Le Petit pain de Gérard Sénécal (1940)
Avant-propos
Au début des années 1990, le québécois Marcel Masse est ministre de la Défense au sein du gouvernement conservateur de Brian Mulroney.
À cette époque, seulement 19% des dépenses de la Défense nationale étaient effectuées au Québec (à comparer avec 40% en Ontario).
L’intention du ministre d’augmenter la part du Québec s’est heurtée à l’opposition du critique libéral. Ce dernier soutenait que cela était imprudent; dans l’éventualité de l’indépendance du Québec, le Canada perdrait alors tout ce qu’il y aurait investi.
Ce à quoi le ministre Masse avait répondu que pour l’instant, les Québécois paient des taxes à Ottawa. Si on leur fait payer le prix de l’indépendance même s’ils ne la font pas, ils sont tout aussi bien de la faire.
Introduction
Le 19 octobre 2011, le gouvernement fédéral de Steven Harper accordait une série de contrats de construction navale totalisant 36 milliards$. Avec les dépassements de couts, ces contrats approcheront les 60 milliards$.
À cette occasion, le chantier Irving de Nouvelle-Écosse obtenait deux contrats pour construire six navires de patrouille et quinze navires de combat, ce qui garantissait du travail à ses 1 800 employés jusqu’en 2040.
Le chantier Seaspan de Colombie-Britannique se voyait confier la tâche de construire six navires pour la Garde côtière et la Marine royale canadienne.
Pas un centime n’a été donné à la Davie, située au Québec. Grâce à l’adoption d’une série de critères discriminatoires, ce contrat permettait de délocaliser la construction maritime canadienne à l’extérieur du Québec et de conserver l’expertise acquise par les chantiers maritimes situés hors du Québec dans l’éventualité de l’indépendance de celui-ci.
Encore de nos jours, la Marine canadienne refuse d’accorder de menus contrats au Québec sous le prétexte que le Québec ‘ne fait pas partie de la stratégie maritime du Canada’. Ce jargon technocratique signifie ‘nous ne voulons pas donner de contrat au Québec’.
Précisons que le chantier de la Davie est le plus important constructeur naval du Canada. C’est aussi le plus compétent : le 18 février 2015, il a remporté le prix du chantier naval nord-américain de l’année lors de la cérémonie de la Lloyd’s List North American Maritime Awards 2015.
La ‘juste part’ du Québec
Depuis quelques jours, le gouvernement Couillard estime que le Québec devrait recevoir le quart des sommes dépensées dans le cadre de la stratégie maritime fédérale.
En réalité, dans le cas particulier des contrats de construction navale, cette part est plutôt de l’ordre de 60%.
L’Alberta et la Saskatchewan n’ont pas accès à la mer. D’autres provinces n’ont pas de chantier de construction navale.
Bref, seuls le Québec (population de 8,1 millions), la Nouvelle-Écosse (0,9 million) et la Colombie britannique (4,7 millions) peuvent obtenir des contrats. De ces trois provinces, le Québec représente 60% de la population.
Donc la ‘juste part’ du Québec est de 60% et non du quart. Mais le gouvernement Couillard semble estimer que le Québec ne doit pas présenter des demandes déraisonnables aux yeux du Canada anglais; il est préférable de se contenter de peu.
La passivité du gouvernement libéral
C’est en 2011 que le gouvernement Harper a accordé les contrats en question.
La décision fédérale a été rendue publique le 19 octobre 2011. Cette date est comprise entre un dépôt du budget du Québec qui haussait substantiellement les frais de scolarité (en mars 2011) et le déclenchement du Printemps érable (le 13 février 2012).
À l’époque de l’annonce fédérale, ‘payer sa juste part’ était une expression utilisée couramment pour justifier l’appauvrissement des étudiants universitaires. Mais pas pour défendre l’économie du Québec.
Maintenant, la mise à pied des 800 travailleurs de la Davie est prévue d’ici un mois. Cette fin abrupte n’est que la conséquence de l’absence de contrats fédéraux. Une absence connue depuis des années.
Que faisaient les responsables libéraux du développement économique du Québec alors que le revenu disponible par personne au Québec passait du 4e rang canadien quand M. Charest a pris le pouvoir en 2003 et glissait lentement pour atteindre cette année le plancher, soit le 10e rang, sous Couillard ? À quoi s’affairait-on ?
La leçon
Les partis indépendantistes — le Parti québécois et Québec Solidaire — doivent transformer les 800 futurs chômeurs de la Davie en 800 indépendantistes.
Ils doivent leur dire que si la Davie ne reçoit pas de contrat du fédéral, c’est que le Québec est la colonie interne du Canada.
En effet, contrairement aux autres pays qui ont leurs colonies sous les tropiques, le Canada a les siennes encastrées dans son territoire; ce sont une multitude de réserves indiennes régies par un apartheid juridique qui vise à leur lente extermination, et le Québec. Le Québec dont on soutire 50 milliards$ de taxes et d’impôt en contrepartie de 9 à 12 milliards$ de péréquation s’il se tient tranquille.
Ces deux formations politiques doivent dire aux Québécois qu’avec l’indépendance, le Québec obtient :
• une zone côtière dans la Baie et le Détroit d’Hudson (limitée à la rive actuellement),
• le contrôle de ses ports (d’où la possibilité d’adopter une véritable stratégie maritime, impossible actuellement), et
• les moyens financiers de soutenir son seul chantier naval en se dotant d’une marine nationale, comme il devra le faire en raison de sa géographie.
Conclusion
La mise à pied de 800 des nôtres est un drame humain qui doit servir de leçon.
N’y voir qu’un cas particulier, c’est favoriser notre amnésie collective et notre passivité devant le colonialisme économique du Canada.
Pour les travailleurs de la Davie, le prix du fédéralisme, c’est le chômage. Par contre, l’indépendance du Québec représente pour eux des emplois à perpétuité.
Références :
Chantier Davie, l’unique mégachantier naval au Canada
Davie, le meilleur chantier naval nord-américain ignoré par les conservateurs
Des employés de Davie à Ottawa pour obtenir des réponses
Halifax, B.C. yards win shipbuilding work
Parus depuis :
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