Moins d’antibiotiques ou plus d’hygiène contre C. difficile ?

27 juillet 2011

Radio-Canada et Le Devoir publient aujourd’hui une nouvelle en provenance de la Presse canadienne qui se réjouit de la réduction de l’utilisation des antibiotiques au Québec, comparativement à une croissance de cette utilisation dans les autres provinces canadienne.

On en impute la cause à la publication de lignes directrices qui auraient favorisé la prescription plus judicieuse des antibiotiques au Québec. Ces directives avaient été distribuées aux médecins et pharmaciens québécois en janvier 2005 à cause de craintes concernant la surconsommation des antibiotiques et à la suite d’une éclosion d’infections à la bactérie C. difficile.

Tout le monde est d’accord avec l’utilisation judicieuse des médicaments. Toutefois une telle nouvelle ne prouve pas l’atteinte des objectifs visés (qui n’étaient pas d’ordre économique) puisqu’on ne fait pas de distinction ici entre la surconsommation et la consommation justifiée d’antibiotiques.

Voilà donc du mauvais journalisme. Non seulement n’a-t-on pas fait la preuve que ces lignes directrices aient entrainé une réduction de la consommation inappropriée d’antibiotiques mais on apporte aucune donnée prouvant une réduction des taux d’infection de C. difficile au Québec grâce à ces lignes directrices.

Contrairement à ce que beaucoup de personnes croient, les antibiotiques ne rendent pas les gens vulnérables à C. difficile ; en effet, il est impossible de développer une diarrhée à C. difficile si on n’est pas déjà porteur asymptomatique de cette bactérie. Or les gens ne deviennent pas porteurs asymptomatiques à cause des antibiotiques (utilisés rationnellement ou non), c’est le manque d’hygiène, principalement dans nos hôpitaux, qui augmente le nombre de ces porteurs asymptomatiques parmi la population.

Ceux-ci développeront une diarrhée à C. difficile lors de la prescription (justifiée ou non) d’antibiotiques. Les antibiotiques provoquent ces diarrhées mais n’en sont donc pas la cause. La cause, à laquelle il faut s’attaquer, c’est le manque d’hygiène.

Il est donc illusoire de vouloir combattre l’épidémie de C. difficile au Québec par une réduction globale de la consommation d’antibiotiques par la population. En effet, si on réduit de 10% l’utilisation des antibiotiques, on réduit de 10% les cas de diarrhée à C. difficile. Pas plus. Si on réduit leur utilisation de 20%, on réduit les cas de 20%, etc. Donc la seule façon de mettre fin l’épidémie de diarrhée à C. difficile par le moyen du contrôle de l’utilisation des antibiotiques, c’est en cessant totalement de les utiliser, ce qui n’arrivera jamais.

C’est parce que la stratégie de lutte contre le C. difficile au Québec est centrée sur la réduction de l’utilisation des antibiotiques que cette stratégie a échoué lamentablement jusqu’ici.

Il y a toujours eu des cas d’infection à C. difficile au Québec mais ces cas sont se sont multipliés au point de devenir une épidémie (avec, cumulativement, des centaines de morts) — non pas depuis la commercialisation des antibiotiques — mais depuis la popularité des gels alcoolisés.

Ceux-ci se sont généralisés dans la première moitié des années 2000. En 2002, il y avait 60 décès par année au Québec causés par le C. difficile : de nos jours, il y en a 500.

Or ceux-ci sont totalement inefficaces contre le C. difficile. Zéro pour cent d’efficacité. Les spores de bactéries, dont celles de C. difficile, peuvent vivre des années dans l’alcool.

Tant que le public croira que se badigeonner les mains avec un gel alcoolisé est aussi efficace que le lavage des mains (précisons : avec de l’eau et du savon), les gestionnaires publics partageront ce préjugé populaire : ces derniers continueront d’utiliser des moyens inefficaces (la réduction de la prescription d’antibiotiques) alors que le problème est ailleurs.

Références :
Baisse des prescriptions d’antibiotiques par les médecins du Québec
C. difficile et les égalisateurs de crasse
Des directives sur l’utilisation des antibiotiques s’avèrent efficaces au Québec
Grippe A : le marché des produits hydro-alcooliques est devenu fou

Sur le même sujet : La transplantation de flore intestinale contre l’infection grave à C. difficile

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Écrit par Jean-Pierre Martel