La ‘Révolution culturelle’ turque

10 août 2016

La révolution culturelle chinoise

Après la faillite de la politique économique du Grand Bond en avant — qui s’est soldée, entre 1958 et 1962, par une famine causant au moins trente-millions de morts — Mao Zedong est désavoué par la majorité des cadres du Parti communiste chinois.

La riposte de Mao Zedong ne s’est pas fait attendre. Soutenant que la Révolution chinoise est compromise par des éléments révisionnistes infiltrés jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir, Mao Zedong en appelle à la jeunesse chinoise pour rétablir la pureté des idéaux révolutionnaires.

Débutée en 1966, cette hystérie collective fit des centaines de milliers, sinon des millions de morts.

Des dirigeants politiques, des hauts fonctionnaires, des professeurs et des intellectuels sont rééduqués par le travail à la campagne (où beaucoup décédèrent de mauvais traitements).

Rien qu’à Shanghai, 150 000 logements de ‘contrerévolutionnaires’ furent confisqués.

Des artistes sont mutilés : bras brisés pour les acrobates, doigts écrasés pour des pianistes.

Dans le sud de la Chine, au moins dix-mille personnes ont été victimes de cannibalisme.

Cette agitation permet à Mao Zedong de reprendre le contrôle de l’État et du Parti communiste.

La grande purge turque

Dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, une tentative de coup d’État eut lieu à Ankara (la capitale turque) et à Istanbul. Exécutée par environ neuf-mille soldats sur les 510 000 militaires que compte l’armée turque, cette rébellion s’est soldée par 350 morts, dont 179 civils.

Le gouvernement turc accuse le mouvement güleniste — du nom de l’imam Fethullah Gülen, réfugié depuis 1999 aux États-Unis — d’être à la source de ce putsch raté.

Depuis un mois, près de 40% des hauts dirigeants militaires du pays ont été arrêtés, soit 149 généraux et amiraux, sans compter 1 099 officiers subalternes ayant subi le même sort.

Trois pour cent des effectifs des forces policières (soit 9 000 agents) ont été licenciés.

Les académies militaires du pays ont toutes été fermées et seront remplacées par une université de la Défense nationale à être créée ultérieurement.

Le pouvoir judiciaire est également affecté par l’arrestation de 755 magistrats et d’environ deux-mille procureurs.

Parallèlement, 45 journaux, 16 chaines de télévision, trois agences de presse, 23 stations de radio, 15 magazines et 29 maisons d’édition ont été fermés.

Par ailleurs, 1 577 doyens d’universités ont été limogés tandis que le ministère de l’Éducation révoquait les permis de 21 000 enseignants.

Au moins 25 000 fonctionnaires ont été suspendus. Afin d’éviter des défections vers l’Étranger, les congés annuels de trois-millions de fonctionnaires ont été annulés et ceux déjà en vacances ont été sommés de regagner le pays dans les plus brefs délais.

Environ 50 000 personnes ne peuvent quitter le pays en raison de l’annulation de leur passeport.

L’ampleur et la rapidité de cette répression sont telles qu’il est évident que la liste des personnes à limoger était déjà prête quand cette mutinerie a éclaté.

L’entrevue au Monde

Le 8 aout dernier, le quotidien français Le Monde publiait le premier entretien d’Erdoğan à la presse occidentale depuis la tentative de putsch.

Le lendemain, le quotidien montréalais Le Devoir en publiait une transcription dans laquelle la réponse à la première question — relative au rétablissement de la peine de mort — a été omise.

Or c’est cette réponse qui est la plus révélatrice des intentions du président turc. La voici :

En ce qui concerne la peine de mort, je pense que si une personne a été tuée, seule sa famille peut décider du sort des coupables.

Si sa famille décide de l’amnistier, elle peut le faire; mais nous, en tant qu’État, nous ne le pouvons pas.

Bien sûr, le pouvoir judiciaire le peut.


Mais si des millions de personnes dans les rues demandent la peine de mort, cette requête sera prise en considération par le parlement.

En somme, si le peuple le veut — or il le veut — la peine de mort devra être rétablie de manière à donner aux familles un pouvoir discrétionnaire d’amnistie si c’est leur volonté.

Mais que vient faire ici la famille du décédé ? En quoi un juge pourrait-il s’en remettre à la volonté de la famille pour décider de sanctionner ou non un assassin de la peine capitale ?

Dans les pays où la charia a force de loi — ce qui n’est pas le cas de la Turquie — l’homicide volontaire est punissable de la peine capitale (loi du talion) sauf si les héritiers de la victime ont pardonné à l’assassin en contrepartie ou non du paiement d’une amende appelée prix du sang.

La seule exception à cette règle est lorsqu’un père tue son enfant ou lorsqu’un mari tue l’une de ses épouses. En pareil cas, seul le prix du sang est exigé.

De la même manière, l’homicide involontaire est punissable uniquement de l’acquittement du prix du sang aux héritiers.

La déclaration d’Erdoğan indique donc son intention de faire en sorte que le Code pénal turc soit modifié de manière à s’inspirer de la charia ou que la charia acquiert force de loi en Turquie. Dans ce dernier cas, la Turquie deviendrait une République islamique.

La manifestation monstre du 7 aout 2016

En politique, on ne sait jamais qui est le manipulateur et qui est le manipulé.

En réunissant la plus grande manifestation depuis des années à Istanbul, Erdoğan a prouvé qu’il possède le pouvoir de mobiliser des foules.

Il aura suffi de plusieurs messages télévisés, de la gratuité du transport en commun cette journée-là, de la mobilisation de deux-cent bateaux chargés de faire la navette de la rive asiatique à la partie européenne d’Istanbul, de la distribution de 2,5 millions de drapeaux, et de l’appel des minarets de la ville, pour réunir une mer de drapeaux rouges et blancs à ses pieds.

De 18h à 1h du matin, repas et boissons fraiches étaient distribués gratuitement.

Ce qu’on oublie de dire, c’est que les principaux slogans que scandait cette foule (à part donc du nom du président) étaient « Peine de mort » et « Allah akbar » plutôt que « Vive la Démocratie » ou « Vive la liberté ». Subtilement, la foule rappelait ainsi au président que ses plus ardents supporteurs se trouvent dans la Turquie profonde, conservatrice et religieuse.

Et en écho à « Dieu est grand », Erdoğan répondait silencieusement par le signe de Rabia, c’est-à-dire le salut de quatre doigts de la main avec le pouce replié vers la paume.

Ce signe peut s’interpréter comme un appel à la fin des dictatures militaires (une interprétation douteuse chez un président de plus en plus autoritaire) ou comme un symbole d’appui à l’instauration d’une république islamique en Turquie.

Conclusion

Depuis des mois, Erdoğan ne cache pas son intention de modifier la constitution du pays afin de renforcer les pouvoirs présidentiels.

Mais l’ampleur de la purge qu’il a fait subir aux élites libérales du pays fait craindre que ses intentions puissent être beaucoup plus vastes.

Selon la spécialiste Élise Koutnouyan, « S’il y a encore, en Turquie, de nombreux défenseurs de la laïcité radicale des Kémalistes, interprétée comme une neutralité de l’État à l’égard de la religion, un très grand nombre également voudrait que l’État cultive une relation privilégiée avec la religion dominante dans le pays, à savoir avec l’islam. C’est la politique que (le parti d’Erdoğan) tend progressivement à proposer et qu’il voudrait fixer dans le projet de nouvelle constitution.»

Depuis 1923, la Turquie est le modèle d’une société musulmane à 99,8% où les citoyens choisissent leurs dirigeants politiques sous le regard bienveillant d’une armée garante de la laïcité du pays.

Ce modèle est caduc. En raison de son discrédit à la suite du coup d’État raté et des purges qu’elle a subies depuis, l’armée n’est plus en mesure d’assumer son rôle constitutionnel.

La Turquie doit donc se réinventer. En raison du bâillonnement des forces d’opposition et du contrôle présidentiel sur les médias du pays, c’est Erdoğan et Erdoğan seul qui décidera de la nouvelle forme que prendra la ‘démocratie’ turque.

