La candeur de Jean Chrétien face aux Autochtones

Publié le 25 octobre 2021 | Temps de lecture : 3 minutes

Jean Chrétien fut premier ministre du Canada de 1993 à 2003 après avoir été responsable de nombreux ministères, dont celui des Affaires indiennes de 1968 à 1974.

Hier, à l’émission Tout le monde en parle, il a déclaré que même pendant les six ans et demi où il s’occupa de ce ministère, il n’avait jamais entendu parler des pensionnats autochtones.

C’est possible.

M. Chrétien a grandi alors que, du primaire au collégial inclusivement, l’enseignement était aux mains de communautés religieuses.

C’était à l’époque où on glorifiait le rôle des missionnaires auprès des ‘païens’.

J’ai un peu connu cette époque. À l’adolescence, la seule chose supplémentaire que j’ai apprise, c’est qu’en Abitibi-Témiscamingue, au cours d’une partie de chasse, les ‘Blancs’ qui violaient une femme Autochtone n’étaient jamais inquiétés par la justice.

On apprenait le viol quand les Autochtones prenaient des mesures de représailles contre les violeurs. Ce qui faisait alors l’objet d’une enquête policière.

M. Chrétien soutient donc qu’à titre de ministre de 1968 à 1974, il n’a jamais été informé du sort subi par les enfants Autochtones dans les pensionnats financés par son ministère jusqu’en 1996. Pourtant les premiers rapports officiels d’abus généralisés dans les pensionnats financés par Ottawa remontent à 1907.

Cette déclaration est une preuve supplémentaire que le fédéral est un gouvernement colonial au sein duquel les députés, les sénateurs et les ministres ne sont que l’interface entre une machine étatique et le peuple.

Et cette machine, ce sont des milliers de fonctionnaires et surtout un petit nombre de mandarins qui exercent le pouvoir dans l’ombre, animés de leur propre conception de l’intérêt de l’État.

Or, lorsqu’on veut contrôler ce que le ministre décide, on doit contrôler ce qu’il sait. Donc, de l’aveu même de M. Chrétien, on s’est bien gardé de l’informer correctement. Tout au plus, l’a-t-on avisé qu’il y avait des problèmes anecdotiques à certains endroits.

Dans un autre ordre d’idée, lorsque M. Chrétien rappelle que son épouse et lui ont adopté un Autochtone en bas âge, je ne doute pas un seul instant que ce couple ait aimé cet enfant comme le leur.

De toute évidence, M. Chrétien ne s’est jamais posé la question :
est-ce normal que des services sociaux confient de jeunes Autochtones à des ‘Blancs’ alors que les communautés autochtones, même dans la plus profonde pauvreté, sont parfaitement capables d’en prendre soin…

En d’autres mots, il ne lui est jamais venu à l’esprit que l’adoption par des ‘Blancs’ était un nouveau mécanisme d’assimilation culturelle et de ce fait, un substitut moderne aux pensionnats autochtones.

Références :
Jean Chrétien
L’adoption par des ‘Blancs’, le substitut aux pensionnats autochtones
La façade ministérielle de l’État canadien
L’histoire d’un crime national
Révélations de Robert Poëti: grand ménage au ministère des Transports
Sévices sexuels sous le nez de Chrétien à La Tuque
Un sous-ministre n’a pas à recevoir «d’ordres», selon Dominique Savoie

Paru depuis :
Sévices dans les pensionnats : « Pensez-vous que je n’aurais rien fait? » (2021-10-27)

Laissez un commentaire »

| Politique canadienne, Racisme, Sociologie | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Vaccination obligatoire : la redécouverte des droits collectifs

Publié le 21 octobre 2021 | Temps de lecture : 2 minutes


 
Le plus fondamental de tous les droits fondamentaux est le droit à la vie. Et dans l’échelle des droits, le droit à l’intégrité physique est probablement celui qui devrait figurer au deuxième rang.

Ce qui signifie le droit de refuser qu’on vous injecte quoi que ce soit sans votre accord.

Ceux qui s’opposent à la vaccination obligatoire au nom de ce droit ont raison.

Dans un autre ordre d’idée, lorsqu’un pays déclare la guerre et proclame la conscription obligatoire, le citoyen appelé sous les drapeaux ne peut pas invoquer son droit à la vie pour refuser de servir de chair à canon.

Et s’il déserte l’armée, il risque le peloton d’exécution.

C’est donc à dire que même un droit fondamental comme celui à la vie n’est pas absolu.

Si le pays est attaqué, il a besoin de tous ses citoyens aptes au service militaire pour protéger ceux qui ne peuvent se défendre.

Dans ce cas, le droit collectif à la vie a préséance sur le droit individuel.

Il en est ainsi en temps de guerre sanitaire.

Les travailleurs de la Santé et ceux qui exercent en milieu scolaire sont en contact avec des personnes vulnérables. Dans le premier cas, ce sont les malades. Et dans le second, ce sont les enfants non vaccinés.

Ces travailleurs sont comme ces soldats. Mais au lieu que l’État les oblige de se confronter aux dangers de la guerre, il les oblige de recevoir un vaccin inoffensif dans 99,999 % des cas.

Alors que se multiplient les obligations vaccinales à travers le monde, nous sommes en train de découvrir qu’il y a un temps pour défendre le respect des droits individuels. Et il y a un temps pour défendre le respect des droits collectifs.

C’est la menace d’un ennemi commun qui marque le basculement d’une époque à l’autre.

Laissez un commentaire »

| Covid-19, Sociologie | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Que fait-on si la foule hue la déclaration du club Canadien de Montréal ?

Publié le 20 octobre 2021 | Temps de lecture : 4 minutes

Introduction

Le club Canadien a dernièrement décidé qu’au début de chaque partie de hockey tenue au Centre Bell, on prononcerait une déclaration selon laquelle ce centre sportif serait construit sur un territoire mohawk non cédé.

Cette initiative suscite des réactions diverses au sein de la classe politique québécoise.

Résumé historique

Au cours de son deuxième voyage au Canada, Jacques Cartier est accueilli en 1535 dans le village iroquoien d’Hochelaga, situé sur l’ile de Montréal.

Précisons que l’adjectif iroquoien n’est pas synonyme d’iroquois. Dans sa rubrique consacrée aux Iroquoiens du Saint-Laurent, Wikipédia débute par l’avertissement “Ne doit pas être confondu avec Iroquois”.

À l’époque de Jacques Cartier, les Iroquoiens du Saint-Laurent peuplaient toute la vallée du Saint-Laurent, y compris l’ile de Montréal.

Toutefois, ils avaient complètement disparu au siècle suivant lorsque Samuel de Champlain débarque au Canada.

