La Grande peste et le Covid-19

Publié le 6 mars 2022 | Temps de lecture : 10 minutes

L’origine

Dans l’histoire de l’humanité, il y eut plusieurs pandémies de peste noire. Mais aucune ne fut plus mortelle que la Grande peste.

Pendant des siècles, on crut que cette pandémie était née en Chine et qu’elle s’était propagée le long de la route de la soie.


 
Depuis quelques décennies, on croit plutôt qu’elle serait apparue en Asie centrale, dans les rangs des Mongols qui assiégeaient en 1346 le port de Caffa, situé en Crimée.

Au cours de ce blocus terrestre (et non maritime) qui dura deux ans, des milliers de soldats mongols moururent de la peste.

Constatant leur impossibilité de conquérir la ville, l’armée mongole décida d’utiliser des trébuchets afin de catapulter les cadavres des pestiférés par-dessus les murailles de Caffa.

C’est un des tout premiers exemples de guerre bactériologique.

Atteints à leur tour par la peste, les assiégés signèrent une trêve avec les Mongols à la suite de quoi les premiers abandonnèrent la ville maudite pour se disperser dans les ports méditerranéens.

Réservoirs de la peste, les rats qui infestaient la cale de leurs bateaux propagèrent la peste dans tous les ports où on fit escale.

La propagation en Europe

En cinq ou six ans, plus précisément de 1347 à 1353, la Grande peste fit vingt-cinq-millions de victimes en Europe, soit entre 30 et 50 % de la population du continent.

Présentée comme une punition divine, la Grande peste provoqua un regain de ferveur religieuse au sein de la population médiévale, déjà encline à une grande religiosité.

Cette époque fut l’âge d’or des charlatans et des illuminés.

Les processions expiatoires de flagellants au torse ensanglanté déambulaient dans les villes, frappant l’imagination des spectateurs en prière et contribuant à l’anxiété générale.

Et bientôt les populations se laissèrent convaincre que les Juifs, les lépreux, les sorcières et les mendiants étaient la cause de la Grande peste.

En raison de la dépopulation, de nombreux villages furent abandonnés, les moins bonnes terres retournèrent en friche et les forêts s’étendirent.

D’outre-tombe, écoutons la voix du poète et compositeur Guillaume de Machaut. En 1349, sous le titre du Jugement du roi de Navarre, il écrit une chronique qui témoigne de son temps.

En voici un extrait (en français moderne) :

Nul ne faisait les champs labourer
ni les blés faucher ni les vignes faire,
même en donnant triple salaire, (…)
tant nombreux étaient les morts. (…)

Dans les champs, les bêtes mues
gisaient toutes éperdues.
Çà et là, elles paissaient (note : du verbe paitre)
partout où elles le voulaient.

Il n’y avait ni seigneur, ni berger,
ni homme qui leur allait autour.
Personne ne les réclamait.
Ni pour siennes, les revendiquait.

Des héritages, il y en eut plusieurs
qui restèrent sans seigneur.
Dans les manoirs, nul n’osait pénétrer
là où les morts avaient été…

Avant la pandémie, les gens s’étaient résignés à leur vie de misère. La pandémie bouleversa les mentalités.

La rareté de la main-d’œuvre agricole força les propriétaires terriens à améliorer les conditions de travail de leurs travailleurs et, dans certains pays, à abolir le servage.

La Grande peste en Angleterre

En Angleterre, la moitié de la population était serf. Ce qui signifie qu’on était tenu au travail forcé pour un propriétaire terrien (habituellement un noble ou un membre du clergé issu de la noblesse).

Dans la première moitié de la pandémie, plus précisément de 1348 à 1350, la pandémie provoqua d’importantes perturbations économiques; le prix des biens de consommation (sauf les céréales) augmenta de 27 %.

Et puisque la main-d’œuvre agricole se faisait plus rare, les travailleurs qui n’étaient pas liés par le servage exigèrent de meilleurs salaires. À défaut de quoi, ils partaient là où ils étaient mieux traités.

Cette hausse du cout de la main-d’œuvre agricole réduisit les profits des propriétaires terriens. Ce qui, à leurs yeux, était inacceptable.

Afin de combattre le ‘chaos’, le parlement de Londres — dont la chambre haute est peuplée exclusivement de propriétaires terriens — adopta en 1349 une loi destinée à plafonner les salaires à leur niveau d’avant la peste.

Peu appliquée, cette loi n’empêcha pas les conditions de vie du peuple anglais de s’améliorer en dépit de l’inflation. Mais elle rendit le pouvoir royal très impopulaire, apparemment à la solde des ennemis du peuple.

En 1381, soit plusieurs années après la fin de la pandémie, Richard II adopta une succession de taxes de plus en plus lourdes afin de financer la guerre de Cent Ans.

Les paysans se révoltèrent. Ils marchèrent sur Londres et y tuèrent toutes les personnes associées à l’autorité royale qu’ils rencontrèrent.

Cette révolte fut écrasée dans le sang quelques mois plus tard.

Covid-19 et guerres

La guerre culturelle américaine

Au cours de la pandémie actuelle, les opposants et les partisans des mesures sanitaires se sont affrontés aux États-Unis à coup d’insultes et de menaces de mort.

Au Moyen-Âge, les boucs émissaires de la Grande peste étaient les Juifs, les lépreux et les sorcières.

De nos jours, des millions d’Américains se sont laissé convaincre que leur belle ‘race blanche’ était en train d’être remplacée par les Juifs et les personnes à la peau foncée.

Ils avaient mis tous leurs espoirs dans un président messianique. Malheureusement pour eux, ce dernier devait perdre le pouvoir en raison des maléfices de sorciers ‘woke’ qui réussirent à imposer au pays un président illégitime.

Et les charlatans, de même que les illuminés du Moyen-Âge, renaissent aujourd’hui sur les médias sociaux.

