Trump et la naissance du nationalisme ‘postnational’

Publié le 22 avril 2025 | Temps de lecture : 4 minutes

Introduction

Au cours d’une entrevue au New York Times, Justin Trudeau déclarait en 2015 :

Il n’y a pas d’identité fondamentale, pas de courant dominant au Canada. Il y a des valeurs partagées : l’ouverture, le respect, la compassion, la volonté de travailler fort, d’être là les uns pour les autres, de rechercher l’égalité et la justice. Ce sont ces qualités qui font de nous le premier État postnational.

En somme, il n’existe pas de peuple canadien ni de nation canadienne, mais seulement un ensemble de personnes atomisées qui habitent un même territoire et qui partagent des valeurs universelles, c’est-à-dire des valeurs qui n’ont rien de strictement ‘canadiennes’.

Complètement détachées du territoire et de son histoire, ces personnes se regroupent sur les médias sociaux et forment des communautés virtuelles selon leurs affinités ou leurs centres d’intérêt.

La paix universelle

C’est en 1992 que le politicologue américain Francis Fukuyama publiait ‘La Fin de l’histoire et le Dernier Homme’. Dans cet essai, l’auteur prédisait que la fin de la guerre froide mènerait à la suprématie absolue et définitive de l’idéal de la démocratie libérale à travers le monde.

Au fur et à mesure que les pays créent et se soumettent à l’autorité d’institutions supranationales, celles-ci arbitrent les conflits et préviennent les guerres mieux que pourraient le faire les États eux-mêmes. D’où la redondance de ces derniers.

Deux décennies plus tard, quand Justin Trudeau proclame que le Canada est le premier pays postnational, il est parfaitement dans l’air du temps.

Le réveil des ‘ démons identitaires’


 
Dix autres années plus tard, comme les temps ont changé.

La guerre commerciale déclenchée par Donald Trump est illégale parce que contraire à l’esprit et à la lettre de l’ACÉUM. Pour s’en protéger, les travailleurs et les chefs d’entreprises canadiens ne peuvent pas compter sur les tribunaux de l’Organisation mondiale du commerce parce que leur fonctionnement est bloqué par Washington.

Ils ne peuvent compter que sur Ottawa et sur le gouvernement de leur province.

Les États-Unis ont envahi le Canada en 1775 et en 1812. Si l’imprévisible président actuel des États-Unis devait mettre en œuvre ses menaces d’annexion territoriale, il ne faudra pas compter sur l’Onu car seules les résolutions du Conseil de sécurité sont contraignantes. Or les États-Unis y ont droit de véto.

C’est sans doute pour cela que les Canadiens ont réalisé qu’ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes.

Et voilà donc que les ‘démons identitaires’, si longtemps combattus par les libéraux fédéraux et leurs valets québécois, refont surface.

Au cours de la campagne électorale qui s’achève, les chefs des formations politiques fédérales ont pris l’habitude d’annoncer les bonbons qu’ils nous promettent devant un grand drapeau du Canada. Si bien qu’on ne sait plus si on doit retenir l’immensité du drapeau ou la petitesse de ceux devant…

S’il a fallu quelques semaines pour que la notion d’État postnational vole en éclats, c’est qu’elle ne reposait sur pas grand-chose.

Quant à la redécouverte du nationalisme, elle sert bien les intérêts canadiens pour l’instant. Mais il faudra peu de chose pour qu’il se transpose au niveau québécois quand viendra le temps de décider si nous voulons prendre notre avenir en main ou demeurer à la merci d’un gouvernement central majoritairement composé à Ottawa de fonctionnaires unilingues anglais.

Références :
Définition d’un État postnational selon Deepseek
How Trump’s Canada threats dampened Quebec separatist movement – for now
La Fin de l’histoire et le Dernier Homme
Trudeau’s Canada, Again

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Écrit par Jean-Pierre Martel