Que s’est-il passé entretemps ? Cette question divise les historiens.

Les uns émettent l’hypothèse d’un choc viral; les Européens auraient contaminé involontairement les Autochtones par un ou plusieurs virus mortels.

D’autres experts croient que la vallée du Saint-Laurent aurait connu une mini-glaciation qui aurait provoqué une succession de mauvaises récoltes de maïs (la céréale de base de l’alimentation autochtone) et ainsi provoqué la famine.

Les Iroquois ont échappé à cela parce qu’ils vivaient plus au sud, dans ce qui est aujourd’hui l’État de New York.

Alliés aux Anglais, les Iroquois ont mené des razzias contre les Français installés à Lévis (en face de la ville de Québec) et à Montréal. Mais ils n’ont jamais peuplé l’ile. Jamais.

Le poids des mots

Lorsqu’un paysan construit une ferme sur le terrain de son voisin, cette ferme appartient non pas à celui qui l’a construite mais à celui qui possède le terrain.

Lorsqu’on dit d’une région qu’il s’agit d’un territoire mohawk non cédé, cela veut dire que ce territoire leur a été volé.

Si c’est le cas, les Mohawks sont justifiés d’intenter des poursuites en vue d’obtenir des dizaines, voire des centaines de milliards de dollars de dédommagements puisque tout qui se trouve actuellement sur l’ile est à eux.

Les politiciens qui soutiennent la thèse fallacieuse du territoire non cédé agissent de manière irresponsable.

Ils incitent les Mohawks à réclamer justice. Or si ces derniers intentent des poursuites, ils n’ont pas la moindre chance de l’emporter.

Ce qui accentuera leur ressentiment à la fois contre la justice des ‘Blancs’ et contre les Québécois, descendants de leurs ennemis en Nouvelle-France.

Au lieu d’être un geste de vérité et de réconciliation, c’est exactement le contraire; une fausseté qui ravive des rancunes séculaires.

Une boite de Pandore

Tout comme le premier ministre Cameron n’avait pas prévu que le peuple britannique voterait pour le Brexit, il est probable que les dirigeants du club Canadien de Montréal n’ont pas envisagé la possibilité que leur texte de reconnaissance territoriale soit hué par la foule.

D’un match à l’autre, si les partisans du Canadien développent cette habitude, les dirigeants du club réaliseront qu’ils ont ouvert une boite de Pandore.

Cette déclaration publique est une occasion offerte à la foule de réagir. Si la foule hue cette déclaration, est-ce en raison d’un désaccord quant à sa véracité ou par racisme à l’égard des Mohawks ?

Tout l’élite politico-médiatique anglo-canadienne verra dans la réaction de la foule une preuve supplémentaire du racisme des Québécois.

En contrepartie, les Québécois y verront une preuve supplémentaire de l’hypocrisie de cette élite, toujours désireuse de nous faire porter le poids des politiques génocidaires d’Ottawa.

On peut anticiper que cette décision du club Canadien favorisera l’éveil nationaliste d’une grand nombre de Québécois.

C’est au moins ça de bon.

Références :
Jacques Cartier
Iroquoiens du Saint-Laurent
L’initiative du Canadien divise à Québec
Proximité autochtone québécoise d’hier à aujourd’hui (2021-03-01)
Un texte de reconnaissance territoriale lu avant chaque match au Centre Bell

Paru depuis : Réplique (en anglais) des Mohawks (2021-10-22)

2 commentaires

| Racisme | Mots-clés : | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


L’obsession américaine de la ‘race’

Publié le 15 octobre 2021 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Depuis le séquençage du génome humain en 2004, on sait qu’un ‘Blanc’ typique et un Noir ‘pure race’ ont en commun entre 99,5 % et 99,9 % de leurs chromosomes. Or cette proportion est la même entre deux membres d’une même ‘race’.

Bref, de la même manière qu’il n’existe pas de race constituée des gens aux yeux bleus, il n’existe pas de race de gens à la peau pigmentée. La pigmentation de la peau n’est qu’une parmi une multitude de caractéristiques humaines.

Le racisme ne consiste donc pas à distinguer ces différences de pigmentation entre deux personnes, mais à y attacher une importance démesurée.

Tout comme le racisme, le racisme systémique possède des degrés de sévérité. Nulle part n’est-il plus évident qu’aux États-Unis.

Les recensements

Les recensements canadiens ne demandent pas aux répondants de préciser à quelle race ils appartiendraient, contrairement aux recensements américains.

Dès les premiers d’entre eux, on chercha à faire l’inventaire des esclaves et des Noirs affranchis.

En 1790, le peuple américain était partagé en trois groupes;
• les mâles et les femelles (sic) Blancs,
• les autres personnes libres, et
• les esclaves.

Originellement, l’analphabétisme était tellement généralisé que les recensements étaient effectués par des préposés qui évaluaient la couleur de la peau des répondants.

En 1850, les catégories se précisaient :
• les Mâles et les Femelles blancs,
• les Noirs (libres),
• les Mulâtres (libres),
• les esclaves Noirs, et
• les esclaves Mulâtres.

À ces catégories, s’ajoute une sixième (‘Indiens’) en 1860.

En raison de l’abolition officielle de l’esclavage, on supprime en 1870 et en 1880 les deux catégories qui y font référence, mais on ajoute la catégorie ‘Chinois’.

Au recensement de 1890, le gouvernement américain veut mesurer l’importance des unions interraciales (interdites dans certains États). Les catégories deviennent :
• les Mâles et les Femelles blancs,
• les Noirs,
• les Mulâtres,
• les Quadroons (quelqu’un ayant un quart de ‘sang noir’),
• les Octoroons (quelqu’un qui a un huitième de ‘sang noir’ ou moins),
• les Indiens,
• les Chinois, et
• les Japonais.

L’historique familial permettait aux préposés au recensement d’évaluer grossièrement le degré de pureté du sang. De plus, on comprendra qu’aux États-Unis (même de nos jours), un ’Blanc’ est un ’Blanc pur race’.

En 1900, toutes les personnes de descendance noire sont regroupées dans la catégorie ‘Noirs’. Les autres catégories demeurent.

Mais en 1910, la catégorie ‘Mulâtres’ réapparait alors que s’ajoute la catégorie ‘Autres’ (pour les Coréens, les Philippins et les gens originaires de l’Inde).

À partir de 1920, les catégories se multiplieront.

En 1930, le mot en ’N’ (ci-contre) est utilisé pour la première fois et le sera jusqu’au recensement de 2010 inclusivement.

On peut présumer que c’est Barak Obama, président depuis 2009, qui s’est assuré qu’il en était ainsi pour la dernière fois.

