Le Garrot d’Islande

28 novembre 2015
Garrot d’Islande mâle
Garrot d’Islande femelle

Le Garrot d’Islande (Bucephala islandica) est un canard plongeur au bec court qu’on trouve en Islande et en Amérique du Nord, principalement à l’ouest des Rocheuses. Il semble avoir disparu récemment du Groenland.

En Islande, la population ne compte que 2 000 individus, soit deux fois moins qu’au Québec. Sur la côte ouest du Canada et en Alaska, on compte 200 000 individus.

La tête du mâle est noire avec un croissant blanc sur la joue. Son dos est noir alors que le ventre, la poitrine et les flancs sont blancs. Noire, la face dorsale des ailes est décorée de quelques plumes blanches. Il a les yeux, les pattes et les doigts palmés jaunâtres.

La tête de la femelle est brun foncé. Le reste du plumage est grosso modo un dégradé de blanc au gris brunâtre qui part de la poitrine vers la queue. De novembre à mai, son bec est en partie orangé.

En raison du thermalisme islandais, les colonies de ce pays ne migrent pas vers l’Étranger durant la saison froide. Toutefois, au Canada et en Alaska, là où les lacs gèlent en hiver, il migre un peu plus au sud.

C’est ainsi qu’au Québec, il passe l’été sur les lacs et rivières récemment dégelés du Grand Nord québécois mais migre vers l’estuaire du Saint-Laurent durant la saison froide.

Dès la mi-mai, il se reproduit sur les hauts plateaux du Saguenay, de la Côte-Nord et de Charlevoix. Il fait son nid dans cavités naturelles (crevasses de falaise, champ de lave, trou d’arbre) qu’il tapisse de duvet.

Il fréquente alors les étangs et les petits lacs de tête où l’absence de poissons favorise le foisonnement des invertébrés.

La femelle pond de 4 à 12 œufs (en moyenne, 6) qu’elle couve seule durant un mois. Avant même que les œufs n’éclosent, le mâle la quittera pour aller muer plus au nord.

Les oisillons sont autonomes deux mois plus tard.

Ce canard se nourrit principalement d’insectes aquatiques, de mollusques, de crustacés, et accessoirement de la végétation des étangs.

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectif M.Zuiko 40-150mm F/2,8
1re photo : 1/250 sec. — F/2,8 — ISO 1000 — 150 mm
2e  photo : 1/320 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 150 mm


Pour consulter les textes de ce blogue consacrés au règne animal, veuillez cliquer sur ceci

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La stratégie militaire de la coalition en Syrie est inefficace

27 novembre 2015

Quatorze années de bombardements ne sont pas venues à bout d’Al-Qaida.

Les combats et les bombardement des villes sont responsables de la crise migratoire syrienne. Davantage de bombes sur ces villes entraineront davantage de réfugiés et davantage de pertes civiles (ce dont on ne parle jamais).

Si les pays hostiles à l’État islamique (ÉI) s’étaient attaqués à sa principale source de financement — la vente de pétrole à la Turquie — les coffres de l’ÉI seraient vides depuis longtemps.

Mais la stratégie militaire de la coalition consiste à bombarder, dans des villes densément peuplées, ce qu’on croit être des casernes, ce qu’on croit être des arsenaux, ce qu’on croit être des centres de commandement, etc.

Or les bombardements dits ‘chirurgicaux’ le sont seulement lorsqu’on sait ce qu’on fait, ce qui n’est pas le cas.

En effet, la coalition n’a pas de combattants au sol à l’intérieur du califat qui pourraient préciser les cibles à détruire.

On rémunère donc les conducteurs de camions-citernes qui font la navette entre la Turquie et l’ÉI afin qu’ils renseignent les services secrets occidentaux. Ces conducteurs sont les seuls à entrer et sortir librement du califat.

Et parce qu’on a besoin d’eux et de la complicité de la Turquie pour les interroger et les rémunérer, on se refuse à tarir les exportations de pétrole parce qu’on a besoin de ces ‘espions’.

Notre seul espoir de voir un pays réellement s’attaquer à l’ÉI, repose donc sur la Russie.

En effet, si elle bombarde les sites d’extraction pétrolière situés sur le territoire du califat, elle s’attaque à la fois à l’ÉI et à la Turquie. Elle ferait alors une pierre deux coups.

Toutefois, soyons clairs : en détruisant les sites d’extraction pétrolière du califat, la Russie ne détruirait pas l’ÉI; la Russie faciliterait seulement la conquête militaire du califat, ce qui forcerait l’ÉI décimée à la clandestinité.

