La malhonnêteté intellectuelle du ministre Arcand

5 juillet 2016

L’édition d’hier du quotidien Le Devoir nous apprenait que le gouvernement Couillard avait autorisé les pétrolières à puiser trente-millions d’eaux des rivières d’Anticosti afin de réaliser trois forages hydrauliques destinés à évaluer le potentiel énergétique de l’ile.

Les eaux des rivières d’Anticosti sont parmi les plus pures du Québec. Deux des rivières en question —  la Jupiter et la Sainte-Marie — abritent des populations de saumon considérées officiellement comme étant en voie de disparition.

À l’eau ainsi pompée, les pétrolières ajouteront du benzène, du sable et d’autres additifs chimiques nécessaires à la fracturation hydraulique du schiste de l’ile.

Une fois utilisés, les millions de litres d’eau souillés seront décontaminés selon un procédé inconnu et rejetés dans le fleuve Saint-Laurent.

Cette autorisation a été accordée le 15 juin par le ministre de l’Environnement du Québec, David Heurtel (qualifié par les environnementalistes de ‘paillasson des pétrolières’).

Au lieu d’obliger les pétrolières à puiser l’eau du fleuve, de qualité médiocre, le ministre Heurtel a préféré leur permettre de souiller les eaux cristallines des rivières à saumon d’Anticosti.

C’est ce même ministre Heurtel qui avait autorisé récemment la construction d’un complexe résidentiel dans un refuge de la Rainette Faux-grillon (une espèce menacée), contre l’avis de plusieurs experts. Une autorisation qui fut ultérieurement bloquée (à juste titre) par le gouvernement fédéral.

Puisque le coupable est le ministre Heurtel, que vient faire le ministre Arcand dans cette histoire ?

C’est que pour justifier la décision de son collègue, le ministre Arcand a déclaré sur les ondes de Radio-Canada : « Nous, on a un contrat. Un contrat qui a été signé par l’ancien gouvernement de Mme Marois. Nous, ce qu’on dit depuis le début, c’est qu’on respecte le contrat tel qu’il est

En d’autres mots, c’est la faute du gouvernement péquiste si les pétrolières sont autorisées à utiliser l’eau des rivières d’Anticosti.

En réalité, c’est ce que laisse entendre le ministre mais, techniquement, ce n’est pas ce qu’il a dit. Et pour cause. Parce que le fameux contrat dont il parle ne précise rien à ce sujet.

Retour en arrière.

Entre 2002 et 2007, Hydro-Québec avait investi 9,8 millions de dollars en travaux d’exploration pétrolière à Anticosti. Mais au début de 2008, la société d’État a cédé ses droits à l’entreprise Pétrolia en vertu d’une entente secrète.

Les travaux d’exploration de Pétrolia commencèrent à l’été de 2010.

Quelques mois plus tard, le président de cette compagnie déclarait fièrement que le sous-sol d’Anticosti possédait le potentiel pétrolier terrestre le plus élevé au Québec.

Cette déclaration a donné naissance à la rumeur selon laquelle le gouvernement corrompu de Jean Charest avait vendu la poule aux œufs d’or pour une bouchée de pain à des pétrolières amies.

En réalité, de 2002 à 2007, Hydro-Québec cherchait du pétrole conventionnel (en creusant un trou pour voir si le pétrole en jaillissait) alors que Pétrolia effectuait des forages et des analyses de la pierre en vue de l’extraction des hydrocarbures par fracturation hydraulique.

Cette dernière méthode consiste à injecter de l’eau (incompressible) sous pression afin de briser le schiste et en libérer les hydrocarbures emprisonnés dans la pierre.

Afin d’en savoir davantage sur le potentiel énergétique d’Anticosti, le gouvernement péquiste de Mme Marois a décidé d’un investissement de 115 millions de dollars dans le capital-action de la pétrolière à la condition que cet argent serve exclusivement à la recherche d’énergie fossile.

Cet investissement spéculatif donnait l’assurance que si Anticosti était riche en hydrocarbures, les Québécois bénéficieraient de cette richesse puisque, en vertu du contrat négocié par l’ex-ministre Martine Ouellet, le peuple du Québec aurait recueilli 60% des bénéfices d’une éventuelle exploitation… si cela était rentable.

Jusqu’ici, une vingtaine de puits ont été creusés. Si chacun d’eux avait nécessité la ponction de dix millions de litres d’eau des rivières d’Anticosti, les 200 millions de litres d’eau auraient déjà fait baisser substantiellement le niveau de l’eau des rivières de l’ile. Tous ses habitants d’Anticosti en auraient eu connaissance.

C’est donc à dire que le ministre Arcand ment effrontément.

Les Libéraux dirigent le Québec de manière presque continue depuis 2003. La seule grande décision économique qu’a eue le temps de prendre l’éphémère gouvernement Marois, c’est d’ordonner la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-II — une économie de quatre milliards$ pour les contribuables — dont la réfection avait été décidée en catimini par les Libéraux.

Voilà donc une manie libérale qui frise la misogynie que d’accuser continuellement une femme qui a été à la tête de l’État pendant 18 mois d’être responsable de tous les problèmes actuels du Québec alors qu’ils relèvent trop souvent de l’incompétence du gouvernement Couillard.

Le 7 juin dernier, le ministre Arcand présentait le projet de loi 106 dont un article cède aux pétrolières le droit d’expropriation.

Dans les faits, cela accorde à ces compagnies un pouvoir d’extorsion (sous la menace de l’expropriation) leur permettant de faire main basse sur n’importe quelle terre du Québec. Quel magnifique cadeau à TransCanada dont le pipeline Énergie-Est doit traverser le Québec.

C’est évidemment un scandale. Deux jours plus tard, j’ai réclamé publiquement sur ce blogue la démission du ministre Arcand.

Cette nouvelle déclaration du ministre le confirme; ce n’est qu’un scélérat — c’est-à-dire un être perfide et malhonnête — qui déshonore la respectabilité de la fonction qu’il occupe.

Conséquemment, je le réitère; ce ministre qui a appris l’intégrité morale de son maitre, Jean Charest, doit être démis de ses fonctions.

Références :
Anticosti: Hydro-Québec aurait cédé un trésor
Anticosti — 30 millions de litres d’eau pour 3 forages
L’ABC du pétrole d’Anticosti
Le mystère d’Anticosti
Projet de loi 106 : le ministre Arcand doit démissionner

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Projet de loi 106 : le ministre Arcand doit démissionner

9 juin 2016

Le ministre libéral de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Arcand, a présenté le mardi 7 juin dernier le projet de loi 106 dont l’article 55 du chapitre III cède aux pétrolières le droit d’expropriation.

Normalement, l’expropriation crée une obligation d’abandonner à l’État la propriété d’un bien, moyennant une indemnité, quand l’intérêt public l’exige.

Au Québec et dans bien d’autres provinces canadiennes, les mines possèdent déjà depuis le XIXe siècle un tel pouvoir qu’elles utilisent pour ouvrir les terres vierges au peuplement et au développement économique. Plus précisément, il s’agit de terres situées dans le Grand-Nord du Québec et qui appartiennent à des spéculateurs qui les laissent en friche dans l’attente de la découverte d’un gisement minier.

Dans ce cas-ci, il s’agit plutôt de la vallée du Saint-Laurent où se concentrent la population et l’essentiel des entreprises manufacturières, de même que les terres agricoles les plus fertiles du Québec.

Concrètement, ce nouveau pouvoir accordé aux pétrolières signifie que si un citoyen refuse de vendre son terrain ou s’il demande un prix jugé excessif par la compagnie, celle-ci pourra s’en emparer de force et verser à l’ancien propriétaire le prix qui lui convient.

Le cultivateur qui a pris des années à obtenir une certification biologique sera obligé de permettre qu’un pipeline traverse ses terres même si cela signifie la perte de cette certification alors que la compagnie ne lui aura payé que le mince ruban de terrain par lequel le pipeline passe.

Il ne s’agit plus de soumettre les propriétaires de terrains à la volonté des pétrolières par le biais du pouvoir corrupteur de l’argent. Il s’agit d’anéantir toute résistance à leur volonté, même par ceux qui veulent leur tenir tête en raison de leurs convictions personnelles.

En somme, l’article 55 de cette loi, c’est une capitulation de l’État qui, au lieu de défendre le territoire national, l’offre à la convoitise irrépressible d’intérêts étrangers.

Comme une brebis dont on attache les pattes et qu’on soumet à la prédation d’une meute de loups.

À l’Assemblée nationale, le ministre Arcand a soutenu hier que ce pouvoir d’expropriation est un pouvoir de dernier recours. Il l’est dans les faits lorsque ce pouvoir est exercé par les pouvoirs publics puisque tout abus de leur part est sanctionné par l’électorat.

Dans le cas d’intérêts privés, il en est autrement puisque ces compagnies ne sont redevables qu’à leurs actionnaires. Ceux-ci demandent la maximisation du rendement de leur investissement. Or, contrairement à ce que dit le ministre, presque rien dans le projet de loi 106 ne précise les critères de l’utilisation de ce pouvoir et rien n’en précise les limites.

C’est un pouvoir absolu, accordé sans condition à des intérêts privés afin de leur permettre de faire main basse sur tout territoire convoité et d’obliger leurs propriétaires à le céder — sous la menace d’expropriation — au plus faible prix possible. En somme, il s’agit d’un pouvoir d’extorsion accordé légalement aux pétrolières.

De mémoire d’homme, je ne rappelle pas d’avoir connu un gouvernement aussi enclin à trahir effrontément les intérêts supérieurs de la Nation.

À mon avis, pour cette trahison de la nation québécoise, ce ministre est indigne de sa fonction. Conséquemment, il doit démissionner ou, à défaut, être démis de ses fonctions.

Références :
Le ministre Pierre Arcand défend le droit d’expropriation des pétrolières
Québec donne aux pétrolières le droit d’exproprier

Paru depuis :
Le projet de loi sur les hydrocarbures est adopté à Québec (2016-12-10)

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