La Grande démission

Cette guerre civile culturelle a entaché de nombreux milieux de travail d’un climat toxique.

Si bien que des millions de travailleurs américains ont quitté leur emploi pour un meilleur alors des millions d’autres, principalement des femmes, ont tout simplement abandonné le marché du travail.

Tout comme la pénurie de travailleurs agricoles au XIVe siècle, la Grande démission pousse actuellement les salaires à la hausse.

Pénuries et inflation

La congestion des ports américains donnant sur le Pacifique a raréfié l’approvisionnement de biens asiatiques.

Or il s’agit non seulement de biens de consommation courants, mais également d’items essentiels à la fabrication de produits américains.

C’est ainsi que l’industrie automobile a connu des ralentissements de production liés à une pénurie de semiconducteurs taïwanais.

S’ajoutent les sanctions économiques prises récemment contre la Russie qui font grimper le prix des matières premières dont ce pays est un important exportateur.

Tout cela a provoqué la plus importante hausse du taux d’inflation depuis quarante ans.

Alors que la mondialisation baignait dans l’huile depuis des décennies, aucun grand groupe industriel n’est aujourd’hui à l’abri de bouleversements économiques.

La guerre télévisée


 
La Grande peste n’a duré que cinq ou six ans, de 1347 à 1353. Mais elle fut accompagnée de la guerre de Cent Ans (de 1337 à 1453).

En France, celle-ci fut une guerre de pillage au cours de laquelle les armées anglaises ont méticuleusement détruit le bétail et les instruments de production agricole de centaines de villages français.

Au cours de ce conflit, les paysans étaient exposés aux horreurs de la guerre au fur et à mesure de l’avancée des chevauchées anglaises.

Par contre, de nos jours, des milliards de personnes assistent en temps réel aux reportages concernant le conflit russo-ukrainien.

Si bien que le jovialisme de nos autorités sanitaires, annonçant un peu vite la fin de la pandémie, a cédé le pas à une autre angoisse; celle de la guerre.

Le Yo-yo sanitaire

Le fiasco de la lutte sanitaire dans tous les pays occidentaux a sérieusement ébranlé la confiance des populations à l’égard de ceux qui ont pour mandat de les protéger.

Au lieu de dépister les personnes infectées et de les placer en quarantaine — comme on l’a fait en Extrême-Orient — on a adopté la stratégie du Yo-yo.

Celle-ci consiste à élaborer de savantes modélisations basées sur l’évaluation des contacts et sur les effets de leur réduction.

Concrètement, la politique du Yo-yo consiste à limiter la capacité d’accueil ou à fermer les petits commerces, les restaurants et les salles de spectacle lorsque les hôpitaux se remplissent. Et, au contraire, à jeter du lest lorsque les choses s’améliorent.

Et puisque le relâchement des mesures sanitaires occasionne toujours un rebond des hospitalisations, on se voit bientôt dans l’obligation de resserrer la vis. Ce qui diminue les hospitalisations…

Et ainsi de suite.

Cette succession de pénalités cycliques est l’équivalent moderne de la série de taxes imposées par Richard II au Moyen-Âge. Avec le même résultat.

Les propriétaires de milliers de petites ou moyennes entreprises ont été appauvris au cours de la pandémie : restaurants, salles d’exercice, salons de coiffure, salles de spectacles, créateurs de produits culturels, agences de voyages, etc.

Conclusion

Jusqu’ici, le Covid-19 a fait près d’un million de morts aux États-Unis et y a fait chuter l’espérance de vie, particulièrement chez les Américains à la peau très pigmentée.

D’une certaine manière, la pandémie au Covid-19 ressemble un peu à la Grande peste. Non seulement en raison de son pouvoir pathogène, mais également en raison des bouleversements économiques qu’elle a occasionnés.

Tout comme l’Église s’est avérée impuissante à combattre la peste, il en fut de même de nos gouvernements. Face à la pandémie, ils se sont empressés de jeter la serviette, déclarant qu’il fallait laisser se développer l’immunité ‘naturelle’ ou apprendre à vivre avec le virus.

Pour la population assiégée de Caffa, c’était l’équivalent de lui dire qu’elle devait apprendre à vivre avec ses conquérants.

La pandémie a révélé les faiblesses de notre filet de protection sociale, notamment dans le système hospitalier, et provoqué un retard académique chez nos enfants (dont on a volontairement provoqué la contamination sans que des catapultes aient été nécessaires).

D’autre part, le sous-investissement chronique dans le logement social fait actuellement flamber le prix des loyers.

Face à cela, les pays occidentaux ne trouvent rien de mieux à faire que de battre le tambour de la guerre afin de faire oublier le fiasco de leur lutte sanitaire.

Il est douteux que ceux qui nous ont si mal protégés depuis deux ans puissent échapper à l’âge des révoltes…

Références :
Covid-19 : du Yo-yo à la roulette russe
Guerre de Cent Ans
In Medieval Europe, a Pandemic Changed Work Forever. Can It Happen Again?
La Grande démission aux États-Unis
Ordonnance des Travailleurs
Peste noire
Révolte des paysans
Siège de Caffa

Paru depuis : The source of the Black Death in fourteenth-century central Eurasia (2022-06-15)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Margaret Thatcher, le secret des Exocet, et la menace nucléaire

Publié le 3 mars 2022 | Temps de lecture : 3 minutes

L’archipel des Malouines est formé principalement de deux iles au large des cotes de l’Argentine.

Depuis le XIXe siècle, ce pays en disputait en vain la souveraineté à l’Angleterre.

En avril 1982, la junte militaire argentine décide d’envahir les Malouines afin de détourner l’opinion publique de la crise économique qui sévit dans le pays.

La guerre qui s’en suivit ne dura que du 2 avril au 14 juin suivant. Elle opposait donc la cinquième puissance économique mondiale, la Grande-Bretagne, à la vingt-huitième.