Parus depuis :
Le groupe EI engrange 80 millions de dollars par mois (2015-12-08)
If the Castle Falls: Ideology and Objectives of the Syrian Rebellion (2015-12-21)
US-led airstrikes against Islamic State in Syria and Iraq – interactive (2016-01-08)
Terrorisme: le patron du SCRS prévoit «des décennies» de lutte (2016-03-08)

Compléments de lecture :
Isis Inc: how oil fuels the jihadi terrorists
L’État islamique : un trou noir


Compléments de lecture :
L’ABC de la guerre syrienne (1re partie)
L’ABC de la guerre syrienne (2e partie)
L’ABC de la guerre syrienne (3e partie)

Un commentaire

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Erdoğan, le premier ministre turc, est une nuisance

26 novembre 2015

Mardi le 24 novembre 2015, un avion russe a été abattu par l’aviation turque. Cet avion avait survolé l’espace aérien turc pendant 17 secondes. C’est la première fois en près de cinquante ans qu’un pays membre de l’OTAN abat un avion russe.

Selon le quotidien britannique The Guardian, Recep Tayyip Erdoğan, le premier ministre turc, aurait lui-même donné l’ordre d’abattre cet avion.

Éjecté, un des deux pilotes a été tué dans sa descente par des rebelles en Syrie, ce qui prouve que l’avion russe a bien été abattu au-dessus du territoire syrien et non au-dessus du territoire turc.

En somme, la Turquie a prétexté un bref survol de son territoire pour poursuivre l’avion russe au-delà de ses frontières alors que ce pays voisin, la Syrie, n’a jamais demandé à la Turquie de défendre son espace aérien.

Carte de la Syrie
 
Le gouvernement légitime de la Syrie, c’est celui de Bachar el-Assad. Ce dernier a été réélu en 2014, à la suite d’un scrutin tout aussi critiquable que celui qui a dernièrement reporté au pouvoir Erdoğan en Turquie.

Devant l’Assemblée générale de l’ONU, le représentant de la Syrie est l’ambassadeur nommé par Bachar el-Assad.

Bref, en vertu du droit international, Bachar el-Assad est le chef de l’État syrien.

Depuis le début de la guerre en Syrie, l’aviation turque a survolé plusieurs fois le territoire syrien pour y effectuer des bombardements.

Est-ce que la Turquie en a reçu l’autorisation du gouvernement de Bachar el-Assad ? Non, puisque la Turquie est ennemi de ce régime.

La prochaine fois que des avions turcs violeront l’espace aérien syrien, la Russie aura donc le droit de les abattre à la demande du gouvernement légitime de la Syrie.

Poutine est très rancunier, c’est vrai, mais il n’est pas stupide.

Il sait que si des chasseurs-bombardiers russes partent abattre des avions turcs entés illégalement dans l’espace aérien syrien, les Russes pourraient tomber dans un guet-apens tendu par la coalition, dirigée par des pays de l’OTAN (hostile à la Russie).

Évidemment, un tel guet-apens placerait l’Humanité au bord d’une troisième guerre mondiale. Ni lui, ni l’Occident ne désirent courir un tel risque.

À partir de la base militaire russe établie sur la côte méditerranéenne de la Syrie, Poutine a donc décidé de déployer ses missiles antiaériens les plus sophistiqués. Dans les faits, ce sont des missiles de croisière spécialisés. Jamais ils ne ratent leur cible. Leur portée est de 400 km soit les deux-tiers de la Syrie.

Donc plutôt que de risquer d’envoyer des chasseurs-bombardiers, il se prépare à utiliser ces missiles contre les avions turcs qui violeront l’espace aérien syrien. Ce qui élimine tout risque de guet-apens… et de guerre mondiale.

Les membres de la coalition ne sont pas dupes. Ils voient bien que la Turquie, allié de l’État islamique, essaie de diviser l’Occident alors que nous sommes menacés par la barbarie.

Ils conseilleront donc à la Turquie de se tenir tranquille. Devenu clairement une nuisance, la Turquie est mise échec et mat par la Russie, au grand soulagement de tout le monde.

Références :
Avion abattu par la Turquie : riposte économique de Moscou
Avion russe abattu – Moscou dénonce une «provocation planifiée»
Les pilotes militaires turcs : un sens de l’honneur du niveau de celui de Daesh ?
Un avion russe est abattu par Ankara, provoquant une escalade des tensions
Washington «inquiet» du déploiement de missiles anti-aériens russes
Why did it take Turkey just 17 seconds to shoot down Russian jet?

