L’allégeance à la reine et les périls du PQ

18 octobre 2018

Pour tout peuple conquis, rien n’est plus révélateur de son assujettissement que d’être obligé de prêter allégeance à ses conquérants ou à leurs descendants.

Dans un commentaire publié par Le Devoir en 2015, j’avais déclaré que je n’hésiterais pas à revêtir le niqab — ce vêtement féminin qui ne laisse visibles que les yeux de celle qui le porte — si j’avais l’obligation de prêter serment à la reine d’Angleterre.

C’est un peu ce qu’ont fait hier les nouveaux députés de Québec Solidaire (QS).

En vertu de la Canadian Constitution, tout nouvel élu doit prononcer le serment suivant afin de pouvoir siéger à l’Assemblée nationale :

Je, (nom du député), jure que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté la reine Élisabeth II.

À cela, une loi adoptée en 1982 sous le gouvernement de René Lévesque a fait ajouter :

Je, (nom du député), déclare sous serment que je serai loyal envers le peuple du Québec et que j’exercerai mes fonctions de député avec honnêteté et justice dans le respect de la constitution du Québec.

Après s’être entendus avec le secrétaire général de l’Assemblée nationale (devant qui le serment doit être prêté), les députés de QS ont juré fidélité à la reine, en privé, dans une salle adjacente au Salon rouge.

Puis, en public dans le Salon rouge, ils ont déclaré leur loyauté à la population du Québec.

Autrefois, les députés péquistes avaient l’habitude de compléter le texte du serment par des ajouts qui en ridiculisaient la teneur. On ignore ce qu’ils ont fait cette fois-ci.

Dans un texte récent, je me réjouissais d’avance de la surenchère que se livreraient QS et le PQ pour rallier les Québécois à la cause indépendantiste.

La séance d’assermentation d’hier a donné une idée — anodine, il est vrai — de cette nouvelle rivalité.

Non seulement le PQ doit-il craindre que QS lui glisse le tapis sous les pieds mais il aurait bien tort de présumer qu’un gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) sera aussi servile à l’égard du gouvernement fédéral que le gouvernement invertébré de Philippe Couillard.

On doit se rappeler que le méfiance à l’égard d’Ottawa — sous forme d’une vague hostilité à l’égard des ‘Anglais’ — fait partie de l’ADN du peuple francoQuébécois.

Or le Québec profond a voté caquiste. Il serait raisonnable de penser que la députation caquiste se fasse l’écho de ce ressentiment, ce qui compliquera les efforts péquistes de se faire une nouvelle clientèle électorale.

Au-delà de cette compétition à trois, on doit réaliser que la défaite cuisante du PQ aux dernières élections, loin d’annoncer la fin du mouvement indépendantiste, dresse la table pour son renouveau.

Références :
Le serment d’allégeance selon les députés péquistes
Québec solidaire prête serment à la reine en cachette

Sur le même sujet :
Un conseiller municipal autochtone refuse de prêter serment à la reine et abandonne son siège (2018-12-03)

2 commentaires

| 2018-202X (années Legault), Politique québécoise | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Québec Solidaire est là pour rester

5 octobre 2018

Tourner la page de la convergence souverainiste

Ils sont nombreux les sympathisants du Parti Québécois (PQ) qui imputent la déconfiture électorale de leur parti au refus de Québec Solidaire (QS) de créer des alliances électorales destinées à éviter la division du vote indépendantiste.

La question de savoir si ce reproche est justifié ou non est sans importance; la sagesse est l’art d’accepter ce qu’on ne peut pas changer.

À l’époque où le PQ entamait cette tentative de rapprochement, les intentions de vote au Québec se répartissaient comme suit : Parti libéral (31%), PQ (30%), Coalition Avenir Québec (25%), et QS (10%).

Le 26 avril 2016, j’écrivais sur le site du quotidien Le Devoir :

Le vote fédéraliste est beaucoup plus éparpillé (entre le PLQ et la CAQ) que le vote indépendantiste (monopolisée par le PQ).


L’idée derrière cette obsession à vouloir fusionner les partis indépendantistes, c’est cette présomption voulant que le PLQ serait invincible et qu’il gouvernera un Québec à perpétuité à moins (qu’on aille) gratter les fonds de tiroir indépendantistes au profit du PQ.