Fait à noter : entre ces deux alliés des États-Unis, le président Reagan penchait en faveur de l’Argentine puisque ce pays jouait un rôle-clé dans sa lutte obsessionnelle contre le communisme en Amérique latine.

Les porte-avions argentins transportaient, entre autres, cinq chasseurs Super-Étendard équipés de missiles Exocet. Leur nom fait référence aux exocets, les poissons volants.

Les missiles français, à la surprise des Anglais, s’avérèrent d’une redoutable efficacité.

Secrètement, ils étaient dotés d’un dispositif qui permettait de les inactiver à distance. C’était une précaution prise par la France au cas où elle vendrait ces missiles à un pays qui se retournerait contre elle.

Le 7 mai 1982, la première ministre britannique appelle le président français. Elle est furieuse. Trois jours plus tôt, un missile Exocet, largué à basse altitude, rase les flots et frappe mortellement le contretorpilleur HMS Sheffield.

Au moment de l’appel, les photos du navire en feu sont à la une de tous les journaux britanniques. Il mettra six jours à sombrer.

Nous sommes à un an des élections. Mme Thatcher somme alors le président français de lui révéler le code d’inactivation des Excocet, menaçant de recourir à l’arme nucléaire contre l’Argentine si Mitterand refuse.

Ce récit fait partie des confidences que le président français aurait faites à son psychanalyste Ali Magoudi et qui se retrouvent dans Rendez-vous, un livre paru en 2005.

Les documents déclassifiés en 2012 par Archives nationales britanniques — trente ans après les faits, comme c’est son habitude — révèlent une foule de détails quant à la coopération secrète entre la France et la Grande-Bretagne afin d’empêcher l’Argentine d’acquérir d’autres Excocet.

Mais elles sont muettes au sujet de l’appel du 7 mai. D’où la question : Margaret Thatcher, a-t-elle vraiment menacé de recourir à l’arme nucléaire ?

Ce qui rend douteuses les affirmations du psychanalyste, c’est qu’il précise que Mitterrand aurait cédé à la pression. Or cela est contredit par la suite de la guerre.

Le 25 mai, deux missiles Excocet coulent le MV Atlantic Conveyor. Le 11 juin, c’est au tour du HMS Glamorgan d’être atteint par un missile Exocet.

Ces deux autres frappes n’auraient pas eu lieu si Mitterrand avait révélé le code d’inactivation des Exocet à Mme Thatcher.

Finalement, la Guerre des Malouines, comme toutes les guerres, servit de réclame publicitaire en faveur des armes qui s’avérèrent les plus efficaces.

Dès l’année suivante, le nombre de commandes d’Exocet augmenta de manière importante.

Références :
Falklands: “The Sphinx and the curious case of the Iron Lady’s H-bomb”
Guerre des Malouines
Maggie’s war with treacherous Mitterrand over Exocet missile: Archive files reveal ‘James Bond’ plot to hijack aircraft carrying French-made weapons
Thatcher ‘threatened to nuke Argentina’

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La Grande démission aux États-Unis

Publié le 20 novembre 2021 | Temps de lecture : 8 minutes

Introduction

Depuis décembre 2000, le gouvernement américain publie mensuellement des statistiques au sujet des travailleurs qui quittent volontairement leur emploi.

Leur nombre atteignit un sommet d’environ 4 478 000 démissions en aout 2019.

À titre de comparaison, en 2018, ce nombre mensuel était en moyenne de 3,5 millions (soit 21,8 % de moins).

En raison de la stagnation du revenu des salariés aux États-Unis depuis plus deux décennies, la seule manière d’augmenter sa rémunération était de papillonner d’un emploi à l’autre, d’où le nombre élevé de départs volontaires.

De janvier à aout 2021, plus de trente-millions de travailleurs américains ont quitté volontairement leur emploi.

Au mois de septembre dernier, le nombre d’embauches et de pertes d’emplois aux États-Unis ont été respectivement de 6,5 et de 6,2 millions.

Les pertes d’emplois ont consisté en 4,4 millions de démissions, de 1,4 million de licenciements et de 0,4 million de suppressions d’emploi. Ce qui est comparable à la situation qui prévalait avant la pandémie.

Avec la différence qu’une partie des démissionnaires ne font pas que quitter leur emploi; ils quittent le marché du travail. Ce dont ne tiennent pas compte les statistiques officielles.

Si bien que tout ce qu’on voit, c’est le nombre croissant des emplois qui ne trouvent pas preneur.

Travailler sous la terreur

Au cours de l’administration de Donald Trump, les mesures de mitigation adoptées par les États américains ont varié selon l’idéologie de leurs dirigeants.

Quand des gouverneurs instauraient les mesures recommandées par les autorités sanitaires, le président Trump incitait ses partisans à la révolte. Toutes les autorités compétentes ont fait face à des menaces de mort si elles osaient recommander les mesures appropriées.

Le bilan de ce régime de terreur, c’est qu’en 2020, l’espérance de vie aux États-Unis a diminué d’un an, en moyenne, et de 2,7 ans dans le cas précis des Américains à la peau très pigmentée.

Lorsqu’on dit que plus d’un demi-million d’Américains sont morts du Covid-19, cela signifie que des millions de collègues ont continué de travailler alors qu’ils apprenaient leur hospitalisation, leur admission aux soins intensifs, puis leur décès. Et tous se sont demandé qui serait le suivant.

Lorsque des employeurs étaient hostiles au port du masque, cela voulait dire qu’ils interdisaient à leurs employés de le porter sous menace de congédiement.

Et quand leur employeur l’obligeait, le salarié devait affronter l’hostilité de clients qui y étaient violemment hostiles.

Une pénurie aigüe de travailleurs

Partout aux États-Unis, les employeurs peinent à remplacer ceux qui ont démissionné ou ont de la difficulté à se doter du personnel nécessaire après une fermeture de leur établissement (restaurant ou hôtel, par exemple) depuis plusieurs mois.

