Apprendre à vivre sous la menace du Covid-19 : les non-dits de nos gouvernements

Le 29 avril 2020

Introduction

Les dés en sont jetés.

Partout en Occident, le message des États est maintenant le même : « Nous contrôlons la situation. Et d’ici peu, nous lèverons progressivement le confinement que nous vous avons imposé, quitte à faire marche arrière et opérer des ajustements si les choses dérapent.»

En réalité, le ‘contrôle’ dont on parle est dans une perspective hospitalo-centrique; au Québec, on a libéré six-mille lits pour soigner les patients gravement malades du Covid-19 et cette réserve a amplement suffi jusqu’à maintenant. Voilà le contrôle dont il s’agit.

Mais l’État québécois n’a aucun contrôle sur la pandémie elle-même; par exemple, c’est l’hécatombe dans les hospices.

Si bien que le bilan meurtrier au Québec est passé de 3,7 à 178,4 morts par million d’habitants en 25 jours. Soit une augmentation de près de cinq-mille pour cent.

S’il s’agit d’une situation bien contrôlée, on se demande ce que serait une situation qui ne l’est pas…

Le tribut meurtrier du Covid-19

Lorsqu’on empêche une pandémie de se répandre, on amortit son impact sur les ressources hospitalières. Mais cela ne fait que différer sa mortalité.

La pandémie continuera de faire des ravages, plus lentement, jusqu’à ce que la population en devienne réfractaire.

À moins que d’ici là, un vaccin soit mis au point, qu’un remède soit découvert, ou que la pandémie disparaisse d’elle-même.

Les experts estiment que la population sera devenue réfractaire lorsqu’environ 60 % des gens seront immunisés contre le Covid-19.

Or, en absence de vaccin, être immunisé contre le Covid-19, cela veut dire l’attraper et en guérir.


 
Selon la modélisation du gouvernement canadien, daté du début du mois, la pandémie causerait la mort de plus de 250 000 Canadiens avant que 60 % d’entre eux en soient immunisés.

Ce qui représente un peu plus de 56 200 Québécois, soit un taux de mortalité de 6 660 personnes par million d’habitants.

En somme, il s’agit d’un tribut meurtrier 37 fois plus important qu’actuellement.

Jusqu’à tout récemment, il était impossible de vérifier dans quelle mesure la modélisation du fédéral était juste.

Mais le gouverneur de l’État de New York annonçait récemment les résultats d’une étude immunologique qui donne un poids considérable à la modélisation canadienne.

Selon une étude new-yorkaise en cours, 21,2 % des citoyens de New York et près de 14 % des habitants de l’État sont maintenant immunisés contre le Covid-19.

Rappelons que dans l’État de New York, ce 14 % d’immunité grégaire a été obtenu au prix de plus de vingt-et-un-mille morts.


 
Par règle de trois, pour atteindre un seuil de 60 %, il faudra donc plus de quatre-vingt-dix-mille morts dans cet État.

Puisque le Québec possède une population de 8,4 millions d’habitants (vs 19,5 millions pour l’État de New York), cela signifie que nous devrons payer un tribut de près de trente-neuf-mille morts pour atteindre une immunité grégaire de 60 %.

Ce qui est le deux tiers des prédictions fédérales; 39 000 vs 56 200 morts, soit respectivement 0,5 % et 0,7 % de la population québécoise. En somme, c’est dans le même ordre de grandeur.

Il est simple, rapide et peu couteux d’effectuer une étude sérologique de l’immunité acquise d’une population au Covid-19.

On l’a fait dans l’État de New York, dans le comté de Santa Clara en Californie, dans la ville allemande de Gangelt, de même que dans une école du département de l’Oise en France.

Animé par la nécessité du déconfinement, le gouvernement québécois a plutôt choisi de procéder à l’aveugle, par tâtonnement.

L’utopie de la distanciation sociale

Pour atténuer l’impact du déconfinement, on compte sur l’hygiène des mains et sur la distanciation sociale au travail et à l’école.

Officiellement, le masque n’est recommandé que lorsque la distanciation sociale est impossible.

Malgré le fait que cette pandémie se propage principalement par des gouttelettes respiratoires, il est étonnant de constater que le port du masque n’est qu’une mesure secondaire dans le plan de déconfinement du gouvernement québécois.

Dans le quotidien de l’activité industrielle, on oubliera vite l’importance de la distanciation sociale en franchissant les cadres de porte et on négligera bientôt la désinfection fréquente des toilettes exigües des petits commerces.

Or la moindre imprudence peut s’avérer grave de conséquence pour les travailleurs.

En classe, même si les écoliers étaient assis à deux mètres les uns des autres, il faut être naïf pour penser que cette distance sera respectée lorsque les petits écoliers se précipiteront dans les couloirs ou se bousculeront dans les escaliers et les toilettes.

À moins, évidemment, de créer un climat répressif qui tuera toute spontanéité chez les jeunes écoliers et qui pourrait les marquer durablement.

Quant à l’idée de faire respecter la distance sanitaire dans les cours de récréation, je crois le ministre de l’Éducation trop brillant pour y croire une seule seconde.

En réalité, ce qu’on souhaite vraiment, c’est que chaque écolier qui aura contracté le Covid-19 contamine sa classe. Et par l’effet multiplicateur de ses camarades, il inoculera le virus aux membres adultes de leurs familles respectives.

Dans la mesure où l’infection au Covid-19 est déjà bien installée dans les sociétés occidentales et que sa propagation sera inévitable à la suite du déconfinement, c’est par le biais des écoliers — généralement peu affectés par l’infection — que nos gouvernements ont choisi d’immuniser leur population.

Conclusion

À partir du moment où les États réalisent le cout astronomique du confinement et leur manque d’autorité pour le faire respecter (notamment aux États-Unis), ceux-ci ont décidé de jeter la serviette et de laisser les choses évoluer d’elles-mêmes à la condition que leur système hospitalier ne soit pas submergé par la pandémie.

Les pays qui s’en tireront le mieux sont ceux qui ont retenu les leçons des pandémies antérieures et qui ont agi promptement (en particulier en Extrême-Orient).

Ailleurs, les citoyens qui auront su s’inspirer du succès de ces pays — notamment quant à l’importance du port du masque — seront avantagés en comparaison de ceux qui auront suivi benoitement les conseils des États qui, de toute évidence, ont failli à les protéger adéquatement et qui ont choisi, de manière pragmatique, de les abandonner à la pandémie.

Références :
Antibody study suggests coronavirus is far more widespread than previously thought
Blood tests show 14% of people are now immune to covid-19 in one town in Germany
COVID-19 Antibody Seroprevalence in Santa Clara County, California
Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France
Immunité collective : les conclusions pessimistes d’une étude dans un hôpital de Wuhan
1 in 5 people in NYC may have been infected with COVID-19, antibody study finds

Parus depuis :
Notes de terrain (2020-05-02)
Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France (2020-05-13)
Près de 3% des adultes auraient contracté la COVID-19 au Québec (2020-08-06)
COVID-19 : l’immunité « diminue assez rapidement », selon une étude (2020-10-27)
Resurgence of COVID-19 in Manaus, Brazil, despite high seroprevalence (2021-01-27)
L’INSPQ avait un « scénario catastrophe » à 56 000 morts (2021-11-29)
Le rêve « utopiste » de l’immunité collective contre la COVID-19 (2022-05-01)

Complément de lecture :
Les « orteils COVID », un symptôme à surveiller chez les enfants
L’immunité «bouclier» plutôt que l’immunité de groupe

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au Covid-19, veuillez cliquer sur ceci

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