Certains indices laissent croire qu’il pourrait imposer une version sunnite du modèle iranien en faisant de la Turquie un pays où un parlement est élu par le peuple mais où les forces de l’ordre sont sous le contrôle d’un président omnipotent — l’équivalent du Guide suprême de la Révolution iranienne — garant du caractère islamique d’une république s’appuyant sur un code pénal inspiré de la charia.

Si la Révolution culturelle turque devait résulter en une transformation partielle ou totale de la Turquie en république islamique, ce sera conforme aux deux seules constantes du règne d’Erdoğan; la concentration des pouvoirs entre ses mains et l’islamisation croissante de la société turque.

Références :
Apprendre l’islam selon la voie Sunnite: informations sur la religion musulmane
Entrevue : Erdogan: « Les Occidentaux ont laissé les Turcs seuls »
Europe and US urge Turkey to respect rule of law after failed coup
L’armée turque remaniée en profondeur
L’armée turque sort humiliée du coup d’État raté
La Turquie laïque a-t-elle vécu ?
Manifestation géante antiputsch à Istanbul
Purges en Turquie : qui sont les dizaines de milliers de personnes visées ?
Recep Erdogan donne une interview au « Monde » trois semaines après le putsch raté en Turquie
Sécurité. Les Américains craignent pour leurs bombes atomiques situées en Turquie
Tentative de coup d’État de 2016 en Turquie
Turkey blocks access to WikiLeaks after Erdoğan party emails go online
Turkey to shut military academies as it targets armed forces for ‘cleansing’
Turquie : deux généraux haut placés démissionnent
Turquie – État d’urgence dans un climat totalitaire
Turquie : la purge s’étend aux entreprises
Turquie : le pouvoir intensifie les purges, mais tente de rassurer ses partenaires
Turquie : Les universités et les médias « purifiés »
Turquie : manifestation géante des pro-Erdogan à Istanbul
Un «climat de terreur» pèse sur la justice turque, selon un expert

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Fuck la Cour suprême (suite)

24 octobre 2010

Le 19 octobre dernier, je publiais un billet suggérant que le gouvernement du Québec déclare illégitimes* les dispositions de la Constitution canadienne relative à la langue d’enseignement et signifie son refus de s’y soumettre.

Les conséquences concrètes d’une telle déclaration sont les suivantes. Premièrement, le refus de participer à tout procès mettant en cause la constitutionnalité de la Loi 101 relativement à la langue d’enseignement et ce, devant n’importe laquelle instance juridique au pays. Deuxièmement, le refus d’honorer tout jugement à ce sujet, ce qui implique le refus de se soumettre à toute condamnation.

Voyons quelques objections.

Les absents ont toujours tort

Au contraire, l’expérience nous démontre que devant la Cour suprême, ce sont les présents qui ont toujours tort. Donc présents ou non, c’est pareil.

La Cour suprême n’est pas hostile au Québec ; elle ne fait qu’interpréter les lois et préciser la préséance de celles-ci en cas de conflit entre diverses dispositions législatives.

Nous avons vu dans la série Le français en péril, que le plus haut tribunal du pays a reconnu lui-même que les dispositions de Constitution canadienne relative à la langue d’enseignement ont été adoptées expressément pour contrer la Loi 101 du Québec. Donc, les dés sont pipés. Nous perdons notre temps et notre argent à plaider en faveur de la Loi 101 quand sa constitutionnalité est contestée.

Le gouvernement du Québec pourrait être condamné pour outrage au tribunal

C’est évident. Et après ? Pour un juge, l’outrage au tribunal équivaut à froncer les sourcils et à dire d’un air contrarié : « Tu n’es pas gentil ! ». C’est tout. S’il n’est pas assorti d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement, il est sans conséquence.

Mais, justement, peut-il être assorti d’une pénalité ? N’étant pas avocat, je ne sais pas. Dans le cas d’une amende, qui va la collecter ? Voyez-vous les huissiers saisir les chaises de l’Assemblée Nationale du Québec ?

Au cours de la Deuxième guerre mondiale, le gouvernement canadien avait fait emprisonner le maire de Montréal de l’époque, Camillien Houde, en raison de son opposition à la conscription obligatoire. Son emprisonnement a duré du 5 août 1940 (le jour de son arrestation) jusqu’à l’été 1944.