Certains politiciens ont soutenu que les allocations versées aux chômeurs par Washington étaient trop généreuses. Mais la fin de ces subsides n’y a rien changé.

Même la croissance des salaires semble inefficace à inciter les chômeurs à retourner sur le marché du travail.

Où est donc le problème ?

Une occasion d’introspection

Avant la pandémie, beaucoup de jeunes adultes menaient une vie de fou, partagés entre leurs vies familiale, professionnelle et sociale.

Or la pandémie a été une occasion d’introspection.

Un grand nombre de jeunes ont réalisé qu’entre d’une part l’emploi rêvé pour lequel ils ont consacré des années de formation, et d’autre part la réalité concrète de l’exercice de ce métier ou de cette profession, il y avait un gouffre.

La Grande démission est essentiellement féminine

Au cours de la pandémie, les travailleuses ont été deux fois plus nombreuses à quitter le marché du travail que leurs collègues masculins.

Et ce, parce que beaucoup de pertes d’emploi se sont produites dans l’industrie de l’hospitalité — c’est-à-dire dans la restauration et dans l’hôtellerie — où les femmes représentaient une part importante des travailleurs.

De plus, les difficiles conditions de travail dans le secteur de la santé ont poussé bien des travailleuses à l’épuisement professionnel.

Quant à celles qui œuvraient dans le secteur de l’éducation, la polarisation violente des parents au sujet du port du masque à l’école a grandement atténué leur zèle à enseigner. Si bien que bien des enseignantes ont pris leur retraite prématurément.

Les fermetures d’écoles atteintes par des éclosions de Covid-19 ont obligé un des parents (le plus souvent la mère) à s’absenter du travail pour s’occuper d’un ou de plusieurs enfants. Ces absences subites et répétées du travail ont souvent occasionné leur licenciement.

Dans les États où les gouverneurs interdisent le port du masque à l’école, certains parents préfèrent garder leur enfant à la maison. À l’inverse, certains des parents qui sont violemment opposés au port du masque feront de même là où il est obligatoire.

Dans ce pays où il n’existe pas de garderies publiques, les garderies privées sont hors de prix pour de nombreuses familles. De plus, un nombre record de ces garderies ont fermé leurs portes au cours de la pandémie.

Si bien que le tiers des mères consacrent maintenant plus de temps à leur famille. Soit parce qu’elles ont réduit leurs heures de travail ou parce qu’elles ont quitté le marché du travail.

Tout cela réduit le nombre de femmes disponibles alors que le taux de chômage était déjà très bas avant la pandémie.

Si bien que la participation des femmes au marché du travail est le plus faible depuis trente ans. Ceci est la principale cause de la pénurie de travailleurs américains.

Les solutions

La Grande démission représente une importante perte de productivité pour l’économie américaine. Puisqu’elle est principalement féminine, l’intention du président Biden d’instituer un réseau de garderies publiques est essentielle.

Si le Congrès américain refuse cela pour des raisons partisanes ou idéologiques, le déclin économique des États-Unis face à la Chine se poursuivra.

D’autre part, prolonger la vie ‘utile’ d’un travailleur, c’est aussi profitable pour un employeur que de prolonger la vie de sa machinerie. Conséquemment, un régime public d’assurance maladie contribue à la santé des travailleurs et prolonge leur contribution à l’économique du pays.

Une des choses qui m’ont frappé au cours de cette pandémie, c’est que dans ce pays centré sur l’automobile, même les pauvres avaient besoin d’une auto pour faire la file dans une banque alimentaire.

Pour rendre le marché du travail plus attrayant, il faudra que le travailleur moyen perde moins de temps à voyager de la maison au travail et vice versa.

Quand un travailleur prend quotidiennement trente minutes pour aller et revenir du travail, c’est une heure de sa vie qui est perdue chaque jour. Après cinquante ans de carrière, c’est deux années de sa vie perdues dans le transport automobile.

Ce qui nécessite une révolution urbanistique dans toutes les grandes villes américaines et des investissements majeurs dans le transport en commun (ce qui fait également partie du plan Build Back Better du président Biden).

Dans un autre ordre d’idée, on doit se rappeler que le quart de tous les prisonniers au monde sont incarcérés aux États-Unis. Plus de vingt-millions d’Américains possèdent un dossier criminel. Or ce sont des gens qui, après avoir purgé leur peine, sont stigmatisés dans leur recherche d’un emploi. Ils contribuent à la demande de biens et de service sans contribuer à leur offre, accentuant le déséquilibre entre les deux.

Pour augmenter le nombre de personnes sur le marché du travail, les élus américains doivent atténuer le caractère répressif du système judiciaire de leur pays.

De plus, la police américaine devra cesser le profilage racial qui a pour résultat que de nombreuses personnes à la peau pigmentée voient leur permis de conduire révoqué à la suite de nombreuses infractions anodines du code de la route. Or sans auto, pas de travail dans l’Amérique d’aujourd’hui. Ce qui réduit d’autant le nombre de travailleurs disponibles.

Références :
Annual total separations rates by industry and region
‘An unbelievable sense of freedom’: why Americans are quitting in record numbers
Inégalités sociales aux États-Unis de 2000 à 2010
Job Openings and Labor Turnover Summary
L’urbanisme cellulaire
Pandémie de Covid-19 aux États-Unis
Part of the ‘great resignation’ is actually just mothers forced to leave their jobs
United States – Average Commute Time by State
Workers Are at the Heart of Our Economic Recovery
Workers quit their jobs at the fastest rate on record in 2019—here’s why

Paru depuis :
A record 4.5 million Americans quit their jobs in November (2022-01-04)

Sur le même sujet :
Réouverture des restaurants : certains ont claqué la porte pour toujours (2022-01-30)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Covid-19 : un G7 superpropagateur

Publié le 22 juin 2021 | Temps de lecture : 3 minutes

Pour la première fois depuis des mois, les chefs d’État de sept des dix plus grandes puissances mondiales se sont réunies en personne. La réunion eut lieu du 11 au 13 juin dans le duché de Cornouailles, cette pointe de terre située à l’extrémité sud-ouest de l’Angleterre.

Évidemment, toutes les précautions sanitaires avaient été prises afin d’éviter que des personnes contagieuses se retrouvent dans la délégation de ces pays.

Et puisque tout ce monde s’est déplacé en avion, les compagnies aériennes étaient très fières que les chefs d’État fassent la preuve que, grâce à la vaccination, il est maintenant possible d’effectuer dès maintenant des vols internationaux de manière parfaitement sécuritaire.

Malheureusement, ce sommet fut un évènement superpropagateur.

Non pas que des chefs d’État furent contaminés lors de leur séjour à l’Étranger. Mais, c’est l’inverse; il s’est avéré que plusieurs délégués ont contaminé les Cornouaillais lors de leurs contacts avec la population locale.

Pourtant, la région du sud-ouest est celle où la proportion des personnes vaccinées est la plus forte en Angleterre.

Au 30 mai dernier, 66,2 % de sa population avait reçu au moins une dose de vaccin et 46,9 % des gens étaient complètement immunisés. À titre de comparaison, la moyenne anglaise est respectivement de 61,8 % et de 40,8 %.

Malgré son bouclier vaccinal, pour la première fois depuis le début de la pandémie, cette région s’est retrouvée au-dessus de la moyenne nationale anglaise quant au nombre de nouveaux cas de Covid-19. Et ce, depuis la réunion du G7.

Au 3 juin 2021, dans le duché de Cornouailles, le taux de contagion était de 49 cas par million d’habitants. Dix jours après le G7, il avait explosé à 1 306 cas par million, soit 26 fois plus.

Dans les parties du duché tournées vers la Manche (au sud) — où sont domiciliés les étudiants des universités Exeter et Falmouth — les experts soupçonnent que la cause serait liée à une augmentation des cas sur le campus de ces universités.

Mais les éclosions les plus importantes sont survenues du côté tourné vers la mer Celtique (au nord). Or c’est là qu’ont séjourné les délégations internationales du G7.

Si la Chine avait été invitée à ce sommet, la propagande anglo-américaine aurait immédiatement semé le doute quant à l’efficacité du dépistage chinois et réclamé une série d’enquêtes internationales jusqu’à ce qu’on en arrive à la ‘bonne’ conclusion; c’est la faute de la Chine.

Mais comme il n’y avait là que des pays amis, le gouvernement britannique préfère imputer la cause au variant Delta.

Effectivement, ce variant a causé une légère résurgence des cas partout en Angleterre, passant d’environ 2 400 cas au 7 mai à 10 633 cas hier. Mais c’est sans commune mesure avec l’explosion des cas dans le duché de Cornouailles.

Références :
Cornouailles
Covid cases in Cornwall above national average for first time
Covid vaccine rollout MAPPED: Staggering speed of jabs across England exposed
Le secteur aérien espère une annonce sur les liaisons transatlantiques
No 10 says G7 summit not to blame for rise in Cornwall’s Covid cases

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le ‘Joker’ d’Arabie

Publié le 16 mai 2021 | Temps de lecture : 2 minutes

Introduction

Sorti en 2019, The Joker est un film de fiction qui raconte l’histoire d’un homme méprisé et incompris qui, à force d’être le sujet de la méchanceté des autres, se transforme en un être asocial et, ultimement, en assassin.

Le mépris

En général, les princes saoudiens sont formés dans les meilleurs collèges privés et obtiennent leurs diplômes des plus grandes universités anglo-américaines.

Ils estiment que leurs diplômes prestigieux attestent objectivement de leur compétence à s’occuper des affaires de l’État.

De manière similaire, il y eut une époque au Québec où ceux qui avaient fait leur cours classique s’estimaient supérieurs aux autres.

Mohammed ben Salmane (MBS) est le prince héritier d’Arabie saoudite et l’homme fort de ce pays. C’est un avocat.

Sous n’importe quelle dictature, le ‘droit’ et la jurisprudence comportent des particularités qui découlent de l’arbitraire du régime. En conséquence, la profession juridique ne peut être formée que dans le pays.

Voilà pourquoi MBS est un des très rares princes saoudiens qui n’a jamais étudié à l’Étranger.

Jusqu’à l’affaire Khashoggi, l’image publique de MBS a été façonnée par les grandes firmes de relations publiques dont l’Arabie saoudite est cliente; l’américaine OmniComm (No 2 mondial), les britanniques Freud’s et Consulum, de même que les françaises Havas et Publicis.

Mais ni l’image artificielle de ce gentil monarque libérant les femmes saoudiennes de l’obscurantisme ni celle du despote cruel qui fait démembrer un opposant à la tronçonneuse ne nous aident à comprendre la psychologie du personnage.

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Dernièrement, la chaine de nouvelles CNN diffusait des images extraites d’une entrevue accordée à la télévision saoudienne par MBS. Cet extrait muet donne un aperçu des railleries dont il a très certainement fait l’objet, enfant, de la part de ses camarades de classe…

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Covid-19 : l’Inde et la démocratie

Publié le 29 avril 2021 | Temps de lecture : 3 minutes

Ce sont les voyageurs internationaux qui ont répandu le Covid-19 en début de pandémie.

Et parce que l’immense majorité des gens qui vivent dans des pays pauvres n’ont pas les moyens de voyager à l’Étranger, ces pays avaient dès le départ beaucoup moins de foyers d’infection.

Aussi récemment que le premier de ce mois-ci, l’Inde comptait officiellement quinze fois moins de morts par million d’habitants que les États-Unis.

Les analystes se succédaient à la télé pour expliquer le ‘miracle indien’.

Essentiellement, il tenait à trois choses, disait-on.

