Le mirage de la déclaration unique de revenus

30 novembre 2019

À l’heure actuelle, les contribuables québécois doivent remplir deux déclarations de revenus, l’une à Ottawa, l’autre à Québec.

Le 15 mai 2018, l’Assemblée nationale du Québec adoptait unanimement une résolution péquiste demandant à Ottawa de mettre en place une déclaration unique pour tous les contribuables québécois, gérée par Revenu Québec.

Les partisans de cette mesure font valoir qu’elle permettrait d’économiser des millions de dollars en plus de simplifier la tâche des contribuables.

À l’opposé, Ottawa répond que le gouvernement fédéral est mieux en mesure de lutter contre les paradis fiscaux puisqu’une province n’a pas accès aux renseignements financiers provenant de l’Étranger.

En réalité, tout ceci est un dialogue de sourds parce que les véritables raisons sont ailleurs.

Imaginez que le gouvernement chinois propose de s’occuper gratuitement de percevoir l’impôt des contribuables américains et de faire parvenir les sommes amassées à Washington.

Évidemment, les relations entre Ottawa et Québec ne sont pas de même nature que celles, beaucoup plus conflictuelles, entre Washington et Beijing.

En réalité, toutes les comparaisons sont boiteuses. Mais elles contiennent toutes une part de vérité.

Après un vote favorable à l’indépendance du Québec, imaginez qu’un gouvernement sécessionniste à Québec décide de retarder le versement de l’impôt dû à Ottawa afin de faire pression sur lui…

Le droit de prélever des taxes et impôts est un pouvoir régalien dont aucun État ne peut se départir sans compromettre sa souveraineté.

Voilà pourquoi jamais — et j’ai bien dit jamais — le fédéral ne consentira à laisser Québec percevoir l’impôt pour lui.

Références :
La déclaration de revenus unique faciliterait l’évasion fiscale, selon Ottawa
Vote unanime à Québec en faveur d’une déclaration d’impôt unique

Laissez un commentaire »

| 2014-2018 (années Couillard), Politique canadienne | Mots-clés : | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Une députée modèle

4 octobre 2018

Introduction

Carole Poirier, ex-députée

Jusqu’à ce que je m’implique à titre de bénévole pour la réélection de notre députée sortante, j’avais une opinion assez sommaire du rôle du représentant de notre circonscription à l’Assemblée nationale.

Pour moi, le devoir d’un député, c’était d’aider des citoyens à remplir des formulaires gouvernementaux ou à s’y retrouver dans les dédales administratifs de l’État québécois.

Il s’agissait aussi de mettre en contact des nécessiteux avec les organismes qui ont pour mission de leur venir en aide.

C’était aider des chômeurs à trouver un emploi en leur signant une lettre de recommandation si appropriée.

Et c’était enfin d’offrir une oreille compatissante à tout ceux qui ne savent plus à qui se confier.

Bref, c’était là des tâches exercées souvent par une secrétaire pendant que le député faisait tapisserie à l’Assemblée nationale.

Dans mon esprit, quand un député n’accède jamais au Conseil des ministres, c’était la preuve d’un manque d’envergure qui le confinait au rang de personnalité politique mineure, voir de simple béni-oui-oui.

J’ai véritablement appris le rôle de ma députée à l’occasion des différents breffages qui avaient pour but de donner aux bénévoles des arguments en vue de convaincre les citoyens indécis lors des porte-à-porte.

En voici trois exemples.

L’école Baril

Lorsque le gouvernement Marois entreprit de s’attaquer aux écoles insalubres du Québec, l’école Baril — construite dans le premier quart du XXe siècle — n’était pas dans les priorités gouvernementales.

Pourtant, la députée recevait de très nombreuses plaintes de parents dont des enfants souffraient de bronchites à répétition et de maladies respiratoires chroniques.

Incapable de convaincre son propre gouvernement, la députée se résolut à utiliser l’arme ultime; elle menaça la première ministre Pauline Marois de démissionner si on ne décontaminait pas l’École Baril.

Or Carole Poirier, qui ne fut jamais ministre, était néanmoins considérée comme un pilier du PQ en raison de son expérience, comme en témoigne la liste des tâches qui lui furent confiées au fil du temps (voir à la fin du texte).

Les tests effectués révélèrent qu’effectivement, l’école Baril était à ce point atteinte de moisissures qu’il était impossible de la décontaminer. Conséquemment, le gouvernement décida de raser l’édifice et d’en construire un neuf.

Le couvent des sœurs du Saint-Nom-de-Jésus

Il y a plusieurs années, les sœurs du Saint-Nom-de-Jésus, décimées par l’âge, avaient été approchées par un promoteur immobilier en vue de la transformation de leur couvent en condominiums.

Prévenue, Carole Poirier s’était empressée de rencontrer les sœurs et de leur proposer plutôt de céder gratuitement leur couvent à la collectivité.

La députée leur proposa de transformer les étages supérieurs en une quarantaine de logements sociaux, tandis que le rez-de-chaussée devenait un CPE (c’est-à-dire une garderie publique) d’environ 80 places.

Le tout devait se réaliser lorsque les dernières religieuses, en perte d’autonomie, auraient quitté leur couvent pour un hospice.

Entretemps, lorsque le gouvernement libéral prit le pouvoir, celui-ci a voulu mettre fin à tout projet de CPE afin de privilégier les garderies privées subventionnées par l’État.

Carole Poirier, maintenant dans l’opposition, a fait valoir qu’une fois placées dans un CHSLD, il était impossible pour les sœurs de gérer la location d’un local utilisé par une garderie privée et que leur volonté devait être respectée intégralement.

C’est ce qui fit reculer le gouvernement Couillard.

Il y a quelques semaines, les dernières sœurs ont quitté leur couvent. D’ici peu, on commencera à briser les cloisons des chambrettes des religieuses pour créer des logements susceptibles d’accueillir des familles à bas revenus.

La pénurie de médecins dans le quartier

Tout l’Est de l’ile de Montréal possède le plus faible taux de médecins de famille au Québec. Le creux du creux est dans le quartier d’Hochelaga-Maisonneuve (HoMa) où il n’y en avait aucun jusqu’au mois dernier.

Le ministère de la Santé était sourd aux demandes de la députée. La raison était que le quartier faisait partie de la zone administrative de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve.

Or le ministre Barrette prétendait qu’HoMa n’avait pas de problème puisqu’un vingtaine de médecins s’étaient installés dans une superclinique située sur la rue Langelier (dans Mercier).

En réalité, cela ne donnait pas un médecin de plus puisqu’il s’agissait d’une clinique privée d’une vingtaine de médecins qui s’était transformée en superclinique.

De plus, celle-ci était située à deux kilomètres du domicile de certains patients d’HoMa en déambulateur ou incapables de se déplacer autrement qu’en transport adapté.

La députée connaissait la mentalité de la machine de l’État. La seule manière de faire bouger les choses était de faire en sorte qu’HoMa soit désigné comme une zone administrative autonome, ce qui révélait officiellement qu’aucun médecin ne s’occupait des 56 000 citoyens qui y habitaient.

À cette fin, la députée a organisé mensuellement des protestations regroupant quelques dizaines de citoyens un peu partout dans le quartier pendant plus d’un an.

De plus, elle a fait circuler une pétition signée par des milliers de résidents. Cette pétition, sur des cartons individuels, était remise de main à main au ministre Barrette, à sa plus grande exaspération.

Si bien que le ministère a finalement accepté de faire en sorte qu’HoMa devienne une zone administrative autonome.

