Les compagnies aériennes, voyous corporatifs

Le 23 avril 2020

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Une anecdote personnelle

Le 3 octobre 2005, alors que je m’apprêtais à prendre un vol vers Berlin avec correspondance à Paris, j’ignorais que plus de 40 000 bagages s’accumulaient depuis plusieurs jours en raison d’une grève à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle.

Tous les bagages en transit par Paris étaient séquestrés par les grévistes.

Les employés d’Air France avaient reçu des consignes strictes de cacher la vérité, voire de mentir aux passagers, afin que personne n’annule sa réservation.

Partout à travers le monde, aux comptoirs de réclamation d’Air France, on pouvait voir de longues files de passagers déçus d’arriver à destination sans leurs bagages.

Si bien que je suis arrivé à Berlin sans les miens.

Je les ai finalement obtenus à l’issue de la grève, le 12 octobre 2005, soit huit jours après mon arrivée dans la capitale allemande.

À mon retour à Montréal, j’ai appris la vérité. Et je me suis juré de ne plus jamais voyager à bord d’Air France. Une promesse que j’entends respecter jusqu’à la fin de mes jours.

Le Covid-19 et la fermeture des frontières

La France et le Canada ont tardé à fermer leurs frontières.

Parmi les très nombreux motifs qui expliquaient cette hésitation, il y avait les représentations de compagnies aériennes. Celles-ci faisaient savoir qu’un tel interdit leur causerait d’importantes pertes financières.

En raison de ce retard, ces dizaines de milliers de passagers ont ensemencé le Covid-19 au Canada et en France puisqu’à l’époque, les voyageurs internationaux furent les uniques foyers de la propagation de la pandémie.

Le transport régional

La fermeture des frontières n’empêche pas la poursuite des vols régionaux.

Depuis des semaines, les autorités sanitaires répètent l’importance de la distanciation sociale.

On aurait pu croire que les compagnies aériennes se seraient volontairement conformées à ces directives, quitte à majorer le prix de leurs billets.

Il n’en est rien.

La semaine dernière, une journaliste rapportait que son vol Paris-Marseille s’était effectué sur un appareil d’Air France où plus aucun siège n’était disponible et où une bonne partie des passagers ne portaient pas de masque.

À la suite des pressions du secrétaire d’État français aux Transports, la compagnie aérienne a annoncé lundi qu’elle offrirait dorénavant des masques à ceux qui en ressentiraient le besoin lorsque la distanciation ne sera pas possible.

Mais elle n’a pas l’intention d’en imposer le port à tous ses passagers.

De plus, Air France n’a pas précisé si ces masques seraient offerts gratuitement ou vendus comme tout ce qu’elle offre à bord (sauf l’eau potable et l’air qu’on y respire).

Imaginez-vous enfermé dans un lieu exigu pendant 95 minutes à côté d’un inconnu qui tousse à s’époumoner et qui n’a pas senti le besoin de se procurer un masque…

D’ailleurs, même avec un masque, il y a-t-il un seul expert en santé publique qui soutienne que le masque est un substitut à la distanciation sociale ?

Air France n’est pas la seule compagnie aérienne qui rechigne à protéger ses passagers de cette pandémie mortelle.

Le grand patron de Ryanair a qualifié d’idiotes les règles de distanciation sociale. De plus, il a annoncé qu’il est hors de question que sa compagnie les respecte à moins que l’État irlandais paie pour les sièges restés vides.

Qu’en est-il au Canada ?

À 13h20 cet après-midi, je me suis rendu sur le site de réservation d’Air Canada.

Sur le premier avion qui partira demain matin de Montréal vers Toronto, il ne restait plus que six places sur 64 (celles gris pâle, sans ‘X’).

Voilà comment les compagnies aériennes respectent la distance sanitaire au pays avec la bénédiction du gouvernement fédéral.

Et pour ce qui est des passagers dont les vols ont été annulés en raison de la fermeture des frontières, on ne les rembourse pas. À la place, on leur offre un crédit sur un autre vol d’ici 24 mois.

Si ce nouveau vol coute plus cher, les passagers doivent évidemment payer la différence. Toutefois, dans le cas contraire, ils perdent la différence.

D’ici là, ces personnes financent le transporteur aérien à zéro pour cent d’intérêt.

Et si ce transporteur fait faillite, soyez assurés que le président partira avec son parachute doré de plusieurs millions de dollars. Mais les passagers, eux, n’auront pas un sou.

Tout cela est parfaitement conforme à la nouvelle Charte fédérale des voyageurs qui — soit dit en passant — est une farce.

Mais ce n’est pas tout.

Les associés sociaux corporatifs

L’Association internationale du transport aérien représente 290 compagnies responsables de plus de 80 % du trafic aérien mondial.

Auprès de divers gouvernements, l’organisme réclame un plan de sauvetage de 200 milliards de dollars pour sauver ses membres de la faillite.

Une aide qui, évidemment, sera payée par les contribuables qui auront survécu à la pandémie que ces compagnies auront propagée.

Alors récapitulons

Nous sommes en présence de compagnies qui délocalisent leurs profits dans des paradis fiscaux. Qui ne versent presque rien à leurs gouvernements respectifs. Qui accordent des salaires faramineux à leurs dirigeants. Qui insistent pour qu’on les laisse propager une pandémie partout à travers le monde. Qui, encore maintenant, manquent totalement de conscience sociale en faisant tout pour que leurs passagers deviennent des foyers d’infection… et qui supplient pour qu’on leur vienne en aide.

Quel culot !

Je vais vous dire comment l’État devrait les traiter; comme le ferait n’importe quel capitaliste digne de ce nom. Ce qui veut dire les laisser faire faillite et racheter leurs actifs pour une bouchée de pain.

Air Canada et Air France redeviendraient alors des sociétés d’État comme elles l’ont été pendant des décennies.

Puis, quand les choses reviendront à la normale, l’État les revendrait avec de juteux bénéfices.

C’est ça, le capitalisme.

Références :
Air France, voyou corporatif
Air France distribuera des masques dans les avions trop pleins
Avant de voler au secours de l’industrie du voyage
Covid-19 : les prix citron à Ottawa et à la STM
Ryanair boss says airline won’t fly with ‘idiotic’ social distancing rules

Parus depuis :
La France et les Pays-Bas au secours d’Air France-KLM (2020-04-24)
Les compagnies aériennes doivent rembourser leurs clients, vote l’Assemblée nationale (2020-05-28)
Presque 70 vols commerciaux avec des cas confirmés de COVID-19 dans les dernières semaines (2020-08-28)
Thousands of passengers on commercial flights may have been exposed to coronavirus in 2020, CDC says (2020-09-23)
Covid-19 : cinquante-neuf personnes infectées en Irlande par le coronavirus après un vol intercontinental (2020-11-06)
Two-thirds of passengers on first flight to Covid-free Kiribati diagnosed with virus (2022-01-21)

Postscriptum du 4 mai 2020 : La Compagnie Air France a annoncé qu’à partir du 11 mai 2020, le port du masque serait obligatoire dans tous ses avions pour tous ses voyageurs.

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au Covid-19, veuillez cliquer sur ceci

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2 commentaires à Les compagnies aériennes, voyous corporatifs

  1. sandy39 dit :

    Puisqu’il ne faut pas toujours être sérieux, je viens vous embêter un petit peu…, aviez-vous acheté des sous-vêtements en arrivant… et, un rasoir ?… parce que le poil durci avec le temps…

    Au premier paragraphe, tu as envie de rire mais tu sens que le ton monte et, que ça va se gâter…

    • Jean-Pierre Martel dit :

      Le plus difficile fut de trouver l’appartement que j’avais loué et dont l’adresse se trouvait dans mes bagages. Je ne me rappelais que du nom de la rue.

      Avant de réussir par la trouver, j’étais un SDF dans une ville inconnue, errant d’une station de métro à l’autre, cherchant une rue.

      J’étais tellement désespéré que j’ai songé à interrompre ce voyage et prendre le premier avion de retour pour Montréal.

      Une fois l’appartement trouvé (miraculeusement), il a fallu acheter les articles de première nécessité (rasoirs jetables, des savons et pâte dentifrice), un appareil de recharge pour la pile de mon appareil photo, des chaussettes, et des sous-vêtements.

      Tout cela acheté dans des magasins répartis aux quatre coins de la ville. Que de temps perdu.

      Plus il a fallu réserver de nouveau billets de concert (moins bien placés parce qu’achetés à la dernière minute) et passer cinq jours à visiter les châteaux de Postdam car j’étais sans les circuits dans Berlin que j’avais soigneusement préparés.

      Bref, plus jamais, jamais, jamais je ne voyagerai à bord d’Air France, une compagnie totalement dépourvue d’éthique commerciale. De véritables bandits à cravate.

      Quand, des années plus tard, des grévistes d’Air France avaient lynché un dirigeant de cette compagnie, lui déchirant ses beaux complets italiens sur le dos, j’avais joui de le voir réduit au rang de clochard s’agrippant peureusement à une clôture métallique afin de tenter d’échapper à ses agresseurs.

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