Premièrement, ce pays possède une population plus jeune. Donc moins susceptible d’en mourir; l’âge médian y est de 28 ans.

Deuxièmement, ne pouvant s’offrir le luxe de la climatisation, des millions de personnes vivent dans des habitations bien aérées, où portes et fenêtres sont grandes ouvertes le jour. Ce qui empêche l’accumulation de particules virales en suspension dans l’air. D’autres travaillent aux champs ou dans des marchés publics.

Et dernièrement, l’Inde fait partie des pays où, très souvent, les habitations sont multigénérationnelles. Ce qui diminue les risques associés à la concentration de retraités dans un même lieu.

Mais voilà qu’un mois plus tard, on assiste à une augmentation fulgurante du nombre des décès.

Si bien que le ‘miracle indien’ fait place à un bien triste spectacle; des hôpitaux submergés, ces gens qui meurent à l’extérieur en attendant leur tour, des patients admis mais incapables de recevoir les soins appropriés, etc.

Qu’est-ce qui explique ce renversement de situation ?

Des élections municipales ont eu lieu tout le mois d’avril, attirant des foules impressionnantes formées de partisans enthousiastes.

De plus, les célébrations de la fête des couleurs (ou Holi), les 28 et 29 mars derniers, ont provoqué une exubérance qui n’était pas propice au respect des mesures sanitaires.


 
Même si le nombre de morts par million d’habitants est encore bien moindre qu’en Occident, ce ne sera plus le cas bientôt en raison de l’augmentation exponentielle du nombre des décès.

Il est difficile de ne pas faire de comparaison entre les deux pays les plus peuplés du monde; l’Inde et la Chine.

Je suis de ceux qui croient que le communisme, lorsqu’il entretient la solidarité, est plus apte à protéger la population de certains pays contre de grands périls.

Surtout quand on se rappelle que jusqu’à tout récemment, la plus puissante démocratie au mode était dirigée par une personne inapte à la fonction de chef d’État.

Référence :
‘We are not special’: how triumphalism led India to Covid-19 disaster

Paru depuis :
Le Covid-19 a fait entre 3,2 et 3,7 millions de morts en Inde, loin des chiffres officiels (2022-02-18)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Covid-19 : pour une diplomatie des respirateurs

Publié le 7 avril 2021 | Temps de lecture : 3 minutes

Au début de la pandémie, les machines servant à maintenir l’oxygénation des patients gravement atteints faisaient partie des équipements essentiels pour combattre la pandémie.

On les appelle parfois ‘ventilateurs’; je préfère l’appellation de ‘respirateurs’ afin d’éviter la confusion avec les appareils domestiques dont on se sert pour faire circuler l’air par temps chaud.

Les connaissances au sujet du Covid-19 ont évolué rapidement. C’est ainsi qu’on a découvert très tôt l’utilité de la cortisone pour maitriser la tempête immunitaire qui s’abattait sur les patients gravement atteints, déclassant ainsi les respirateurs.

Sur les quarante-mille respirateurs commandés, Ottawa en a reçu 27 700, dont seulement deux pour cent ont été acceptés par les provinces (celles-ci se rendant compte qu’elles n’en avaient plus besoin).

Il en reste donc beaucoup, sans compter les douze-mille autres à recevoir.

Au parlement canadien, l’opposition accuse le gouvernement de gaspillage des fonds publics.

En agissant ainsi, les partis d’opposition envoient un très mauvais message; celui qu’ils auraient géré cette crise de manière fiscalement responsable.

Il y a un temps pour toute chose. En temps de guerre, ce n’est pas le temps de rechigner sur le prix des balles.

Si la vaccination en Europe continentale est trop lente (en comparaison avec celle en Grande-Bretagne), c’est justement parce que les fonctionnaires de Bruxelles ont tergiversé afin obtenir le meilleur prix possible pour leurs vaccins.

Si le pourcentage de citoyens complètement vaccinés est beaucoup plus grand aux États-Unis qu’au Canada, c’est entre autres parce que le chéquier de Washington était grand ouvert à tous les fabricants aptes à produire des vaccins aux États-Unis. Le Canada, lui, est pris à attendre les arrivages.

Bref, le gouvernement Trudeau a eu raison d’acheter ces respirateurs parce qu’il s’agissait de décision à prendre lorsqu’elle a été prise.

Quant à la question de savoir ce qu’on devrait faire des respirateurs excédentaires, pourquoi ne pas les donner aux pays en voie de développement ?

D’après ce que j’ai cru comprendre, ces respirateurs sont produits au Canada. Si tel est le cas, dans quelques années, lorsque ces appareils commenceront à devenir défectueux, les hôpitaux étrangers qui voudront les réparer se tourneront vers notre pays pour remplacer leurs pièces défectueuses.

N’est-ce pas une manière de se faire de nouveaux clients ?

À l’heure actuelle, la Chine et la Russie se font des amis en offrant leurs vaccins à tous les pays qui en demandent. C’est ce qu’on appelle la diplomatie des vaccins.

Au lieu de critiquer ces deux pays, imitons leurs bonnes idées; soyons utiles et créons la diplomatie des respirateurs

Référence :
Croulant sous les ventilateurs inutilisés, Ottawa essaie d’annuler les contrats restants

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Ouïgours : la résolution-boomerang

Publié le 24 mars 2021 | Temps de lecture : 3 minutes

Justin Trudeau et tous ses ministres ont fait preuve de sagesse en s’abstenant de voter en faveur de la résolution que le Parti conservateur a fait adopter par la Chambre des Communes au sujet du ‘génocide’ des Ouïgours.

C’est que le Canada cache des squelettes dans ses placards.

Les politiques assimilatrices de la Chine à l’égard de l’ethnie ouïgoure miment celles du Canada à l’égard de ses peuples autochtones.

Les douze-millions de Ouïgours représentent moins d’un pour cent de la population chinoise. Selon les statistiques raciales du Canada, les Indiens, les Inuits et les Métis comptent pour 1,6 million de personnes, soit quatre pour cent de la population canadienne.

Créés à l’initiative d’Ottawa, les pensionnats autochtones avaient comme but avoué le génocide culturel de ces peuples.

Les enfants y étaient amenés de force après avoir été arrachés des bras de leur mère. Parler une langue autochtone (même lors des récréations) était défendu. Et on séparait les membres d’une même famille en différents pensionnats pour qu’ils n’aient plus rien sur lequel s’accrocher.

Loin de leur famille et de leur communauté, sept générations d’enfants autochtones ont été privées de leur identité à la suite d’efforts systématiques et concertés visant à anéantir leur culture, leur langue et leur esprit.

Plus de 150 000 enfants autochtones ont été placés dans ces pensionnats. On estime qu’environ six-mille d’entre eux y sont morts de maltraitance, de maladie ou par suicide.

D’où la question : quelle est la différence fondamentale entre les ‘pensionnats autochtones’ et les ‘camps de rééducation chinois’ ?

D’autre part, selon le Washington Post, on poserait des stérilets aux femmes ouïgoures sans leur consentement. Les députés canadiens qui, à juste titre, s’en scandalisent semblent oublier que la Chine imite ainsi le Canada.

Ce matin, Radio-Canada nous rappelait qu’en novembre 2018, une étude avait montré que la stérilisation forcée de femmes autochtones n’est pas seulement une partie honteuse de l’histoire canadienne, mais qu’elle a encore cours en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario et dans les territoires nordiques du pays.

Au lieu de faire la morale à la Chine, la résolution adoptée par la Chambre des Communes ne fait que souligner l’hypocrisie du Canada.

Elle remet dans l’actualité des pratiques médicales que notre pays devrait bannir au plus tôt au lieu d’accuser la Chine de crimes contre les femmes qu’il tolère sur son propre territoire depuis 150 ans.

Références :
« Je ne me sentais plus femme », raconte une Autochtone stérilisée malgré elle
Le ‘génocide’ des Ouïgours en Chine
L’ONU s’inquiète de la stérilisation forcée des femmes autochtones au Canada
Manitoba : droits fondamentaux et laïcité

Parus depuis :
Une femme algonquine et crie dénonce une stérilisation sans son consentement (2021-05-13)
La stérilisation forcée de femmes autochtones : un drame qui dure depuis plus de 40 ans (2022-12-21)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Extraterritorialité et pétainisme

Publié le 3 mars 2021 | Temps de lecture : 5 minutes

L’extradition vers les États-Unis

Le Canada et les États-Unis sont partenaires en vertu de la Loi sur l’extradition du Canada.

En vertu de celle-ci, une demande d’extradition vers les États-Unis ne peut être respectée que si les actes reprochés sont reconnus comme criminels par les deux pays.

À titre d’exemple, le Canada ne peut pas honorer une demande d’extradition qui concernerait des citoyens américains qui se sont enfuis au Canada pour échapper à la conscription obligatoire à l’occasion de la guerre au Vietnam.

Autrement, ce serait l’équivalent de ces Juifs que le régime de Vichy arrêtait en sol français parce que l’Allemagne nazie l’exigeait.

Ce qui est vrai pour des Américains réfugiés au Canada est encore plus vrai pour les citoyens canadiens.

À titre d’exemple, le Canada ne peut honorer une demande d’extradition qui viserait à soumettre à la justice américaine les entrepreneurs québécois qui font affaire avec Cuba, en violation de l’embargo américain. Parce que commercer avec Cuba est légal au Canada.

Si faire affaire avec Cuba était également illégal au Canada, notre pays ne pourrait non plus les extrader. Pourquoi ?

Le traité d’extradition ne concerne pas le cas des criminels qui ont commis leurs méfaits dans leur pays. Le Canada étant souverain, c’est à lui de punir les crimes commis chez lui.

En pareil cas, si le Canada choisissait de fermer les yeux — notamment au sujet de crimes économiques — ce n’est pas aux États-Unis à le faire à sa place.

Bref, ce traité est conçu pour éviter que le Canada serve de refuge à n’importe quel criminel américain qui aurait commis son méfait dans son pays.

L’extraterritorialité des lois américaines

Depuis 1977, la loi intitulée Foreign Corrupt Practices Act habilite les États-Unis, par le biais de son ministère de la Justice, à poursuivre toute entreprise étrangère qui violerait une loi américaine.

Et ce, même lorsque cette entreprise ne possède aucune succursale aux États-Unis et que le ‘délit’ a été commis dans un pays étranger.

Il suffit que l’entreprise effectue de l’Étranger une transaction facturée en dollars américains, qu’elle ait un site web hébergé sur un serveur américain ou qu’elle possède une adresse de courriel offerte par un service américain de messagerie.

Le principe de l’extraterritorialité des lois américaine est soutenu par Washington, mais n’est actuellement reconnu par aucun autre pays.

Par le biais des lois que des politiciens à sa solde font adopter à Washington, le grand capital veut ainsi dicter ses volontés à la planète tout entière.

L’exemple de l’affaire Wuawei

Le 1er décembre 2018, lorsque la directrice financière de Wuawei, Mme Meng Wanzhou, fut arrêtée à l’aéroport de Vancouver, le crime qu’on lui reprochait ne répondait pas aux critères pouvant justifier une demande d’extradition vers les États-Unis.

Wuawei était visé par des allégations américaines selon lesquelles sa succursale Skycom (basée à Hong Kong) aurait tenté de vendre (ou aurait vendu) pour deux millions$US d’équipement informatique à une compagnie iranienne en 2010.

Il ne s’agissait pas d’une violation des sanctions économiques adoptées par l’ONU que s’est engagé à respecter le Canada. Il s’agissait plutôt d’une violation présumée de l’embargo beaucoup plus sévère décrété unilatéralement par les États-Unis contre l’Iran.

