L’appel au génocide et le Code criminel canadien

22 novembre 2023

Introduction

Au Québec, le Code civil (d’inspiration française) est de compétence constitutionnelle québécoise tandis que le Code criminel est de compétence constitutionnelle fédérale.

Le 28 octobre dernier, s’adressant du haut de l’esplanade de la Place des Arts à des milliers de manifestants réunis à ses pieds sur la rue Saint-Urbain, l’imam Adil Charkaoui a prononcé en arabe une prière en appelant à l’extermination totale des Sionistes et des ennemis de Gaza.

Qui est Charkaoui ?

Immigré au Canada en 1995, Adil Charkaoui n’a reçu la citoyenneté canadienne qu’en 2014 en raison de l’opposition des services de renseignement canadien qui le soupçonnaient d’être un agent dormant d’Al-Qaida.

Arrêté en mai 2003 en vertu d’un certificat de sécurité — à l’époque du gouvernement libéral de Jean Chrétien — il sera libéré 21 mois plus tard sous certaines conditions.

Très tôt après son arrivée au Canada, l’enseignant Adil Charkaoui s’est dit imam. Ce qu’il est véritablement.

Chez les Musulmans sunnites, n’importe qui peut devenir imam puisque celui-ci est simplement la personne qui dirige la prière. Et tout endroit (même la rue) où des Musulmans se réunissent pour prier sous sa direction devient une mosquée.

Excédé par la lenteur du fédéral à lui accorder la citoyenneté canadienne, il s’adressera aux tribunaux. Paniqué à l’idée de révéler la preuve contre lui, le gouvernement conservateur de Stephen Harper préfèrera le naturaliser.

Brièvement, le Collège Maisonneuve lui a loué un local inoccupé afin de lui permettre d’enseigner sa doctrine religieuse. Il est établi que son matériel pédagogique contenait des hyperliens vers des sites djihadistes. Deux de ses étudiants sont partis faire le djihad en Syrie.

Le Code criminel et la haine ethnique

À la suite de son appel au génocide, le Service de police de Montréal a ouvert une enquête criminelle qui a été transférée aujourd’hui à la GRC (Gendarmerie royale du Canada).

Si cette enquête devait aboutir à des accusations criminelles, il est douteux qu’Adil Charkaoui soit reconnu coupable. Pourquoi ?

Le deuxième paragraphe de l’article 319 du Code criminel prescrit :

Quiconque, par la communication de déclarations autrement que dans une conversation privée, fomente volontairement la haine contre un groupe identifiable est coupable […] d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans…

C’est clair.

Malheureusement, le troisième alinéa du même article s’empresse de nuancer :

Nul ne peut être déclaré coupable d’une infraction prévue au paragraphe 2 dans les cas suivants :
[…]
il a, de bonne foi, exprimé une opinion sur un sujet religieux ou une opinion fondée sur un texte religieux auquel il croit, ou a tenté d’en établir le bien-fondé par argument […]

En somme, si la doctrine de l’imam Charkaoui préconise l’extermination des ‘Sionistes et des ennemis de Gaza’, poursuivre cet imam est de la persécution religieuse.

Voilà pourquoi jamais un prêtre, un pasteur, un rabbin, un imam ou un gourou n’a été condamné au Canada pour des prédications incendiaires.

Conclusion

Grâce à la bienveillance du gouvernement fédéral, l’imam Charkaoui a obtenu la citoyenneté canadienne; il a prêté allégeance à la couronne britannique et s’est engagé à respecter les lois canadiennes (dont les articles qui autorisent la haine religieuse).

Du coup, il est libre de prêcher sa doctrine. Et il en sera ainsi tant que le Québec n’accèdera pas à son indépendance, à la suite de laquelle la République québécoise adoptera son propre Code criminel basé sur la laïcité.

Références :
Adil Charkaoui
Le certificat de sécurité émis contre Charkaoui révoqué
L’enquête sur le discours d’Adil Charkaoui transférée à la GRC

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La liberté d’expression des imams radicaux

15 juillet 2015

Le 31 janvier dernier, le maire de Montréal avait déclaré que l’imam montréalais Hamza Chaoui était un « agent de radicalisation » et « un fomenteur de tension sociale ».

Ce qui a valu à l’imam Chaoui d’être qualifié ainsi, ce sont ses prêches qui font la promotion de la subordination des femmes à leurs époux et qui déclarent la démocratie contraire aux prescriptions du Coran (en d’autres mots, contraire à l’Islam).

Lésé par les propos du maire, l’imam Chaoui a répliqué en intentant une poursuite de 500 000$ pour libelle diffamatoire contre la ville.

Depuis la création en mai dernier de sa page Facebook, des milliers de visiteurs ont cliqué le bouton « J’aime » en signe d’appui.

On apprend aujourd’hui que M.Chaoui a également créé un site web permettant à ses partisans de financer son combat juridique grâce à un lien vers PayPal.

Cette cause s’annonce très intéressante. Sa portée dépasse très largement les frontières du pays. En effet, elle pose la question suivante : la liberté d’expression et la liberté de culte permettent-elles la promotion d’idées subversives ?

L’Islam promu par les imams radicaux n’est pas l’Islam pratiqué par l’immense majorité des Musulmans qui vivent dans nos pays.

Prétendre que la Volonté de Dieu est contraire à la Démocratie, cela est contraire aux fondements mêmes d’une société démocratique comme la nôtre.

Très précisément, l’Islam dont ces imams souhaitent la venue est un Islam qui transformerait radicalement notre société, présentement fondée par des valeurs d’égalité entre les Citoyens et sur la primauté du droit. Dans ce sens, il s’agit d’un discours subversif caché sous le couvert de la religion.

En raison de cette primauté du droit, un prédicateur ne peut inciter ses fidèles à assassiner un citoyen coupable d’apostasie ou d’insulte à l’Islam.

Mais si la Volonté de Dieu — du moins telle qu’eux la perçoivent  — a préséance sur la volonté des hommes, tout cela devient acceptable. C’est d’ailleurs le cas partout où la Charia a force de loi.

Ce que prêchent les imams qualifiés de radicaux au Québec — Chaoui et Charkaoui, entre autres — c’est très précisément le renversement de la Démocratie parlementaire et l’instauration de l’Islam politique.

Inspirées par l’idéologie de l’État islamique et le wahhabisme de l’Arabie saoudite — qui sont fondamentalement la même chose — leurs prédications font la promotion d’une dictature politique et religieuse exercée par eux et leurs semblables.

Les tribunaux seront donc invités à déterminer si la Constitution canadienne-anglaise — garantissant la liberté d’expression et la liberté de culte — va jusqu’à légaliser la promotion du renversement d’un ordre social qui asservit le discours religieux au respect des lois du pays.

Références :

L’imam Chaoui poursuit Denis Coderre et la Ville de Montréal
Une collecte pour la bataille juridique de l’imam Chaoui

Parus depuis :
Oui, l’islamisme radical existe ici (2015-09-14)
Marcel Gauchet : « Le fondamentalisme islamique est le signe paradoxal de la sortie du religieux » (2015-11-21)
Où sévit le terrorisme islamiste dans le monde? La réponse en carte (2016-03-24)

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Écrit par Jean-Pierre Martel