De nos jours, si une folie semblable passait par la tête du gouvernement fédéral, il ne pourrait que compter sur la Gendarmerie royale et l’armée pour accomplir cette besogne puisque tous les autres corps policiers obéissent au gouvernement du Québec.

Le parti au pouvoir à Ottawa pourrait être tenté de se faire du capital politique auprès du Canada anglais en agissant de la sorte. Il faudrait donc se préparer en conséquence et tout mettre en œuvre pour que n’importe quelle tentative d’un coup de force du gouvernement fédéral tourne au vinaigre.

Les juges pourraient paralyser le système juridique

Oui, c’est une possibilité. Dans le cas d’une grève, Québec n’a qu’à voter une loi d’urgence qui ordonne le retour au travail des juges qui siègent aux tribunaux de compétence provinciale. Ces juges auraient alors le choix entre le retour au travail ou la désobéissance à la loi pour protester contre le refus de Québec d’obéir à la loi, ce qui est un peu contradictoire.

Si les juges choisissent plutôt de se traîner les pieds et d’allonger les délais de procédure, eh bien, si c’est le prix pour sauver le français au Québec, je suis prêt à payer ce prix-là.

Le gouvernement fédéral pourrait nous couper la péréquation

Le gouvernement du Québec prélève des centaines de millions de dollars d’impôt fédéral sur le revenu des employés des sociétés publiques et parapubliques, non seulement les fonctionnaires, mais également les employés d’hôpitaux, les professeurs, les policiers, les employés municipaux (note : les villes sont un domaine de compétence provinciale), etc.

Normalement ces sommes sont envoyées à Ottawa. Toutefois, si le fédéral décidait d’essayer d’affamer le gouvernement du Québec, ce dernier pourrait répliquer en le privant de la totalité de ces sommes afin d’atténuer les conséquences fiscales de la suspension des versements de la péréquation.

Conclusion

Le gouvernement fédéral et les provinces anglophones — qui ont adopté une nouvelle constitution en 1982 sur le dos du Québec — ont commis une grave erreur de jugement.

Même dans des pays envahis militairement, comme l’Irak et l’Afghanistan, la nouvelle constitution est adoptée par le peuple conquis ou ses représentants.

Dans ce cas-ci, on justifie l’imposition au Québec de cette camisole de force constitutionnelle par une logique qui découle d’intrigues de coulisses et de calculs politiques qui, avec le recul du temps, apparaissent sans importance.

Politiquement et moralement, l’adoption sans le Québec de la Constitution canadienne de 1982 est un scandale et une bombe à retardement.

Cette bombe fera son petit tic-tac tant et aussi longtemps que le Québec s’y soumettra stupidement même lorsque ses intérêts vitaux sont en jeu.

Mais le jour où le Québec décidera qu’assez c’est assez, la crise politique qui résultera de cette décision aura pour conséquence soit l’éclatement de la fédération canadienne ou, au contraire, son renforcement sur des bases nouvelles. Ce sera le résultat de la maturité et du pragmatisme des hommes et femmes politiques qui nous gouvernent.

Alors que les francophones sont devenus minoritaires à Montréal, alors qu’un nombre croissant de Néo-québécois choisissent l’anglais comme langue d’usage, alors que le gouvernement du Québec vient de s’aplatir comme une larve en légalisant les écoles passerelles, il devient de plus en plus urgent que le Québec se réveille.

*— Ces dispositions sont illégitimes parce souillées par le processus d’adoption de cette Constitution, processus au cours duquel un des peuples fondateurs du pays — le Canada anglais — impose une constitution à un autre peuple fondateur contre son gré. C’est ce qui est arrivé en 1982.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Fuck la Cour suprême !

19 octobre 2010

Introduction

Les tribunaux, la police et l’armée constituent les outils répressifs de l’État. Lorsqu’un citoyen commet un excès de vitesse, ce n’est pas son député qui l’arrête ; ce dernier a simplement adopté une loi ou des règlements qui interdisent la conduite dangereuse, et ce sont les corps policiers et les tribunaux, payés par l’État, qui se chargent de faire respecter la volonté politique de celui-ci.