L’histoire remontait déjà à plusieurs années et son importance économique (deux-millions de dollars) est dérisoire pour une compagnie de la taille de Wuawei. Bref, ce sont des broutilles.

Le ‘crime’ avait été commis hors du territoire canadien et même hors du territoire américain.

Bref, il ne s’agissait pas d’un délit reconnu comme tel par la législation canadienne.

En dépit de cela, l’arrestation de Mme Meng Wanzhou s’est opérée de manière urgente à la demande des États-Unis.

Selon l’article 10 de la Canadian constitution, toute personne doit être informée dans les plus brefs délais des motifs qui justifient son arrestation.

Or les États-Unis mirent trois mois à trouver les motifs tirés par les cheveux qui justifient leur demande d’arrestation.

Si vous n’arrivez pas à comprendre pourquoi cette affaire traine en longueur, c’est que le Canada n’est pas pressé de reconnaitre le principe de l’extraterritorialité des lois américaines.

Et il ne veut pas non plus susciter la colère des États-Unis en refusant de le reconnaitre.

Le plus simple est donc de faire en sorte que ce procès traine en longueur afin de donner au juge les motifs d’une remise en liberté pour vice de forme (l’irrespect de l’article 10 de la constitution) ou en raison des délais déraisonnables de cette affaire.

Voilà le fond de l’histoire.

Références :
Aperçu général de l’extradition en droit canadien
L’affaire Huawei : dure pour le Canada, la vie de caniche américain

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’Empêchement du 45e président américain

Publié le 11 janvier 2021 | Temps de lecture : 5 minutes

Nature de l’impeachment

En raison d’une nouvelle procédure intentée contre lui, Donald Trump pourrait bientôt devenir le premier président américain impeached une deuxième fois.

Toutefois, puisque la procédure d’impeachment est souvent traduite par ‘procédure de destitution’, on se demande comment Donald Trump peut encore être en fonction s’il a déjà été destitué.

L’impeachment se trouve dans le droit de quelques pays, dont le Brésil, la Corée du Sud, l’Inde, l’Irlande, les Philippines, et la Russie. Mais il n’a pas d’équivalent au Canada.

En deux mots, la procédure d’impeachment est un procès politique. L’accusé peut être le président, son vice-président, ou un de ses ministres (c’est-à-dire un membre du cabinet présidentiel). Ce peut être également un juge fédéral.

Ce procès politique se déroule en trois étapes.

Pour bien comprendre ce qui va suivre, précisons que le parlement américain est de type bicaméral. Cela signifie que son assemblée législative (le Congrès) est composée de deux chambres; la Chambre des représentants et le Sénat.

La première étape de ce procès est la mise en accusation par la Chambre des représentants. Au sens le plus strict du terme, l’impeachment est le nom porté par cette première étape. Voilà pourquoi on dit que Trump pourrait être impeached une deuxième fois.

La deuxième étape est le procès proprement dit devant le Sénat. Et la dernière étape est la sanction imposée par lui.

1re étape : la mise en accusation

Lorsqu’il n’est pas urgent, ce procès politique débute par une enquête préliminaire menée par le Comité judiciaire de la Chambre des représentants.

Dans ce cas-ci, l’évidence des faits reprochés à Trump et l’urgence d’agir font que cette étape a été sautée.

On procèdera donc demain au dépôt de sa mise en accusation à la Chambre des représentants. C’est à majorité simple que les députés de cette chambre l’adopteront ou la rejetteront.

2e étape : le procès

Après l’adoption de la mise en accusation par la Chambre des représentants, le procès proprement dit débute au Sénat.

Il est dirigé par le juge en chef de la Cour suprême des États-Unis. L’accusé peut être entendu et/ou se faire représenter par des avocats.

Pour condamner l’accusé, les deux tiers des sénateurs doivent se prononcer en faveur d’un verdict de culpabilité.

Et puisque nous ne sommes pas en droit criminel, la poursuite n’a pas besoin de présenter une preuve hors de tout doute raisonnable; une prépondérance de preuve suffit.

Rappelons que la première procédure d’impeachment de Trump s’est déroulée de septembre 2019 à février 2020. À l’issue de celle-ci, le Sénat, contrôlé par des élus républicains, avait refusé de condamner le président, contrairement à la Chambre des représentants.

C’est donc à dire que Donald Trump est le premier président contre lequel on a entamé deux procédures d’impeachment. Et c’est le premier qui sera impeached une deuxième fois par la Chambre des représentants.

Mais jusqu’ici, Trump n’a jamais été condamné par le Congrès puisque le Sénat ne l’a pas reconnu coupable à la suite de sa première mise en accusation. Voilà pourquoi il est encore en fonction.

3e étape : la sanction

Lorsque l’accusé est reconnu coupable par le Sénat, il y a deux sanctions possibles : la destitution ou la disqualification.

La destitution est immédiate.

Quant à la disqualification, c’est l’inaptitude permanente à occuper n’importe quelle fonction au sein de l’État fédéral.

Impeachment pourrait donc se traduire par ‘Empêchement’; l’empêchement de continuer à occuper une fonction spécifique ou l’empêchement d’être élu ou nommé à une fonction qu’on n’a jamais occupée.

C’est le Sénat seul qui décide de la sanction, à majorité simple.

Puisqu’il doit quitter son poste dans quelques jours, à quoi ça sert de destituer Donald Trump ?

En le menaçant d’une destitution, les élus démocrates veulent le motiver à démissionner de lui-même dans les plus brefs.

Sinon le nouveau Sénat (contrôlé par les élus démocrates) pourrait le condamner à ne plus pouvoir se présenter à la présidence. Et lui faire perdre automatiquement sa pension présidentielle et la protection des services secrets.

Références :
Impeachment
Impeachment (États-Unis)
Procédure de destitution de Donald Trump

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Écrit par Jean-Pierre Martel