Paru depuis :
Conflit en Syrie – La responsabilité de la Turquie (2015-12-07)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Belgique : le syndrome de l’huitre

25 novembre 2015

Alertée de la probabilité d’un attentat terroriste, la Belgique a décidé de se refermer comme une huitre.

Depuis plusieurs jours, les écoles sont fermées, le métro ne fonctionne plus et l’activité économique du pays tourne au ralenti.

Peu à peu, ces mesures seront levées prochainement.

La question que tous les Belges se posent est la suivante : ces précautions, ont-elles prévenu la commission d’un attentat ou l’ont-elles reportée à plus tard ?

À défaut d’avoir identifié les personnes qui se proposent de commettre un attentat et d’avoir procédé à leur arrestation préventive, tout ce qu’on a fait, c’est de forcer les comploteurs à différer leur méfait.

Cela démontre deux choses.

Premièrement, en dépit de la masse colossale de données que les agences de renseignements accumulent à notre sujet, ils n’arrivent pas à les interpréter de manière à prévenir des attentats terroristes.

Ils sont convaincus — probablement à juste titre — qu’un attentat est imminent en Belgique. Mais où ? Comment ? Par qui ? Ils ne savent pas.

Après qu’un attentat ait été commis, les services de renseignements peuvent consulter ces données et remonter dans le temps à la recherche de complices et de lieux où les malfaiteurs se cacheraient encore. Après un attentat, ils sont très efficaces. Avant…

Deuxièmement, on réalise qu’il y a incompatibilité totale entre sécurité et liberté.

Si on désire la protection absolue contre le danger, on ne traverse plus les rues par peur d’un accident automobile, on ne sort plus de chez soi par crainte des malfaiteurs, on ne mange plus ceci ou cela à cause du contenu en cholestérol, des résidus de pesticides, des OGM, etc. Bref, on se laisse mourir de faim ou d’ennui.

Conséquemment, vivre c’est prendre des risques.

En entr’ouvrant sa coquille, la Belgique devient inévitablement vulnérable. Si effectivement un attentat se préparait et n’était qu’en attente d’être commis, beaucoup de personnes rendront les dirigeants du pays responsables de ce drame.

D’avance, ils ont tort.

Les coupables des attentats sont toujours ceux qui les commettent et ceux qui les financent.

S’il y a négligence, elle a été commise par ceux qui dirigeaient le pays dans le passé et qui ont tardé à s’attaquer à la racine du mal, soit la promotion de la haine.

Pour l’instant, craindre le pire est normal. Mais se laisser envahir par le syndrome de l’huitre, c’est céder la victoire aux terroristes.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Belgique : les mesures antiterroristes

24 novembre 2015

Pressé d’agir par les circonstances, le gouvernement belge a adopté dernièrement un plan en trois volets de lutte au terrorisme.

Le premier volet comprend des mesures contre les individus dangereux :
•  l’emprisonnement pour tous les djihadistes belges de retour au pays,
•  le port d’un bracelet électronique pour toutes les personnes fichées par les services d’analyse de la menace,
•  la création immédiate d’une liste de passagers dangereux dans les transports (avions et trains à grande vitesse), sans attendre celle que les autorités européennes doivent créer d’ici peu,
•  l’adoption d’un plan d’action spécial pour le quartier bruxellois de Molenbeek, qualifié à l’étranger de ‘Belgistan’ (voir note ci-dessous),
•  la déchéance de la nationalité belge en cas de condamnation pour terrorisme d’un citoyen possédant une double citoyenneté.

Suivent les mesures destinées à renforcer la sécurité :
•  les perquisitions pourront avoir lieu n’importe quand en matière de terrorisme,
•  avant que ne soit portée une accusation devant les tribunaux, la durée maximale des gardes à vue (appelées en Amérique du Nord « mise en état d’arrestation ») passera de 24h à 72h dans les cas de terrorisme,
•  l’interdiction de l’achat anonyme de cartes de téléphones pré-payées,
•  l’élargissement de l’éventail des méthodes de recherche antiterroriste (empreintes vocales et élargissement des écoutes téléphoniques, notamment concernant le trafic d’armes),
•  le renforcent des vérifications à l’embauche pour des emplois sensibles,
•  l’accroissement du réseau de caméras de surveillance et de reconnaissance des plaques minéralogiques.