En somme, au lieu de se cannibaliser, j’étais d’avis que les partis indépendantistes devaient se lancer à la conquête beaucoup plus payante du vote fédéraliste.

Plutôt que d’y travailler, le PQ a poursuivi ses pourparlers diplomatiques qui se sont soldés par un échec en mai 2017, à peine un an et demi avant le scrutin.

Et cette suggestion de partir à la conquête des fédéralistes, c’est ce qu’a fait la CAQ avec le résultat qu’on sait.

QS et les Millénariaux

Depuis des années, les sondages révèlent que les jeunes adultes québécois sont fédéralistes. Au point que certains analystes n’hésitent pas à conclure que l’indépendance du Québec est un rêve limité à la génération vieillissante des babyboumeurs.

En réalité, les Millénariaux sont des fédéralistes mous. En tablant sur leurs préoccupations environnementales, QS est passé d’un appui populaire de 10% à 16%.

Il était frappant de constater à quel point la salle dans laquelle les partisans de QS s’étaient réunis pour entendre les résultats du scrutin était presque exclusivement peuplée de Millénariaux.

Au cours du porte-à-porte dans ma circonscription (Hochelaga-Maisonneuve), j’avais effectivement constaté la très grande popularité de QS parmi les jeunes adultes de mon quartier.

Il serait présomptueux de croire que QS a converti tous ces jeunes à la cause indépendantiste. Mais ce parti a leur oreille. C’est déjà ça.

Exposés aux arguments de QS en faveur de l’indépendance, je crois que ces jeunes seront à l’origine d’un renouveau du mouvement indépendantiste au Québec.

Et le jour où la nation québécoise aura de nouveau à se prononcer sur son avenir, il sera facile de conclure un mariage de raison entre les partis indépendantistes, unis à travailler à faire triompher la liberté.

Suivre l’exemple de QS

Manon Massé ne craint pas d’affirmer que si jamais le prix du pétrole rendait rentable la construction d’un pipeline traversant le Québec, seule l’indépendance permettrait d’empêcher un tel projet.

Au dernier congrès du PQ, j’ai créé un malaise en déclarant publiquement que le PQ se tirait dans le pied en faisant croire qu’on pouvait avoir tous les avantages de l’indépendance sans avoir besoin de la faire.

Je faisais alors référence au bluff d’une résolution du programme du PQ qui laissait croire qu’un gouvernement péquiste disposerait des moyens d’empêcher la construction d’un pipeline destiné à traverser le Québec.

Le PQ doit donc réviser son programme et présenter aux Québécois deux choses : ce qu’il peut faire en dirigeant un gouvernement provincial compétent et, en parallèle, le projet de société beaucoup plus ambitieux qu’il compte réaliser une fois le Québec indépendant.

Le pouvoir ou ‘la cause’

Au sein du PQ, décider l’ordre des priorités entre prendre le pouvoir ou promouvoir ‘la cause’, c’est comme décider de ce qui est arrivé en premier : la poule ou l’œuf.

En faisant du porte-à-porte au cours de la campagne électorale, j’ai rencontré de nombreux indépendantistes désabusés.

Lorsqu’on s’attarde à discuter avec eux, on réalise que lorsqu’ils disent ne plus croire à ‘la cause’ indépendantiste, ce qu’ils veulent réellement dire c’est qu’ils ont cessé de croire que l’indépendance du Québec puisse être réalisée par le PQ.

La source de cette désespérance (et non de ce désespoir), c’est qu’ils jugent que le PQ a souvent oublié sa raison d’être une fois arrivé au pouvoir, alors qu’il était accaparé par les tâches reliées à la gestion de l’État.

Dans le quartier populaire d’Hochelaga-Maisonneuve, le PQ puise sa force dans les familles ouvrières, dans les petits salariés d’âge mûr et dans les assistés sociaux.

Ce n’est qu’une question de temps pour que l’idéologie anticapitaliste de QS vienne gruger l’électorat du PQ, ce que QS n’a pas fait réellement jusqu’ici.

Le plus grave péril qui guette le PQ, c’est que QS pille le programme du PQ en matière d’immigration, de défense du français et de transport collectif. Trois domaines où le programme de QS est faible et où les propositions du PQ, très supérieures, peuvent facilement s’intégrer au programme politique de QS.

Chassé de ses terres, le PQ doit partir à la conquête des fédéralistes mous tout en affermissant la virulence de sa critique à l’égard du régime colonial canadian. Cela aura pour effet de d’attire au PQ de nouveaux adeptes tout en ramenant au bercail ceux qui l’ont abandonné.

Conclusion

Depuis sa création, le Parti Québécois a révolutionné le Québec en adoptant les mesures suivantes :
• la loi 101,
• les garderies publiques,
• la loi de protection des consommateurs,
• le zonage des terres agricoles,
et bien d’autres mesures dont on ne pourrait plus se passer aujourd’hui.

Si le PQ a pu faire tout cela en disposant des pouvoirs limités que lui laisse la Canadien Constitution, peut-on imaginer ce qu’il pourrait accomplir en disposant de tous les pouvoirs d’un État souverain et en récupérant les dizaines de milliards$ d’impôts que nous versons plutôt inutilement au fédéral ?

Toutefois, il ne suffit pas de proposer le rêve pour qu’une nation choisisse de s’assumer à titre de pays.

Le moteur des révolutions, c’est le sentiment d’injustice.

Voilà pourquoi le PQ ne doit pas craindre d’affronter la controverse en faisant inlassablement le procès du gouvernement colonial canadien.

Et c’est en semant le ressentiment au sein du peuple francoQuébécois tout en lui offrant un moyen de s’en sortir que le PQ guidera la nation québécoise vers l’indépendance.

D’ici là, le PQ doit cesser de voir QS comme un parti ennemi.

À trop entendre la propagande fédéraliste répéter que la cause indépendantiste est perdue, certains Péquistes en sont venus à croire que du fait même de son existence, QS leur dérobe les rares Indépendantistes encore en vie.

Au contraire, si on considère les millions de Québécois fédéralistes comme un vaste domaine à conquérir, il est heureux que deux partis rivaux tentent, chacun à sa manière, de les rallier à la même cause.

Références :
Convergence : Un échec cuisant pour Jean-François Lisée
Élections générales québécoises de 2018
La sainte citation
Le PQ évoque «l’urgence» de s’unir contre les libéraux
Les textes de la série ‘Le prix du fédéralisme’
Pétrole et élections : un rendez-vous manqué avec le destin
Sondage de novembre 2016

Laissez un commentaire »

| 2018-202X (années Legault), Politique québécoise | Mots-clés : | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Québec Solidaire et les collèges privés

20 septembre 2018

Introduction

Dans son programme électoral, Québec Solidaire promet d’abolir le financement public des écoles privées. Cette abolition ne serait pas brutale, mais amortie sur un petit nombre d’années.

Les 500 millions$ ainsi épargnés serviraient à améliorer le financement des écoles publiques. Cela représente cinq pour cent des sommes consacrées à l’éducation primaire et secondaire au Québec.

Avec le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique, le Québec est l’une des cinq provinces canadiennes qui financent leurs écoles privées.

Le cas ontarien

La Constitution de 1867 obligeait le gouvernement du Québec à financer ses écoles protestantes en contrepartie de quoi l’Ontario était obligé de financer ses écoles catholiques.

En plus de son rôle éducatif, l’école publique ontarienne visait à l’assimilation de la minorité francophone de cette province.

Ce qui a poussé les Franco-Ontariens à créer le réseau indépendant des Roman Catholic Schools. Qualifiées d’écoles ‘séparées’, ce sont des écoles privées sous un autre nom. Pour y être admis, la présentation du certificat de baptême est obligatoire.

La création d’un réseau séparé était d’autant plus logique qu’en vertu des obligations constitutionnelles auxquelles est soumis l’Ontario, ce réseau était complètement financé par l’État.

Ce qui n’a pas complètement protégé les Franco-Ontariens des visées assimilatrices de la majorité anglophone puisque partout où les Irlandais (anglophones) étaient majoritaires au sein des Roman Catholic Schools, on cessa d’enseigner le français.

Ce qui a poussé les Catholiques francophones à créer leur réseau séparé… d’écoles ‘séparées’.

La volonté assimilatrice de la majorité anglophone ontarienne culmina en 1912 alors que le gouvernement ontarien adopta le Règlement 17. Celui-ci interdisait l’enseignement du français autant dans les écoles publiques que dans les écoles séparées de la province, y compris dans celles où les Catholiques francophones étaient majoritaires.

Non seulement le français n’y était-il pas enseigné, mais les élèves surpris à parler français dans la cour de récréation étaient punis.

Ce règlement fut en vigueur jusqu’en 1927.

Il est donc exact de dire que l’Ontario ne finance aucune école privée… à l’exception de ses écoles ‘séparées’.

Résultat de ses querelles linguistiques et religieuses passées, l’Ontario possède 35 conseils scolaires publics (31 anglophones et 4 francophones) et 37 conseils scolaires ‘séparés’ (29 anglophones et 8 francophones). Tous financés à 100% par l’État.

Conséquemment, la majorité de la population canadienne vit dans une province où les écoles privées sont financées par l’État d’une manière ou d’une autre.

Au Québec

De manière générale, les écoles privées accueillent environ 12% des élèves du Québec et reçoivent 5% du budget de l’État consacré à l’enseignement primaire ou secondaire.

Ce qui veut donc dire que si tous ces élèves sont transférés du privé au public, on devra augmenter les budgets des commissions scolaires pour faire face à cette augmentation de leur fréquentation.

Les écoles privées sont financées à 42% par l’État. La différence est assumée principalement par les parents qui y envoient leurs enfants.

Puisque les frais scolaires sont déductibles d’impôt, on doit prendre en considération la déduction fiscale dont jouissent les parents qui envoient leurs enfants dans ces écoles.

Le revenu moyen de ces familles est de 130 000$ par année. Puisque leur taux d’imposition est élevé, une bonne partie des déductions qu’ils obtiennent sont des pertes fiscales et une subvention indirecte qui s’ajoute aux sommes versées directement par l’État.

Concrètement, le contribuable dont des revenus annuels sont de 130 000$ est soumis à un taux d’imposition de 36,2%.

Il en coute annuellement entre 3 100$ et 4 000$ pour envoyer un enfant au privé. Pour l’État, la déduction fiscale de 36,2% de cette somme représente une perte de 1 122$ par élève.

En 2012-2013, on estimait qu’à l’école secondaire, il en coute 5 471$ par élève, mais que l’État ne verse que 4 090$ pour chaque élève au privé. Pour chaque élève formé au privé, l’État économise directement 1 400$ par année.

S’il passait au public, il faudrait dépenser 1 400$ de plus. En contrepartie, l’État gagnerait, indirectement, les déductions fiscales de 1 122$ dont il se prive actuellement.

En somme, il y a plusieurs raisons qui expliquent que tous les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir à Québec depuis des décennies n’ont pas osé abolir le financement public des écoles privées.

La première raison, facile, c’est de dire que c’est parce qu’une bonne partie des dirigeants de ces partis envoient eux-mêmes leurs enfants au privé.

La deuxième explication, tout aussi facile, est de dire que c’est parce que ce sont des vieux partis qui n’osent pas s’attaquer au problème.

Mais la troisième raison, beaucoup plus profonde, est que l’abolition du financement des écoles privées ne dégagerait, au mieux, que des économies de bout de chandelle.

Ceci étant dit, il n’est pas normal qu’on tolère un double système scolaire : l’un, élitiste, pour les classes aisées de la société, et l’autre pour les simples citoyens.

La meilleure manière de diminuer l’attrait des écoles privées est d’améliorer celui de l’école publique.

Je me dispenserai de dresser ici la longue liste des lacunes occasionnées par le sous-financement de nos écoles depuis des années.

Références :
Et si l’Ontario réglait la question des conseils scolaires?
Les écoles privées seront épargnées
Les écoles publiques de plus en plus populaires
Les examens du privé, en chiffres
Le tabou des écoles privées
Règlement 17

Parus depuis :
Écoles publiques et privées, deux réseaux complémentaires (2018-09-25)
Faut-il crucifier l’école privée? (2019-06-07)

2 commentaires

| 2014-2018 (années Couillard), Politique québécoise | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Québec Solidaire et le ras des pâquerettes

30 août 2017

Mise en contexte

L’édition d’aujourd’hui du Devoir publie une lettre signée conjointement par les dirigeants de Québec Solidaire et d’Option nationale accusant le chef du PQ de nuire à la cause indépendantiste en ‘stigmatisant’ les demandeurs d’asile.