Même si on les effectue une seule fois par décennie, les recensements basés entre autres sur la pigmentation de la peau contribuent à faire d’elle un marqueur identitaire.

Les médias

Cette obsession de tout voir au travers d’un prisme racial explique le fait que même une chaine de nouvelles comme CNN ne peut pas s’empêcher de décliner toutes ses statistiques selon les États ou selon la race (pudiquement appelés ‘Groupes racisés ou racialisés’, ce qui revient au même). Presque jamais par groupes socioéconomiques.

Dans ce pays, il n’est pas étonnant qu’on ait senti le besoin de colliger des données relatives aux taux d’infection et de mortalité au Covid-19 selon la ‘race’. Ces données ont révélé, sans surprise, que les personnes considérées comme ‘Noires’ étaient davantage victimes du Covid-19.

Pour un suprémaciste blanc, quelle aubaine; à ses yeux, c’est la preuve de la robustesse, voire de la supériorité, de la ‘race blanche’ à laquelle il appartient.

Lorsqu’on est persuadé que la vulnérabilité aux infections dépend des caractéristiques physiques inhérentes à l’individu — en d’autres mots, lorsqu’on croit que c’est gravé dans ses chromosomes — que peut-on y faire ? Son triste sort, n’est-il pas le résultat de la Volonté divine ? N’est-ce pas Dieu qui l’a fait ainsi ?

Par contre, si on croit que la mortalité par Covid-19 dépend des caractéristiques socioéconomiques des gens, il faut travailler à la réduction des inégalités sociales, cause véritable des taux d’infection différents.

Les statistiques au sujet du Covid-19 sont colligées par les États parce que la Santé est un de leurs domaines de juridiction exclusive. Or ceux-ci sont majoritairement dirigés par des gouverneurs Républicains (donc de Droite, sinon d’extrême-Droite). Voilà pourquoi on préfère baser ces statistiques sur la ‘race’, perpétuant ainsi l’importance démesurée qu’on y attache.

Ce à quoi les groupes antiracistes eux-mêmes ne voient pas d’objection. Ce qui prouve bien à quel point le racisme systémique américain est enraciné partout.

Références :
Le néo-racisme multiculturel du NPD
The changing categories the U.S. census has used to measure race
What Census Calls Us
What Census Calls Us – A Historical Timeline

Paru depuis :
Majority of Latinos Say Skin Color Impacts Opportunity in America and Shapes Daily Life (2021-11-04)

Laissez un commentaire »

| Racisme, Sociologie | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Tire Sainte-Catherine et autoflagellation

Publié le 14 octobre 2021 | Temps de lecture : 7 minutes

Historique

Depuis le Xe siècle, la fête de la Sainte-Catherine est célébrée par les Catholiques le 25 novembre de chaque année.

Au Québec, c’était la fête des vieilles filles, c’est-à-dire des femmes de plus de 32 ans qui n’avaient pas encore trouvé un mari à leur gout.

Dans le premier quart du XXe siècle, mon grand-père paternel créa une confiserie qui, au fil des années, devint la principale entreprise de ce type des comtés de Joliette, de l’Assomption et de Montcalm.

Le 25 novembre était une des principales occasions d’affaires de l’année.

Puisque les trois premiers de ses enfants à atteindre l’adolescence furent des filles, ce sont trois de mes tantes qui eurent pour tâche de préparer la tire Sainte-Catherine.

Après avoir ajouté une grande quantité de sucre à de la mélasse, le tout devenait tellement épais que la seule manière d’en mélanger les ingrédients était de l’étirer dans le sens de la longueur pour en faire un gros câble, de suspendre ce câble collant à un mur par le moyen d’un crochet de métal, de l’étirer par les deux bouts, de le torsader, de suspendre par le milieu le câble torsadé au crochet, de l’étirer de nouveau, et ainsi de suite jusqu’à l’obtention d’une texture blonde relativement uniforme.

Puis il fallait couper le tout pour en faire des papillotes.

À l’époque, on appelait ces papillotes des klondikes en raison de leur couleur, semblable (avec un peu d’imagination) à celle de pépites d’or.

L’origine de cette coutume remonterait au XVIIe siècle. Selon la légende, c’est Marguerite Bourgeois, fondatrice de la Congrégation des sœurs de Notre-Dame, qui aurait institué cette coutume.

Sur le site du Réseau de diffusion des archives du Québec, on peut lire : “ Fait légendaire ou historique, on raconte qu’elle en aurait fabriqué pour attirer les enfants à son école, surtout les petites «sauvagesses».

Ainsi, comme la sorcière du conte ‘Hansel et Gretel’, Marguerite Bourgeois aurait utilisé cette friandise pour attirer des jeunes Autochtones à l’école, pour les séquestrer, les priver de leur culture, et leur imposer une autre religion. Et, selon cette légende, ils en sortaient aussi différents que les biscuits sortant du four de la méchante sorcière.

Apprenant cela, il n’en fallait pas plus pour que les dirigeants du Centre de santé communautaire du Grand Sudbury décident de bannir cette coutume, dans un effort de réconciliation avec les peuples autochtones du Canada.

Les politiques génocidaires anglo-saxonnes

L’idée qu’en Nouvelle-France, la tire Sainte-Catherine servait à piéger sournoisement les enfants Autochtones en vue de leur emprisonnement dans des pensionnats est le comble du ridicule. Pas un seul historien, même Autochtone, ne supporte cette thèse farfelue.

Tenter d’exterminer les peuples Autochtones pour ensuite assimiler les survivants furent des objectifs du colonialisme anglo-saxon.

Aux États-Unis, on a tué des millions de bisons dans le but précis d’affamer à mort les Sioux dont les troupeaux de bisons étaient le garde-manger.

Puis on a enfermé les survivants dans des prisons à ciel ouvert qu’étaient les réserves indiennes. Situés sur les terres les moins fertiles (préférablement désertiques) des États-Unis, ces réserves servaient à limiter leur croissance démographique.

On fit l’équivalent au Canada et en Australie.

Au Canada, on ne comptait pas sur des friandises pour attirer les enfants Autochtones dans des pensionnats. Il était tout simplement illégal pour les mères Autochtones de refuser d’envoyer leurs enfants au pensionnat. En clair, la police canadienne venait arracher les enfants des bras de leur mère.

D’autre part, en Nouvelle-France, il est vrai que les missionnaires se donnaient comme mission de convertir les Autochtones. C’était leur rôle. Comme aujourd’hui les preachers américains. Un missionnaire demeure un missionnaire.

Mais les missionnaires en Nouvelle-France n’utilisaient pas la force, ni la menace (autre que celle du purgatoire). Ont-ils utilisé des friandises ? C’est possible. Mais quelle importance ?

Va-t-on mettre sur le même pied les sévices subis par les enfants Autochtones dans les pensionnats financés par Ottawa et une offre de friandises par Marguerite Bourgeois ?

Ce qui intéressait la France en Nouvelle-France, c’était le commerce des fourrures. Paris y envoyait des commis-voyageurs appelés coureurs des bois.

Par troc, chacun d’eux devait se procurer les fourrures accumulées par les peuples Autochtones depuis sa dernière visite. Et s’il devait se quereller avec eux, il ne pouvait pas ‘appeler la police’; il était complètement à leur merci. Ce qui l’obligeait à bien s’entendre avec eux.

Conclusion

Si l’ethnie dominante du Canada se sent coupable des crimes commis par la colonisation anglaise, c’est son problème.

Grâce au Ciel, on ne nous a pas exterminé comme les Béothuks. On ne nous a pas enfermé non plus dans des réserves.

On a simplement exercé un colonialisme économique destiné à nous appauvrir. Ottawa a subventionné grassement l’annexe québécoise de la majorité anglo-canadienne par le biais des politiques destinées à soutenir les ‘minorités’ officielles du pays. Alors que la principale minorité linguistique du Canada, c’est nous.

Et pour nous forcer à adopter l’idéologie de l’ethnie dominante du pays — notamment le tribalisme anglo-saxon qui interdit toute forme de laïcité — cette ethnie nous a imposé une camisole de force constitutionnelle en 1982.

À cette occasion, les provinces anglophones ont tenu une séance ultime de négociation à l’insu du Québec et ont adopté le lendemain la Canadian Constitution sans nous.

Par des moyens très différents, Autochtones et nous devons lutter contre notre assimilation, entourés que nous le sommes d’un océan de gens qui ne partagent ni nos coutumes, ni notre manière de penser, et ni notre manière de vouloir vivre ensemble.

Du coup, nous les Québécois, n’avons pas à partager la culpabilité de l’ethnie dominante du Canada pour les crimes contre l’Humanité commis par son gouvernement colonial.

En conclusion (et pour revenir au sujet principal), si on veut éviter de manger de la tire Sainte-Catherine, que ce soit parce que cet aliment n’est pas inscrit au guide alimentaire canadien et non parce que nous devons expier une faute prétendument commise par Marguerite Bourgeois.

Références :
De coutume en culture
Fête de la Sainte-Catherine
Gabriel Sagard en Huronie
Le colonialisme économique ‘canadian’
Le génocide des Béothuks à Terre-Neuve
Le multiculturalisme ou le tribalisme des sociétés anglo-saxonnes
Pensionnats autochtones : la honte canadienne
Réconciliation avec les Autochtones – Le miroir australien
Vérité et réconciliation : devrait-on cesser de fêter la Sainte-Catherine?

Paru depuis :
Ottawa a versé des milliards pour l’anglais au Québec (2023-11-27)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

Laissez un commentaire »

| Histoire, le prix du fédéralisme, Racisme | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Denis Coderre et la statue de John-A. Macdonald

Publié le 1 octobre 2021 | Temps de lecture : 3 minutes
Monument à sir John-A. Macdonald (statue enlevée depuis)

C’est par accident que Denis Coderre est devenu maire de Montréal en 2013. Il a été élu parce que Mélanie Joly, Richard Bergeron et lui ont presque également divisé les votes. Plus précisément, il fut élu avec seulement 32,1 % du suffrage.

Ces jours-ci, on se demande s’il veut réellement être réélu ou simplement faire parler de lui.

Sa dernière promesse farfelue, celle d’hier, est de restaurer la statue de John-A. Macdonald, ce premier ministre à qui on doit les politiques génocidaires du Canada.

Décapitée dans les années 1990, éclaboussée de peinture rouge à plusieurs reprises depuis vingt ans, cette statue fut finalement jetée de son socle le 29 aout 2020.

Précisons que la promesse de M. Coderre s’accompagne du souhait qu’elle soit accompagnée d’une plaque explicative. Selon La Presse, ses mots exacts furent :

“On ne déboulonnera pas le passé, mais on devrait avoir des plaques explicatives. On devrait avoir des centres d’interprétation où on apprend l’histoire.”

Oui, oui, on devrait… Il faudrait… Ce serait mieux si…

Cela ressemble à cette promesse de Justin Trudeau, faite en 2019, d’acheter un pipeline en contrepartie de planter deux-milliards d’arbres. On a acheté le pipeline. Mais apparemment, on a manqué d’argent pour planter les arbres…

Restaurer la statue de Macdonald représente une dépense de plus d’un demi-million de dollars. Car restaurer l’art pompier coute cher. De plus, à moins de protéger la statue restaurée 24 heures par jour par une brigade de policiers, il est à parier qu’elle ne vivra pas plus de six mois.

La question fondamentale à se poser est la suivante : en quoi la restauration de cette statue correspond-elle à un besoin des Montréalais ? En d’autres mots, combien de Montréalais se lèvent le matin en se disant : ‘Ah mon Dieu, j’aimerais tellement voir aujourd’hui la statue de Macdonald.

D’ici la date du scrutin, le 7 novembre 2021, il est encore temps pour M. Coderre de se ressaisir et de nous parler de ce qu’il compte faire pour améliorer la vie des Montréalais

Références :
Denis Coderre entend réinstaller la statue de John A. Macdonald
John A. Macdonald
La destruction des Indiens des Plaines. Maladies, famines organisées, disparition du mode de vie autochtone
Nettoyer la statue de Macdonald, un gaspillage des fonds publics

Détails techniques de la photo : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 25mm F/1,2 — 1/400 sec. — F/1,2 — ISO 200 — 25 mm

Laissez un commentaire »

| Politique municipale, Racisme | Mots-clés : , , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


L’adoption par des ‘Blancs’, le substitut aux pensionnats autochtones

Publié le 30 septembre 2021 | Temps de lecture : 5 minutes

Après avoir dépossédé les peuples autochtones des immenses territoires qu’ils occupaient et de les avoir confinés dans des réserves destinées à limiter leur croissance démographique, le Canada a adopté une série de mesures destinées à les soumettre à un génocide culturel.

On pense immédiatement à ces pensionnats où plus de 150 000 enfants autochtones ont été placés. Des établissements où parler leur langue était interdite et où on estime qu’environ six-mille d’entre eux sont morts de maltraitance, de maladie ou par suicide.

Depuis la disparition des pensionnats autochtones, les politiques génocidaires canadiennes sont devenues plus subtiles. Un des nouveaux mécanismes d’assimilation culturelle s’exerce par le biais du système de la protection de la jeunesse.

Au Canada, il existe de nombreuses écoles où l’enseignement se fait dans l’une ou l’autre des langues autochtones du pays. Mais aucune de ces maisons d’enseignement ne décerne de diplôme qui donne accès à des métiers spécialisés.

Ce qui veut donc dire, par exemple, que dans certaines provinces, aucun travailleur social n’est d’origine autochtone.

Puisque les peuples autochtones sont, sans exception, les groupes ethniques les plus pauvres du pays, on trouve de nombreux problèmes sociaux au sein de leurs communautés.

Lorsqu’on doit envisager la possibilité de retirer la garde d’enfants à leurs géniteurs, c’est toujours ou presque toujours des travailleurs sociaux ‘blancs’ qui évaluent les compétences parentales de parents autochtones.

Or, dans certaines provinces canadiennes — et notamment au Manitoba, la province la plus raciste du pays — les travailleurs sociaux ne recommandent jamais que ces enfants soient confiés à d’autres membres de leur communauté.

Ils estiment que la misère sociale y est tellement généralisée que ces enfants ont plus de chance d’être heureux s’ils sont adoptés par des parents ‘blancs’.

En réalité, on confond extrême pauvreté et misère sociale. Tout couple apte à assurer leur subsistance en totale autarcie — par le biais de la chasse et de la pêche — peut adopter un enfant, l’aimer et lui enseigner tout ce qu’il doit connaitre pour vivre en harmonie avec la nature. Comme le font ses ancêtres depuis des milliers d’années.

Mais selon le regard raciste de ces travailleurs sociaux, aucun autochtone n’est digne d’être parent d’adoption. Voilà pourquoi des milliers d’enfants autochtones ont fait le bonheur de parents adoptifs ‘blancs’.

À la suite d’un procès intenté par des enfants autochtones retirés de leur famille, le gouvernement canadien a perdu en 2019 devant le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP).

À chaque enfant autochtone retiré de façon inappropriée de la garde de ses parents depuis 2006, le TCDP avait accordé le maximum prévu par la loi, soit 40 000$.

Le gouvernement canadien en a appelé de cette décision, estimant que les cas devaient être évalués individuellement et que l’indemnisation devait refléter le préjudice subit.

Hier, la Cour fédérale a maintenu le jugement rendu par le TCDP. Or on apprend aujourd’hui que le ministre des ‘Services’ autochtones étudie la possibilité d’en appeler de cette décision.

Ça suffit.

Ce qu’Ottawa s’entête à ne pas comprendre, c’est que l’indemnité maximale prévue par sa loi est trop basse. Voilà pourquoi les tribunaux donnent le maximum à tout le monde.

N’importe quel ‘Blanc’ en mesure de prouver qu’on l’a malicieusement retiré de la garde de ses parents, est en mesure de s’adresser devant n’importe quel tribunal et de réclamer des millions de dollars. Et si son avocat est habile à rendre pathétique le cas de son client, il a de très bonnes chances d’obtenir un dédommagement important.

En vertu du ‘droit autochtone’ — cet apartheid juridique qui fait que les Autochtones ont moins de droits juridiques que nous — l’indemnité maximale n’est que de 40 000$.

Les avocats du gouvernement canadien gagnent plus de 250$ de l’heure et au-delà d’un demi-million de dollars par année. Pour ces mercenaires du pouvoir colonial canadien, bouleverser la vie d’un enfant Autochtone (et parfois même, la gâcher) mérite au maximum 40 000$ de dédommagement. Parce qu’à leurs yeux, la vie d’un pauvre ne vaut pas grand-chose.

Pour la première fois aujourd’hui, nous commémorons la Journée annuelle de la vérité et de la réconciliation avec les peuples Autochtones.

Dans les faits, lorsqu’il s’agit de payer le prix de ses politiques génocidaires, le gouvernement canadien préfère dépenser une fortune à graisser la patte de ses avocats plutôt que d’utiliser cette somme à réparer les pots cassés.

Plutôt que d’en appeler de deux jugements consécutifs en sa défaveur, Ottawa doit cesser de gaspiller l’argent des contribuables et payer l’extraordinaire économie que représente le minable plafond qu’il a imposé comme dédommagement aux Autochtones dans ce cas-ci.

Références :
Droit autochtone canadien
Indemnisation d’enfants autochtones : Ottawa débouté en Cour fédérale
Manitoba : droits fondamentaux et laïcité
Traité no 1 : vers la création de l’Ouest canadien

Laissez un commentaire »

| Politique canadienne, Racisme, Sociologie | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Les Talibans ontariens

Publié le 8 septembre 2021 | Temps de lecture : 2 minutes

Introduction

En 2001, cinq ans après avoir pris le pouvoir en Afghanistan, les Talibans détruisirent trois statues monumentales sculptées entre l’an 300 et 700 de notre ère.

Des agents de la police religieuse d’Arabie saoudite s’étaient rendus en Afghanistan afin d’aider le nouveau gouvernement des Talibans à former leur propre police de répression du vice.

Afin de promouvoir la Vertu, les autorités afghanes furent convaincues qu’il fallait détruire les Bouddhas de Bâmiyân, sachant que toute représentation humaine est interdite par la doctrine islamique.

Après la destruction, le chef de l’État afghan déclara être fier de tous ceux qui avaient participé à la destruction de « cette horreur impie synonyme d’une religion pour dégénérés » (en parlant du bouddhisme).

La pureté morale de la littérature jeunesse en Ontario

Le Conseil scolaire catholique Providence accueille en Ontario près de dix-mille élèves au sein de ses 23 écoles primaires et de ses 7 écoles secondaires francophones.

Les dirigeants de cette commission scolaire se sont laissé convaincre de détruire près de cinq-mille livres jeunesse (dont Astérix et les Indiens et Tintin en Amérique), accusés de représenter les Autochtones de manière offensante.

C’est Suzy Kies — qui ne possède aucun ancêtre autochtone depuis 1780 — qui dirige l’opération à titre de Gardienne du Savoir autochtone.

Dans une des vidéos qui expliquent la démarche purificatrice de Mme Kies, on déclare : « Nous enterrons les cendres du racisme, de la discrimination et des stéréotypes dans l’espoir que nous grandirons dans un pays inclusif où tous pourront vivre en prospérité et en sécurité.»

Références :
Bouddhas de Bâmiyân
Des écoles détruisent 5000 livres jugés néfastes aux Autochtones, dont Tintin et Astérix
Livres détruits : la « gardienne du savoir » n’est pas Autochtone

Laissez un commentaire »

| Fait divers, Racisme, Sociologie | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


L’affaire Camara : la justice différenciée

Publié le 6 septembre 2021 | Temps de lecture : 16 minutes

Le rapport Dionne

Le juge Louis Dionne a fait enquête au sujet de l’arrestation musclée de Mamada III Fara Camara et remis son rapport le 26 aout dernier. Une version très caviardée a été rendue publique.

Une de ses conclusions, c’est que M. Camara n’a pas fait l’objet de profilage racial. Cette conclusion heureuse a fait la manchette de tous les journaux.

Mais est-ce la seule conclusion qu’on peut tirer de cette affaire ?

Les faits

Le 28 janvier 2021, à 16h51, le policier Sanjay Vig intercepte un véhicule dont le chauffeur est pris en flagrant délit d’usage de son téléphone en conduisant; c’est M. Camara.

Les preuves obtenues plus tard auprès de l’opérateur téléphonique de M. Camara ne font aucun doute : celui-ci a expédié deux messages textes alors que son auto était en mouvement.

Mais au moment de son interception, M. Camara proteste avec vigueur de son innocence. Il est fâché. Ce qu’il reconnaitra dans sa déclaration faite aux policiers le lendemain.

Il obéit de mauvaise grâce aux ordres du policier et remet à ce dernier les documents exigés.

Toutefois, en retournant à son autopatrouille, le policier est agressé par-derrière.

Il reçoit plusieurs coups, tombe au sol. Alors que son assaillant s’empare de son arme à feu, le policier réussit à se relever et à prendre la fuite.

À 16h59, l’agent Sanjay Vig appelle à l’aide

Tout en courant, le policier appelle à un centre d’aide à l’aide de son appareil portable radio. Il est 16h59.

Le code qu’il active est le code ultime que peut invoquer un policier. Quand on l’utilise, tout l’appel du policier en détresse est transmis en direct à la radio de tous les patrouilleurs de sa région.

Certains des policiers qui entendent cela en sont à leur première expérience d’un collègue menacé de mort. En direct.

L’agent Sanjay Vig signale qu’il s’est fait tirer dessus, il y a quelques secondes. Il n’a pas été touché par les tirs. Il court afin d’échapper à la mort. D’un ton haletant, il explique qu’il vient de se retourner et que son agresseur essaie de le rattraper.

Les policiers à l’écoute ne savent pas si leur collègue, lourdement équipé, réussira à s’en sortir vivant.

Leur premier réflexe est d’allumer le gyrophare de leur autopatrouille et de foncer pour tenter de sauver leur collègue pendant qu’il est temps.

Et à chaque feu rouge, ils pestent contre les automobilistes qui hésitent à leur céder le passage.

L’agent Sanjay Vig réussit à entrer dans un immeuble à appartements et à se réfugier dans l’un d’eux. Il donne l’adresse de son refuge.

En peu de temps, près de 150 policiers sont arrivés. Dans le désordre, quelques-uns sont allés au lieu où M. Camara se trouve encore, les autres au refuge de l’agent Sanjay Vig.

À 17h00, M. Camara appelle au 9-1-1

Pendant ce temps, Mamada III Fara Camara trouve le temps long. Il a assisté au combat entre le policier et son agresseur. Il a vu le policier déguerpir. Mais il fait quoi, lui ?

Est-ce que le policier doit bientôt revenir lui donner sa contravention ? S’il quitte avant de l’avoir reçue, est-ce un délit ?

Quarante secondes après le début de l’appel de détresse du policier, M. Camara décide d’en avoir le cœur net. Il appelle au centre d’urgence 9-1-1 (comme trois autres témoins).

Son ton est calme. Il explique ce qu’il a vu et justifie sa présence sur les lieux par le fait qu’il est en attente de la contravention que devait lui remettre le policier.

Il n’a pas le temps de demander s’il peut quitter les lieux qu’un autre policier arrive, écoute son témoignage et lui permet de partir.

En moins de six minutes, les premiers policiers arrivent

Les premiers policiers arrivés au refuge du policier Sanjay Vig trouvent leur collègue en piteux état. Il n’a pas été atteint par les balles. Mais il a le visage ensanglanté en raison des coups qu’il a reçus. Également maculées de sang, ses mains tremblent. Il n’a jamais eu aussi peur de sa vie.

Il leur dit qu’il est certain que son agresseur est M. Camara. Cela ne fait aucun doute.

Plus tôt, en tentant de se protéger des coups, le policier n’a pas très bien vu son assaillant puisqu’en fin d’après-midi, en janvier, il fait déjà nuit.

Mais quand il s’est retourné en fuyant, celui qui courait derrière lui était un homme à la peau très pigmentée. Or le policier ne peut pas imaginer qui d’autre aurait pu l’agresser sinon M. Camara, furieux à cause de sa contravention.

Tout était filmé

Là où l’agression a eu lieu, une des caméras du ministère des Transports a tout enregistré.

Vers 17h, un chef d’équipe du Centre intégré de gestion de la circulation (CIGC) a remarqué le grand nombre de voitures de police qui arrivent soudainement à cet endroit.

Dans ce centre, il y a aussi des écrans qui diffusent les nouvelles en continu. Une demi-heure plus tard, quand la chaine LCN diffuse la nouvelle selon laquelle un policier s’est fait désarmer et tiré à cette intersection, ce chef d’équipe décide de visionner les images, puis de contacter le service de police.

Le soir même, deux sergents-détectives se rendent au CIGC pour faire une copie de la scène sur leur téléphone multifonctionnel.

Toutefois, cette copie sur téléphone, de même qu’une copie numérique parfaite de la bande originale ne seront transmises aux responsables de l’affaire Camara que le soir du 2 février (la veille de l’abandon des procédures)

Au visionnement, c’est clair. La déduction de l’agent Sanjay Vig ne tient plus la route; M. Camara est innocent.

Mais retournons au soir du 26 janvier.

L’arrestation de M. Camara

Pour les policiers, il n’y a pas pire bandit que celui qui tue ou qui tente de tuer l’un d’eux.

Parmi les patrouilleurs qui partent sillonner les rues à sa recherche,
une autopatrouille a reçu l’ordre d’aller au domicile de M. Camara.

Effectivement, à leur arrivée, la Toyota Corolla 2014 grise de M. Camara est stationnée là, les phares allumés. Il est donc encore au volant.

Est-ce un guet-apens ? Après avoir échoué à tuer l’agent Sanjay Vig, attend-il là comme une bête prête à foncer sournoisement et causer de nouvelles victimes policières ?

À 17h14, un policier descend de son autopatrouille. Il dégaine son arme sans la pointer. Il s’approche lentement. Puis il contourne le véhicule; à l’arrière, la plaque d’immatriculation est bien celle de la voiture de M. Camara. Donc il n’y a plus de doute, c’est bien lui.

Son coéquipier est lui aussi descendu de l’autopatrouille. S’approchant au milieu de la rue, il est d’abord aveuglé par les phares de l’auto. Sur les ondes radio, il déclare « 44-2. On a le gars en visuel.».

