Extraterritorialité et pétainisme

3 mars 2021

L’extradition vers les États-Unis

Le Canada et les États-Unis sont partenaires en vertu de la Loi sur l’extradition du Canada.

En vertu de celle-ci, une demande d’extradition vers les États-Unis ne peut être respectée que si les actes reprochés sont reconnus comme criminels par les deux pays.

À titre d’exemple, le Canada ne peut pas honorer une demande d’extradition qui concernerait des citoyens américains qui se sont enfuis au Canada pour échapper à la conscription obligatoire à l’occasion de la guerre au Vietnam.

Autrement, ce serait l’équivalent de ces Juifs que le régime de Vichy arrêtait en sol français parce que l’Allemagne nazie l’exigeait.

Ce qui est vrai pour des Américains réfugiés au Canada est encore plus vrai pour les citoyens canadiens.

À titre d’exemple, le Canada ne peut honorer une demande d’extradition qui viserait à soumettre à la justice américaine les entrepreneurs québécois qui font affaire avec Cuba, en violation de l’embargo américain. Parce que commercer avec Cuba est légal au Canada.

Si faire affaire avec Cuba était également illégal au Canada, notre pays ne pourrait non plus les extrader. Pourquoi ?

Le traité d’extradition ne concerne pas le cas des criminels qui ont commis leurs méfaits dans leur pays. Le Canada étant souverain, c’est à lui de punir les crimes commis chez lui.

En pareil cas, si le Canada choisissait de fermer les yeux — notamment au sujet de crimes économiques — ce n’est pas aux États-Unis à le faire à sa place.

Bref, ce traité est conçu pour éviter que le Canada serve de refuge à n’importe quel criminel américain qui aurait commis son méfait dans son pays.

L’extraterritorialité des lois américaines

Depuis 1977, la loi intitulée Foreign Corrupt Practices Act habilite les États-Unis, par le biais de son ministère de la Justice, à poursuivre toute entreprise étrangère qui violerait une loi américaine.

Et ce, même lorsque cette entreprise ne possède aucune succursale aux États-Unis et que le ‘délit’ a été commis dans un pays étranger.

Il suffit que l’entreprise effectue de l’Étranger une transaction facturée en dollars américains, qu’elle ait un site web hébergé sur un serveur américain ou qu’elle possède une adresse de courriel offerte par un service américain de messagerie.

Le principe de l’extraterritorialité des lois américaine est soutenu par Washington, mais n’est actuellement reconnu par aucun autre pays.

Par le biais des lois que des politiciens à sa solde font adopter à Washington, le grand capital veut ainsi dicter ses volontés à la planète tout entière.

L’exemple de l’affaire Wuawei

Le 1er décembre 2018, lorsque la directrice financière de Wuawei, Mme Meng Wanzhou, fut arrêtée à l’aéroport de Vancouver, le crime qu’on lui reprochait ne répondait pas aux critères pouvant justifier une demande d’extradition vers les États-Unis.

Wuawei était visé par des allégations américaines selon lesquelles sa succursale Skycom (basée à Hong Kong) aurait tenté de vendre (ou aurait vendu) pour deux millions$US d’équipement informatique à une compagnie iranienne en 2010.

Il ne s’agissait pas d’une violation des sanctions économiques adoptées par l’ONU que s’est engagé à respecter le Canada. Il s’agissait plutôt d’une violation présumée de l’embargo beaucoup plus sévère décrété unilatéralement par les États-Unis contre l’Iran.

L’histoire remontait déjà à plusieurs années et son importance économique (deux-millions de dollars) est dérisoire pour une compagnie de la taille de Wuawei. Bref, ce sont des broutilles.

Le ‘crime’ avait été commis hors du territoire canadien et même hors du territoire américain.

Bref, il ne s’agissait pas d’un délit reconnu comme tel par la législation canadienne.

En dépit de cela, l’arrestation de Mme Meng Wanzhou s’est opérée de manière urgente à la demande des États-Unis.

Selon l’article 10 de la Canadian constitution, toute personne doit être informée dans les plus brefs délais des motifs qui justifient son arrestation.

Or les États-Unis mirent trois mois à trouver les motifs tirés par les cheveux qui justifient leur demande d’arrestation.

Si vous n’arrivez pas à comprendre pourquoi cette affaire traine en longueur, c’est que le Canada n’est pas pressé de reconnaitre le principe de l’extraterritorialité des lois américaines.

Et il ne veut pas non plus susciter la colère des États-Unis en refusant de le reconnaitre.

Le plus simple est donc de faire en sorte que ce procès traine en longueur afin de donner au juge les motifs d’une remise en liberté pour vice de forme (l’irrespect de l’article 10 de la constitution) ou en raison des délais déraisonnables de cette affaire.

Voilà le fond de l’histoire.

Références :
Aperçu général de l’extradition en droit canadien
L’affaire Huawei : dure pour le Canada, la vie de caniche américain

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Écrit par Jean-Pierre Martel