Néolibéralisme et crises sanitaires

Publié le 18 mars 2021 | Temps de lecture : 7 minutes

La fragilisation du système de santé

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est une organisation internationale qui encourage la libéralisation économique par les moyens du libre-échange et de la concurrence afin de favoriser l’innovation et les gains de productivité.

À cette fin, elle publie des études comparatives qui permettent de distinguer les pays qui ont le mieux réussi à s’acquitter de leurs missions au plus faible cout possible.

Grâce au libre-échange, on croyait qu’il n’était plus nécessaire de maintenir des stocks stratégiques d’équipement de protection; il suffisait de commander de nouveaux masques produits à l’autre bout du monde si jamais on en avait besoin.

De plus, sous l’influence de l’OCDE, on a réduit le ratio du nombre de lits par million d’habitants et on a institué de nouveaux modèles de gestion des établissements de Santé.

Dans l’optique néolibérale, le capital est ce qu’on investit dans la construction des édifices et l’achat d’équipement. Le salaire des employés est une dépense comme le sont les frais de chauffage. Quant aux employés eux-mêmes, il s’agit d’une commodité au même titre que le mobilier… sauf que les humains sont capables de locomotion, ce qui nous dispense de les soulever pour les déplacer d’un étage à l’autre.

Dans les hospices (qu’on appelle CHSLD au Québec), on a réduit au plus strict minimum le nombre d’employés afin de maximiser leur productivité.

Et lorsque surviennent des vacances (grossesses, démissions, congés de maladie, vacances annuelles, etc.), on fait appel à des agences privées pour boucher temporairement les trous.

Ce modèle a été adopté par toutes les provinces canadiennes, poussées à cela par la diminution des transferts en Santé d’Ottawa.

Mais grâce à la réforme du ministre Barrette — réalisée par ses ajoints, dont le Dr Horacio Arruda — c’est au Québec que cette intégration entre le public et le privé a été la plus poussée.

Si bien qu’au début de la pandémie au Covid-19, certaines provinces ont été capables d’interdire les mouvements de personnel d’un établissement à l’autre alors que le Québec a voulu… mais n’a pas pu.

Il n’a pas pu parce que l’intégration entre le public et le privé est telle que sans les agences, le système s’effondre.

Une lutte sanitaire néolibérale

Au tout début de la pandémie, le premier ministre a pris la sage décision de confier la lutte sanitaire à des experts.

Mais il a commis deux erreurs.

La première aura été de confier aux mêmes personnes tous les aspects de cette crise, qu’il s’agisse de ses aspects médicaux ou de ses aspects logistiques.

La deuxième a été de confier cette lutte au Dr Arruda.

Bien que doté d’un diplôme en médecine, celui-ci n’exerce plus cette profession depuis des années, devenu gestionnaire spécialisé de notre réseau de santé.

Or sa carrière a été marquée sous le signe de l’austérité et de la recherche du résultat avec le moins d’investissements publics.

Si bien que dès le début de cette pandémie, la Santé publique a dévoilé sa stratégie sanitaire; laisser se développer l’immunité ‘naturelle’, ce qui veut dire laisser les citoyens l’attraper.

Quand les gens chargés de nous protéger d’une épidémie préfèrent au contraire qu’on l’attrape, on a un problème.

Au sein de la droite américaine, influente au sein du gouvernement actuel, vouloir combattre une pandémie, c’est comme vouloir arrêter le vent.

C’est aux États-Unis qu’on trouve la grande majorité des experts sanitaires de la planète. Sous l’administration Trump, on a systématiquement ignoré leurs avis; on a déconseillé le port du masque, on a peu testé, peu recherché les foyers de propagation et, de manière générale, laissé la pandémie faire des victimes.

Au Québec, on a fait pareil.

L’objectif des autorités sanitaires du Québec a donc été de favoriser la contagion jugée inévitable au sein de la population tout en empêchant le système hospitalier d’être débordé.

Et pour minimiser le risque de poursuites judiciaires, on a préconisé la distanciation sociale seule et le lavage des mains, c’est-à-dire les deux mesures les moins efficaces contre cette pandémie.

Tout ce qui aurait permis aux gens de se protéger efficacement (le port du masque et le recours à des purificateurs d’air de type HEPA, par exemple) a été déconseillé. Conséquemment, le nombre des hospitalisés a augmenté.

Et lorsque les hôpitaux s’approchaient du point de saturation, on a confiné.

À l’opposé du lavage des mains et de la distance sanitaire seule, le confinement est très efficace pour arrêter la propagation de l’infection. Pour une raison évidente; on ne peut attraper un microbe auquel on n’est pas exposé.

Mais dès que beaucoup de lits devenaient libres, on déconfinait sans chercher à éteindre les foyers résiduels d’infection. Ce qui aurait permis d’éradiquer la pandémie.

Et comme on baissait la garde, la contamination revenait de plus belle.

Partout en Occident, ce fut pareil.

Si bien que tous les pays riches d’Occident ont lamentablement échoué à protéger leur population contre cette pandémie. Alors qu’en Extrême-Orient et en Océanie, d’autres pays ont brillamment réussi en plaçant la protection de leurs citoyens au sommet de leurs priorités.

En voulant maintenir l’activité économique à tout prix, les pays occidentaux sont allés de confinements en déconfinements prématurés, si bien que d’un confinement-surprise à l’autre, beaucoup de petites entreprises n’ont pas survécu.

Selon le ministre de l’Économie et de l’Innovation, les mesures sanitaires ont poussé à la faillite seize-mille entreprises québécoises, ce qui représente 56 % de toutes les faillites au Canada.

À 80 %, les entreprises disparues sont des restaurants et des bars. Elles comptent pour six pour cent des entreprises du Québec (qui sont au nombre de 250 000).

À cela s’ajoute un nombre inconnu (mais probablement considérable) de petites ou moyennes entreprises qui éprouvent des difficultés financières qui menacent leur survie.

Tous les dirigeants politiques aiment annoncer des investissements de milliards de dollars. Mais ce qu’on oublie trop souvent, c’est que l’économie québécoise repose essentiellement sur la petite ou moyenne entreprise.

Ce qui emploie la majorité d’entre nous, ce sont des épiceries, des restaurants, des pharmacies, des salons de coiffure, des quincailleries, etc. Ce sont eux qui nous font vivre.

La gestion catastrophique de cette crise sanitaire — contre laquelle aucun pays riche d’Occident n’était préparé, mais qui fut pire ici qu’ailleurs — a causé non seulement une hécatombe qui prive nos sociétés de talents, mais a également brisé les vies de milliers de petits entrepreneurs qu’on associe à tort au ‘1 %’ alors qu’ils font partie, comme nous, du ‘99 %’.

Références :
Apprendre à vivre sous la menace du Covid-19 : les non-dits de nos gouvernements
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Écrit par Jean-Pierre Martel