Pour terminer, on a adopté des mesures contre la radicalisation :
•  les prêcheurs extrémistes étrangers seront expulsés,
•  tous les prédicateurs belges seront ‘screenés’ (selon le mot vague de la télévision belge) en vue de les assigner à résidence si cela est jugé approprié,
•  les lieux de culte non reconnus qui diffusent le djihadisme seront fermés,
•  les sites internet qui véhiculent la haine cesseront leurs activités.

Pour l’instant, 520 militaires vont être déployés pour renforcer la sécurité du royaume belge et les contrôles seront renforcés aux frontières.

Le cout des nouvelles mesures belges contre le terrorisme est estimé à 420 millions d’euros.

Note du 19 mars 2016 : Lors de l’arrestation à Molenbeek du dernier terroriste encore vivant ayant participé aux attentats de Paris, les policiers belges qui ont mené l’assaut ont dû se protéger des projectiles lancés par des habitants du quartier.

Référence : Voici les 18 nouvelles mesures du gouvernement pour lutter contre le terrorisme

Paru depuis : Attentats de Paris – Abdeslam arrêté à Bruxelles (2016-03-19)

À lire également :
La police italienne saisit 781 fusils à pompe turcs destinés à la Belgique (2015-11-26)
Guerre en Syrie : “Il y a un gouffre béant entre la télévision arabe et la télévision occidentale” (2015-12-16)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Crise migratoire syrienne et morale chrétienne

22 novembre 2015
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La plupart des Chrétiens ont perdu de vue ce que signifient concrètement les principes religieux auxquels ils adhèrent.

Lorsqu’on prête l’oreille aux commentaires relatifs à la crise migratoire syrienne, on ne peut qu’être étonné par l’insensibilité de certains face à la misère humaine.

En écoutant tous ceux dont le discours se termine par « God bless America » et toutes ces grenouilles de bénitier qui s’agitent dans les médias sociaux, je constate qu’ils pratiquent une religion hypocrite, aux antipodes de ce que prêchait Jésus de Nazareth.

À ma connaissance, ce dernier n’a jamais mentionné l’importance de se méfier et de craindre les étrangers.

Au contraire, on m’a appris que si on pouvait résumer le Nouveau Testament en une seule phrase, celle-ci serait : « Aime ton prochain comme toi-même ».

Si on pouvait faire revenir Jésus de Nazareth sur Terre et lui demander conseil au sujet de l’accueil des réfugiés syriens, je ne peux pas imaginer une seule seconde que sa première réaction serait de se demander : « Oui, mais comment ça va couter ? »

L’argent, on en trouve toujours quand il est temps de faire la guerre. Je ne vois pas où est l’immensité de la tâche d’accueillir au Canada 0,1% de personnes de plus sur un territoire déjà peuplé de 30 millions de citoyens, tous descendants d’immigrants (si on tient compte que les peuples autochtones eux-mêmes descendent d’humains qui ont traversé le détroit de Béring en provenance d’Asie).

Pour terminer, j’inviterais les prêtres et pasteurs chrétiens à occuper davantage l’espace médiatique. Il est temps que l’Église rétablisse la morale dans le discours public. Faire la morale, n’est-ce pas démodé ? Oui. Mais l’Église a le devoir de porter le message chrétien en dépit des modes.

Parus depuis :
1000 Rabbis in Support of Welcoming Refugees (2015-12-02)
Jésus, ce réfugié (2015-12-27)

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectif PanLeica 25mm F/1.4 — 1/800 sec. — F/1,4 — ISO 200 — 25 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Lutte contre l’État islamique : l’importance de la diplomatie française

20 novembre 2015

Introduction

Elle est finie l’époque où un pays déclarait la guerre à un autre en lui transmettant une déclaration par le biais d’un ambassadeur.

Le carnage du 13 novembre dernier à Paris a été une déclaration de guerre implicite de l’État islamique (ÉI) contre la France. Tout comme les attaques de Pearl Harbor en 1941 ont été une déclaration de guerre implicite du Japon envers les États-Unis.

Mais est-ce bien comparable ? L’ÉI est-il un État ?

Un pays officieux

Jusqu’ici, les gouvernements de nombreux pays (dont le Canada) préféraient qu’on parle des milices de l’État islamique plutôt que d’État islamique.

De nos jours, on parlera aussi de Daech, un acronyme basé sur la transcription phonétique de mots arabes Dawlat islamiya fi ’iraq wa sham qui signifient État islamique en Irak et au levant. Bref, du pareil au même.

Pendant un certain temps sur ce blogue, j’ai suivi cette directive non écrite; en septembre 2014, je parlais encore de l’organisation État islamique.

Mais il faut nous rendre à l’évidence; dans les faits, c’est un État. Ses frontières ont beau fluctuer au gré des combats, ce pays a beau ne jouir d’aucune reconnaissance officielle, ce qui ne change rien au fait qu’il a tous les attributs d’un État.

L’État islamique contrôle un territoire qu’il appelle califat. Il y assure l’ordre. Il y prélève des taxes et impôts. Il y distribue des services (dispensaires et enseignement coranique, notamment).

On pourra le conquérir et, une fois qu’il aura été défait, l’annexer à ce qu’on voudra : pour l’instant, c’est un pays.

L’efficacité de la diplomatie française

Lorsqu’on entre en guerre, toutes les forces de l’État n’ont qu’un seul but; vaincre l’ennemi. Or une des forces de la France, c’est la compétence et l’efficacité de son corps diplomatique.

Il faut s’enlever de l’esprit ce cliché voulant que le travail d’un ambassadeur consiste à courir les cocktails d’une ambassade à l’autre.

Les autorités françaises ont entrepris un important ballet diplomatique entre les grandes capitales et cette initiative commence déjà à porter fruit.

Jusqu’ici, la coalition militaire contre l’ÉI n’avait pas pour but d’anéantir le califat, mais de susciter le chaos et l’anarchie de manière à inciter les pays voisins de se protéger en achetant des armes auprès des dirigeants de cette coalition (qui sont des producteurs d’armements).

Si le but avait été d’anéantir l’ÉI, on l’aurait d’abord vulnérabilisé en sapant ses sources de financement, la principale étant la vente de pétrole extrait du territoire qu’il contrôle.

Grâce à la diplomatie française, les choses commencent à changer.

Cette semaine, le quotidien Le Monde nous apprend qu’après consultation avec les représentants français, le Pentagone avait décidé détruire les centres de distribution du pétrole tenus par l’ÉI, ainsi que leurs convois partant en direction de la Turquie. À noter : on parle ici de distribution et non de production.

Selon la revue Foreign Policy, les responsables militaires américains sont arrivés à la conclusion que la campagne aérienne contre les infrastructures pétrolières de Syrie — infrastructures qui ont rapporté des centaines millions de dollars à l’EI ces deux dernières années — avait été trop prudente (un euphémisme pour dire qu’ils n’ont rien fait).

On a donc mis sur pied d’une nouvelle opération baptisée Tidal Wave II, en référence à la campagne qui avait détruit les champs pétroliers de l’Allemagne nazie en Roumanie durant la Deuxième Guerre mondiale.

Le 15 novembre dernier, des frappes ont détruit 116 camions-citernes stationnés près de la frontière irakienne, à Abou Kamal.

En Syrie seulement, l’ÉI contrôle 253 puits de pétrole. À certains de ces puits, les camions-citernes en attente de ravitaillement forment des queues longues de six kilomètres.

On voit donc que la destruction de 116 camions-citernes n’est qu’un début. Ce qu’on cherche à faire pour l’instant, ce n’est pas de détruire les sites d’extraction, mais de faire en sorte que leur accès soit encombré par les carcasses des camions-citernes bombardés.

Dans le fond, on arrive au même résultat que le bombardement des puits de pétrole. L’opération Tidal Wave II possède l’avantage de pouvoir remettre en service ces sites pétroliers aussitôt l’ÉI vaincue, le cas échéant.

Le but de la guerre contre l’ÉI

Ira-t-on plus loin en détruisant les puits de pétrole eux-mêmes ? Du point de vue strictement militaire, cela n’est pas nécessaire; empêcher l’accès suffit. Toutefois la guerre est soumise à d’autres impératifs.

Le but de la guerre contre l’ÉI n’est pas d’anéantir le califat; en une décennie de guerre, les États-Unis ne sont pas venus à bout d’Al-Qaida.

Cette guerre a deux objectifs.

Le premier est de punir de manière spectaculaire l’ÉI en lui infligeant une vulnérabilité dont il ne se remettra jamais.

Le deuxième est de tracer aux yeux de tous les mouvements terroristes à travers le monde, une ligne rouge qui est la limite à ne pas dépasser.

Massacrez-vous entre milices hostiles : pas de problème. Massacrez des populations loin de nous et nous vous condamnerons du bout des lèvres sans qu’il ne vous arrive rien. Mais touchez à un cheveu de nos citoyens ici même sur le territoire national et notre colère sera terrible. Voilà le message.

Une leçon pour le Canada

Pendant les années du régime despotique de Steven Harper, le Canada a considérablement perdu de son influence internationale.

Obéissant à des politiques économiques à courte vue (basées exclusivement sur l’exploitation pétrolière), le Canada s’est présenté au monde comme un pays qui n’hésite pas à renier ses engagements, à tenter de saboter les conférences destinées à combattre le réchauffement climatique, et qui ferme les yeux sur toutes les violations des droits de l’Homme commises par des régimes d’extrême droite (dont l’Arabie saoudite).

En 2010, lorsqu’il s’est agi de combler une vacance à son Conseil de sécurité, l’ONU a infligé une gifle au Canada en préférant le Portugal à notre pays.

On ne sait jamais lorsqu’on aura besoin des autres. En devenant un pays en marge des préoccupations mondiales, le gouvernement Harper a placé le Canada dans une situation délicate.

Voilà pourquoi il est important de rétablir la réputation internationale de notre pays, ce à quoi s’emploie justement le nouveau gouvernement canadien.

Références :
Daesh gagnerait 50 millions de dollars chaque mois sur la vente du pétrole
Esclavage, rançons, pétrole, pillage… comment se finance l’Etat islamique
Hitting the Islamic State’s Oil Isn’t Enough
Le Canada reçoit une gifle à l’ONU
L’État islamique : un trou noir
Raids aériens pour « casser la machine » Etat islamique

Parus depuis :
Frappes d’une rare intensité en Syrie (2015-11-21)
La France exclut l’envoi de forces spéciales (2015-11-23)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La sélection des réfugiés syriens au Canada

18 novembre 2015

Introduction

Ces jours-ci, s’il est un sujet qui est l’objet d’intenses débats au Québec comme en Europe, c’est celui de la ‘dangerosité’ des immigrants syriens.

À proximité d’un des trois terroristes qui se sont fait exploser à l’extérieur du stade de France, la police a trouvé un passeport syrien.

En soi, cela ne prouve rien.

Le passeport syrien

Au moment où ces lignes sont écrites, il n’existe aucune preuve que ce passeport était celui d’un de ces trois terroristes.

Et pourquoi l’un d’entre eux aurait-il transporté un passeport falsifié ou un passeport appartenant à quelqu’un d’autre ?

Selon l’État islamique, tout Musulman a le devoir d’immigrer au califat. En effet, celui-ci est le seul endroit au monde où le Musulman peut, selon l’ÉI, vivre l’Islam authentique, celui imaginé par le Prophète et régi par les règles qui prévalaient en Arabie à son époque.

Comme pour n’importe quelle armée, les combattants qui quittent ses rangs sont coupables de trahison.

Les citoyens qui abandonnent le califat et qui révèlent les raisons qui les motivent à aller vivre ailleurs, ne peuvent que nuire à l’image que s’est créée l’État islamique sur les médias sociaux. Il est donc interdit à ses citoyens d’émigrer.

Le meilleur moyen d’arrêter l’exode de ses citoyens, c’est de faire craindre que des terroristes se cachent parmi eux. Donc il est possible que ce passeport soit une ruse de l’État islamique.

Pour l’instant, si personne ne peut garantir qu’il est vrai, personne ne peut non plus garantir qu’il est faux.

D’où l’importance des mesures employées pour pallier au risque sécuritaire que comporte cette crise migratoire.

Le tamisage des réfugiés syriens

Presque trois millions de Syriens ont trouvé refuge principalement en Turquie et au Liban. Sur les 2,2 millions d’entre eux en Turquie, seulement 260 000 vivent dans des camps de réfugiés installés le long de la frontière syrienne.

Les 1,9 million de réfugiés syriens qui vivent en Turquie hors des camps habitent dans les villes du pays, dont 350 000 à Istanbul.

Le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR) visite régulièrement ces camps.

Le HCR n’a pas les effectifs qu’il lui faudrait pour faire le suivi des réfugiés qui se dispersent au sein de la société d’accueil.

Par conséquent, seuls ceux qui vivent depuis des mois ou des années dans des camps sont officiellement sur sa liste des demandeurs d’asile.

Ces demandeurs doivent fournir une série d’informations personnelles et détailler les raisons pour lesquelles ils craignent pour leur vie. Les employés du HCR, qui ont trié des milliers de demandes au fil des ans, ne retiennent que les plus vulnérables.

Peter Showler, ex-président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, confirme : « Les dossiers des catégories à haut risque — un homme célibataire qui serait arrivé dans le camp il y a six mois d’une région où il y a des combats — ne sont même pas transférés pour que les ambassades les étudient à leur tour. »

Au Liban, où se trouvent 1,4 million de réfugiés (dans les camps et hors de ceux-ci), le HCR n’a transmis que 10 000 noms aux ambassades internationales. Cela représente 0.7% des réfugiés de ce pays.

Si l’État islamique voulait cacher des hommes parmi les réfugiés, il lui faudrait se priver de 140 combattants au front pour en avoir un seul inscrit sur la liste de l’ONU et, ce sans savoir s’il sera finalement accepté par un pays hôte.

S’il est facile de cacher des combattants parmi le flot des réfugiés qui forcent les portes de l’Europe, il est totalement inefficace d’essayer de passer par la filière de l’ONU.

Une fois recommandés par le HCR, ces demandeurs seront ensuite interrogés par un agent d’immigration du Canada. Un entretien d’une heure au cours duquel le fonctionnaire s’assure que le récit fourni au HCR tient la route.

Suivent les vérifications de la Gendarmerie royale du Canada, du Service canadien du renseignement de sécurité, et de l’Agence des services frontaliers, qui consultent leurs bases de données et celles des pays alliés.

Finalement, ceux qui réussissent ces tests sont soumis aux contrôles de médicaux du Québec. Ces tests visent à déceler les maladies contagieuses (la tuberculose et le sida, par exemple), de même que les problèmes de santé mentale.

Précisons que la découverte de tuberculose n’est pas un critère d’exclusion puisque cette maladie est traitable.

Références :
Baptême du feu
Crise migratoire : pourquoi maintenant ?
Il faut résister à la tentation de la méfiance
L’État islamique : un trou noir
Réfugiés syriens au Canada – Plus qu’un simple pèlerinage

Parus depuis : Migrants – L’échec du groupe État islamique (2015-11-21)
Fewer than 0.1% of Syrians in Turkey in line for work permits (2016-04-11)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le terrorisme nouveau

17 novembre 2015

Jusqu’au carnage récent à Paris, l’État islamique (ÉI) et Al-Qaida se distinguaient par deux choses.

Al-Qaida n’a jamais cherché à conquérir un territoire. Disposer de quelques bases d’entrainement ici et là en Asie et en Afrique lui suffisait. Au contraire, la possession d’un territoire afin d’y assoir un califat est à la base des ambitions de l’État islamique.

De plus, Al-Qaida entrainait des combattants à commettre des attentats à l’étranger, ce qui n’était pas le cas de l’ÉI. Du moins jusqu’ici.

Sur ce dernier point, ce n’est plus vrai.

Ce qui est beaucoup plus grave, c’est que l’ÉI a ‘démocratisé’ le terrorisme.

Al-Qaida a mené un grand nombre d’attentats à travers le monde. Mais ce qui l’a fait naître aux yeux du grand public, ce qui a fait sa gloire auprès de ses financiers, ce sont les attentats du 11 septembre 2001. Ceux-ci se caractérisent par l’importance des ressources mises en œuvre.

Ce que l’ÉI a prouvé à Paris, c’est qu’on pouvait organiser un attentat terroriste qui frappe autant l’esprit, avec presque rien; il suffit de quelques kalachnikovs et d’une automobile pour commettre un carnage dont toute la planète parlera.

En fait, ce type d’attentats n’est pas nouveau. Il suffit de consulter l’histoire des guerres d’indépendance au Maghreb ou des guerres civiles au Proche-Orient pour trouver des antécédents de foules mitraillées soudainement sur la voie publique sans autre raison que celle d’être des cibles faciles.

Mais depuis longtemps, la trace de ces drames n’a été conservée que dans des livres d’histoire ensevelis sous la poussière de nos bibliothèques.

L’ÉI a donc remis au goût du jour ce terrorisme facile et l’a exporté en Occident. Comme le Beaujolais, on découvre donc ce terrorisme nouveau, léger et frais.

Il est donc certain que de pareils attentats se répéteront bientôt ailleurs parce qu’ils sont presque impossibles à prévenir et parce qu’ils sont indécelables sur le radar des services de renseignements (comme on l’a vu à Paris).

Et puisque nous en parlons, j’aimerais aborder deux questions que tout le monde se pose.

Pourquoi Paris ?

On peut trouver des indices de réponse dans le communiqué publié par l’État islamique, celui dans lequel le califat revendiquait la responsabilité du carnage du 13 novembre 2015.

« Dans une attaque bénie, (…) un groupe de croyants des soldats du Califat (…) a pris pour cible la capitale des abominations et de la perversion (…), Paris.

Huit frères (…) ont pris pour cible des endroits choisis minutieusement à l’avance au cœur de la capitale française; le stade de France lors du match de deux pays (en croisade contre nous,) la France et l’Allemagne (…), le Bataclan où étaient rassemblés des centaines d’idolâtres dans une fête de perversité ainsi que d’autres cibles dans le dixième, le onzième et le dix-huitième arrondissement et ce, simultanément. »

À leurs yeux, Paris est la capitale des abominations et de la perversion. Paris est comme cette femme fière et libre dont la joie resplendissante est une offense aux yeux de la bigote qui s’enferme dans le malheur en se privant de tous les plaisirs du monde.

En somme, Paris est une ville symbolique. C’est d’ailleurs pourquoi un attentat dans cette ville a plus d’impact médiatique qu’un attentat survenu à Beyrouth ou ailleurs.

Mais je crois qu’il y a aussi une autre raison, plus pratique.

J’ai visité Paris en 2003, en 2004, en 2014 et le mois dernier. Ce qui m’a frappé, c’est à quel point Paris est peuplé. Non pas que la densité urbaine y atteigne des records, mais il y a foule souvent, partout.

En comparaison avec mes visites antérieures, il y a une décennie, j’ai l’impression qu’il y a deux fois plus de voitures dans ses rues. Le métro, bondé à Montparnasse il y a une décennie, est bondé sur plusieurs lignes principales de nos jours en dépit du fait que ses trains s’y succèdent aux deux minutes.

Le moindre obstacle à la sortie du métro (ici la mendiante, là une personne arrêtée à répondre à son téléphone portable sans se soucier des autres, plus loin ce vélo stationné au mauvais endroit) crée des goulots d’étranglement et fait en sorte que la journée à Paris ressemble souvent à une course à obstacles.

Et surtout, les terrasses de ses cafés et restaurants y sont noires de monde dès qu’il fait beau.

Conséquemment, n’importe quel terroriste y trouvera partout des cibles nombreuses contres lesquelles assouvir sa haine.

Et c’est une ville touristique qui accueille des millions de personnes par année. Aucun étranger — et à plus forte, raison aucun terroriste français — n’y attire l’attention.

À quoi devrait-on s’attendre ?

Tous ceux qui connaissent bien l’histoire de la France depuis la guerre d’Algérie savent que la réponse de l’État français aux milieux terroristes sera foudroyante, tant au Moyen-Orient, que sur le territoire national. En deux mots, la récréation est terminée. Du moins, pour quelques mois.

Mais tous ces moyens n’arrêteront pas le terrorisme. Pas plus qu’un mur n’arrête le vent.

Les gens sont fascinés par le succès. Quand un film est immensément populaire, on cherche à lui donner une suite.

C’est la même chose pour le terrorisme. L’ÉI a montré comment c’était facile de tuer une centaine de personnes. Attendons-nous à ce que les attentats de Paris fassent tache d’huile.

Ce qui m’amène à répéter : on ne peut prévenir le terrorisme par des moyens militaires ou par des services de renseignements. Il faut aller à la cause du terrorisme. Or le terrorisme n’est rien d’autre que la concrétisation de la haine.

Cette haine se nourrit du ressentiment des Musulmans à l’égard des pays occidentaux. Ce contentieux est la sève du djihadisme. Il s’articule autour de deux pôles : la guerre coloniale d’Israël en Palestine et la multiplication des guerres suscitées par les pays occidentaux dans des pays musulmans.

Tout près de l’Europe, on ne peut pas propager la guerre et le malheur sans que cela se répercute en Occident sous forme de vagues migratoires et d’attentats terroristes.

Au-delà des bombes françaises qui tomberont sur le califat parce que le carnage de Paris ne peut rester impuni, il faudra bien réaliser que ce sont d’autres bombes occidentales qui ont créé le fiasco duquel est né l’ÉI.

Puissions-nous un jour apprendre à agir autrement.

Références :
Communiqué de l’État islamique
L’État islamique : un trou noir
Nous payons les inconséquences de la politique française au Moyen-Orient

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Aux Disparus…

16 novembre 2015
Au cimetière de Passy, à Paris

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Écrit par Jean-Pierre Martel