Les effets de cette décision furent immédiats; cinq nouveaux médecins à temps partiel — l’équivalent de deux médecins à plein temps — se sont établis dans HoMa au cours du mois dernier.

Un nouveau député

Alexandre Leduc, nouveau député

Historien et syndicaliste au sein de la FTQ, Alexandre Leduc a été élu député d’HoMa à l’élection du 1er octobre 2018 avec 50,4% des voix exprimées.

À l’occasion de deux débats, j’ai pu constater qu’il s’agit d’un homme brillant, excellent communicateur, et de loin le meilleur rival de Carole Poirier parmi une kyrielle d’opposants dont certains étaient d’une médiocrité inimaginable.

Bref, Alexandre Leduc possède toutes les qualités nécessaires pour bien représenter HoMa.

Pour l’instant, je doute qu’il ait l’efficacité de la députée sortante. Mais tout s’apprend et je présume qu’il fera éventuellement un bon travail.

Conclusion

Carole Poirier est une des femmes les plus remarquables que j’ai rencontrées.

Simple députée, elle a profité de sa profonde connaissance de la machine de l’État québécois pour mener dans le quartier des projets qui, sans elle, n’auraient jamais vu le jour.

À l’école Baril, des milliers d’enfants auraient continué à être malades pendant des années.

À l’ancien couvent des sœurs du Saint-Nom-de-Jésus, 46 logements sociaux s’ajouteront aux 1 200 créés dans le quartier depuis que Carole Poirier y a été élue députée.

Oubliés par la profession médicale depuis des années, des citoyens du quartier pourront être pris en charge par un médecin qui sera horrifié de voir l’état de ces personnes à l’issue d’un si long abandon.

Ces trois exemples ont été choisis pour donner un indice des différents moyens auxquels un député doit recourir pour s’acquitter de son mandat. Celui de défendre ses commettants.

Durant son mandat, Carole Poirier a changé la vie de centaines de personnes dans mon quartier. C’est en ce sens qu’elle est une députée modèle.

J’ai été honoré d’avoir fait sa connaissance et je crois qu’il était de mon devoir de lui rendre hommage.

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 75mm F/1,8
1re photo : 1/2000 sec. — F/1,8 — ISO 200 — 75 mm
2e  photo : 1/160 sec. — F/1,8 — ISO 2000 — 75 mm


Qualifications, fonctions politiques et parlementaires de Carole Poirier

• Détentrice d’un baccalauréat multidisciplinaire en administration, en gestion des services municipaux et en administration des services publics décerné par l’UQÀM en 2005
• Détentrice d’une maitrise de gestionnaire en administration publique décerné par l’École nationale d’administration publique en 2008
• Directrice de cabinet de la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale en 1997-1998
• Directrice de cabinet de la ministre des Affaires municipales et de la Métropole en 1998-2002
• Directrice de cabinet de la Présidence de l’Assemblée nationale en 2002-2003
• Directrice de cabinet de la cheffe de l’opposition officielle en. 2005-2006
• Première vice-présidente de l’Assemblée nationale du 30 octobre 2012 au 20 mai 2014
• Whip en chef de l’opposition officielle du 14 octobre 2016 au 2 février 2018
• Leader parlementaire de l’opposition officielle du 8 avril 2018 au 15 mai 2018
• Leader parlementaire adjointe de l’opposition officielle du 2 février 2018 au 8 avril 2018 et du 15 mai 2018 au 23 aout 2018
• Membre suppléante du Bureau de l’Assemblée nationale du 1er novembre 2016 au 6 février 2018
• Membre du Bureau de l’Assemblée nationale du 27 mai 2014 au 15 septembre 2015
• Membre de la Commission de l’Assemblée nationale du 30 octobre 2012 au 5 mars 2014, du 17 mai 2016 au 2 février 2018 et du 8 avril 2018 au 15 mai 2018
• Membre de la Commission de la culture et de l’éducation du 6 février 2018 au 23 aout 2018
• Membre de la Commission de l’administration publique du 21 mai 2015 au 17 mai 2016
• Membre de la Commission de la santé et des services sociaux du 15 septembre 2009 au 22 septembre 2010 et du 20 septembre 2011 au 1er août 2012
• Membre de la Commission des affaires sociales du 14 janvier 2009 au 14 septembre 2009
• Membre de la Commission des institutions du 2 juin 2014 au 21 mai 2015
• Membre de la Commission des relations avec les citoyens du 22 septembre 2010 au 20 septembre 2011, du 21 mai 2015 au 27 octobre 2016 et du 19 septembre 2017 au 23 aout 2018
• Membre de la Sous-commission de la réforme parlementaire du 30 octobre 2012 au 5 mars 2014, du 14 octobre 2016 au 2 février 2018 et du 8 avril 2018 au 15 mai 2018
• Membre de la Section du Québec, Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) du 27 mai 2009 au 8 mars 2012
• Membre de la Section du Québec, Association parlementaire Ontario-Québec (APOQ) du 27 mai 2009 au 1er aout 2012
• Membre de la Section du Québec de la Confédération parlementaire des Amériques (COPA) du 6 décembre 2012 au 5 mars 2014 et du 20 juin 2014 au 23 aout 2018
• Membre de la Délégation de l’Assemblée nationale pour les relations avec la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région wallonne (DANRWB) du 27 mai 2009 au 1er aout 2012 et du 20 juin 2014 au 23 aout 2018
• Membre de la Délégation de l’Assemblée nationale pour les relations avec la Catalogne (DANRC) du 6 décembre 2012 au 5 mars 2014
• Porte-parole de l’opposition officielle en matière de condition féminine du 9 janvier 2009 au 26 aout 2010 et du 25 avril 2014 au 14 octobre 2016
• Porte-parole de l’opposition officielle en matière d’éducation primaire et secondaire du 2 février 2018 au 23 aout 2018
• Porte-parole de l’opposition officielle en matière d’éducation des adultes du 2 février 2018 au 23 aout 2018
• Porte-parole de l’opposition officielle en matière de famille du 27 août 2010 au 18 aout 2011
• Porte-parole de l’opposition officielle en matière de francophonie du 25 avril 2014 au 14 octobre 2016
• Porte-parole de l’opposition officielle en matière de laïcité du 19 aout 2011 au 1er aout 2012
• Porte-parole de l’opposition officielle en matière d’immigration et de communautés culturelles du 14 octobre 2016 au 2 février 2018
• Porte-parole de l’opposition officielle en matière d’habitation du 9 janvier 2009 au 26 aout 2010 et du 25 avril 2014 au 14 octobre 2016
• Porte-parole de l’opposition officielle en matière de persévérance scolaire du 2 février 2018 au 23 aout 2018
• Porte-parole de l’opposition officielle en matière de relations internationales du 25 avril 2014 au 14 octobre 2016
• Porte-parole de l’opposition officielle pour la Métropole du 14 octobre 2016 au 23 aout 2018
• Porte-parole de l’opposition officielle responsable de l’ile de Montréal du 14 octobre 2016 au 23 aout 2018
• Porte-parole de l’opposition officielle pour les ainés du 19 août 2011 au 1er aout 2012
• Présidente de la Commission de l’administration publique du 17 mai 2016 au 27 octobre 2016
• Rapporteure de la Commission de l’éducation, de la communication et des affaires culturelles (et Réseau parlementaire de lutte contre le VIH/SIDA) de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) du 18 juin 2014 au 23 aout 2018
• Rapporteure de la Commission des affaires parlementaires de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) du 8 mars 2012 au 1er aout 2012 et du 6 décembre 2012 au 5 mars 2014
• Vice-présidente de la Section du Québec de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) du 6 décembre 2012 au 5 mars 2014 et du 18 juin 2014 au 23 aout 2018

2 commentaires

| 2014-2018 (années Couillard), Politique québécoise | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Jean-François Lisée dans HoMa

29 septembre 2018
Cliquer sur l’image pour l’agrandir

Pour la première fois depuis le début de la campagne électorale, le chef du Parti Québécois s’est rendu dans la circonscription d’Hochelaga-Maisonneuve (HoMa).

Accompagnée de la vice-cheffe du parti et de candidats péquistes, M. Lisée est venu encourager les bénévoles qui travaillent à la réélection de la députée Carole Poirier. De plus, il en a profité pour répondre aux questions des journalistes.

Une fois cela fait, toute sa suite s’est rendue prendre le repas du soir à la taverne irlandaise Le Trèfle, située à proximité. Son autocar a pris ensuite la direction du Théâtre National où se déroulait un spectacle musical destiné aux membres du PQ.

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 40-150mm F/2,8 — 1/250 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 70 mm

Laissez un commentaire »

| 2014-2018 (années Couillard), Politique québécoise | Mots-clés : | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Pétrole et élections : un rendez-vous manqué avec le destin

26 septembre 2018

Introduction

Pendant des décennies, les intérêts économiques du Québec et ceux du Canada allaient dans le même sens; la conquête du marché américain et le développement de modes de transport pancanadiens (voies ferrées et autoroutes) qui favorisaient l’échange de biens et de service à travers le pays.

Depuis la mise en valeur des sables bitumineux albertains, les économies québécoise et canadienne sont entrées en concurrence.

De 2002 à 2006, le prix du pétrole a connu une très forte hausse sous l’effet combiné de la demande chinoise et d’une spéculation générale sur les matières premières.

Cette hausse de prix a entrainé plusieurs conséquences. La balance commerciale canadienne est devenue très excédentaire. De plus, les investissements étrangers en Alberta ont connu une croissance exponentielle.

Cela a provoqué une forte appréciation de la devise canadienne. En janvier 2002, le dollar canadien valait 61,79 cents américains. En novembre 2007, il valait 110,3 cents, soit une augmentation de 56%.

En l’espace de quelques années, l’industrie manufacturière canadienne — concentrée en Ontario et au Québec — est devenue beaucoup moins concurrentielle sur le marché américain.

Conséquemment, des milliers d’emplois ont été perdus au Québec et en Ontario, victimes en partie du mal hollandais et en partie d’un manque de productivité.

Selon Wikipédia, le mal hollandais «…est un phénomène économique qui relie l’exploitation de ressources naturelles au déclin de l’industrie manufacturière locale. Ce phénomène est suscité par l’accroissement des recettes d’exportations, qui à son tour provoque l’appréciation de la devise. Le résultat est que dans les autres secteurs, les exportations deviennent moins favorables que les importations.»

L’intérêt du Canada

Pour bien comprendre quelqu’un, il faut se mettre à sa place.

Le Canada est au troisième rang mondial — après l’Arabie saoudite et le Venezuela — quant aux réserves exploitables de pétrole (173 milliards de barils).

Dans 50 ans, il est possible que l’économie mondiale soit devenue postpétrolière et que cette ressource n’ait plus aucune valeur.

D’ici là, indépendamment de toute considération environnementale, l’intérêt économique du pays est de s’enrichir en vendant le pétrole pendant que cette ressource naturelle vaut encore quelque chose.

Le marché domestique canadien est alimenté partiellement par du pétrole albertain. À titre d’exemple, 36% du pétrole vendu au Québec vient de l’Alberta.

Environ 90% de l’augmentation de la production pétrolière canadienne d’ici 2030 pourrait être écoulée aux États-Unis par le biais, notamment, du pipeline Keystone (en voie de construction).

En raison de la concurrence du pétrole de schiste américain, le pétrole canadien s’y vend vingt pour cent moins cher que le prix que le Canada obtiendrait sur les marchés internationaux.

Pour se libérer du marché américain et accéder au marché international, le Canada veut désenclaver son pétrole.

La première solution envisagée devait être la construction d’un pipeline — appelé Énergie Est — qui devait traverser les deux tiers du pays, dont le Québec.

C’est la baisse du prix mondial du pétrole qui a sonné, pour l’instant, le glas de ce projet pharaonique.

La seule autre issue est le transport vers l’océan Pacifique : c’est le pipeline Trans Mountain.

Ce pipeline existe déjà. Le gouvernement fédéral vient d’en faire l’acquisition au cout de 4,5 milliards$. Toutefois, ce vieux pipeline est insuffisant et le fédéral est déterminé à en augmenter la capacité.

Les sommes qu’il devra consacrer à cette fin n’ont pas été révélées.

Si ce projet a connu un revers juridique récent en raison de l’attitude cavalière du gouvernement Harper dans ce dossier, le gouvernement Trudeau est déterminé à aller de l’avant.

Ceux qui sont déçus de voir le gouvernement Trudeau poursuivre les mêmes politiques que celles du gouvernement Harper, n’ont pas compris que les gouvernements à Ottawa ne sont que l’interface ministérielle d’une machine étatique puissante, animée par sa propre conception de l’intérêt national.

Les pouvoirs absolus du fédéral

En 1867, le gouvernement fédéral a hérité des pouvoirs coloniaux de Londres.

Ces pouvoirs ont été reconduits dans la Canadian Constitution de 1982.

En vertu de celle-ci, tout transport de marchandises au-delà des frontières d’une province devient sous l’autorité exclusive du gouvernement fédéral.

Que ce transport soit routier, ferroviaire, maritime, aérien ou par pipeline, il tombe sous la compétence constitutionnelle exclusive du gouvernement fédéral. Les provinces n’ont aucun pouvoir.

Il leur est permis de protester. Mais au bout du compte, elles devront capituler devant Ottawa.

Bien plus. Le gouvernement Harper a modifié la loi canadienne sur le terrorisme : toute action citoyenne qui aurait pour effet de nuire à la construction d’un oléoduc répond maintenant à la définition d’un acte terroriste.

Le bouclier de l’indépendance

Vers 2030, l’augmentation prévue de la production pétrolière canadienne dépassera les capacités des pipelines Trans Mountain et Keystone.

Dans les années qui précèderont cette date fatidique, l’intérêt du Canada sera d’envisager d’autres possibilités.

L’une d’elles sera de ressusciter le projet d’un pipeline vers l’Est qui traversera le Québec.

Si le gouvernement canadien a eu l’audace de faire adopter une nouvelle constitution sans le Québec en 1982, il faut être naïf pour croire que l’opposition du gouvernement québécois empêchera Ottawa de nous passer ce pipeline sur le corps.

La seule chose qui pourrait empêcher la capitulation du Québec face à l’ordre pétrolier canadien, c’est de devenir un pays indépendant.

À preuve : si le Québec était déjà indépendant, le Canada ne pourrait exporter son pétrole vers l’Est que par le biais de la baie d’Hudson ou en contournant le Québec par les États-Unis.

De plus, si nous étions déjà indépendants, nous n’aurions pas à payer notre part (un milliard$) du cout d’acquisition de Trans Mountain et des sommes nécessaires à son amélioration.

Du point de vue environnemental, le choix entre le fédéralisme et l’indépendantisme se résume entre le financement obligatoire (par nos impôts) du Nation Building de l’État pétrolier canadien ou la création d’un pays moderne, respectueux de l’environnement et conforme à ce que nous aspirons à être.