Dans la hiérarchisation des tribunaux du pays, les tribunaux de première instance sont de compétence provinciale. Au-dessus d’eux, la Cour supérieure est de compétence fédérale. La Cour d’appel du Québec, encore plus haute, est provinciale. Finalement, au faîte de cette pyramide, la Cour suprême du Canada est fédérale. Chaque niveau de gouvernement nomme ses propres juges et assure leur rémunération.

Alors si les tribunaux sont des créatures des États, pourquoi les gouvernements se soumettent-ils à leurs décisions ? Dans les États de droit, la soumission au pouvoir judicaire est essentielle à l’ordre social. Si chacun est libre d’obéir ou non aux tribunaux, la police ne peut faire respecter les lois et c’est l’anarchie. En somme, les gouvernements donnent le bon exemple.

Toutefois, cette soumission n’est rien d’autre qu’une convention. Une telle convention, aussi importante soit-elle, n’est pas sacrée. Or, il peut arriver — exceptionnellement — que des gouvernements jugent que l’avenir de leur population exige la désobéissance face à l’encadrement législatif auquel ils sont soumis.

La désobéissance civile et l’avenir du français

Précédemment sur ce blogue, nous avons vu que dans un de ses jugements, la Cour suprême du Canada a reconnu que les dispositions de Constitution canadienne relative à la langue d’enseignement ont été adoptées expressément pour contrer la Loi 101 du Québec.

Il n’est donc pas étonnant que diverses décisions de cette cour aient eu pour effet d’affaiblir la Charte de la langue française. En effet la Loi 101 exige que les Néo-québécois envoient leurs enfants à l’école publique française (à moins de payer en totalité pour l’enseignement privé dans une autre langue), alors que la constitution canadienne, au contraire, proclame la liberté de tout citoyen canadien de s’assimiler au groupe linguistique officiel de son choix et exige que les écoles publiques de la minorité soient accessibles à tous.

Or comme l’a démontré la série Le français en péril, le libre choix prescrit par la Constitution a pour conséquence inéluctable l’extinction du français au Québec.

Puisque la clause dérogatoire ne peut être invoquée par le Québec pour se soustraire à ses obligations constitutionnelles en matière de langue d’enseignement, cet affaiblissement de la Loi 101 a déjà des répercussions concrètes : les francophones sont devenus minoritaires sur l’île de Montréal et un nombre croissant d’allophones choisissent l’anglais comme langue d’adoption. Il est même devenu fréquent d’être servi en anglais alors qu’on s’est adressé en français à un employé : certains employés vont même jusqu’à refuser de nous servir en français.

Coincé entre son obligation légale de respecter la Constitution canadienne et son devoir moral d’assurer ici la survie du français, le gouvernement du Québec pourrait considérer la possibilité de la désobéissance civile.

Cette désobéissance est d’autant plus envisageable que le Québec n’a jamais signé l’entente constitutionnelle de 1982. En effet, cette constitution fut adoptée à la suite d’un déblocage survenu le lendemain d’une nuit de négociation intensive à laquelle le Québec n’avait pas été invité mais à laquelle toutes les provinces anglophones ont participé. Jamais le Québec n’a voté pour cette Constitution. Elle fut passée sur notre dos.

Imaginons que l’Assemblée nationale adopte une résolution à l’effet que dorénavant, face à tout conflit entre les dispositions de la Constitution relative à la langue d’enseignement et les dispositions correspondantes de la Loi 101, le Québec ne se sentirait pas lié par les devoirs constitutionnels imposés par le Canada anglais. Qu’arriverait-il ?

Un immense scandale et une crise politique majeure. Or cela tombe bien puisqu’à défaut d’une telle crise, jamais le Canada anglais acceptera de renégocier la Constitution canadienne.

Dans un article à suivre, nous examinerons les diverses conséquence que pourrait avoir une telle crise. Entretemps, je vous laisse songer à cette possibilité, impensable en d’autres temps, mais qui m’apparait envisageable dans le contexte actuel.

Note : la photo ci-dessus a été prise hier soir, lors de la manifestation contre la bâillon imposé pour forcer la légalisation des écoles passerelles (soit le projet de loi 103, devenu loi 115).

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Écrit par Jean-Pierre Martel