Les conséquences géopolitiques des difficultés de production d’armement en Occident

Publié le 8 décembre 2023 | Temps de lecture : 8 minutes


 
En Ukraine

Quoi qu’ils en disent, les pays occidentaux sont cobelligérants dans la guerre en Ukraine.

Leur appui militaire s’est toutefois limité au renseignement satellitaire et, de manière générale, à la fourniture d’armement puisé dans leurs réserves.

En effet, le complexe militaro-industriel américain — le plus important au monde — a diminué sa production d’armement en 2022, confronté à trois problèmes :
• la difficulté de recruter de la main-d’œuvre qualifiée,
• les perturbations des chaines d’approvisionnement, et
• la flambée des couts.

Par contre, dans les mois qui ont suivi le déclenchement de la guerre en Ukraine, de nombreux pays d’Europe de l’Est se sont débarrassés de leur vieux matériel militaire russe datant de l’époque où ils étaient des républiques soviétiques.

Cela se justifiait par le fait que c’est le matériel avec lequel les soldats ukrainiens sont les plus familiers. Donc pour lequel ils n’ont pas besoin de formation.

Pour les pays donateurs, c’était aussi une manière de se défaire d’un matériel caduc dans la mesure où il ne répond pas aux normes d’interopérabilité exigées par l’Otan.

Sur les ondes de CNN, une experte américaine s’était réjouie qu’au prix d’aussi peu que cinq pour cent de leur budget militaire, les États-Unis pouvaient tester leur armement dans les conditions réelles d’une guerre et affaiblir l’armée russe par la même occasion sans risquer la vie d’un seul soldat américain.

Ce ‘cinq pour cent’ est trompeur. Le budget militaire américain comprend non seulement l’achat de matériel, mais également la solde des soldats, ce qui est nécessaire pour les nourrir, les habiller et les héberger, de même que les sommes vouées à l’entretien des 800 bases américaines réparties à travers le monde.

En réalité, Washington a donné à Kyiv environ le tiers de ses réserves d’armement si on exclut les sous-marins, les porte-avions, les chasseurs bombardiers et les ogives nucléaires.

Puisqu’un autre tiers fait partie de ses réserves stratégiques, Washington a commencé à freiner sa fourniture d’armement à l’Ukraine. De nos jours, pour diverses raisons (dont certaines liées à la politique partisane), les armes américaines sont livrées à l’Ukraine au compte-goutte.

Aux États-Unis, un nombre croissant d’experts militaires expriment (plus ou moins explicitement) l’avis selon lequel l’Ukraine a une obligation de réussite : elle reçoit gratuitement des armes en échange de quoi elle doit gagner la guerre contre la Russie.

En clair, le marché implicite entre les États-Unis et l’Ukraine est que celle-ci doit battre la Russie à défaut de quoi l’Ukraine cesse d’être digne d’intérêt.

Au Proche-Orient

Afin de permettre à Israël de mieux combattre ses ennemis, les États-Unis entreposaient une grande quantité de matériel militaire dans ce pays, prêt à lui être livré en cas de besoin.

Au début de la guerre en Ukraine, Washington croyait avoir trouvé une bonne idée; au lieu d’acheminer du matériel militaire à partir des États-Unis, on approvisionnerait secrètement l’Ukraine à partir des réserves américaines en Israël, 4,7 fois plus proches.

Mais le réveil des hostilités israélo-palestiniennes a pris de court Washington, incapable d’alimenter militairement son allié le plus fidèle au Proche-Orient, les réserves américaines étant à leur plus bas.

Conséquemment, le secrétaire d’État américain (l’équivalent d’un ministre des Affaires étrangères) effectue depuis trois mois des dizaines de déplacements entre les capitales des pays du Proche et du Moyen-Orient afin d’éviter un embrasement général dans cette partie du monde.

En Chine

Le conflit entre le Hamas et Israël force les États-Unis à rétropédaler au sujet de la Chine.

Parce qu’en politique internationale, tout se tient. Donc, ce qui se passe en Europe de l’Est et au Proche-Orient influence la politique américaine à l’autre bout du monde.

Depuis longtemps, les États-Unis savent que la Chine est la plus importante menace à leur hégémonie. Depuis Trump, on l’admet officiellement.

Dans le but de ralentir l’émergence de la Chine à titre de première puissance mondiale, les États-Unis lui ont imposé des tarifs douaniers et ont déclenché un embargo technologique contre elle, en se basant sur le préjugé largement répandu selon lequel la croissance économique chinoise repose sur la piraterie des brevets occidentaux.

Le 2 mars dernier, l’Institut australien de politique stratégique publiait une étude qui concluait que la recherche chinoise était en avance dans 37 des 44 technologies de pointe étudiées.

L’un des sept secteurs où la Chine est en retard est celui des semi-conducteurs. C’est à Taïwan que sont fabriquées les puces les plus avancées au monde.

En raison de leur importance industrielle, toute menace à l’approvisionnement américain en semi-conducteurs taïwanais devient une menace aux intérêts géostratégiques des États-Unis.

Pour atteindre leur autosuffisance avant qu’éclate un conflit armé à Taïwan, ceux-ci ont décidé d’offrir de généreuses mesures incitatives aux fabricants taïwanais pour qu’ils bâtissent des usines en sol américain.

Mais leur implantation se fait péniblement.

En juillet 2023, TSMC — le leadeur mondial des semi-conducteurs — annonçait le report de l’ouverture de son usine de 40 milliards$US en Arizona.

Même si l’usine proprement dite a été érigée en un temps record, la compagnie rencontre des difficultés imprévues à recruter la main-d’œuvre qualifiée dont elle a besoin pour la faire fonctionner.

Si les sanctions économiques, de même que le blocus technologique américain, peuvent ralentir l’émergence de la Chine, ils ne suffisent pas à l’empêcher.

Ce qui pourrait y faire obstacle, c’est une guerre ruineuse entre la Chine continentale et l’ile de Taïwan.

Depuis des années, Beijing ne cesse de répéter que toute déclaration unilatérale d’indépendance de Taïwan serait un casus belli, c’est-à-dire un motif justifiant la guerre.

Donc le ‘truc’ pour amener la Chine à guerroyer est de susciter une telle déclaration. À cette fin, les États-Unis s’emploient depuis des années à manipuler l’opinion publique taïwanaise.

Mais voilà qu’éclatent les hostilités au Proche-Orient, s’ajoutant à celles entre l’Ukraine et la Russie.

Coincés d’un côté par la lenteur à assurer leur autosuffisance en matière de semi-conducteurs et d’un autre côté, par l’impossibilité de faire face simultanément à un autre conflit militaire, les États-Unis doivent impérativement mettre en pause leurs efforts en vue d’une guerre sino-taïwanaise.

D’où ce ballet diplomatique des grands fonctionnaires de l’administration Biden qui se rendent en Chine pour la première fois depuis cinq ans afin de faire patte blanche et de proclamer l’importance soudainement retrouvée à leurs yeux des bonnes relations économiques avec ce pays.

Au Proche et au Moyen-Orient

Depuis des années, Washington sème la discorde entre les pays arabes en plus de guerroyer dans ceux d’entre eux qui sont des pays producteurs de pétrole (sauf l’Arabie saoudite).

Un des objectifs de la diplomatie américaine était d’amener individuellement ces pays divisés à s’entendre avec Israël en vertu d’ententes bilatérales facilitées par le pouvoir de persuasion du dollar américain.

Or, contrairement à leurs dirigeants, la population des pays musulmans — qu’ils soit à majorité sunnite ou chiite — n’a jamais cessé d’être solidaire du peuple palestinien.

Dans un contexte où, dans tous les pays arabes ou musulmans, la rue crie actuellement sa colère face à ce qu’elle voit quotidiennement aux actualités, les dirigeants de ces pays réalisent qu’Israël est devenu — pour l’instant — infréquentable. Du coup, les accords de coopération prévus sont remis à plus tard.

Références :
Blinken holds high-stakes talks in China amid rising tensions between world’s two superpowers
China leading US in technology race in all but a few fields, thinktank finds
In Ukraine, U.S. tax dollars are funding more than just military aid
L’augmentation du chiffre d’affaires issu des ventes d’armes du Top 100 du SIPRI impactée par des défis de production et des carnets de commandes remplis
L’engrenage ukrainien
L’invasion de Taïwan par la Chine continentale
Pendant ce temps en Chine : les semi-conducteurs
Pentagon Sends U.S. Arms Stored in Israel to Ukraine
Poland to deliver fighter jets to Ukraine in major escalation of military backing
The world is big enough for US and China, Yellen says as she concludes Beijing trip
TSMC: Chip giant delays Arizona production in blow to Biden
Xi and Biden cool the heat, but China and the US are still on collision course

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les difficultés de l’approvisionnement militaire en 2022

Publié le 7 décembre 2023 | Temps de lecture : 7 minutes


 
Introduction

Le 4 décembre dernier, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) publiait son plus récent rapport annuel sur le marché de l’armement, soit celui pour l’année 2022.

Cette année-là, les cent plus grands fabricants ont vendu en matériel militaire pour 597 milliards$US, soit 3,5 % de moins qu’en 2021.

Une quantité colossale d’armement a été utilisée dans le cadre de la guerre à haute intensité menée par la Russie en Ukraine. Or ce qui a été en forte demande, ce sont des systèmes de défense aérienne, des munitions, des blindés, des lance-missiles et des drones.

Parmi les 21 compagnies aptes à fournir ce genre de matériel, les deux tiers ont connu une augmentation de leurs ventes. Les sept autres auraient connu le même sort, n’eût été leurs problèmes de production.

Aux États-Unis

De ces cent plus grands fabricants, 42 sont américains. Ils représentent 51 % de tout l’armement vendu à travers le monde. La baisse de leurs chiffres d’affaires a été en moyenne de 7,9 %.

En effet, malgré l’afflux des commandes, le complexe militaro-industriel américain s’est avéré incapable de maintenir sa production. Et ce, pour trois raisons :
• la difficulté de recruter de la main-d’œuvre qualifiée,
• les perturbations des chaines d’approvisionnement, et
• la flambée des couts.

À titre d’exemple, les ventes militaires de Boeing (quatrième producteur mondial) ont chuté de 19 % en 2022.

On s’attend à un rebond des ventes au cours des prochaines années, au fur et à mesure que les entreprises américaines surmonteront leurs difficultés.

De manière générale, les États-Unis se spécialisent dans la production minutieuse d’armement haut de gamme vendu en vertu de contrats s’étendant sur plusieurs années.

Ce qui fait que l’armement américain fabriqué en 2022 visait à satisfaire les commandes reçues bien avant le début de la guerre en Ukraine. Celle-ci a surtout profité aux pays plus prompts que le complexe militaro-industriel américain.

Dans le Sud global

Les 22 fabricants non occidentaux — d’Asie, d’Océanie et du Proche-Orient, à l’exclusion donc de la Russie — ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 3,1 % pour atteindre 134 milliards$US, démontrant ainsi leur capacité à répondre à une demande accrue dans des délais plus courts.

Pour la deuxième année consécutive, ils ont réalisé des ventes supérieures à celles de leurs concurrents européens.

La réactivité plus grande des fabricants asiatiques s’explique, entre autres, par le recours à des fournisseurs locaux ou régionaux, alors que les fabricants occidentaux conçoivent et assemblent leurs armes à partir d’une multitude de fournisseurs répartis à travers le monde. Ce qui les rend plus sujets aux bris d’approvisionnement.

Deuxième fabricant mondial d’armements, la Chine possède huit entreprises au classement SIPRI. Elles ont connu une augmentation de leurs ventes de 2,7 % (pour atteindre 108 milliards$US).

C’est au Proche-Orient (où se trouvent 7 des entreprises du palmarès) que la croissance des ventes a été la plus forte, soit 11 % (pour atteindre 17,9 milliards$US).

Les quatre entreprises turques ont enregistré une augmentation de leurs ventes de 22 % (pour atteindre 5,5 milliards$US). Le producteur turc des drones bon marché Bayraktar (qui ont fait fureur en Ukraine) est entré dans le palmarès SIPRI en raison de l’augmentation de 94 % de son chiffre d’affaires.

La croissance des ventes israéliennes (trois fabricants au Top 100) a été de 6,5 % pour atteindre 12,4 milliards$US.

Pour terminer, les ventes indiennes se sont accrues de 7,4 % (à 6,4 milliards$US).

En Europe

Les 26 entreprises européennes qui font partie de ce classement ont vu leurs ventes augmenter de seulement 0,9 %, pour atteindre 121 milliards$US.

Les sept compagnies britanniques qui apparaissent dans le palmarès de SIPRI ont été plus chanceuses, avec une croissance des ventes de 2,6 % (à 41,8 milliards$US).

Les ventes d’armement ont essentiellement augmenté en provenance des pays qui produisent ce qui était nécessaire à la guerre d’usure à haute intensité menée en Ukraine, soit l’Allemagne, la Norvège et la Pologne.

Depuis des années, la Pologne se dote d’un complexe militaro-industriel efficace et moderne. À cette fin, elle y investit des sommes colossales, soit annuellement près de quatre pour cent de son PIB.

Ce pari sur la guerre s’est avéré payant puisqu’en 2022, la société d’État PGZ (Polska Grupa Zbrojeniowa) — qui regroupe toutes les usines d’armement du pays — a augmenté son chiffre d’affaires de 14 %.

Cédant aux pressions américaines, l’Allemagne s’est brutalement sevrée du gaz fossile russe en 2021. Du coup, ce pays a envisagé de limiter l’approvisionnement énergétique de son industrie lourde pour l’hiver suivant (celui de 2022-2023). Une crainte qui s’est avérée superflue en raison d’une saison froide anormalement douce.

Dans l’insécurité quant à leur approvisionnement, les industriels allemands ont hésité à augmenter leur production. C’est pourquoi leurs ventes n’ont augmenté que de 1,1 % en 2022.

La délocalisation de la production industrielle

En économie, on distingue trois secteurs.

Le secteur primaire est celui qui est lié à l’exploitation des ressources naturelles : agriculture, forêt, pêche, mines et gisements. Le secteur secondaire est lié à la transformation industrielle de la production du secteur primaire. Le secteur tertiaire est celui des services : banques, finance, assurances, services juridiques, etc.

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis possédaient la moitié de la puissance industrielle mondiale. Entre autres, parce que l’Europe venait de se faire harakiri.

Au cours des décennies suivantes, les pays occidentaux ont privilégié la croissance de leur secteur tertiaire.

À l’époque, beaucoup d’intellectuels faisaient un rapprochement entre la Révolution industrielle et celle qu’ils anticipaient pour demain.

La première a provoqué l’émergence des pays industrialisés aux dépens des pays agricoles. Et dans le futur, croyait-on, les pays riches seront ceux qui auront développé leur secteur tertiaire parce que c’est celui à la plus forte valeur ajoutée.