Conclusion

De toute évidence, à l’élection qui aura lieu dans quelques jours, les Québécois vont rater l’occasion de se prémunir contre le passage — différé mais inévitable — d’un pipeline à travers le Québec.

Cela n’est pas catastrophique; tant que Trans Mountain ne sera pas en train de se réaliser, il est douteux qu’on entreprenne un autre grand chantier vers l’Est.

Toutefois, au fur et à mesure qu’approchera 2030, il y aura une limite à toujours rater nos rendez-vous avec le destin.

Références :
5 questions pour comprendre la chute du dollar canadien
État de l’énergie au Québec
La façade ministérielle de l’État canadien
Le pipeline Trans Mountain et « l’intérêt national »
Maladie hollandaise
Marché pétrolier
Risques bitumineux
Sables bitumineux de l’Athabasca

Paru depuis :
Andrew Scheer promet de relancer Énergie Est (2018-10-21)
Le pétrole du Québec vient désormais d’Amérique du Nord (2018-11-02)

Au sujet de la dangerosité environnementale des pipelines :
Keystone pipeline raises concerns after third major spill in five years (2022-12-21)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

Laissez un commentaire »

| 2014-2018 (années Couillard), Environnement, le prix du fédéralisme, Politique québécoise | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Le nez de Philippe Couillard s’allonge

25 septembre 2018

À l’époque où Pierre-Karl Péladeau était chef du Parti Québécois, j’avais mis en doute l’assurance qu’il avait donnée de n’avoir jamais créé d’entreprises dans des paradis fiscaux.

Deux ans plus tard, l’attitude suspecte du ministre libéral Carlos Leitão à l’Assemblée nationale m’incitait à réitérer le souhait que soit obligatoire la déclaration des avoirs des élus dans les paradis fiscaux.

Contrairement à ce qu’on pense, les élus ne sont pas tenus de déclarer les liquidités détenues dans un établissement financier situé à l’étranger. Seul le capital détenu sous forme d’actions et d’obligations doit être divulgé, mais pas l’argent liquide.

Aujourd’hui, les chefs des quatre principaux partis politiques québécois dévoilaient l’état de leurs finances personnelles.

Manon Massé a déclaré posséder des épargnes de 41 320$.

Jean-François Lisée vaut un peu moins de deux-millions$.

François Legault possède un petit pactole d’un peu moins de dix-millions$.

La surprise vient de Philippe Couillard; celui-ci ne possèderait que des avoirs nets de 441 919$.

Descendant du premier colon canadien à être anobli par Louis XIV, Philippe Couillard a exercé le lucratif métier de neurochirurgien. Moins lucratif à l’époque que maintenant, évidemment.

Dans les années 1990, il fut conseiller du ministre saoudien de la Santé, le prince Abdullah bin Abdulaziz Al-Rabeeah. Or une rumeur persistante veut que ses honoraires lui permissent de s’alimenter pour bien au-delà de 75$ par semaine.

Effectivement, selon Wikipédia, il lui en a resté suffisamment pour s’ouvrir un compte dans un paradis fiscal.

Depuis quatre ans, son salaire de premier ministre lui rapporte 186 243$ annuellement, après avoir été ministre pendant plusieurs années à plus de 150 000$ par an.

Même si un travailleur moyen mangeait du caviar et buvait du champagne trois fois par jour, il n’arriverait pas à dépenser 150 000$ par année.

Or en l’an 2000, M. Couillard avait déjà un magot de 600 000$ placé à l’ile de Jersey (un paradis fiscal). Presque deux décennies plus tard, après avoir gagné environ 2,7 millions$, il est moins riche qu’il y a 18 ans.

Qui peut avaler une telle couleuvre ?

De toute évidence, son train de vie a échappé à l’austérité.

Combien de maitresses a-t-il eues ? Passe-t-il tout son temps au casino ? Se ruine-t-il en substances illicites ?

Ou est-il simplement menteur ?

Références :
La déclaration obligatoire de l’évitement fiscal
Le salaire de nos élus
Les chefs ouvrent leurs livres
Philippe Couillard
Possible de nourrir une famille pour 75 $ par semaine, croit Couillard

Laissez un commentaire »

| 2014-2018 (années Couillard), Politique québécoise | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


La CAQ promet d’épargner 500 millions$ en combattant le gaspillage

24 septembre 2018

Depuis au moins vingt ans, j’entends régulièrement des partis politiques justifier leurs promesses de baisses d’impôts en s’engageant à ‘couper dans le gras’.

En réalité, cela fait longtemps qu’on est rendu à gratter l’os.

Où en sommes-nous au juste ?

Le quotidien La Presse nous apprenait ce matin qu’on manque de savon à la Commission scolaire de Montréal (CSDM).

Depuis des quelques mois, les concierges doivent faire face à des pénuries intermittentes de papier hygiénique, de savon à mains, de papier à mains et de nettoyant à plancher. Cela dure depuis quelques mois.

Cette situation, digne du Tiers-Monde, s’explique par les mesures mises en place pour éviter le gaspillage.

Autrefois, les concierges avaient toute la liberté de passer des commandes de produits d’entretien auprès des fournisseurs. Ces derniers expédiaient les produits en moins de 48 heures et l’école payait la note dans des délais raisonnables.

Plus maintenant.

Afin de mieux contrôler les dépenses et s’assurer d’une meilleure gestion des budgets, les concierges rédigent d’abord une requête électronique qu’ils adressent à la direction de leur école.

Cette dernière transmet ensuite la requête au Centre administratif de la CSDM qui en juge l’à-propos compte tenu des priorités budgétaires de l’organisme.

Si la requête est jugée pertinente, le Centre administratif approuve la requête et passe la commande auprès du fournisseur.

Afin que les politiques d’austérité du gouvernement québécois affectent le moins possible la qualité de l’enseignement, on a ‘couper dans le gras’, notamment dans l’administration.

Mais comme il y a moins d’employés dans l’administration et qu’on a accru leurs responsabilités en centralisant les décisions entre leurs mains dans le but de combattre le gaspillage, tout le monde est débordé et les autorisations prennent des semaines, voire des mois.

En bon gestionnaire de l’argent des contribuables, le Centre administratif procède à des appels d’offres afin de s’assurer d’obtenir le meilleur prix possible.

Lorsqu’un nouveau fournisseur est choisi, son chiffre d’affaires bondit de six-millions$ par année. Cela l’oblige à embaucher en catastrophe de nouveaux employés et à agrandir ses entrepôts. De plus, cela perturbe sa chaine d’approvisionnement et occasionne des délais supplémentaires.

Dans l’attente, une école du Plateau Mont-Royal fabrique du savon à mains en diluant du savon à plancher. Un directeur d’école va lui-même chercher du savon à l’épicerie. Ailleurs, ce sont des professeurs qui paient de leur poche pour acheter des produits de première nécessité.

Dans son grand projet de faire économiser 500 millions$ aux contribuables, trente-millions$ d’économies seront réalisés par l’abolition des commissions scolaires, remplacées par des ‘centres de services’ sous l’autorité du ministère de l’Éducation.

Sur un budget de dix-milliards$ consacrés à l’éducation primaire et secondaire, cela représente une économie de 0,3%.

Au-delà des avantages que fait miroiter la CAQ pour justifier ce bouleversement structurel, le but fondamental de l’exercice est de faire en sorte que les centres de service coutent moins cher que les commissions scolaires existantes. Sinon, à quoi ça sert ?

Lorsqu’on en est rendu à manquer de savon dans les écoles, est-on bien certain que l’obsession de la lutte au gaspillage se justifie après des années d’austérité libérale ?

L’état déplorable de nos écoles, de nos hôpitaux, du transport collectif (et j’en passe), c’est le prix que nous payons pour avoir été séduits collectivement par les chantres du néolibéralisme.

Apparemment, nous n’avons pas encore compris la leçon.

Références :
Abolir ou ne pas abolir les commissions scolaires? Telle est la question
Abolition des commissions scolaires: levée de boucliers contre le projet de la CAQ
Pénurie de savon dans des écoles de Montréal

Laissez un commentaire »

| 2014-2018 (années Couillard), Politique québécoise | Mots-clés : | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Québec Solidaire et les collèges privés

20 septembre 2018

Introduction

Dans son programme électoral, Québec Solidaire promet d’abolir le financement public des écoles privées. Cette abolition ne serait pas brutale, mais amortie sur un petit nombre d’années.

Les 500 millions$ ainsi épargnés serviraient à améliorer le financement des écoles publiques. Cela représente cinq pour cent des sommes consacrées à l’éducation primaire et secondaire au Québec.

Avec le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique, le Québec est l’une des cinq provinces canadiennes qui financent leurs écoles privées.

Le cas ontarien

La Constitution de 1867 obligeait le gouvernement du Québec à financer ses écoles protestantes en contrepartie de quoi l’Ontario était obligé de financer ses écoles catholiques.

En plus de son rôle éducatif, l’école publique ontarienne visait à l’assimilation de la minorité francophone de cette province.

Ce qui a poussé les Franco-Ontariens à créer le réseau indépendant des Roman Catholic Schools. Qualifiées d’écoles ‘séparées’, ce sont des écoles privées sous un autre nom. Pour y être admis, la présentation du certificat de baptême est obligatoire.

La création d’un réseau séparé était d’autant plus logique qu’en vertu des obligations constitutionnelles auxquelles est soumis l’Ontario, ce réseau était complètement financé par l’État.

Ce qui n’a pas complètement protégé les Franco-Ontariens des visées assimilatrices de la majorité anglophone puisque partout où les Irlandais (anglophones) étaient majoritaires au sein des Roman Catholic Schools, on cessa d’enseigner le français.

Ce qui a poussé les Catholiques francophones à créer leur réseau séparé… d’écoles ‘séparées’.

La volonté assimilatrice de la majorité anglophone ontarienne culmina en 1912 alors que le gouvernement ontarien adopta le Règlement 17. Celui-ci interdisait l’enseignement du français autant dans les écoles publiques que dans les écoles séparées de la province, y compris dans celles où les Catholiques francophones étaient majoritaires.

Non seulement le français n’y était-il pas enseigné, mais les élèves surpris à parler français dans la cour de récréation étaient punis.

Ce règlement fut en vigueur jusqu’en 1927.

Il est donc exact de dire que l’Ontario ne finance aucune école privée… à l’exception de ses écoles ‘séparées’.

Résultat de ses querelles linguistiques et religieuses passées, l’Ontario possède 35 conseils scolaires publics (31 anglophones et 4 francophones) et 37 conseils scolaires ‘séparés’ (29 anglophones et 8 francophones). Tous financés à 100% par l’État.

Conséquemment, la majorité de la population canadienne vit dans une province où les écoles privées sont financées par l’État d’une manière ou d’une autre.

Au Québec

De manière générale, les écoles privées accueillent environ 12% des élèves du Québec et reçoivent 5% du budget de l’État consacré à l’enseignement primaire ou secondaire.

Ce qui veut donc dire que si tous ces élèves sont transférés du privé au public, on devra augmenter les budgets des commissions scolaires pour faire face à cette augmentation de leur fréquentation.

Les écoles privées sont financées à 42% par l’État. La différence est assumée principalement par les parents qui y envoient leurs enfants.

Puisque les frais scolaires sont déductibles d’impôt, on doit prendre en considération la déduction fiscale dont jouissent les parents qui envoient leurs enfants dans ces écoles.

Le revenu moyen de ces familles est de 130 000$ par année. Puisque leur taux d’imposition est élevé, une bonne partie des déductions qu’ils obtiennent sont des pertes fiscales et une subvention indirecte qui s’ajoute aux sommes versées directement par l’État.

Concrètement, le contribuable dont des revenus annuels sont de 130 000$ est soumis à un taux d’imposition de 36,2%.

Il en coute annuellement entre 3 100$ et 4 000$ pour envoyer un enfant au privé. Pour l’État, la déduction fiscale de 36,2% de cette somme représente une perte de 1 122$ par élève.

En 2012-2013, on estimait qu’à l’école secondaire, il en coute 5 471$ par élève, mais que l’État ne verse que 4 090$ pour chaque élève au privé. Pour chaque élève formé au privé, l’État économise directement 1 400$ par année.

S’il passait au public, il faudrait dépenser 1 400$ de plus. En contrepartie, l’État gagnerait, indirectement, les déductions fiscales de 1 122$ dont il se prive actuellement.

En somme, il y a plusieurs raisons qui expliquent que tous les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir à Québec depuis des décennies n’ont pas osé abolir le financement public des écoles privées.

La première raison, facile, c’est de dire que c’est parce qu’une bonne partie des dirigeants de ces partis envoient eux-mêmes leurs enfants au privé.

La deuxième explication, tout aussi facile, est de dire que c’est parce que ce sont des vieux partis qui n’osent pas s’attaquer au problème.

Mais la troisième raison, beaucoup plus profonde, est que l’abolition du financement des écoles privées ne dégagerait, au mieux, que des économies de bout de chandelle.

Ceci étant dit, il n’est pas normal qu’on tolère un double système scolaire : l’un, élitiste, pour les classes aisées de la société, et l’autre pour les simples citoyens.

La meilleure manière de diminuer l’attrait des écoles privées est d’améliorer celui de l’école publique.

Je me dispenserai de dresser ici la longue liste des lacunes occasionnées par le sous-financement de nos écoles depuis des années.

Références :
Et si l’Ontario réglait la question des conseils scolaires?
Les écoles privées seront épargnées
Les écoles publiques de plus en plus populaires
Les examens du privé, en chiffres
Le tabou des écoles privées
Règlement 17

Parus depuis :
Écoles publiques et privées, deux réseaux complémentaires (2018-09-25)
Faut-il crucifier l’école privée? (2019-06-07)

2 commentaires

| 2014-2018 (années Couillard), Politique québécoise | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Le débat des chefs du 13 septembre 2018

16 septembre 2018

Impression subjective

Très souvent grimaçant, parlant le plus fort même lorsqu’il était le seul à s’exprimer, François Legault m’a paru le plus stressé.

Au contraire, c’est Manon Massé qui s’est davantage exprimée sur le ton de la conversation.

Philippe Couillard a paru le plus calme avec toutefois un peu de condescendance lorsqu’il s’adressait à la seule femme du débat, un détail qui n’a sans doute pas échappé aux téléspectatrices.

Après avoir enregistré et écouté ce débat trois fois, je peux dire que j’ai apprécié de façon croissante la performance de M. Lisée en dépit du fait que je la trouvais assez bien dès la première écoute.

Les partis en présence n’ont pas profité pleinement des règles qui régissaient ce débat. Celui-ci visait à offrir un temps d’antenne à peu près égal à chaque parti.

Concrètement, lorsque deux chefs parlaient en même temps, le chronomètre de chacun d’eux augmentait la durée du temps d’antenne utilisé.

La meilleure stratégie consistait donc à utiliser principalement son temps d’antenne à tenir les propos les plus convaincants. Une fois l’essentiel dit, il fallait poursuivre en tenant succinctement les propos les plus susceptibles de faire réagir l’adversaire, l’inciter à vous interrompre au sujet de détails insignifiants et épuiser ainsi son temps d’antenne à lui.

La santé

Marqué par la cacophonie, ce segment a été le procès de seize ans de régime libéral.

Le Parti libéral

Philippe Couillard a vanté les 49 supercliniques (et le 25 autres à venir) que son ministre de la santé a créées.

Personne parmi ses opposants ne lui a fait remarquer que les supercliniques n’ajoutent aucun médecin de plus au Québec puisque ce sont généralement des cliniques privées qui font simplement changer de statut.

Le Parti Québécois

Dans le but de désengorger les hôpitaux et faire davantage de prévention, le PQ promet deux fois plus de soins à domicile que les autres partis.

De plus, un médecin qui accepte de superviser le travail d’une superinfirmière reçoit une prime de 60 000$ par année. Jean-François Lisée veut abolir cette prime, libérer les infirmières et les pharmaciens de la tutelle médicale et faire en sorte qu’ils puissent offrir davantage de soins de première ligne.

La Coalition Avenir Québec

Reprochant au gouvernement Couillard sa générosité à l’égard des médecins spécialistes, la CAQ compte modifier le mode de rémunération des omnipraticiens.

Appelé capitation, ce mode consiste à rémunérer un médecin par ‘tête de pipe’, c’est-à-dire par le nombre de personnes qu’il prend en charge.

Ce mode de rémunération, en vigueur en Angleterre, comporte de nombreux avantages. Il en est question au Québec depuis un quart de siècle.

Québec Solidaire

Québec Solidaire veut réduire la part des budgets de santé liée à la rémunération des médecins (le double qu’en Europe) et veut favoriser le financement des CLSC (publiques) aux dépens des supercliniques (privées).

L’éducation

Le Parti Québécois

Jean-François Lisée veut faire adopter un ‘bouclier’ législatif qui interdirait toute compression dans les budgets consacrés à l’éducation.

Puisqu’il s’agirait d’une loi (si j’ai bien compris), rien n’interdirait toutefois à un gouvernement de l’abroger s’il voulait passer outre.

Créateur des CPE (centres de petite enfance), le PQ veut également compléter le réseau en ajoutant 17 000 places dans les CPE dès son premier mandat.

De plus, le PQ compte consacrer 2,6 milliards$ à la réfection et à la construction d’écoles d’ici quatre ans.

Le Parti libéral

Philippe Couillard a reproché au PQ d’avoir offert aux professeurs de prendre volontairement leur retraite il y a une vingtaine d’années. Comme si cela avait encore de l’importance aujourd’hui.

Pour alléger la tâches des enseignants actuels, il promet d’embaucher plus de professeurs et d’offrir la gratuité des garderies aux enfants de 4 ans.

À la dernière élection, il s’était formellement engagé à ne pas hausser le tarif des garderies, promesse aussitôt brisée lorsqu’il est arrivé au pouvoir.

Québec Solidaire

Québec Solidaire veut faire cesser le financement public des écoles privées (où étudient 12% des élèves du Québec). Les 500 millions$ qu’elle compte ainsi économiser serviraient à majorer le financement de l’école publique.

Ce parti veut également réduire le nombre d’élèves par classe et promet la gratuité scolaire, du CPE à l’université.

La Coalition Avenir Québec

François Legault veut qu’au secondaire, on ajoute cinq heures par semaine pour l’aide aux devoirs.

La CAQ veut modifier les échelles salariales de professeurs de manière à augmenter leur rémunération. Elle compte couper dans le gaspillage. De plus, elle veut instaurer la maternelle dès l’âge de 4 ans.

D’après ce que je comprends, vingt pour cent des enfants de 4 ans sont déjà dans des CPE ou dans des garderies. Mais s’ils vont dans des maternelles (comme en France), ils seront pris en charge par des commissions scolaires.

Or, à Montréal, on peine à loger les élèves du primaire. Voilà pourquoi on a loué cette année des conteneurs amovibles dans lesquels des classes temporaires ont été aménagées.

Les dirigeants scolaires affirment qu’il leur est impossible d’accueillir des dizaines de milliers d’enfants de 4 ans.

L’économie

Le segment consacré à l’économie fut le plus faible. Au lieu de parler d’économie au sens de stratégie industrielle ou de développement économique, les chefs de parti ont parlé d’économie au sens strict d’économiser de l’argent aux contribuables.

Le Parti libéral

Philippe Couillard s’est vanté d’avoir rétabli l’équilibre budgétaire… qui existait avant que les Libéraux prennent le pouvoir en 2003.

Il s’est également vanté d’avoir créé 217 000 emplois depuis quatre ans. Ce qui est une manière de dire fièrement qu’il a échoué à réaliser sa promesse d’en créer 250 000. Cette cible ratée aurait été dans la moyenne si cet objectif avait été atteint.

Son parti augmentera le salaire minimum de manière à ce qu’il atteigne la moitié du salaire médian au Québec.

Le Parti Québécois

Jean-François Lisée a été clair; le PQ ne promet pas de réduire les taxes et les impôts des contribuables, mais s’engage à faire en sorte qu’ils en aient plus pour leur argent.

Il a rappelé que si les hauts salariés du Québec sont plus taxés qu’ailleurs au Canada, c’est en raison des CPE et garderies publiques et des frais universitaires qui sont la moitié, le tiers ou le quart (selon les facultés) des frais payés dans les autres provinces canadiennes (sauf Terre-Neuve).

Il a également promis de s’attaquer aux employeurs qui font travailler leurs salariés en deçà de ce que prescrit la loi.

La Coalition Avenir Québec

François Legault veut réduite les taxes scolaires et augmenter les allocations familiales. Il ne veut pas augmenter le salaire minimum, mais attirer au Québec les entreprises qui créent des emplois très bien rémunérés (ce que souhaitent tous les pays du monde).

Québec Solidaire

Pour Québec Solidaire, la pénurie actuelle de main-d’œuvre est une occasion unique d’augmenter le salaire minimum à 15$. De plus, elle veut augmenter le pouvoir d’achat des citoyens en offrant la gratuité scolaire complète, la gratuité des soins dentaires et la gratuité partielle du transport collectif. Toutes ces dépenses seraient financées par l’imposition accrue des riches et des entreprises.

L’environnement

Le Parti libéral

Philippe Couillard s’est vanté d’avoir ‘sauvé Anticosti’ et s’est érigé en grand défenseur de l’environnement.

Pourtant son gouvernement a adopté une loi qui accorde le droit d’expropriation aux pétrolières. Il a limité les pouvoirs des municipalités de s’opposer à des projets pétroliers. Et il a adopté une loi qui fait en sorte l’exploration pétrolière dans nos lacs et rivières est permise ou non, discrètement, par simple décision ministérielle (c’est-à-dire sans passer par le parlement).

Québec Solidaire

Dans ce segment, Manon Massé a livré un vibrant plaidoyer en faveur de l’environnement.

Québec Solidaire veut interdire ici toute exploration et toute exploitation des hydrocarbures (pétrole et gaz naturel). Elle propose également un ambitieux programme d’investissement dans l’électrification des transports.

Cette formation politique s’oppose au ‘troisième lien’ (probablement un pont) entre la ville de Québec et Lévis. Et elle compte augmenter les redevances exigées par l’État sur l’eau embouteillée. De plus, elle interrompra les versements annuels au Fonds des générations afin de financer son plan de transition énergétique pour le Québec.

La Coalition Avenir Québec

La CAQ veut faire cesser le développement de l’éolien en raison des surplus d’énergie d’Hydro-Québec. Elle veut prolonger le Réseau express métropolitain de Montréal. Et elle s’oppose à cimenterie de Port Daniel, en Gaspésie, en raison de la pollution qu’elle entraine.

Le Parti Québécois

Sans préciser dans quelle mesure, le PQ augmentera les redevances sur l’eau embouteillée.

Dès son élection, le PQ ne permettra que l’achat d’autobus scolaires électriques.

De plus, le PQ veut lui aussi interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures au Québec.

Et s’il est de nouveau question de faire traverser tout le territoire québécois par un pipeline, François Lisée promet de livrer une guérilla législative et normative pour empêcher cela.

Ce que M. Lisée feint d’ignorer, c’est que le transport interprovincial, peu importe par quel moyen, est un domaine de compétence exclusif du fédéral.

S’il est de nouveau question de construire un pipeline comme Énergie Est, seule l’indépendance du Québec permet d’empêcher un tel projet.

À preuve : si le Québec était déjà indépendant, le Canada ne pourrait exporter son pétrole vers l’Est que par la Baie d’Hudson ou en contournant le Québec par les États-Unis.

Bref, le PQ se tire dans le pied en faisant croire qu’on peut retirer tous les avantages de l’indépendance sans avoir besoin de la faire.

Ce que PQ doit dire, c’est que si un tel projet devait renaître de ses cendres — ce qui finira bien par arriver un jour — il sera trop tard pour réagir. Les Québécois doivent dès maintenant voter pour un parti indépendantiste et voter également oui au prochain référendum sur l’indépendance du Québec.

De plus, j’aurais aimé que M. Lisée souligne que le PQ compte abroger la loi que le gouvernement Couillard a adoptée et qui accorde aux pétrolières le droit d’expropriation. Sans ce pouvoir, le cout de construction d’un pipeline traversant le Québec augmente considérablement, ce qui nuit à sa rentabilité et diminue le risque qu’un projet comme Énergie Est renaisse de ses cendres.

À titre de comparaison, Manon Massé a offert une meilleure réponse : « Pour Québec Solidaire, il n’y a qu’une façon de pouvoir réaliser le changement de cap nécessaire pour relever les défis du XXIe siècle — notamment la lutte aux changements climatiques — c’est de mettre fin à nos liens avec le Canada, cet État pétrolier… »

Immigration et identité

Ce dernier segment ne nous a pas appris grand-chose.

Québec Solidaire

Manon Massé à critiqué les traités de libre-échange puisqu’ils réduisent la souveraineté des États. Elle propose la création de carrefours d’accueil des immigrants et veut appuyer la culture québécoise car celle-ci véhicule le bonheur d’être québécois.

De plus, QS maintiendra les niveaux actuels en matière d’immigration.

Afin de corriger rapidement la sous-représentation des minorités visibles au sein de la fonction publique québécoise, la CAQ établira une discrimination positive en leur faveur et leur réservera le quart des postes ouverts au cours des quatre prochaines années.

La Coalition Avenir Québec

La CAQ a réitéré son intention de faire passer des tests de français et des tests de connaissance des valeurs québécoises. Toutefois la CAQ ne réalise pas encore qu’on peut connaitre les valeurs de la société québécoise sans avoir l’intention d’y adhérer.

Elle veut réduire le nombre annuel d’immigrants au Québec à 40 000.

Le Parti Québécois

Jean-François Lisée décrit l’échec des politiques de francisation du Parti libéral et présente une de ses solutions : exiger la connaissance préalable du français avant de pouvoir immigrer au Québec.

Il n’y pas de solution plus radicale pour s’assurer que tous les néoQuébécois choisis par le gouvernement du Québec soient des locuteurs francophones; sans ce pré-requis, on n’entre pas chez nous.

C’est simple, c’est clair et c’est efficace.

Quant au niveau annuel d’immigrants, il serait fixé selon l’étude des besoins du Québec.

Le Parti libéral

Et finalement, Philippe Couillard s’est attaqué à la politique migratoire de la CAQ et a réitéré son intention de maintenir le nombre d’immigrants que l’on reçoit annuellement (environ 50 000).

Conclusion

Un grand nombre de personnes écoutent les débats des chefs un peu comme les Romains se rendaient au Colisée; afin de voir les gladiateurs périr sous les coups de leurs adversaires.

Ont donc été déçus ceux qui espéraient voir un chef de parti perdre la face sous les propos accusateurs d’un adversaire politique.

Mais ont été servis ceux qui espéraient en savoir plus au sujet des programmes politiques des partis qui s’affrontent à cette élection.

De ce débat, je retiens deux choses.

Premièrement, j’ai été agréablement surpris par la sincérité de la ferveur indépendantiste de Manon Massé.

Quant au reste, je ne crois pas que ce débat à lui seul ait pu modifier les intentions de vote.

Mais de tous les chefs de parti, Jean-François Lisée est celui qui est le plus sous-estimé dans la population en général. Or il a été bien meilleur que l’image que s’en faisaient les sympathisants des autres partis.

Donc même si ces derniers ont probablement conservé leurs préférences politiques, il est probable que plus de gens le voient apte à diriger le Québec.

Dans ce sens, le chef du PQ a gagné ce débat.

Laissez un commentaire »

| 2014-2018 (années Couillard), Politique québécoise | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


L’incohérence politique des Millénariaux

13 septembre 2018

Introduction

Le quotidien La Presse publie aujourd’hui les résultats d’un sondage politique effectué chez les Millénariaux, soit les jeunes de 18 à 25 ans.

Il est difficile d’interpréter ce sondage puisqu’on n’a accès ni aux questions ni aux données, mais seulement à l’interprétation des résultats qu’en font les journalistes François Cardinal et Philippe Teisceira-Lessard.

Les partis politiques sont tous pareils

Pour les trois quarts des Millénariaux, c’est l’incapacité des élus à tenir leurs promesses qui est la cause principale du manque de confiance envers les politiciens.

Si cela est vrai, de quoi parle-t-on ?

Les Millénariaux n’ont pas connu autre chose que des gouvernements du Parti libéral du Québec.

Entre les gouvernements libéraux de Jean Charest et celui de Philippe Couillard (composé en bonne partie des mêmes ministres), y a-t-il une grande différence ? La réponse est évidente.

Par contre, si on compare le Parti Québécois au Parti libéral, comment expliquer :
• l’adoption de la Loi 101,
• l’adoption de la loi au sujet du zonage agricole (visant à soustraire les meilleures terres agricoles du développement domiciliaire),
• l’adoption de la loi de protection des consommateurs,
• la mise sur pied des garderies publiques,
• l’assurance automobile,
• le rétablissement de la paix sociale sous Mme Marois.

Tout cela s’est fait en dépit de l’opposition féroce du Parti Libéral et, depuis qu’elle existe, de la CAQ.

En d’autres mots, aucune de ces mesures n’aurait vu le jour si les Québécois avaient voté libéral ou caquiste au lieu de voter pour le PQ.

Le Parti libéral a déjà été un grand parti. Mais quel est le legs de ses seize dernières années au pouvoir ? À peu près rien d’important :
• le retour à l’équilibre budgétaire qui existait avant qu’il prenne le pouvoir, et
• la construction de deux hôpitaux universitaires,
• des investissements récents dans l’électrification des transports après 40 ans d’immobilisme.

Les préoccupations environnementales

Selon le sondage de La Presse, 18% des Millénariaux sont très concernés par l’environnement. À juste titre.

Mais savent-ils que c’est le PQ qui décidé en 2012 de la fermeture de la seule centrale nucléaire en activité au Québec ?

Et savent-ils que le ‘sauvetage d’Anticosti’ par le gouvernement Couillard était un écran de fumée destiné à aider les pétrolières à se sortir du bourbier financier dans lequel elles se trouvaient ?

Bref, on ne peut pas reprocher aux Millénariaux d’effectuer des choix en fonction de ce qu’ils ignorent.

Toutefois, il est difficile de comprendre comment ils peuvent ignorer que François Legault songe à permettre de nouveau l’exploration pétrolière à Anticosti. Ou que Philippe Couillard sonde à autoriser la recherche de pétrole dans nos lacs et rivières.

Par dessus tout, ils ne réalisent pas qu’il est impossible d’être à la fois fédéraliste et écologiste. Être fédéraliste, c’est vouloir habiter un État pétrolier et assumer ce que cela implique.

L’étatisation du pipeline Trans Mountain fait de chaque citoyen canadien le co-propriétaire de ce pipeline. En d’autres mots, quand le fédéral achète les vieux pipelines de Trans Mountain au coût de 4,5 milliards$, chaque écologique est obligé d’en payer une partie en faisant son rapport d’impôts.

De plus, il paiera une partie des coûts importants de l’amélioration de ce réseau d’oléoducs traversant les Rocheuses. Qu’il le veuille ou non. C’est le prix du fédéralisme.

Peu importe leur idéologie, tous les partis politiques, une fois au pouvoir adoptent la raison d’État. Et la raison d’État, c’est d’appuyer à fond l’exploitation des troisièmes plus importantes réserves pétrolières exploitables au monde, celles qui se trouvent au Canada.

Bref, être citoyen canadien, c’est fondamentalement travailler involontairement à détruire la planète. Que ce soit par l’offre pétrolière, par les missions guerrières de l’armée canadienne, ou la vente d’armements à des dictatures moyenâgeuses.

Les partis bons pour l’économie

Les Millénariaux ignorent les bilans désastreux des gouvernements Charest et Couillard ? Très peu d’entre eux ont lu autre chose que des nouvelles qui présentent les résultats économiques du Québec au cours du dernier mois ou du dernier trimestre ?

Si les jeunes électeurs — en majorité des partisans du Parti libéral et de la CAQ — étaient cohérents, ils voteraient pour des partis politiques différents de ceux qu’ils jugent tous pareils.

En somme, si les Millénariaux essayaient autre chose, ils verraient la différence…

Références :
Anticosti : payer 200 millions$ pour une pétrolière qui vaut 16,5 millions$
Décrochage électoral des millénariaux: à qui la faute?
De la supposée dépolitisation des jeunes
Legault reste ouvert à l’exploration pétrolière sur Anticosti
Nous, les jeunes
Sauver Gentilly-2 : un combat perdu d’avance
Sondage IPSOS-La Presse: génération ni oui ni non
Sondage Ipsos-La Presse: les jeunes tournent le dos à la souveraineté

Laissez un commentaire »

| 2014-2018 (années Couillard), Politique québécoise | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


La politique migratoire de la CAQ

11 septembre 2018

Introduction

Le pourcentage d’immigrants au Québec qui choisissent de s’angliciser est passé de 65% à 60% en une décennie. C’est encore trop.

François Legault a raison de dire ‘qu’importer’ un demi-million d’immigrants par décennie qui choisissent à 60% de s’angliciser, c’est compromettre la pérennité à long terme du français au Québec.

Cela ne se voit pas en région ni dans les banlieues montréalaises (massivement francophones). Mais c’est déjà évident à Montréal à la lecture des résultats inquiétants du dernier recensement canadien, alors que tous les voyants lumineux clignotent au rouge.

Si le diagnostic de François Legault est bon, quels sont les remèdes qu’il prescrit ?

Réduire l’immigration au Québec de 24%

Entre autres, la Coalition Avenir Québec se propose de réduire à quarante-mille le nombre d’immigrants accueillis annuellement au Québec, et ce dès 2019.

Selon les données du gouvernement québécois, le Québec aura accueilli cette année 53 900 immigrants.

De ce nombre, 31 800 auront été choisis par Québec à titre de travailleurs qualifiés et 22 100 auront été choisis par Ottawa à titre de réfugiés ou en vertu de sa politique de réunification des familles.

Afin de ne pas assumer seule la tâche de réduire le flot migratoire au Québec, la CAQ espère convaincre le fédéral de contribuer proportionnellement à cette réduction.

Les responsabilités canadiennes en matière d’immigration

Au Canada, la compétence constitutionnelle en matière d’immigration est exclusivement fédérale.

Toutefois, en 1991, le gouvernement fédéral a délégué au Québec le droit de choisir les requérants à titre de travailleurs qualifiés.

Néanmoins, le fédéral a conservé ses prérogatives en matière d’accueil des réfugiés parce qu’il doit répondre de ses obligations internationales à ce sujet.

Quant à ses décisions en matière de réunification des familles, elles peuvent être contestées devant les tribunaux. Afin de s’assurer qu’elles soient prises de manière équitable, celles-ci sont déléguées à des tribunaux administratifs qui jouissent d’une grande autonomie.

L’imposition un quota de réduction de 24% à ces tribunaux administratifs provoquerait un tollé d’autant plus prévisible que cette contrainte serait imposée à la demande du Québec, une province que de nombreux commentateurs anglophones aiment dépeindre comme raciste et xénophobe.

Bref, il n’y a pas la moindre chance que le fédéral accepte de contribuer à une réduction du nombre d’immigrants au Québec à la demande de la CAQ.

La seule manière pour elle d’avoir autorité à ce sujet est de réaliser d’abord l’indépendance du Québec.

La démission de la CAQ en matière migratoire

D’ici là, la CAQ devra se débrouiller seule.

Compte tenu de la part fédérale, pour faire passer de 53 900 à 40 000 le nombre total d’immigrants au Québec, un gouvernement caquiste sera obligé de réduire le nombre d’immigrants qu’il accepte de 31 800 à 17 900.

Des 40 000 immigrants au Québec en 2019, 17 900 seraient donc choisis par Québec et 22 100 (la majorité) seraient choisis par Ottawa.

Les besoins de main-d’œuvre des entreprises québécoises, au lieu d’être assurés principalement par des politiques québécoises spécialement adaptées à cette fin, seront assurés par des politiques migratoires fédérales dictés par des considérations humanitaires totalement étrangères aux besoins économiques du Québec.

De plus, en donnant à Ottawa le contrôle majoritaire de notre immigration, la CAQ espère que la pérennité du français soit assurée dorénavant par des fonctionnaires fédéraux à 92% unilingues anglais.

Parce qu’il faut le dire : la fonction publique fédérale est massivement anglophone. Même les postes ‘bilingues’ à Ottawa sont confiés à des unilingues anglais qui disent vouloir apprendre le français et qui quittent leur poste plusieurs années plus tard sans jamais l’avoir appris.

Bref, c’est sur eux que François Legault compte pour expulser les immigrants qui n’auront pas appris le français après trois ans de séjour au Québec et pour sélectionner des réfugiés majoritairement francophones.

Disons les choses clairement : la politique migratoire de la CAQ est une trahison au profit du gouvernement colonial canadien.

Références :
Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains
Québec prévoit recevoir jusqu’à 53 000 immigrants en 2018
Un fonctionnaire fédéral défend son droit de travailler en français

Paru depuis :
Kafka en Québec (2021-05-03)

Laissez un commentaire »

| 2014-2018 (années Couillard), Immigration, Politique québécoise | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel