’est plus le temps des reproches, des rancœurs et des accusations.

Mais le Canada et les pays européens voient les choses autrement. Pour eux, cesser de battre le tambour de la guerre est un recul. Aussi se sont-ils employés à amender la résolution américaine au point d’en trahir l’esprit.

Les États-Unis, qui s’étaient opposés aux amendements européens, ont fini par s’abstenir de voter en faveur de leur propre texte.

Amendée, celle-ci a finalement été adoptée avec 93 voix pour, 8 voix contre et 73 abstentions. Ce qui constitue un autre revers diplomatique pour l’administration Trump.

En troisième période

Puis, le débat s’est déplacé en après-midi au Conseil de sécurité de l’Onu. Les États-Unis y présentaient le même texte que celui qu’ils avaient introduit plus tôt dans la journée à l’Assemblée générale.

Précisons que les résolutions de l’Assemblée générale sont dites ‘non contraignantes’. En clair, ce sont des vœux pieux. Seules les résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu font partie du Droit international.

Ce qui veut dire que les deux buts comptés lundi dernier dans le filet de Washington ne comptent pas. Ce sont comme des buts comptés lors d’une séance d’entrainement.

Échaudés par leur expérience plus tôt à l’Assemblée générale, les États-Unis avaient savoir qu’ils opposeraient leur droit de véto à tout amendement à leur résolution.

Faisant fi de la menace américaine, les pays européens membres du Conseil (le Danemark, la France, la Grande-Bretagne, la Grèce et la Slovénie) ont proposé les mêmes amendements qui, cette fois-ci, se sont heurtés au véto… russe.

Au Conseil de sécurité, la résolution américaine fut adoptée par 10 voix pour et 5 abstentions (tous alliés européens des États-Unis).

C’est la première fois que le Conseil de sécurité se prononce au sujet de la guerre en Ukraine depuis son déclenchement.

Conclusion

Pour la première résolution américaine de l’ère Trump à l’Onu, la nouvelle administration américaine avait choisi de soumettre une courte résolution qui invitait essentiellement l’Assemblée générale de l’Onu à se prononcer en faveur de la paix en Ukraine.

L’humiliation subie par Washington à l’Assemblée générale est l’œuvre d’alliés militaires menacés par Washington d’une guerre économique.

Ces pays semblent avoir oublié que Donald Trump est jaloux du prix Nobel que Barak Obama a reçu en 2009. Il ambitionne d’en recevoir un pour le récompenser d’avoir mis fin à la guerre en Ukraine et d’avoir pacifié l’Europe.

En cas de réussite, même si la Fondation Nobel devait décider de ne pas le nobéliser, l’Histoire, elle, s’en souviendra.

Donald Trump pardonne facilement à ces ennemis lorsque ceux-ci font amende honorable en lui baisant les mains.

Mais il est probable qu’il se rappellera longtemps de l’humiliation que le Canada et ses alliés européens lui ont fait subir futilement à l’Assemblée générale de l’Onu.

De la part de pays dont le Plan A consiste à tout miser en vue d’une victoire toujours plus lointaine de l’Ukraine et qui n’ont pas prévu de Plan B, on peut se demander à quoi servent ces enfantillages dans les antichambres de l’Onu…

Références :
At UN, Georgia Breaks with EU, Ukraine, Backs Toned Down U.S. Resolution on War
L’ONU rejette la résolution américaine qui demande la fin de la guerre en Ukraine sans mentionner l’agression russe
Résumé de géopolitique mondiale (1re partie)
Résumé de géopolitique mondiale (2e partie et fin)
Ukraine : après trois ans de guerre totale, l’ONU théâtre de divergences dans l’alliance transatlantique
Ukraine : Washington propose à l’ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit
Ukraine: trois ans exactement après l’invasion par la Russie, le Conseil de sécurité adopte une première résolution demandant la fin du conflit dans les plus brefs délais

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Priver de bras l’effort de guerre ukrainien

Publié le 24 juillet 2024 | Temps de lecture : 4 minutes

La guerre russo-ukrainienne oppose deux armées alimentées en soldats par la conscription.

Au lieu d’appeler sous les drapeaux tous ceux capables de guerroyer — soit les 18 ans ou plus — l’Ukraine a choisi dès le départ de fixer à 27 ans l’âge minimal pour s’inscrire dans son armée.

Au déclenchement de la guerre, la population ukrainienne comprenait environ 1 750 000 adultes de moins de 27 ans.

Exemptés du service militaire, une bonne partie d’entre eux en ont profité pour grossir les rangs des 6,4 millions d’Ukrainiens qui ont fui à l’Étranger (dont trois-cent-mille au Canada).

En février dernier, le seuil de la conscription a été réduit à 25 ans en raison de la pénurie aigüe de combattants du côté ukrainien. À l’heure actuelle, l’âge moyen des soldats ukrainiens est de 43 ans.

Mais cette mesure arrive trop tard; de nos jours, les bureaux de recrutement de l’armée ukrainienne accueillent plus d’hommes qui se présentent avec une exemption médicale que d’hommes aptes à guerroyer.

En vertu du programme de visa d’urgence pour les Ukrainiens déplacés par la guerre, Ottawa a émis 962 000 de ces visas. Environ 298 000 Ukrainiens ont effectivement fait le voyage jusqu’ici. Le ministère fédéral de l’Immigration ignore ce qui est arrivé aux autres.

Ce programme témoigne de l’influence politique de la vice-première ministre du Canada (de descendance ukrainienne).

En effet, le Canada n’a pas créé un programme semblable au sujet de la guerre en Congo (qui a fait entre 5 et 12 millions de morts), ni au sujet de la guerre dans la Bande de Gaza (qui, proportionnellement, a fait beaucoup plus de victimes). Le quota canadien pour les Gazaouis, c’est mille personnes. Autant dire qu’on ne veut pas d’eux.

Le programme d’urgence dont il est question ici s’adresse aux Canadiens de descendance ukrainienne qui, inquiets du sort de parents ou d’amis demeurés en Ukraine, aimeraient les accueillir au pays.

À leur place, tout le monde ferait pareil.

Toutefois, cette mesure a été adoptée par clientélisme politique, à l’encontre de l’avis des fonctionnaires du ministère fédéral de l’Immigration.

Si les dirigeants des pays qui ont accueilli un grand nombre de réfugiés ukrainiens avaient consulté leurs stratèges militaires, ceux-ci leur auraient probablement dit que les accueillir en si grand nombre nuit aux minces chances de l’Ukraine de l’emporter contre la Russie.

Pour l’Ukraine, il ne suffit pas de recevoir de l’armement occidental; encore faut-il des soldats pour s’en servir. Or l’Ukraine, saignée par l’Occident plus que par la guerre, manque de bras.

Selon le partage traditionnel de l’effort de guerre entre les sexes, les hommes prennent les armes tandis que les grands-parents gardent les enfants, permettant ainsi aux mères de participer à l’effort de guerre en travaillant dans les usines d’armement ou en soignant les blessés.

En somme, une guerre, c’est un effort collectif où chaque citoyen compte, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, d’un jeune ou d’un vieux.

Accueillir des millions de jeunes ukrainiens dans nos pays, c’est participer ainsi à la grande prédation occidentale de ce pays.

Références :
Accueil de réfugiés palestiniens  la limite d’accueil de 1000 critiquée
Des fonctionnaires avaient déconseillé d’offrir des visas d’urgence aux Ukrainiens
Le Congo et le verrou rwandais
Ukraine : l’âge de la conscription abaissé à 25 ans
Ukraine : le bilan de deux ans de guerre en chiffres

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La nitrocellulose et la guerre

Publié le 16 juin 2024 | Temps de lecture : 4 minutes


 
Inventée en Chine vers le IXe siècle, la poudre à canon était fabriquée autrefois à partir de trois ingrédients : du salpêtre (c’est-à-dire du nitrate de potassium), du soufre et du charbon de bois. C’est ce dernier qui donnait au mélange son nom de ‘poudre noire’.

De nos jours, la poudre à canon est de la nitrocellulose. Celle-ci s’obtient traitant des fibres de coton avec un mélange d’acides nitrique et sulfurique.

Tel qu’il est récolté, le coton est presque exclusivement de la cellulose à l’état pur.

L’industrie textile utilise préférablement du coton à fibres longues, plus facile à tisser.

Les fibres courtes, jugées de moindre qualité, servent à fabriquer de la nitrocellulose. Selon le procédé de fabrication, on en fait du collodion médicinal, des laques pour instruments à cordes, ou de la poudre à canon.

De loin, la Chine est le principal exportateur de ce coton à fibres courtes qui sert à fabriquer de la nitrocellulose explosive.

À 90 %, sa production est récoltée dans la province du Xinjiang (là où vivent la plupart des Ouïgours).

À la suite de l’adoption par Washington de la Uyghur Forced Labor Prevention Act, l’industrie textile a cherché à s’approvisionner en coton ailleurs qu’en Chine. Mais pour les fabricants de poudre à canon, il est difficile de se passer du coton chinois.

Dès le déclenchement des guerres à haute intensité que sont la guerre en Ukraine et celle dans la bande Gaza, toutes les usines de nitrocellulose explosive à travers le monde se mirent à fonctionner à plein rendement.

Or en 2023, la Chine rapportait une baisse de 6,1 % de sa production de coton à cause de mauvaises conditions météorologiques.

En raison de l’hostilité croissante des pays occidentaux à l’égard de la Chine, on soupçonne que celle-ci approvisionne prioritairement la Russie en coton à fibres courtes, puisque les fabricants européens de nitrocellulose ont de plus en plus de difficulté à en obtenir ou sont dans l’impossibilité d’en acheter davantage.

La situation est telle que la production de poudre à canon est devenue le goulot d’étranglement de la fabrication européenne d’obus et de missiles. D’où la difficulté à respecter les engagements militaires pris en faveur de l’Ukraine.

En dépit de cela, les usines militaires occidentales pouvaient toujours, à défaut d’importer du coton à nitrocellulose, acheter de la nitrocellulose explosive déjà toute faite.

Mais, comble de malheur, la deuxième plus importante usine chinoise de nitrocellulose — située dans la ville de Laohekou, dans la province chinoise d’Hubei — a explosé au début du mois de mai, tuant trois de ses ouvriers.

Aux États-Unis, on nie les difficultés de l’industrie militaire européenne.

Toutefois, celles-ci ont été reconnues par Emmanuel Macron : « Nous avons tous pris conscience de la nécessité de faire face à la rareté de certains composants, notamment de la poudre à canon. […] La poudre, c’est vraiment ce qui manque aujourd’hui.»

On en est rendu là : après s’être doté d’un arsenal nucléaire capable d’exterminer l’espèce humaine, de chasseurs-bombardiers rapides comme l’éclair, de chars puissants, de satellites-espions auxquels rien n’échappe, on manque de coton.

Sapristi qu’on fait dur.

Références :
Bannir le coton du Xinjiang est plus facile à dire qu’à faire
Chine : la production de coton atteint 5,618 millions de tonnes en 2023
Coton
Could China strangle Europe’s weapons output with cotton?
Europe battles gunpowder shortage amid Ukraine war
Macron veut mettre le feu aux poudres qu’il n’a pas car la Chine ne nous livre plus le « coton » nécessaire aux obus
Nitrocellulose
Poudre noire
Short Staple Cotton: The Difference vs Long Staple

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Ukraine : des dizaines de milliers de morts de trop

Publié le 26 février 2024 | Temps de lecture : 4 minutes

Le président Zelensky déclarait hier qu’en deux ans de guerre, 31 000 soldats ukrainiens étaient morts au combat. Cela ne comprend pas les pertes civiles. Ni les blessés.

Normalement, en temps de guerre, on évite de préciser le cout humain du conflit afin de ne pas nuire au moral de la population.

Le président ukrainien l’a probablement fait pour atténuer le jusqu’au-boutisme qui prévaut dans les régions les moins affectées par la guerre et pour préparer la population du pays à des choix difficiles.

De nos jours, un nombre croissant d’Occidentaux croient que les milliards de dollars donnés à l’Ukraine ne font que prolonger les souffrances de son peuple.

La réalité crue est évidente; la Russie gagnera la guerre.

En mars 2022, quelques semaines après le début du conflit, les pourparlers entrepris à l’initiative de la Turquie étaient sur le point d’aboutir; les négociateurs russes et ukrainiens en étaient venus à une entente.

Dès que la rumeur s’est répandue, Boris Johnson (alors premier ministre britannique) s’était précipité à Kyiv pour convaincre le cabinet de Zelensky de ne pas signer cet accord, que grâce à l’appui de la machine de guerre occidentale, l’Ukraine serait victorieuse et qu’auréolé de gloire, ce pays serait accueilli triomphalement dans l’Otan.

Des dizaines de milliers de morts plus tard, les États-Unis réalisent qu’ils n’ont plus besoin de l’Ukraine.

Ils ont affaibli l’armée russe en versant le sang des autres.

Ils ont eu deux ans pour faire tester leur armement dans les conditions réelles d’une guerre et découvert l’usage qu’on peut en faire des nouvelles technologiques (les drones et les données de géolocalisation).

L’Allemagne s’est sevrée des hydrocarbures russes et conséquemment, a perdu son plus important avantage concurrentiel face aux États-Unis. Elle a même consenti (stupidement) à la destruction des gazoducs Nord Stream I et II. Ce qui consomme le divorce économique russo-européen.

De plus, Washington n’a plus besoin de l’Ukraine pour y déployer au plus près ses missiles nucléaires contre la Russie puisque cela est maintenant possible à partir de la Finlande (depuis son adhésion récente à l’Otan).

À moins qu’ils soient chassés du pouvoir à l’occasion des élections prévues cette année, les gouvernements européens sont actuellement convaincus d’une nouvelle version de la théorie des dominos.

En vertu de cette théorie, si l’Ukraine tombe, la Russie victorieuse se lancera aussitôt (ou dans quelques années) à la conquête du reste de l’Europe. Et le monde libre tombera alors entre les ‘griffes du communisme’.

Après que la Russie ait péniblement gagné la guerre contre un pays d’environ 44 millions d’habitants, on veut nous faire croire qu’elle lancerait ses troupes contre l’Occident, peuplé de 880 millions d’habitants (vingt fois plus).

Du coup, on voit l’Europe se précipiter pour acheter de l’armement américain pendant que nous, en Amérique du Nord, accueillons à bras ouverts la délocalisation de son industrie lourde.

Grâce au narratif des agences de presse inféodées à Washington, les Européens ont consentis à la plus vaste opération de pillage industriel depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Pendant ce temps, l’Ukraine compte ses morts.

Bref, à l’heure où les peuples d’Europe, appauvris par la pandémie au Covid-19 et le cout des sanctions contre la Russie, prennent conscience de leur appauvrissement, on tente de leur faire croire qu’il leur faut maintenant se serrer la ceinture et consentir à des investissements colossaux en matière de défense…

En 2011, j’ai écrit que l’Humanité était entrée dans l’Âge des révoltes. Il est douteux que les années qui viennent fassent la démonstration du contraire…

Références :
Guerre en Ukraine : environ 31 000 soldats ukrainiens sont morts depuis le début de la guerre, déclare Volodymyr Zelensky
Guerre russo-ukrainienne et désindustrialisation de l’Europe
La guerre russo-ukrainienne et la vassalisation de l’Europe
Le sabotage des gazoducs Nord Stream par les États-Unis

Complément de lecture : L’engrenage ukrainien

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le blocus économique occidental contre la Russie et les relations sino-russes

Publié le 18 juillet 2022 | Temps de lecture : 7 minutes

La Russie, puissance occidentale

Depuis longtemps, la littérature, le théâtre, la musique, la peinture, la sculpture et l’architecture russes font partie du patrimoine culturel de l’Occident.

C’est depuis Pierre le Grand, tsar de 1682 à 1725, que la Russie s’est occidentalisée. L’avènement du communiste a même accentué cette évolution.

Le suffrage universel — en d’autres mots, le droit de vote de tous les adultes, peu importe leur sexe — a été implanté en Russie en 1917, soit vingt-trois ans avant le Québec.

Bien avant les autres pays occidentaux, on trouvait en Russie des femmes à la tête de syndicats ou de manufactures, de même que des femmes exerçant des métiers non conventionnels.

Le Soviet suprême (ou parlement soviétique) comptait 225 femmes parmi ses 1 143 députés (soit 17 %) en 1937. Il en comptait 33 % en 1984, soit plus que le pourcentage de députées au sein du gouvernement canadien trente ans plus tard (26 %).

Quant à la laïcité, à l’époque où on organisait encore annuellement des processions à la Vierge ou au Sacré-Cœur dans tous les villages du Québec, le clergé catholique orthodoxe se faisait discret en Russie.

Bref, les valeurs occidentales modernes — à l’exclusion notable de la démocratie parlementaire — sont partagées en Russie depuis longtemps. Dans certains cas — l’égalité des sexes et la laïcité — la Russie nous a même devancés.

Le rejet de la Russie

Avant même l’effondrement imminent du bloc soviétique, la Russie exprima son désir de devenir membre de l’Otan.

Au fil des années, l’Otan fit miroiter cette possibilité tout en poursuivant sa politique d’encerclement contre la Russie.

C’est ainsi qu’on créa avec elle un Partenariat pour la Paix en 1994, puis le Conseil conjoint permanent Otan/Russie en 1997, et enfin, en 2002, un Conseil Otan-Russie.

Mais tout cela avait pour but d’endormir la Russie; dans la file d’attente des candidats à l’adhésion à l’Otan, on fit constamment passer les pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est devant la Russie.

Les raisons profondes qui motivaient les pays de l’Otan à ne pas vouloir de la Russie variaient d’un pays à l’autre.

De leur côté, les États-Unis étaient animés par leur anticommunisme viscéral. Pour quelques pays, cela aurait sonné le glas d’un projet d’alliance militaire exclusivement européenne (incluant la Russie) qui aurait été au service des intérêts géostratégiques spécifiques de l’Europe, affranchie de la mainmise militaire américaine.

Pour terminer, au fur et à mesure que d’anciennes républiques soviétiques adhéraient à l’Otan, celles-ci estimaient qu’accepter que la Russie les rejoigne, c’était comme faire entrer le loup dans la bergerie.

Bref, quand la Russie s’est rendu compte de la supercherie, c’était déjà trop tard; l’encerclement occidental par l’Otan était presque complet puisqu’il ne manquait plus que la Géorgie, l’Ukraine et la Finlande.

Les motifs profonds de la guerre russo-ukrainienne

Tout comme les États-Unis, la Russie ne peut tolérer qu’on installe des missiles dirigés contre elle dans sa cour arrière.

En 1962, les États-Unis avaient ordonné un blocus maritime contre Cuba parce que ce pays avait décidé de déployer des missiles russes sur son territoire. Les États-Unis menaçaient alors de faire sombrer tout navire russe qui s’approchait des côtes cubaines. Ceux-ci rebroussèrent chemin et on évita une Troisième Guerre mondiale.

Mais d’autre part, pendant dix-huit ans, les Ukrainiens se sont laissé convaincre qu’il était dans l’intérêt de leur pays de se transformer en ennemi militaire de son puissant voisin.

Avec le résultat qu’on sait.

Conséquences économiques

Depuis sa création en 1949, l’Otan se prépare à une guerre éventuelle contre la Russie. Soutenir aujourd’hui l’armée ukrainienne est un moyen d’affaiblir l’armée russe et de rendre la Russie plus vulnérable à une guerre qu’on pourrait ultérieurement déclencher contre elle.

Une telle guerre sera bientôt d’autant plus envisageable qu’elle ferait suite à la rupture brutale des liens économiques avec ce pays. Déjà, certains chefs d’État occidentaux préparent leur population à accepter les privations d’une ‘économie de guerre’.

D’ici là, les sanctions économiques contre la Russie ne changeront pas l’issue du conflit russo-ukrainien, connue d’avance. Plus cette guerre dure, plus se poursuivent les destructions et plus se prolongent les souffrances du peuple ukrainien.

Pour nous qui vivons en Occident, nos propres sanctions économiques provoquent la cascade d’évènements suivants : Sanctions économiques ➔ perturbation mondiale des approvisionnements ➔ pénuries ➔ diminution de l’offre ➔ augmentation des prix ➔ inflation ➔ augmentation des taux d’intérêt ➔ récession économique ➔ augmentation du chômage et diminution des revenus de l’État ➔ adoption de mesures d’austérité budgétaire et remise à plus tard de la lutte aux changements climatiques.

Conséquences géostratégiques

Les deux guerres mondiales du XXe siècle — au cours desquelles l’Europe s’est fait hara-kiri — ont provoqué l’émergence de la puissance hégémonique des États-Unis.

Si une Troisième Guerre mondiale a lieu, l’Occident (ce qui inclut la Russie) s’entredéchirera. Ce qui accélèrera l’accession de la Chine en tant que première puissance mondiale.

En 2020, le produit intérieur brut (PIB) des États-Unis et celui de la Chine étaient respectivement de 20 953 milliards$ et de 14 722 milliards$. À titre de comparaison, celui de la Russie n’était que de 1 483 milliards$.

À l’époque de la visite de Nixon en Chine (en 1972), la stratégie américaine consistait à dresser ce pays contre la Russie, déjà en froid à la suite d’un important incident frontalier survenu trois ans plus tôt.

En 1972, le PIB américain était de 1 279 milliards de dollars, comparativement à environ 540 milliard$ pour la Russie et 114 milliars$ pour la Chine. Bref, du point de vue américain, la menace communiste devenait plus inquiétante si ces deux pays réglaient leurs différents. Il fallait donc les éloigner l’un de l’autre.

Or la stratégie nixonnienne a fonctionné; grâce aux réformes économiques de Den Xiaoping et à l’apport de capitaux étrangers, la Chine et les États-Unis sont devenus d’importants partenaires commerciaux alors que l’économie russe a progressé de manière bien moindre.

Même si la Chine et la Russie ont normalisé leurs relations depuis 1985, le niveau de leurs échanges commerciaux est demeuré relativement modeste, comptant pour moins de deux pour cent des importations et des exportations chinoises (avant la pandémie).

Toutefois, le blocus économique occidental contre la Russie a précipité ce pays dans les bras de la Chine; jamais la Russie n’a autant eu besoin de la Chine (alors que l’inverse est beaucoup moins vrai).

Dans ce sens, c’est l’échec de cinquante ans de politique étrangère américaine dont le but était précisément de diviser les pays communistes entre eux afin de les attaquer, si besoin, l’un après l’autre.

Références :
Cinq femmes ayant réussi à s’imposer dans le jeu politique en URSS
Droit de vote des femmes
Évolution du PIB américain
La France est-elle entrée dans une «économie de guerre», comme le prétend Emmanuel Macron ?
La relation OTAN/Russie : moment de vérité ou déjà vu ?
L’épouvantail russe
Pierre Ier le Grand
Rupture sino-soviétique
Ukraine Is the Latest Neocon Disaster
US transfers nuclear weapons from Turkey to Romania

Complément de lecture : L’engrenage ukrainien

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’Ukraine doit s’inspirer du Canada

Publié le 22 avril 2022 | Temps de lecture : 3 minutes

Depuis la nuit des temps, le sort de tout pays faible qui voisine un pays puissant, c’est d’être son vassal.

C’est le rôle qu’assume pleinement le Canada.

Quand le président américain dit que Vladimir Poutine est un tyran, Justin Trudeau répète que Vladimir Poutine est un tyran.

Quand Joe Biden déclare que la Russie commet des crimes de guerre, Trudeau accuse la Russie de commettre des crimes de guerre.

Quand Biden accuse la Russie de génocide, notre ministre des Affaires étrangères dit la même chose.

Rappelez-vous quand le président de la République française, Jacques Chirac, avait refusé de croire les accusations américaines selon lesquelles l’Irak possédait des armes de destruction massive.

Souvenez-vous du tollé que cela avait provoqué. Les Américains avaient boycotté les vins français. Au Capitole américain, on avait renommé les frites (qui se disent French fries en anglais) à Freedom fries. Etc.

Notre pays est trop dépendant du marché américain pour se permettre d’indisposer notre puissant voisin.

Il est donc du devoir de Justin Trudeau et de ses ministres d’être les perroquets de Washington.

Justin Trudeau n’est pas obligé de penser ce qu’il dit; s’il n’est pas d’accord, il doit simplement faire semblant. On ne lui en demande pas plus.

Or il le fait admirablement bien.

Au petit déjeuner, quand l’ambassadeur américain lit les manchettes des journaux canadiens, il est heureux. Et quand il est heureux, l’administration américaine est heureuse. Et quand celle-ci est heureuse, nos entreprises sont rassurées.

Tout comme le Canada, l’Ukraine doit réaliser que sa vassalisation à son puissant voisin est dans son intérêt.

Malheureusement, depuis 2004, les organisations non gouvernementales américaines (financées par Washington) ont dépensé cinq-milliards de dollars pour convaincre le peuple ukrainien qu’il était dans son intérêt de devenir, au contraire, un ennemi militaire de la Russie.

De la même manière que la crise des missiles à Cuba en 1962 a été provoquée par l’intention de La Havane d’acheter des missiles russes menaçant les États-Unis, la décision de l’Ukraine de rejoindre l’Otan est à l’origine de la guerre russo-ukrainienne.

Plus vite l’Ukraine renoncera à cette idée, plus vite cesseront les destructions dans ce pays.

Si Paris n’a pas été détruite en 1940, c’est parce que la France a capitulé cette année-là. Sinon, on admirerait aujourd’hui la copie de la tour Eiffel ou de l’Arc de Triomphe, l’une et l’autre reconstruits à l’identique.

De nos jours, en Occident, la guerre russo-ukrainienne est un sujet d’indignation. Mais c’est aussi un divertissement télévisuel d’autant plus captivant qu’il est vrai.

Le courage des Ukrainiens est salué comme on admirait celui des Chrétiens dévorés par les lions dans les arènes romaines.

Le meilleur service qu’on peut rendre au peuple ukrainien, c’est de lui envoyer du matériel médical (des pansements et des médicaments) et non des armes qui ne feront que prolonger ses souffrances.

Paru depuis : Guerre en Ukraine : des centaines de millions de dollars d’équipement militaire pour Kiev (2022-04-23)

Complément de lecture : L’engrenage ukrainien

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’engrenage ukrainien

Publié le 15 mars 2022 | Temps de lecture : 13 minutes
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Introduction

Peuplée de 44 millions d’habitants, l’Ukraine est le deuxième plus vaste pays d’Europe (après la France).

Ses deux principaux groupes ethniques sont les Ukrainophones et les Russophones (voir la carte).

La révolution orange

À l’éclatement de l’URSS en 1991, l’Ukraine a d’abord été dirigée par deux présidents pro-russes.

Qu’il soit qualifié de pro-russe ou de pro-occidental, chaque gouvernement du pays depuis l’indépendance a souhaité le développement des échanges commerciaux avec l’Union européenne.

La véritable distinction entre les deux, c’est que les premiers ont cherché à développer la coopération militaire avec la Russie, alors que les seconds souhaitent l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan.

L’élection présidentielle de 2004 fut la première où s’affrontèrent ouvertement des candidats soutenus par des puissances étrangères. À titre d’exemple, l’administration Bush a versé 65 millions de dollars à la campagne du candidat pro-occidental.

Aucun candidat n’ayant obtenu la majorité des voix exprimées, on organisa un second tour.

Alors que le candidat pro-occidental avait probablement remporté l’élection, ce fut son adversaire pro-russe qui fut officiellement déclaré vainqueur.

Cela provoqua de grandes manifestations à travers le pays — regroupées sous l’appellation de ‘révolution orange’ — à l’issue desquelles on organisa un 2e ‘second tour’.

Cette fois, c’est le candidat pro-occidental qui fut déclaré victorieux.

Entre deux révoltes

Depuis l’indépendance, la situation économique de l’Ukraine s’est considérablement dégradée.

La Grande récession étant survenue au cours de la présidence de ce candidat pro-occidental, son impopularité a pavé la voie à son successeur pro-russe, élu de justesse en 2010 par 48,95 % des votes (contre 45,47 % pour sa rivale pro-occidentale).

Au cours de son mandat, le gouvernement de l’Ukraine, économiquement au bord de la ruine, a été courtisé par la Russie et par l’Union européenne.

À l’exception de la Grande-Bretagne, valet de Washington, les pays d’Europe occidentale se sont longtemps opposés à l’adhésion de l’Ukraine au marché commun européen pour deux raisons.

Premièrement, en raison de la corruption endémique qui règne dans le pays. Une corruption qui va bien au-delà de la moyenne européenne.

Et surtout parce que l’Ukraine ne répond pas aux critères européens quant à l’indépendance de son système judiciaire. Celui-ci est indépendant de la présidence du pays, mais il ne l’est pas à l’égard du parlement.

Pour redonner un second souffle au mouvement pro-occidental, l’Union européenne a proposé à l’Ukraine un accord d’association qui, en réalité, visait à faire cheminer la législation ukrainienne et ses politiques économiques vers les standards européens.

Ce qui, à long terme, préparait la voie à son adhésion en bonne et due forme.

En 2013, au moment où l’Ukraine s’apprête signer cet accord, le pays est au bord de la faillite.

En novembre de cette année-là, il lui reste 18,79 milliards de dollars de réserves de change alors qu’elle doit bientôt rembourser sept-milliards de dollars à ses créanciers, dont la Russie (à qui elle doit dix-sept-milliards de dollars de gaz naturel impayé).

Depuis quelques mois, Vladimir Poutine offre secrètement au gouvernement ukrainien la levée des barrières tarifaires entre l’Ukraine et la Russie, une baisse du prix de son gaz naturel, de même qu’un prêt de quinze-milliards de dollars. L’offre est irrésistible.

Le premier ministre ukrainien se tourne alors vers Bruxelles pour lui demander un prêt de vingt-milliards d’euros, ce qui lui est refusé. En retour, l’Union européenne lui promet vaguement une aide financière. Bref, rien de concret.

Conséquemment, le 21 novembre 2013, le président pro-russe annonce son refus de signer l’accord d’association avec l’Union européenne.

Ce qui déclenche de violentes manifestations qui aboutissent à sa destitution et la mise en place d’un gouvernement pro-occidental.

Pour plus de détails à ce sujet, voir le texte “ Ukraine : l’histoire secrète de la révolution de Maïdan ”.

L’élection présidentielle de 2014

Alors que le pays est toujours sans président, ce gouvernement pro-occidental annonce le 23 février 2014 son intention (qui n’aura pas le temps de se réaliser) de retirer au russe son statut de langue officielle dans plusieurs régions du pays, dont la Crimée (peuplée à 65,3 % de Russophones).

Si le gouvernement canadien avait le pouvoir de retirer au français son statut de langue officielle au Québec, il provoquerait l’indépendance du Québec.

C’est ce qui est arrivé en Crimée; le parlement ‘provincial’ de Crimée a aussitôt proclamé l’indépendance de la région le 11 mars et a annoncé le rattachement de la Crimée à la Russie. Tout cela s’est fait en quelques semaines.

À l’élection présidentielle ukrainienne de cette année-là, le candidat pro-occidental a été élu par 54,7 % des voix. En réalité, il aurait obtenu bien plus de votes si l’électorat n’avait pas été morcelé entre autant de candidats pro-occidentaux.

Peuplée de deux-millions d’habitants (très majoritairement pro-russes), la Crimée indépendante n’a évidemment pas participé à ce scrutin.

Et les Russophones de l’Est du pays n’ont pas voté non plus. Non pas parce qu’ils ont boycotté l’élection, mais parce que le gouvernement de Kiev a estimé que la situation sécuritaire de la région ne permettait pas d’y ouvrir des bureaux de vote.

Même s’ils avaient pu voter, cela n’aurait pas changé grand-chose.

Cinq ans plus tard, à l’élection présidentielle de 2019, Volodymyr Zelenzky est élu avec 73,2 % des votes.

La ligne rouge

En 2008, au sommet de Bucarest, l’Ukraine avait exprimé son désir d’adhérer à l’Otan. Mais le pays y avait renoncé à la suite de l’élection d’un premier ministre pro-russe en 2010.

Toutefois, celui-ci fut renversé en 2014 par une révolte populaire.

En réaction à l’annexion russe de la Crimée, l’Ukraine a réitéré sa demande d’adhésion à l’Otan.

À plusieurs reprises, Vladimir Poutine avait pourtant menacé l’Ukraine de guerre si ce pays y adhérait.

Puisque le processus d’adhésion d’un pays prend des années, qu’est ce qui a fait qu’au printemps de 2021, Moscou ait décidé de masser ses troupes à la frontière russo-ukrainienne ?

C’est que le 24 mars 2021, Zelinsky signe un décret qui ordonne aux forces armées du pays de donner l’assaut en vue de la ‘désoccupation’ de la Crimée et du sud du pays (soit, sans le préciser, les provinces sécessionnistes de Kherson, Zaporijjia et de Donetsk).

Or depuis déjà sept ans, la population russophone de ces provinces était victime d’exactions commises par des milices néo-nazies financées secrètement par Kyiv. Les violences ethniques y avaient fait plus de quatorze-mille morts, très majoritairement des civils russophones victimes de ces milices néo-nazies.

Puisqu’entretemps ces milices avaient été incorporées à l’armée régulière ukrainienne et que certains de ces néo-nazis s’étaient vus confier des postes de commandement, on pouvait s’attendre au pire d’un assaut éventuel de l’armée ukrainienne contre les civils russophones de l’Est du pays.

La guerre russo-ukrainienne a donc une cause profonde (la volonté ukrainienne de devenir un ennemi militaire de la Russie) et un facteur déclenchant (ce décret présidentiel).

Revenons à la cause profonde.

En tant que pays souverain, l’Ukraine est libre d’adhérer à n’importe quelle organisation internationale. Tout comme Cuba était libre d’acheter des missiles russes en 1962.

Ce qui n’a pas empêché le président Kennedy, à l’époque, d’imposer un blocus maritime à Cuba et de menacer la Russie de faire sombrer tout navire qui s’approcherait des côtes cubaines. Ce à quoi la Russie finira par renoncer.

Les États-Unis ne pouvaient pas accepter qu’on installe des missiles ennemis dans leur cour arrière. C’est pareil pour la Russie; d’autant plus que la frontière ukrainienne est à 458 km de Moscou alors que Cuba est à 1 860 km de Washington.

La manipulation américaine

De l’indépendance de l’Ukraine en 1991 à l’élection présidentielle de 2014, les États-Unis et les organisations non gouvernementales financées par Washington ont dépensé cinq-milliards de dollars en Ukraine.

Officiellement, c’était pour y promouvoir la démocratie. Dans les faits, c’était pour amener le pays à devenir un ennemi militaire de la Russie.

Géopolitique ukrainienne

De fil en aiguille, ce qui se passe en Ukraine est le résultat d’un engrenage qui a débuté il y a dix-huit ans.

Depuis la nuit des temps, le sort d’un pays faible qui est voisin d’un pays puissant, c’est d’être son vassal.

Le Canada en est un exemple.

Le territoire de notre pays recèle des richesses qui sont de nature à susciter la convoitise des États-Unis. Mais ces derniers n’ont pas besoin de les obtenir par la force puisque notre pays s’empresse de fournir pacifiquement tout ce dont ils ont besoin, dont le pétrole (dont nous sommes le principal fournisseur).

Si le Canada voulait s’opposer aux États-Unis, il subirait le sort de Cuba (que les États-Unis envahiraient comme l’Irak si ce pays représentait une menace militaire sérieuse).

Depuis 2004, les organisations non-gouvernementales américaines (financées par Washington) ont créé l’illusion en Ukraine qu’en adhérant à l’Otan, des millions de soldats américains seraient prêts à mourir pour eux si jamais la Russie osait toucher à un seul de leurs cheveux.

Après que les Ukrainiens aient mis le doigt dans un engrenage qui les amenait inévitablement à la guerre, voilà qu’on leur annonce que l’adhésion à l’Otan pourrait prendre une vingtaine d’années.

Pendant que l’aviation russe bombarde les villes assiégées, on leur dit qu’on ne peut pas fermer l’espace aérien de l’Ukraine parce que pour faire respecter cette interdiction, il faudrait abattre des avions russes. Ce qui déclencherait une troisième guerre mondiale.

Alors oui, de loin, nos gouvernements aiment bien ces pauvres Ukrainiens, mais moins qu’ils pensent.

De son côté, l’Union européenne leur annonce que malheureusement, elle exclut une adhésion rapide de leur pays au marché commun.

En envoyant des armes neuves et sophistiquées à l’Ukraine, les États-Unis veulent les faire tester dans les conditions réelles d’une guerre et affaiblir par la même occasion l’armée russe. Les États-Unis font donc une pierre deux coups sans risquer la vie de leurs soldats.

Quand la poussière de cette guerre sera retombée, les Ukrainiens réaliseront peut-être qu’on s’est bien moqué d’eux.

Conclusion

Les grands gagnants de la guerre russo-ukrainienne seront les marchands de canons.

Et ce seront aussi les États-Unis.

Non seulement les pays européens (dont l’Allemagne), inquiets pour leur sécurité, achètent des armes américaines, mais en rendant toxique toute relation commerciale avec la Russie, les États-Unis espèrent remplacer ce pays comme principal fournisseur de pétrole et de gaz naturel à l’Europe.

S’ils devaient réussir, cela donnerait aux entreprises américaines un avantage concurrentiel puisque les hydrocarbures américains seront toujours moins chers lorsqu’achetés aux États-Unis plutôt qu’une fois transportés en Europe, à des milliers de kilomètres.

En d’autres mots, la campagne américaine (et canadienne) pour inciter les Européens à s’affranchir des hydrocarbures russes vise à assujettir davantage l’Europe à la puissance hégémonique des États-Unis.

Une autre leçon de l’Histoire ne concerne pas le cas des petits dans l’ombre d’un grand, mais concerne les relations entre les grandes puissances.

Entre deux pays puissants rivaux, cette rivalité les conduit inéluctablement à la guerre.

Pendant des siècles, les empires européens se sont fait la guerre en dépit des mariages dynastiques qui avaient précisément pour but de les empêcher.

C’est seulement à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale que la France et l’Allemagne ont découvert le moyen efficace de prévenir leurs conflits; par l’intégration économique.

À l’opposé, en coupant les relations économiques avec la Russie, on prépare à long terme une guerre avec elle.

Références :
Accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne
Annexion de la Crimée par la Russie en 2014
« C’est la ‘plateforme’ de la réconciliation nationale – avec des bousculades et des insultes.» Les réseaux sociaux discutent du conflit entre Sivokho et les nationalistes (en russe)
Euromaïdan
L’Allemagne proche d’officialiser l’achat des avions de combat F-35 américains
La Russie investira 15 milliards $ en Ukraine
Les échanges commerciaux entre la Russie et l’Europe repartent à la hausse
Les malheurs de l’Ukraine
L’Ukraine montre «chaque jour» être prête à rejoindre l’Otan, estime Zelensky
L’Union européenne exclut une adhésion rapide de l’Ukraine
Petro Porochenko
Référendum de 2014 en Crimée
Relations entre l’Ukraine et l’Union européenne
Résumé de géopolitique mondiale (1re partie)
Révolution orange
Révolution ukrainienne de 2014
Ukraine
Ukraine crisis: Deadly anti-autonomy protest outside parliament
Ukraine crisis is about Great Power oil, gas pipeline rivalry
Ukraine : pourquoi la Russie souhaite la fin de l’expansion de l’Otan en Europe de l’Est
Une caution d’environ 42 millions réclamée pour l’ex-président ukrainien Porochenko
U.S.-Ukraine Charter on Strategic Partnership
Yarosh : Si Zelensky trahit l’Ukraine, il perdra non pas son poste, mais sa vie (en ukrainien)

Parus depuis :
Ottawa ne veut pas dire s’il a gelé des actifs russes au Canada (2022-03-17)
Les pertes militaires ukrainiennes, un secret très bien gardé (2022-03-31)
What The West (Still) Gets Wrong About Putin (2022-06-01)
Ukraine restricts Russian books and music in latest step of ‘derussification’ (2022-06-20)
Ukraine Is the Latest Neocon Disaster (2022-06-28)
German battle tanks for Ukraine ‘won’t be ready until 2024’ (2023-01-15)
The “snipers’ massacre” on the Maidan in Ukraine (2023-10-16)
Ukrainian trial demonstrates 2014 Maidan massacre was false flag (2023-12-11)
Révolution de Maïdan – vidéo, de 28:26 à 44:05 (2024-02-08)
What 10 Years of U.S. Meddling in Ukraine Have Wrought (Spoiler Alert: Not Democracy) (2024-04-30)
Why Zelensky won’t be able to negotiate peace himself (2024-06-04)
Ruling about the Odessa Massacre (2025-03-13)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le conflit russo-ukrainien : la guerre pour de vrai

Publié le 10 mars 2022 | Temps de lecture : 4 minutes

Introduction

À part d’anciens soldats et quelques reporters, personne en Amérique du Nord ne sait réellement ce qu’est une guerre.

En un mot, c’est une boucherie.

Depuis des décennies, nos gouvernements ont idéalisé les guerres qu’ils menaient et infantilisé leur population à ce sujet.

On nous a raconté que nos armées effectuaient des bombardements ‘humanitaires’ et combattaient pour délivrer des peuples de leurs tyrans.

Malheureusement, ce faisant, elles ont causé infiniment plus de morts que ces tyrans en auraient faits s’ils étaient demeurés au pouvoir.

Et à chaque fois, on ne comprend pas pourquoi les peuples qu’on a délivrés ne nous sont pas plus reconnaissants…

Une guerre différente

Cette fois, l’envahisseur est la Russie. Voilà pourquoi on donne enfin la parole aux victimes. Parce que les victimes de nos guerres, on les voyait dans des tableaux statistiques; c’était des dommages collatéraux.

Depuis plusieurs jours, nos journalistes recueillent le témoignage des réfugiés. Puisque toute guerre provoque l’exode des populations bombardées.

À l’écran de nos télévisions (ou de nos appareils mobiles), on voit des femmes qui parlent anglais et qui s’expriment à visage découvert. Ce qui favorise notre empathie et nous donne une idée de ce qu’est réellement une guerre.

Il est à prévoir que bientôt, ce sont les journalistes occidentaux qu’on prendra pour cible. Afin que la guerre se poursuive derrière des portes closes. Comme c’est actuellement le cas au Yémen et au Tigré.

Et ce qu’on ne verra pas sera pire que ce qu’on peut imaginer.

Les réalités de la guerre

Ceux qui croient qu’il est possible de faire la guerre proprement vivent dans le merveilleux monde des licornes.

Dans toute l’histoire de l’humanité, il n’y a jamais eu un seul conflit armé important où, d’un côté comme de l’autre, on n’ait pas commis des crimes de guerre.

Non pas parce qu’ils en avaient l’intention dès le départ, mais souvent parce que cela s’est imposé à eux dans la logique barbare de la stratégie militaire.

Par exemple, les deux-cent-mille civils tués par les deux bombes nucléaires larguées par les États-Unis au-dessus du Japon en 1945 représentaient moins de 0,3 % de la population de ce pays (à l’époque, de 72,4 millions d’habitants).

C’est beaucoup moins que le pourcentage de la population européenne qui a péri sous les bombardements de 1939 à 1945.

Aussi choquant que cela puisse paraitre, les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki ont sauvé des vies humaines. Mais cela demeure un crime de guerre.

Un des livres les plus importants que j’ai lus dans ma vie est Inferno, de Keith Lowe.

Il ne s’agit pas du scénario du film hollywoodien homonyme, mais du récit minutieux de la destruction de la ville d’Hambourg par l’aviation anglaise en 1943.

En résumé, après avoir réussi à bombarder le centre industriel de la ville — où l’Allemagne nazie fabriquait ses sous-marins — on s’est rendu compte que la production reprenait au même rythme en moins de six mois.

On s’est donc résolu à tuer en quelques nuits, des dizaines de milliers d’Hambourgeois dans les quartiers strictement résidentiels de la ville afin de faire fuir la population et ainsi priver les usines de main-d’œuvre.

Dans son récit ‘chirurgical’ des faits (dont l’enfer vécu par la population), jamais l’auteur ne porte de jugement. Pourtant ce qu’on y lit glace le sang.

Lorsqu’on termine la lecture de ce livre, le plus étrange est de réaliser que la guerre possède sa propre logique monstrueuse…

Références :
Bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki
Guerre en Ukraine : le traitement médiatique du conflit crée l’émoi au Moyen-Orient
Opération Gomorrhe

Parus depuis :
L’armée ukrainienne a mis en danger des civils, conclut une enquête d’Amnistie (2022-08-04)
Des Canadiens disent avoir posé des mines antipersonnel en Ukraine (2022-08-22)

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Écrit par Jean-Pierre Martel