Les auteurs écrivent : «…le chef du Parti québécois s’est insurgé que ce soit le Québec qui assume les dépenses liées à l’accueil des demandeurs d’asile haïtiens. Il a qualifié ceux-ci d’invités de Justin Trudeau

Depuis des années, en vertu d’une entente administrative avec le fédéral, le gouvernement du Québec s’occupe des dossiers d’immigration qui concernent les travailleurs qualifiés. En d’autres mots, il s’agit des immigrants ‘ordinaires’.

Mais le gouvernement canadien a conservé ses responsabilités exclusives quant aux réfugiés, aux demandeurs d’asile et aux immigrants-investisseurs.

Or de plus en plus, le gouvernement fédéral a tendance à pelleter sur le dos des provinces les couts de ses politiques.

C’est ainsi que la dérèglementation ferroviaire permet au fédéral d’économiser des millions$ en salaires de fonctionnaires. Mais lorsque ce laxiste entraine la mort de 47 personnes à Lac-Mégantic et la pire catastrophe environnementale de l’histoire du pays, le fédéral ne paie que 50% de la note. Le reste est aux frais du gouvernement québécois.

Le gouvernement fédéral n’a pas causé cette minicrise migratoire (mini en comparaison avec celle en Europe). Mais il l’a aggravée par une politique de relations publiques qui laisse croire que le Canada est une terre d’accueil pour tous les êtres persécutés de ce monde.

Puisque tous les Canadiens profitent de l’image flatteuse du Canada à l’Étranger, la création d’attentes irréalistes chez les demandeurs d’asile serait un inconvénient mineur si le traitement de leurs dossiers s’effectuait rapidement.

Malheureusement, ce n’est pas le cas. Ce qui occasionne des frais importants que doit assumer le Québec, un des principaux points d’entrée de ces immigrants.

Aux États-Unis, l’analyse d’une demande d’immigration ne prend que quelques jours. Tout au plus, quelques semaines.

À l’opposé, au Canada, l’étude d’une requête se décide en fonction d’une grille d’analyse compliquée qui repose essentiellement sur la subjectivité du commissaire chargé du dossier. Voilà pourquoi le taux d’acceptation des demandes varie considérablement d’un commissaire à l’autre.

Si bien que tout cela prend des mois, sinon des années. Entretemps, ce sont les provinces qui paient les frais d’hébergement, les services médicaux et les autres frais occasionnés par les demandeurs d’asile en attente d’une décision.

Le chef du PQ veut que le fédéral paie le prix de sa lenteur administrative.

Je sais qu’Option nationale et Québec Solidaires sont en pourparler en vue d’une fusion mais j’ignore pourquoi Option Nationale — un parti pour lequel j’ai beaucoup d’estime — s’est laissé entrainer dans cette querelle de clocher entre indépendantistes.

Le reste de mon texte concernera donc essentiellement les dirigeants de Québec Solidaire (que je soupçonne d’être à l’origine de cette querelle).

Micropolitique et macropolitique

Pour le PQ, QS et ON, l’indépendance est un moyen et non un but. Mais de ces trois partis, celui qui est le plus mou à l’idée de l’indépendance, c’est Québec Solidaire.

Si celui-ci avait le choix entre continuer l’appartenance du Québec à un Canada dirigé par un parti de gauche ou favoriser l’accession à l’indépendance du Québec dirigé par un parti de droite, QS choisirait sans hésiter à continuer d’appartenir au Canada.

Conformément à l’impulsion donnée par ses fondateurs, l’idéologie de QS est centrée sur l’humain. C’est une idéologie où la préoccupation essentielle est l’émancipation du citoyen grâce à la bienveillance de l’État.

C’est ce que j’appelle la micropolitique. Celle-ci est une vision de la politique qui ne perd jamais de vue les conséquences concrètes des décisions de l’État dans la vie de chacun.

Mais il y a une autre dimension à la politique qui est la macropolitique. Les deux ne sont pas antagonistes mais complémentaires.

Québec, autoroute à pétrole

L’avenir du Québec au sein du Canada, c’est de devenir une autoroute à pétrole. Par pipeline, par pétrolier Panamax et par train (puisque le pipeline ne suffira pas).

Les provinces de l’Ouest le veulent. L’Ontario le veut puisque les financiers de Bay Street ont beaucoup investi dans les sables bitumineux. Bref, le Canada anglais le veut.

L’ethnie dominante du pays nous passera le pipeline Énergie Est sur le corps comme elle nous a passé la Canadian Constitution en 1982 à l’issue d’une séance ultime de négociation à laquelle le Québec n’a pas été invité.

En vue de cela, le gouvernement Harper a modifié la loi antiterroriste de manière à ce que toute initiative citoyenne qui aurait pour effet de faire obstacle à la construction d’infrastructures pétrolières réponde à la définition d’un acte terroriste.

Si le Québec était déjà indépendant, le Canada exporterait son pétrole par la Baie-James puisqu’en tant qu’État indépendant, le Québec disposerait de tous les pouvoirs pour empêcher l’utilisation de son territoire comme simple lieu de transit pour l’exportation du pétrole d’un pays voisin. Présentement, il n’a aucun pouvoir.

La militarisation du Canada

D’autre part, le Canada a annoncé son intention d’augmenter son budget militaire, passant de 1% à 2% du PIB (produit intérieur brut).

Ce qu’on n’a pas réalisé, c’est qu’il ne s’agit pas de dépenser 1% de plus du budget fédéral, mais d’augmenter le budget de la défense d’un pour cent de la valeur de l’économie canadienne.

C’est 15 milliards$ de plus par année pour de l’armement. Et cela alors que le risque d’une guerre mondiale est nul à brève et à moyenne échéance (la puissance américaine étant de cinq à dix fois supérieure à celle de la Russie).

Puisqu’il est question aux États-Unis de réduire la fiscalité des entreprises et des riches — ce qui obligerait le Canada à faire pareil — on doit se demander comment le Canada pourra dépenser annuellement 15 milliards$ de plus en dépenses militaires sans sabrer dans les mesures sociales soit directement, soit indirectement en coupant les vivres aux provinces.

L’inconscience de QS

Tout cela, Québec Solidaire en est totalement inconscient. Ses dirigeants en sont dans les complots partisans en vue de la prochaine élection.

La minicrise migratoire actuelle suscite des réactions diverses au sein des Québécois fédéralistes (CAQ vs PLQ) comme c’est le cas au sein des Québécois indépendantistes.

Mais tout cela n’est qu’une distraction insignifiante lorsqu’on quitte cette vue au ras des pâquerettes et qu’on prend conscience des nuages beaucoup plus inquiétants qui justifient l’urgence de libérer le Québec du colonialisme canadien.

Bref, le PQ n’est pas parfait. Même si la critique des dirigeants des autres partis indépendantistes à l’égard du PQ était justifiée — ce qui n’est pas le cas ici — il est clair que la chicane entre indépendantistes ne convaincra personne de la nécessité de faire sécession avec le Canada.

Un peu de retenue, s’il vous plait.

Références :
Doubler les dépenses militaires et la dénaturation du Canada
Des demandeurs d’asile soumis à la subjectivité des commissaires
En stigmatisant les demandeurs d’asile, Jean-François Lisée fait reculer l’indépendance
 

Post-scriptum : À la suite de la publication de ce texte, j’ai reçu de Québec Solidaire la réponse suivante :

 
Bonjour M. Martel,

Merci de votre commentaire. La position de Québec Solidaire est plutôt claire et ne relève pas de la stratégie électorale : nous désirons un pays pluriel, inclusif et luttant contre la discrimination.

Je vous invite à lire le programme de Québec solidaire au sujet de la souveraineté. Vous réaliserez que l’intervention de M. Nadeau-Dubois est une réaction en accord avec nos principes et non pas une tentative de courtiser un électorat.

J’espère que cela répondra à votre question.

Veuillez agréer de mes plus sincères salutations,

Philippe Lapointe, attaché politique

Député de Gouin – Gabriel Nadeau-Dubois
1453, rue Beaubien Est, Bureau 201
Montréal (Québec) H2G 3C6
Tél. : 514 864-6133 | Téléc. : 514 873-8998

Laissez un commentaire »

| 2014-2018 (années Couillard), Politique québécoise | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel