Victoire éclatante des États-Unis dans la Guerre des ballons chinois

Publié le 19 février 2023 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Il y a quelques jours, les États-Unis et le Canada ont utilisé des missiles AIM-9X Sidewinder (au cout unitaire de 400 000 dollars) pour abattre quatre ballons à la dérive au-dessus de l’Amérique du Nord.

Depuis le 2 février, les États-Unis et la Chine se renvoyaient la balle, sinon le ballon; les premiers accusant la seconde d’utiliser ces ballons pour l’espionner alors que cette dernière accusait l’autre d’hystérie au sujet, disait-elle, de simples aérostats météorologiques déviés leur course par des courants atmosphériques.

L’espionnage

Depuis des siècles, les grandes puissances s’épient mutuellement.

Les premières utilisations de l’espace à des fins d’espionnage militaire sont survenues dès la naissance de la conquête de l’espace, à la fin des années 1950.

De nos jours, les grandes puissances de ce monde (dont la Chine) utilisent des centaines de satellites-espions qui épient la planète.

Pourquoi la Chine utiliserait-elle des ballons soumis aux caprices du vent pour espionner (comme on le faisait au XVIIIe siècle) alors que ses 260 satellites-espions peuvent effectuer des trajectoires précises au-dessus de bases militaires ennemies ?

En 2013, Edward Snowden révélait que les cinq pays à majorité anglo-saxonne — les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande — avaient mis sur pied un vaste réseau satellitaire qui enregistre et sauvegarde tous nos textos, tous nos courriels et tous nos appels téléphoniques.

La banalité des ballons

Le journaliste Normand Lester publiait mercredi dernier un article où il recensait l’utilisation des ballons atmosphériques.

Chaque année, plus de cinquante-mille ballons sont lâchés dans la stratosphère (au-delà de 50 km d’altitude) par la National Weather Service des États-Unis.

L’Agence spatiale canadienne permet à des étudiants universitaires d’effectuer des expériences scientifiques à l’aide de ballons stratosphériques géants. En 2021, des étudiants de Polytechnique et de l’université Queen’s ont obtenu cette permission.

Au Texas, la Columbia Scientific Balloon Facility lance à 36,5 km d’altitude des ballons de 120 mètres de diamètre, également à des fins de recherche.

La raison invoquée pour abattre les ballons chinois est qu’ils comportaient un risque de collision pour les avions commerciaux. Ceux-ci circulent à une altitude inférieure à 12 km. Ce qui était le cas du quatrième ballon abattu; il voyageait à environ 6 km d’altitude. Les autres à plus de 12 km.

La paranoïa, arme politique

La paranoïa médiatique entourant ces incidents tire sa source dans la polarisation de la politique américaine; depuis deux semaines, les élus républicains et les médias qui relaient leur propagande ont utilisé cet incident pour tenter de dépeindre Joe Biden comme un président faible face à la menace chinoise.

Vue du Canada, cette bulle médiatique devrait nous paraitre risible. Pourtant, nos médias nous en ont parlé comme si nous étions effectivement au bord d’un affrontement cataclysmique entre les États-Unis et la Chine.

À défaut de correspondants à l’Étranger (sauf pour Radio-Canada), nos médias comptent sur les dépêches émises par des agences de presse pour s’approvisionner en nouvelles internationales. Or toutes ces agences répètent de la propagande américaine.

Résultat : insupportable aux yeux de la Chine, l’humeur belliqueuse des États-Unis motive encore plus celle-ci à aider secrètement la Russie en Ukraine.

La nouvelle théorie des dominos

Que ce soit la cybercriminalité russe, la guerre en Ukraine, les lacunes de nos défenses nordiques, la menace d’une invasion chinoise à Taïwan, toutes ces nouvelles ont une chose en commun; le message selon lequel nous sommes menacés de toutes parts.

Depuis un an, nous sommes passés de la confiance triomphaliste — « Nous jetterons l’économie russe par terre.» — à la plus vive inquiétude; « Si l’Ukraine tombe, l’Europe tombera tout entière aux mains de la Russie et l’ordre mondial s’effondrera

Entre les deux, la peur de manquer d’énergie aura convaincu les Européens de leur vulnérabilité.

En faisant flèche de tout bois et en exagérant la puissance militaire de la Russie — qui, rappelons-le, peine à conquérir l’Ukraine — le message subliminal qui nous est répété quotidiennement est le suivant : il est essentiel de consentir à acheter beaucoup plus d’armement américain.

Ce qui signifie qu’il faudra réduire notre ambition à verdir notre économie, à corriger les lacunes béantes de notre système de santé et de notre système scolaire, à investir dans le logement social et le transport en commun, etc.

Voilà comment s’amorce la fabrication du consentement politique en faveur d’un investissement massif en dépenses militaires.

Références :
Ballon abattu : Pékin a refusé un appel téléphonique avec le chef du Pentagone
Des ballons, en veux-tu? En v’là!
Edward Snowden
Incident des ballons chinois de 2023
La fabrication du consentement politique : un exemple américain
Le ballon-espion chinois a profité des « angles morts radar », indique le NORAD
Plouf, le missile à 400.000 dollars: comment les Américains ont traqué les « objets » volants

Parus depuis :
Le FBI espionne encore régulièrement les communications d’Américains (2023-05-19)
Protection de données : une amende de 1,75 milliards $ pour Meta, un record en Europe (2023-05-22)
Le ballon chinois ayant survolé les États-Unis n’aurait pas récolté d’informations (2023-06-29)

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Écrit par Jean-Pierre Martel