D’où l’idée de délocaliser vers les pays pauvres (mis en concurrence les uns contre les autres) la production de biens concrets en raison des marges bénéficiaires limitées qu’ils génèrent.

Ce qui, en temps de guerre, pose un problème majeur. En effet, c’est le secteur secondaire (celui de la production industrielle) qui fournit l’essentiel de l’effort de guerre.

Il est beaucoup plus facile de transformer une chaine de montage automobile en chaine de montage d’obus que vouloir faire la même chose avec un cabinet d’avocats.

En d’autres mots, l’hypertrophie du secteur tertiaire dans les pays occidentaux nuit à leur aptitude à transformer rapidement leur économie en une économie de guerre.

C’est ce que démontre l’étude de SIPRI.

Ceci entraine d’importances conséquences géostratégiques, comme nous verrons dans le second texte de cette série.

Référence : L’augmentation du chiffre d’affaires issu des ventes d’armes du Top 100 du SIPRI impactée par des défis de production et des carnets de commandes remplis

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Feuilles gelées

Publié le 6 décembre 2023 | Temps de lecture : 1 minute
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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’inflation en Europe

Publié le 5 décembre 2023 | Temps de lecture : 1 minute


 
Référence : La Suisse et l’Islande ont les salaires les plus élevés de l’UE et de l’EEE

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les salaires en Europe

Publié le 4 décembre 2023 | Temps de lecture : 2 minutes
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Si on exclut le Liechtenstein, les cinq pays européens qui, en 2022, versaient les meilleurs salaires étaient la Suisse, l’Islande, le Luxembourg, la Norvège et la Belgique. Notons que le salaire net est la rémunération totale moins l’impôt et les cotisations syndicales.

Les secteurs les plus rémunérateurs sont les services bancaires et financiers, ainsi que l’énergie, les mines et les technologies de l’information.

Dans ce palmarès des pays aux meilleurs salaires nets, la Suisse et le Luxembourg sont avantagés par la vigueur de leur secteur financier, aux salaires attrayants. De plus, les charges fiscales y étant moindres, cela hausse le salaire net par rapport au salaire brut.

La Belgique profite de la présence à Bruxelles d’une fonction publique européenne très bien rémunérée. En Norvège, la répartition de la richesse fait en sorte que les revenus gaziers et pétroliers du pays profitent à tous ses citoyens.

En Islande, 90 % des travailleurs sont syndiqués. Les salaires y sont protégés de l’inflation par leurs conventions collectives.

Dans l’ensemble de l’Europe, le cout horaire moyen de la main-d’œuvre était de 30,5 euros (44,75$ canadiens). Un couple avec deux enfants gagnait en moyenne 55 573 euros (ou 81 500$) par année.

À travail égal, les femmes gagnaient 12,7 % de moins que les hommes en 2021, un écart qui s’est très légèrement creusé à 13,0 % en 2023. C’est en Estonie, un pays dirigé par une femme depuis 2021, que cet écart est le plus important (à 20,5 %).

Avant la guerre en Ukraine, c’est ce dernier, de même que la Moldavie, qui constituaient les deux pays les plus pauvres d’Europe. Si on les exclut, les cinq pays où les salaires annuels sont actuellement les plus bas sont la Bulgarie (12 923 €), la Roumanie (14 500 €), la Croatie (17 842 €), la Pologne (18 114 €) et la Hongrie (18 274 €).

Référence : La Suisse et l’Islande ont les salaires les plus élevés de l’UE et de l’EEE

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Dehors, les ‘puants’ !

Publié le 29 novembre 2023 | Temps de lecture : 4 minutes
Bibliothèque Maisonneuve

Introduction

Dès l’an prochain, les usagers des quarante-cinq bibliothèques publiques de Montréal pourront en être expulsés et mis à l’amende si d’autres usagers sont incommodés par l’odeur qu’ils dégagent.

Le texte définitif du règlement municipal est à venir. Mais essentiellement, c’est ce qu’il dira.

L’amende

Déjà le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal trouve choquant ce projet de règlement. Selon cet organisme, ce règlement stigmatiserait des êtres vulnérables.

Nous y reviendrons.

D’autre part, cet organisme plaide que l’imposition d’amendes élevées (de 350$ à 1 000$ par offense) est contreproductive. Pour un sans-abri, que l’amende soit de cinquante dollars ou de cinq-millions, c’est pareil; c’est une somme qu’il est incapable de payer.

Lorsque la ville voudra engager des poursuites pour non-paiement de ces contraventions, elle devra recourir à des procureurs rémunérés au tarif horaire de 500$ à 1 000$ et à un juge municipal payé un quart de million$ par année.

Si le tribunal ordonne la confiscation de ses biens, cette saisie ne couvrira pas, dans l’immense majorité des cas, les sommes dues. Donc il faudra les condamner à la prison.

Or par année, l’emprisonnement dans une prison à sécurité minimale coute environ 81 820$, soit 225$ par jour.

Il serait préférable que les préposés d’une bibliothèque vérifient la disponibilité de places dans les refuges pour itinérants et paient un taxi pour amener le sans-abri aux portes d’un refuge éloigné, où il aura le choix d’y entrer ou de poursuivre sa vie à l’extérieur (si c’est son désir).

La discrimination

Un règlement qui ne vise rien est un règlement qui ne vaut rien. La discrimination est ce qui permet de distinguer le contrevenant et de le punir sélectivement. Donc, par nature, toute loi ou tout règlement est discriminatoire.

La personne puante peut être un sans-abri, un fumeur qui se présente avec un cigare qu’il vient d’éteindre ou toute personne qui empeste le parfum.

Ce qu’oublient les organismes de défense des sans-abris, c’est que la puanteur est une agression pour les autres. En effet, tout comme la personne qui crie, la personne qui pue agresse les autres. Le premier par l’ouïe, le second par l’odorat.

La grande majorité d’une population normale aura de la difficulté à se concentrer et à lire un document quand son voisin empeste.

Cette sensibilité s’explique, entre autres, par le fait que les cellules sensitives du nez sont les seules qui connectent directement le cerveau à l’extérieur du corps, ou plus précisément aux récepteurs de l’odorat situé à la surface de la muqueuse nasale. Toutes les autres cellules nerveuses du corps font synapse avec d’autres cellules nerveuses avant d’arriver au cerveau.

Conclusion

Si on veut plus d’endroits pour abriter les sans-abris — on en compte actuellement dix-mille au Québec, dont trois-mille femmes — il faut construire plus de refuges pour les accueillir et non transformer les bibliothèques en refuges pour itinérants.

Si nos bibliothèques veulent être ‘inclusives’, elles doivent l’être d’abord et avant tout à l’égard de ceux qui viennent pour y lire en toute quiétude. Parce que c’est ça, la vocation essentielle d’une bibliothèque.

En rédigeant la version définitive de son règlement, la ville de Montréal devra garder à l’esprit qu’il est possible, dans un avenir moyennement rapproché, que toutes les bibliothèques publiques — comme tous les espaces disponibles — soient réquisitionnées par l’État pour accueillir les sans-abris que seront devenus des dizaines de milliers de travailleurs à faible revenu jetés à la rue en raison de l’aggravation de la crise du logement.

La manière avec laquelle on traite nos sans-abris aujourd’hui pourrait être celle avec laquelle on traitera demain des milliers d’entre nous…

Références :
Bibliothèques publiques de Montréal : Vous puez ? Vous sortez !
Coûts de la criminalité et des interventions du système de justice pénale

Paru depuis : Les itinérants ne sont pas des lépreux (2023-12-01)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Un automne exceptionnel

Publié le 28 novembre 2023 | Temps de lecture : 2 minutes
Aperçu de l’avenue Jeanne-d’Arc en octobre 2023

Le mercredi 4 octobre, la température a atteint 29,3°C à Montréal. Il s’agissait d’un record de chaleur pour une journée d’octobre.

À la ville de Québec, ce mois-là fut le plus chaud à ce jour avec une température maximale moyenne 10,5°C.

Le reste du mois, de même qu’une bonne partie de novembre, furent anormalement doux.

Le 28 octobre, à l’annonce d’un gel imminent, j’ai fait ma dernière récolte de tomates et détruit tous mes plants. C’est un mois plus tard qu’à mon habitude.

Il est vrai qu’antérieurement, vers la fin d’aout, mes plants de tomate se couvraient de mildiou en raison de mon refus d’utiliser des pesticides. Cette infection fongique empêchait la photosynthèse des feuilles et, du coup, le murissement des fruits.

Cette année, le mildiou est apparu en septembre. Mais il fut totalement maitrisé par la vaporisation d’un mélange de bicarbonate et de lait sur les feuilles atteintes.

Ce qui fait que mes fruits ont continué à accumuler du sucre jusqu’à leur récolte.

Sur ma rue, les années antérieures, lorsque je voyais au début de septembre les premiers arbres revêtir leur feuillage d’automne alors qu’il n’avait pas cessé de faire chaud, j’en imputais la cause à l’angle des rayons solaires.

J’avais lu quelque part que dès que le soleil est trop incliné par rapport à la surface terrestre, cela constitue un signal pour les feuillus que la saison froide approche.

Pourtant, cette année, certains feuillus se sont départis lentement de leur parure d’été sans passer par leurs couleurs automnales habituelles.

Alors je ne sais plus…

Référence : Le mois d’octobre le plus chaud à Québec

Paru depuis : L’automne 2023 est « le plus chaud » enregistré en France depuis 1900, selon Météo-France (2023-11-30)

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 infrarouge à spectre complet, objectif M.Zuiko 12-40mm F/2,8 + filtre bleu FS KB20 + filtre FS VertX1a + filtre Lee No 354 (Special Steel Blue) — 1/500 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 17 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La bonne fée des pauvres

Publié le 27 novembre 2023 | Temps de lecture : 9 minutes
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Introduction

Après l’avoir nié pendant des mois, le gouvernement de la CAQ a finalement été rattrapé par la crise du logement.

Une crise semblable sévit dans beaucoup de pays occidentaux. Et ce, pour les mêmes raisons qu’au Québec.

Depuis la pandémie au Covid-19, cette crise s’est accentuée chez nous de manière exponentielle en raison de l’effet combiné des mesures insuffisantes de la CAQ et d’une immigration massive qui va bien au-delà de la capacité d’accueil du Québec… et du reste du pays.

L’ampleur de la crise

Le déséquilibre actuel entre l’offre et la demande provoque la plus forte augmentation de loyer à Montréal depuis vingt ans.

Près de 116 000 logements abordables (c’est-à-dire à moins de 750 $ par mois) ont disparu en seulement cinq ans au Québec, dont 90 000 à Montréal.

Si bien que l’Office municipal des habitations à loyer modique évalue à environ 24 000 le nombre de ménages en attente d’une place dans ses habitations. L’attente se compte… en années.

Malheureusement, beaucoup de villes préfèrent laisser à l’abandon leurs HLM plutôt que de les rénover. À Montréal, 34 % des HLM sont en mauvais état et 41 % sont en très mauvais état, pour un total de 75 %.

De plus, au sein du parc immobilier à Montréal, on trouve environ 156 000 logements privés qui ne respectent pas les règles de salubrité de la ville. Il est probable que les pires d’entre eux sont inhabités.

À cela s’ajoute l’effet sur l’offre de locations à court terme (de type AirBnB) qui permettent de rentabiliser des pieds à terre où les propriétaires ne vont presque jamais.

Et s’ajoutent enfin ces logements loués à des étudiants étrangers (souvent à plusieurs), ce qui les rend indisponibles aux familles québécoises.

La solution caquiste

En septembre dernier, le gouvernement de la CAQ a déposé le projet de loi 31, un court document législatif modifiant d’autres lois.

La controverse qu’il a créée vient du fait qu’il restreint le pouvoir du locataire de céder son bail afin de permettre — généralement à un parent ou à un ami — d’occuper les lieux (en y payant le loyer évidemment) jusqu’à l’échéance de ce bail.

Pour la ministre Duranceau, la cession de bail est une violation du droit à la propriété. À son avis…

Cette histoire-là de cession de bail ou de magasinage de baux entre locataires, bien c’est une entrave au droit de propriété des propriétaires.

Lorsqu’on loue un objet ou un lieu, ce n’est pas une vente; la propriété de ce qui est loué est inchangée. Toutefois, durant toute la durée de la location, le locataire est libre d’en faire tout usage raisonnable, en assumant la responsabilité de dommages, le cas échéant.

La cession de bail agace les propriétaires qui se retrouvent parfois avec un nouveau locataire qu’ils n’auraient pas choisi.

Cet inconvénient est réel. Mais on ne peut y pallier qu’en modifiant l’équilibre délicat entre les droits des propriétaires et les pouvoirs des locataires.

En effet, ces derniers sont totalement dépendants des lois et des règlements qui les protègent puisque dans nos pays, le droit de propriété est sacré, alors que le ‘droit’ au logement n’existe pas.

Le ‘droit’ au logement


 
Dans les pays occidentaux, les droits de la Personne sont généralement des droits politiques (le droit s’association et le droit d’expression, par exemple) alors que dans les pays communistes, les droits de la Personne sont des droits concrets, dont le droit à l’hébergement.

Après la Révolution cubaine, quand les paysans ont migré massivement vers les villes en fuyant la misère qui régnait dans les campagnes, l’État cubain a subdivisé en ville tous les logements qui pouvaient l’être. Et il les a subdivisés encore plus lorsque cela s’est avéré insuffisant. Jusqu’à ce que tout le monde finisse par être logé.

En comparaison, dans un pays comme les États-Unis, celui qui est trop pauvre pour louer une chambrette ou qui n’arrive pas à en trouver, n’a droit à rien. Qu’il crève.

Au Canada, sous la pression de l’opinion publique, des administrations municipales peuvent aider quelques centaines de familles mises à la rue. Mais dès que la pression journalistique s’estompe, on fait savoir aux bénéficiaires qu’ils doivent se débrouiller tout seuls.

Poursuivez votre ville, l’État québécois ou le gouvernement fédéral parce que vous n’arrivez pas à trouver un logement et les tribunaux vous diront en long ce que la ministre Duranceau a élégamment résumé en une seule phrase :

Les pauvres qui n’arrivent plus à se loger n’ont qu’à investir dans l’immobilier…

En définitive, le ‘droit’ au logement n’existe pas. Pas plus que le ‘droit’ de céder son bail.

Dans le cas de la cession de bail, ce qui existe, c’est le pouvoir du locataire de céder son bail. Un pouvoir qui repose uniquement sur une loi modifiable… et que justement, la ministre veut modifier.

La cession de bail

Dans sa réponse à la députée Manon Massé, la ministre de l’Habitation déclare que son projet de loi n’interdit pas la cession de bail. C’est exact.

Son projet de loi ne fait qu’assujettir ce pouvoir des locataires au véto du propriétaire. Ce qui n’était pas le cas précédemment.

Une fois ce projet de loi adopté, on devrait rencontrer les trois situations suivantes :
• le propriétaire n’oppose pas son nouveau droit de véto et le locataire peut céder son bail,
• le propriétaire oppose son droit de véto (pour des motifs ‘sérieux’, précise la ministre) et le locataire doit continuer, contre son gré, à payer le loyer,
• le propriétaire accepte l’annulation prématurée du bail et libère son locataire de ses obligations.

Qui jugera du caractère sérieux des motifs invoqués par le propriétaire pour opposer son véto ? Réponse : les tribunaux.

Établi depuis des décennies, le pouvoir des locataires de céder leur bail est incontestable. Il a subi il y a longtemps le test des tribunaux et triomphé de toutes les contestations juridiques. Du coup, plus aucun propriétaire n’ose le contester; c’est peine perdue.

Dès que projet de loi sera adopté, si les raisons invoquées par le propriétaire lui semblent futiles, le locataire devra porter plainte auprès du Tribunal administratif du logement et attendre des mois pour l’audition de sa cause. Et c’est sans compter ses frais d’avocat s’il désire y être représenté par un professionnel.

En mars 2022, le délai médian pour une première audience était de 3,9 mois pour les causes ordinaires et de 1,3 mois pour les causes les plus urgentes. Et c’est sans compter sur le temps à obtenir le jugement.

Alors que les tribunaux canadiens sont débordés, cette judiciarisation est inappropriée.

La ministre Duranceau termine sa réponse en exhortant les partis d’opposition à adopter le projet de loi 31 avant Noël afin d’éviter les évictions après le temps des Fêtes.

Entre Noël et la fin du temps des Fêtes

La ministre compte apparemment sur l’adoption du projet de loi 31 avant Noël pour atténuer la crise du logement deux semaines plus tard.

Comment y parvenir ? Puisque la cause profonde de cette crise est une insuffisance de l’offre, il n’y a qu’un moyen : en construisant des dizaines de milliers d’unités locatives en 14 jours.

En septembre 2023, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) estimait qu’il faudrait construire 3,5 millions de logements supplémentaires au Canada d’ici 2030 pour retrouver un niveau d’abordabilité raisonnable. C’est un demi-million d’unités locatives par année au Canada.

Pour le Québec, cela représente environ 800 000 logements abordables à construire d’ici 2030. Et d’ici là, 115 000 par année.

Au cours de la dernière campagne électorale, la CAQ a promis de consacrer 1,8 milliard$ sur quatre ans à la construction de 7 200 logements sociaux. C’est 1 800 unités par année, loin des 115 000 unités nécessaires au Québec selon la SCHL.

Tout cela serait inquiétant sans la présence rassurante de la ministre de l’Habitation; comme une fée, France-Élaine Duranceau fait apparaitre l’enchantement.

Aux pauvres sans espoir de se loger, zling ! — c’est le bruit familier que font les baguettes magiques — et soudainement, la ministre leur ouvre toutes grandes les portes de l’investissement immobilier. Un choix incalculable de maisons, de villas luxueuses et même de gratte-ciels s’offrent à leurs yeux émerveillés. Grâce à la ministre.

Aux propriétaires opposés à ce que leurs locataires cèdent leurs baux sans leur permission, zling ! : par magie, ce pouvoir disparait. Et tous ces propriétaire anxieux peuvent dorénavant dormir en paix. Grâce à la ministre.

Bref, la ministre Duranceau possède l’art précieux de rendre tout le monde heureux.

Références :
Délais réduits au Tribunal administratif du logement
Hausses de loyers abusives: plus de 100 000 logements abordables disparus au Québec en cinq ans
La CAQ dépose enfin son projet de loi sur le logement
La CAQ promet 1,8 milliard de dollars en logements sociaux
Le logement social à Montréal : les promesses en l’air
Le logement social à Vienne
Le Québec, Dollarama des études postsecondaires ?
Les trois quarts des HLM en mauvais état à Montréal
Montréal incite les promoteurs à faire plus de logements sociaux et abordables
Plus forte augmentation de loyer en 20 ans à Montréal
Projet de loi 31
Un condo à 568 000$ jugé «abordable» par l’administration Plante

Parus depuis :
Aucune région du Québec n’y échappe: les évictions forcées ont explosé de 132% en un an (2023-10-12)
Le tiers des inspections prévues dans les HLM ont été menées, dit la VG de Montréal (2024-06-17)
L’état des HLM s’améliore tranquillement (2025-07-01)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Principaux pays d’où proviennent les étudiants internationaux à l’université McGill

Publié le 24 novembre 2023 | Temps de lecture : 1 minute


 
L’université McGill accueille cette année 11 987 étudiants internationaux. Ceux-ci proviennent de plus de 150 pays.

Ici sont présentés les pays dont au moins cinquante ressortissants y étudient.

• Chine : 2 756 (dont 62 de Taïwan et 55 de Hong Kong)
• États-Unis : 2 184
• France : 2 096
• Inde : 782
• Iran : 442
• Arabie Saoudite : 233
• Grande-Bretagne : 233
• Mexique : 202
• Corée du Sud : 170
• Bangladesh : 163
• Turquie : 162
• Brésil : 111
• Koweït : 111
• Liban : 104
• Belgique : 102
• Pakistan : 100
• Allemagne : 97
• Égypte : 80
• Colombie : 78
• Maroc : 77
• Italie : 73
• Nigéria : 73
• Japon : 72
• Espagne : 65
• Australie : 64
• Vietnam : 61
• Israël : 60
• Émirats arabes unis : 57
• Ghana : 56
• Singapour : 51

Référence : McGill International Students by Citizenship 2023-2024

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’appel au génocide et le Code criminel canadien

Publié le 22 novembre 2023 | Temps de lecture : 4 minutes

Introduction

Au Québec, le Code civil (d’inspiration française) est de compétence constitutionnelle québécoise tandis que le Code criminel est de compétence constitutionnelle fédérale.

Le 28 octobre dernier, s’adressant du haut de l’esplanade de la Place des Arts à des milliers de manifestants réunis à ses pieds sur la rue Saint-Urbain, l’imam Adil Charkaoui a prononcé en arabe une prière en appelant à l’extermination totale des Sionistes et des ennemis de Gaza.

Qui est Charkaoui ?

Immigré au Canada en 1995, Adil Charkaoui n’a reçu la citoyenneté canadienne qu’en 2014 en raison de l’opposition des services de renseignement canadien qui le soupçonnaient d’être un agent dormant d’Al-Qaida.

Arrêté en mai 2003 en vertu d’un certificat de sécurité — à l’époque du gouvernement libéral de Jean Chrétien — il sera libéré 21 mois plus tard sous certaines conditions.

Très tôt après son arrivée au Canada, l’enseignant Adil Charkaoui s’est dit imam. Ce qu’il est véritablement.

Chez les Musulmans sunnites, n’importe qui peut devenir imam puisque celui-ci est simplement la personne qui dirige la prière. Et tout endroit (même la rue) où des Musulmans se réunissent pour prier sous sa direction devient une mosquée.

Excédé par la lenteur du fédéral à lui accorder la citoyenneté canadienne, il s’adressera aux tribunaux. Paniqué à l’idée de révéler la preuve contre lui, le gouvernement conservateur de Stephen Harper préfèrera le naturaliser.

Brièvement, le Collège Maisonneuve lui a loué un local inoccupé afin de lui permettre d’enseigner sa doctrine religieuse. Il est établi que son matériel pédagogique contenait des hyperliens vers des sites djihadistes. Deux de ses étudiants sont partis faire le djihad en Syrie.

Le Code criminel et la haine ethnique

À la suite de son appel au génocide, le Service de police de Montréal a ouvert une enquête criminelle qui a été transférée aujourd’hui à la GRC (Gendarmerie royale du Canada).

Si cette enquête devait aboutir à des accusations criminelles, il est douteux qu’Adil Charkaoui soit reconnu coupable. Pourquoi ?

Le deuxième paragraphe de l’article 319 du Code criminel prescrit :

Quiconque, par la communication de déclarations autrement que dans une conversation privée, fomente volontairement la haine contre un groupe identifiable est coupable […] d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans…

C’est clair.

Malheureusement, le troisième alinéa du même article s’empresse de nuancer :

Nul ne peut être déclaré coupable d’une infraction prévue au paragraphe 2 dans les cas suivants :
[…]
il a, de bonne foi, exprimé une opinion sur un sujet religieux ou une opinion fondée sur un texte religieux auquel il croit, ou a tenté d’en établir le bien-fondé par argument […]

En somme, si la doctrine de l’imam Charkaoui préconise l’extermination des ‘Sionistes et des ennemis de Gaza’, poursuivre cet imam est de la persécution religieuse.

Voilà pourquoi jamais un prêtre, un pasteur, un rabbin, un imam ou un gourou n’a été condamné au Canada pour des prédications incendiaires.

Conclusion

Grâce à la bienveillance du gouvernement fédéral, l’imam Charkaoui a obtenu la citoyenneté canadienne; il a prêté allégeance à la couronne britannique et s’est engagé à respecter les lois canadiennes (dont les articles qui autorisent la haine religieuse).

Du coup, il est libre de prêcher sa doctrine. Et il en sera ainsi tant que le Québec n’accèdera pas à son indépendance, à la suite de laquelle la République québécoise adoptera son propre Code criminel basé sur la laïcité.

Références :
Adil Charkaoui
Le certificat de sécurité émis contre Charkaoui révoqué
L’enquête sur le discours d’Adil Charkaoui transférée à la GRC

Paru depuis : Adil Charkaoui ne sera pas poursuivi pour incitation à la haine (2024-05-16)

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Écrit par Jean-Pierre Martel