Ce coéquipier dégaine son arme et le pointe, prêt à tirer sur la silhouette du conducteur puisqu’à tout moment, l’auto pourrait foncer sur lui.

S’approchant davantage, il distingue mieux M. Camara. Toute son attention est alors portée sur ses mains, toujours convaincu que le suspect est en possession de l’arme avec laquelle il a tenté de tuer le patrouilleur Sanjay Vig.

Quand M. Camara voit s’approcher les deux policiers, il ne comprend pas ce qui arrive; il n’est pas en train de téléphoner ni de texter un message. Tout à l’heure, dans sa contrariété lors de son interception, a-t-il dit au policier quelque chose qu’on ne doit pas dire ? Il baisse la vitre de son véhicule.

Le premier policier passe devant l’auto, s’approche de M. Camara et lui ordonne de montrer ses mains et de ne pas faire de gestes brusques. Le suspect coopère et sort ses deux bras par la fenêtre du véhicule.

Entretemps, une autre autopatrouille est arrivée sur les lieux et ses deux policiers se sont eux aussi approchés de M. Camara, l’arme pointée.

En raison du caviardage du rapport du juge Dionne, on ne sait plus très bien, de ces quatre policiers, qui fait quoi.

Ce qu’on sait, c’est qu’un policier agrippe le bras gauche de M. Camara tandis qu’un collègue fait la même chose avec le bras droit. Ils le sortent — ’vigoureusement’ selon le témoignage de l’un d’eux — par la fenêtre. Le suspect se retrouve aussitôt au sol sur le ventre, le visage plaqué sur l’asphalte par un autre policier.

Dans son témoignage, ce dernier affirme qu’il ne s’est pas servi de son pied pour immobiliser la tête du suspect, mais de l’intérieur de sa cuisse, ce qui n’est possible que si l’agent est accroupi devant lui ou agenouillé au-dessus sa tête.

Au lieu de l’extraire manu militari de son auto, si le premier policier lui avait simplement passé les menottes alors que M. Camada avait les bras sortis par la fenêtre puis lui avait lentement ouvert la portière, M. Camara aurait été arrêté en douceur.

Et si le suspect avait fait un geste brusque, les trois autres policiers l’avaient déjà en joue : il aurait été criblé de balles de manière aussi expéditive qu’un Noir arrêté à Repentigny…

Menotté, M. Camara est fouillé sur-le-champ, tout comme son véhicule. On ne trouve pas l’arme de patrouilleur Sanjay Vig.

Juste avant qu’on l’emmène pour être incarcéré, un policier remarque qu’en dépit de la poudre de calcium sur les vêtements de M. Camara du fait qu’il vient d’être plaqué sur la voie publique, ses vêtements sont relativement propres et non froissés. Il est calme et non essoufflé. Il n’a pas de trace de transpiration.

Bref, il n’a pas l’aspect ni le comportement attendus de quelqu’un qui, un quart d’heure plus tôt, se serait battu au sol avec le patrouilleur Sanjay Vig et se serait lancé à vive allure à sa poursuite.

Tout au plus, a-t-il une petite égratignure sur une joue, compatible avec son plaquage au sol, il y a quelques instants.

Tôt le lendemain matin de son incarcération, un sergent-détective vérifie les mains de M. Camara et constate qu’elles ne portent aucune marque de combat.

De 8h01 à 12h33, M. Camara est interrogé par un sergent-détective à qui il répète sa version disculpatoire des faits.

À 15h07, il se présente devant un juge pour comparaitre, c’est-à-dire plaider coupable ou non coupable à l’accusation portée contre lui.

Cette accusation, c’est celle portée par la procureure de la DPCP (dont nous reparlerons dans un instant). Cette avocate n’a pas encore vu la bande-vidéo qui innocente M. Camara. Mais à partir de preuves circonstancielles, elle a déjà acquis la conviction de sa culpabilité. Elle est tellement convaincue de sa dangerosité qu’elle s’opposera à sa remise en liberté en attente de son procès.

Au sujet de la DPCP

En doit civil, n’importe qui peut porter plainte devant les tribunaux.

Mais en droit criminel, seul un organisme gouvernemental (appelé Direction des poursuites civiles et pénales ou DPCP) peut saisir les tribunaux d’une affaire criminelle.

La DPCP est dirigée et composée d’avocats. Ce qui ne l’empêche pas de confier une multitude de dossiers à des centaines d’avocats de pratique privée qui collaborent avec elle.

Puisqu’en droit criminel, un accusé ne peut être condamné que s’il ne subsiste aucun doute raisonnable quant à sa culpabilité, la DPCP sert à ‘filter’ les causes où un plaignant est absolument convaincu de la culpabilité de quelqu’un d’autre sans en posséder la preuve irréfutable.

En somme, la DPCP sert à éviter que le système judiciaire croupisse sous le poids des causes vouées à l’échec.

Toute affaire criminelle débute par une enquête policière.

Après avoir recueilli l’ensemble de la preuve, lorsque le policier responsable de l’enquête en arrive à la conclusion qu’il a trouvé le coupable du crime, il transmet l’ensemble du dossier à la DPCP accompagné d’une déclaration sous serment affirmant sa conviction de la culpabilité du suspect.

La DPCP en a vu d’autres. C’est seulement lorsqu’il est convaincu lui aussi que la preuve policière est irréfutable qu’il porte l’affaire devant les tribunaux.

Dans son rapport, le juge Dionne écrit : ‘ Bien qu’elle soit consciente que l’agent Vig ne peut pas identifier formellement le suspect et qu’il y va par déduction, pour elle, son témoignage est central, puisque ce dernier est d’une crédibilité sans faille.’

L’excuse n’est pas forte; le juge Dionne sait parfaitement qu’une montagne de soupçons d’un policier, aussi crédible soit-il, ne vaut pas l’ombre d’une preuve.

En s’abstenant de blâmer la DPCP, si le juge Dionne voulait protéger la crédibilité du système judiciaire (dont il fait partie), il n’agirait pas différemment.

La vérité, c’est que le travail de la DPCP est trop souvent d’une extrême médiocrité. Que ce soit en refusant de porter plainte contre les véritables responsables de la catastrophe de Lac-Mégantic, en réclamant des peines ridicules à l’encontre des coupables de contrebande d’armes à feu au Québec, ou leur extrême indulgence à l’égard d’Anita Obodzinski dans l’affaire de la vieille au déambulateur.

Le témoignage des policiers

Dans un autre ordre d’idée, dans cette affaire, il y a trop de preuves qui ne se sont jamais rendues à l’enquêteur-chef, responsable de ce dossier.

Si ce dernier avait interrogé lui-même les policiers présents au moment de l’arrestation de M. Camara, il aurait recueilli tous ces indices incompatibles avec le fait que M. Camara vient, quinze minutes plus tôt, de lutter au corps-à-corps avec un policier, de le frapper au point de lui ensanglanter le visage et de courir à vive allure à ses trousses.

Plusieurs de ces policiers (mais pas tous) avaient pourtant consigné leurs observations dans leurs rapports.

Dans l’urgence de déposer des accusations criminelles, l’enquêteur-chef s’est contenté des rapports qu’on a bien voulu lui transmettre.

D’où la question : entre les sergents-détectives et l’enquêteur-chef, a-t-on filtré ce que dernier devait savoir ?

Quand tout tombe à l’eau

Le 3 février, les policiers retournent sur les lieux pour une reconstitution des évènements en compagnie du principal témoin oculaire. Son témoignage met en doute la version retenue jusque là.

Informée le jour même, la DPCP ordonne l’arrêt des procédures et libère définitivement M. Camara de toutes les accusations portées contre lui.

Depuis, c’est Ali Ngarukiye qui est accusé des faits dont a été victime l’agent Sanjay Vig.

Conclusion

Je suis de ceux qui croient que les policiers exercent un métier dangereux et nécessaire.

Avant d’entreprendre la lecture du rapport Dionne, mon préjugé de départ était que l’affaire Camara était un exemple de la détestation des policiers pour toute personne qui s’en prend à l’un d’eux. Peu importe la pigmentation de la peau du coupable.

Toutefois à la lecture du rapport, on voit d’innombrables exemples de la bienveillance des simples policiers à l’égard de M. Camara, si on fait exception de son arrestation musclée (que le juge Dionne justifie du bout des lèvres).

Le déni de justice fait à Mamada III Fara Camara ne repose pas seulement sur l’aveuglement obstiné d’un patrouilleur victime d’une agression armée.

Cette injustice a été rendue possible grâce à de graves lacunes internes qui vont au-delà des simples problèmes de communication soulignés par le rapport.

Il y a trop de preuves ou d’indices de l’innocence M. Camara recueillis par des inspecteurs qui ne se sont pas rendus à l’enquêteur-chef.

Du coup, l’explication la plus probable, c’est que dans la hiérarchie policière, on a cherché à ‘simplifier’ la preuve dans le but d’obtenir rapidement une accusation criminelle par crainte d’un mécontentement des troupes si l’enquête prenait trop de temps.

Et tout cela n’aurait pas été possible sans l’extraordinaire amateurisme de la DPCP.

Un déni de justice est presque toujours la faute de ceux qui accusent ou qui condamnent.

Au lieu d’être un simple chargé de laboratoire à Polytechnique, si M. Camara avait été un riche financier, la DPCP y aurait pensé deux fois avant de l’accuser d’une tentative de meurtre à partir de preuves circonstancielles.

L’affaire Camara n’est pas un exemple de profilage racial; c’est un cas de justice différenciée selon la couche sociale, c’est-à-dire un exemple de l’écart entre la justice pour les riches et celle pour les pauvres.

Références :
La DPCP et l’esprit de caste
Les tribunaux et la vieille au déambulateur
Rapport d’enquête administrative sur les circonstances entourant les événements ayant mené à l’arrestation, à la détention et à la mise en accusation de Mamadi III Fara Camara
Sept jours par pistolet

Complément de lecture : Comment on étouffe légalement une affaire (2023-02-04)

3 commentaires

| Justice, Sociologie | Mots-clés : , , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Sécurité sanitaire et retour au bureau

Publié le 3 septembre 2021 | Temps de lecture : 3 minutes

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain dévoilait hier les résultats d’un sondage effectué du 2 au 12 aout dernier auprès de 1 079 personnes (patrons et employés) travaillant sur l’ile de Montréal.

Puisque cette publication fait partie de la série Retour dans les tours, on peut présumer que les répondants étaient surtout des employés de bureau.

Dans 60 % des cas, le lieu de travail se trouvait normalement au centre-ville. Le 40 % restant se répartissait dans des emplois à l’est (13 %), à l’ouest (17 %) et au nord du centre-ville (9 %).

Toutefois, en raison de la pandémie, 53 % d’entre eux exerçaient à plein temps leur métier en télétravail, 28 % de manière hybride et 19 % se rendait au travail comme d’habitude.

Ceux qui opéraient à distance étaient satisfaits du télétravail dans 78 % des cas. Et ce, en raison du temps économisé dans les déplacements (32 %), du meilleur équilibre entre le travail et la vie privée (29 %) ou parce qu’ils jugeaient que leur domicile offrait un cadre de travail plus efficace que le bureau.

Par contre, les raisons de ne pas aimer le télétravail étaient la perte d’esprit d’équipe (43 %), l’isolement social (39 %) et l’envahissement de la vie personnelle dans leur vie professionnelle.


 
Pour ce qui est du ou des moyens de transport que le répondant comptait utiliser pour se rendre au travail, on notera une diminution des intentions d’utiliser le transport en commun, et une augmentation de la popularité des moyens de transport où l’utilisateur n’est pas exposé à la contamination par les autres.

À la question ‘Dans quelle mesure les mesures sanitaires mises en place dans les transports en commun vous donnent-elles confiance pour reprendre ceux-ci lors de votre retour sur votre lieu de travail ?’, après répartition des indécis (12 %), les répondants se répartissaient comme suit : 18 % ont très confiance, 44 % plutôt confiance, 26 % peu confiance et 10 % pas confiance du tout.

Cette préoccupation concerne également les lieux de travail. À l’idée de travailler avec des collègues non vaccinés, 35 % s’en disent très préoccupés, 35 % plutôt préoccupés, 17 % peu préoccupés et 11 % pas préoccupés du tout.

Pour ce qui est de l’idée de réserver les lieux de travail aux employés pleinement vaccinés, après répartition des indécis (12 %), 36 % des travailleurs y sont tout à fait favorables, 24 % plutôt favorables, 18 % plutôt défavorables et 22 % tout à fait opposés.

Quant à l’imposition aux bureaux d’une preuve de vaccination complète à tous ceux qui y accèdent — y compris la clientèle — 48 % des répondants y sont tout à fait favorables, 22 % sont plutôt favorables, 12 % sont plutôt défavorables et 6 % s’y opposent catégoriquement.

Références :
Les Montréalais boudent toujours le métro au profit de la voiture
Vaste sondage pour le retour des travailleurs au bureau Série Retour dans les tours

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au Covid-19, veuillez cliquer sur ceci

Laissez un commentaire »

| Covid-19, Santé, Sociologie | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel