Mon vol à l’étalage (2e partie)

31 août 2015

Bien des années après le larcin que j’avais commis et expié, je fus le témoin d’un vol à l’étalage dans un commerce qui ne m’appartenait pas, mais dont j’étais responsable.

Un adolescent, accompagné d’un groupe d’amis, m’avait transmis une liste d’objets que sa soeur plus âgée désirait se procurer et qui se trouvaient dans la partie du magasin qui n’était pas en libre service.

Pendant que je m’affairais, ces jeunes allaient et venaient de manière suspecte à proximité de notre présentoir à condoms, me surveillant du coin de l’oeil.

Après plusieurs minutes à jouer au chat et à la souris, je réalisai qu’il me serait impossible d’accomplir ma tâche si je continuais à agir comme un gardien de sécurité.

Dès que la commande fut complétée et les jeunes eurent quitté les lieux, je me précipitai dans l’entrepôt afin de voir la vidéo qui captait tout ce qui se passe dans l’établissement.

Effectivement, de manière évidente, on y voyait l’un d’eux y voler une boite de trois condoms, après que plusieurs d’entre eux eurent tenté sans succès de faire la même chose.

Mais que faire ? Devais-je appeler la police pour un vol de 1,89$ plus taxes ? Voulais-je devoir possiblement me présenter en cour afin de témoigner contre les enfants de plusieurs de nos meilleurs clients ? Devais-je sommer les parents de venir payer l’item volé ? Et s’ils refusaient, devais-je les menacer de montrer cette vidéo aux autorités policières ?

En raison de la gravité insignifiante du vol et de la possibilité qu’il s’agissait-là de leur premier méfait, je choisis une approche toute différente : celle d’inviter les parents à voir cette vidéo et de m’en remettre à eux quant à la suite des choses.

(à suivre)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Mon vol à l’étalage (1re partie)

31 août 2015

Alors que j’étais étudiant universitaire en première ou en deuxième année, je m’étais rendu au magasin Import Bazaar de la rue Sainte-Catherine afin de me procurer un cadeau d’anniversaire pour ma sœur Paule.

Ce magasin vendait à prix modique des pièces d’artisanat d’un peu partout à travers le monde.

J’avais donc trouvé une espèce de lanterne en terre cuite, assez jolie, en forme de cruche.

Peinte en noir, cette lanterne était dotée d’une poignée à l’arrière et d’une grande ouverture à l’avant qui permettait d’y placer une chandelle. Aux épaules, deux oiseaux, également peints en noir, ajoutaient un peu de fantaisie à ce sombre objet utilitaire.

Mais j’avais vu autre chose. Il s’agissait d’une tige carrée, haute de cinq centimètres, dont la forme rappelait, en plus petite, celle des bornes qui indiquent le kilométrage des routes de certains pays européens. Taillé en marbre fauve, cet objet poli était décoré de minuscules caractères chinois gravés verticalement.

Ce bibelot n’était d’aucune utilité. Mais il était vraiment mignon.

Malheureusement, une fois la lanterne payée, cet objet — même au coût de 50 cents — était au-delà de mes moyens.

Après une longue hésitation, j’avais résolu de le placer dans le socle à bougie à l’intérieur de la lanterne. Et je m’étais dit que si la caissière ne le voyait pas, c’était son problème à elle. Je l’obtiendrais ainsi gratuitement sans l’avoir vraiment volé. Hé hé.

Effectivement, le tout se passa exactement comme je l’avais souhaité.

J’étais plutôt content de mon coup… jusqu’au moment d’aller au lit.

Dès que les lumières de ma chambre furent éteintes, je me mis à repenser à cette histoire.

« Si elle ne s’en rend pas compte, ce n’est pas de ma faute : mais qu’est-ce c’est que ce raisonnement ? Dans le fond, tu voulais le voler, cet objet. Et c’est exactement ce que tu as fait. Et pourquoi donc ? Parce que tu n’en a pas les moyens. »

« Mais il y a des milliers d’objets que tu n’a pas les moyens d’avoir. Aujourd’hui, c’est ce bibelot. La prochaine fois ce sera autre chose. La fois d’après un objet plus dispendieux. Et ainsi de suite jusqu’au jour où tu te feras prendre. »

« Parce qu’un jour, mon petit garçon, tu finiras bien par te faire prendre. Veux-tu vraiment briser ta vie ? Veux-tu finir en prison, sur la paille avec les rats ? » Et ainsi de suite jusqu’à épuisement. Ah, mon Dieu, quel calvaire.

Le lendemain, je me suis réveillé plus fatigué qu’en allant me coucher. Très vite, je décidai que je ne passerais certainement pas une autre nuit comme celle-ci.

Je retournai donc au magasin en disant : « En arrivant chez moi, j’ai réalisé qu’on n’avait oublié de me calculer cet objet. Puis-je vous le payer ? »

« Évidemment, monsieur » me répondit la caissière en souriant, ne soupçonnant pas les ignominieuses tendances criminelles que je venais de découvrir en moi.

Je suis sorti du magasin soulagé. La nuit suivante (et celles qui suivirent), je dormis comme un bébé.

En vous décrivant ce fait divers, ce qui me frappe, c’est que mon honnêteté — qui finit par triompher comme dans les films de ma jeunesse — ait été exclusivement dictée par mon égoïsme.

Ma seule motivation a été la recherche de mon propre confort. Juste pour dormir la conscience tranquille…

(à suivre)

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Écrit par Jean-Pierre Martel