Déforestation et culture intensive au Québec

Publié le 18 décembre 2017 | Temps de lecture : 4 minutes

Contrairement aux provinces des Prairies, la pluviosité au sud du Québec est telle que c’est la forêt (et non la prairie) qui serait son couvert végétal si la nature y était laissée à elle-même.

En comparaison avec un champ cultivé, la forêt dispose de l’eau de pluie différemment. En raison de la surface d’évaporation de son feuillage, la forêt boit davantage. De plus, ses racines guident l’eau plus profondément dans le sol, où elle est filtrée.

Depuis cinquante ans, l’industrialisation de l’agriculture au Québec s’est caractérisée par l’accroissement de la taille des lots là où le sol est plat et régulier, notamment dans la plaine du Saint-Laurent.

En fusionnant les parcelles voisines, en éliminant les haies et en déboisant, on a créé de vastes étendues qui rendent possible le recours à une machinerie ultraperformante.

Dans certaines municipalités régionales de comté de Montérégie, le couvert boisé est moins de vingt pour cent, et moins de dix pour cent à certains endroits.

Le mètre de pluie qui tombe annuellement dans la vallée du Saint-Laurent est supérieur aux besoins des plantes cultivées. De plus, la machinerie lourde utilisée compacte les sols et nuit à leur drainage.

Le désir d’agrandir les lots a amené les producteurs à éliminer les fossés qui servaient justement d’échappatoires à l’excès de pluie. Ce qui amplifie le problème.

Ce ruissèlement, associé à la faible filtration des sols, entraine la pollution des cours d’eau.

Sur un total de 1,8 million d’hectares consacrés à l’agriculture, le pourcentage consacré à diverses productions est le suivant :
• 42% maïs et soya
• 41% fourrage
• 13% céréales et canola
• 2% pommes et petits fruits
• 1% légumes
• 1% pommes de terre

C’est donc à dire que sur près de la moitié des terres agricoles du Québec, on produit du maïs et du soya.

D’un quart de million de tonnes en 1973, la production de maïs a augmenté de seize fois depuis, alors que le rendement à l’hectare doublait.

La surface consacrée au maïs a donc augmenté de 800%.

Des 425 000 hectares consacrés à cette fin, le septième du maïs recueilli est complètement déchiqueté : la moulée obtenue sert à l’alimentation des vaches laitières.

Le reste est du maïs-grain. Les grains sont séparés de la plante et servent à l’alimentation humaine. Le reste de la plante sert à l’alimentation animale, à l’exportation et à la production d’éthanol.

Quant au soya, on en produit 800 000 tonnes, dont les trois quarts sont exportés.

Pour éviter les inconvénients de la monoculture intensive, on alterne les cultures annuelles de maïs et de soya. Il s’agit alors d’une culture à rotation rapide.

À cette offense s’ajoute l’accroissement de la production porcine dont le lisier est pulvérisé en abondance dans les champs. En raison du ruissèlement de surface, la qualité de l’eau de plusieurs régions du Québec s’est dégradée.

Au lisier de porc s’ajoute la fertilisation des sols par les boues de désencrage des papetières (boues créées par le recyclage du papier) et les déchets solides issus des usines d’épuration.

On aura donc intérêt à bien nettoyer les légumes crus qu’on mange puisque leur culture nécessite souvent l’utilisation d’engrais organiques (en clair : des matières fécales).

En France, l’aide financière de l’État aux agriculteurs est conditionnelle au maintien d’au moins 5% de ‘surface d’intérêt écologique’ : mares, arbres, haies, bosquets ou parcelles agroforestières.

Références :
Cogliastro A. Culture de désolation. Quatre-Temps 2016; vol.40 no 3: 16-9.
Cogliastro A. Des arbres pour adoucir l’agriculture intensive. Quatre-Temps 2016; vol.40 no 3: 20-5.
Un décès relié à l’éclosion de la bactérie E. coli dans des laitues romaines

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Écrit par Jean-Pierre Martel