Le sénateur Boisvenu, apôtre de la vengeance

Publié le 2 février 2012 | Temps de lecture : 4 minutes
« Le brasier de la haine »

Au début de l’adolescence, je m’étais laissé envahir par la haine. J’étais pensionnaire dans un collège et je me heurtais à la sévérité d’un surveillant zélé.

Aujourd’hui, avec le recul du temps, il m’apparait clairement que mon sentiment de l’époque était totalement injustifié. Mais cette expérience me fut profitable.

Il m’avait suffi de quelques jours pour réaliser que la haine était sans effet sur la personne haïe mais était plutôt destructrice à l’égard de celui qui déteste. Je pouvais être ulcéré contre quelqu’un mais cela n’empêchait pas cette personne de bien digérer. Même si j’avais passé mes nuits à imaginer des calamités susceptibles de s’abattre sur ce surveillant, ces nuits d’insomnie auraient été les miennes et non les siennes.

Si bien que plus jamais j’ai permis à la haine s’installer en moi. Face à une injustice présumée, l’indignation, une colère passagère peut-être, mais jamais la haine.

En 2002, Julie Boisvenu était assassinée par un récidiviste libéré en vertu d’une grossière erreur de jugement de la Commission des libérations conditionnelles. Ce jour-là, l’assassin a fait plusieurs victimes; Julie (privée de sa vie) et ses parents (dévastés par le chagrin).

Chez le père de Julie, le chagrin s’est transformé en colère. Une colère qui a motivé Pierre-Hugues Boisvenu à militer pour les droits des victimes d’actes criminels.

Avec les années, cette colère s’est transformée en haine. Or la haine est un cancer : elle prive de leur humanité les gens qui haïssent. Elle les transforme en zombies, aveuglés par la vengeance.

Hier matin, à son arrivée au caucus du Parti conservateur, M. Boisvenu a déclaré : « Moi je dis toujours : dans le fond, il faudrait que chaque assassin ait le droit à sa corde dans sa cellule. Il décidera de sa vie ».

Cette incitation au suicide des personnes condamnés pour meurtre a fait scandale. Un scandale d’autant plus compréhensible que quelques uns de ces condamnés, des années plus tard, s’avèreront avoir été victimes d’erreurs judiciaires.

Il serait facile de penser qu’il s’agit-là d’une boutade d’un homme public inexpérimenté. Ce n’est pas le cas. Il suffit de prendre connaissance du parcours politique de M. Boisvenu pour être convaincu qu’il est intimement habité par la vengeance, par la nécessité de punir coûte que coûte les criminels, et qu’aucune punition, aussi sévère soit-elle, ne peut réparer leurs méfaits.

Et comme un zombie, le sénateur Boisvenu est aveugle face à ses propres contradictions : il rationalise sa haine des meurtriers en souhaitant leur suicide afin de réaliser d’importantes économies dit-il. Mais il défend bec et ongles le projet de loi C-10 qui provoquera une croissance astronomique des coûts du système carcéral.

Sans avoir vécu un drame similaire au sien, beaucoup de personnes partagent son avis. Ce n’est pas mon cas. Au contraire, je trouve troublant que le Porte-parole officiel du gouvernement canadien en matière de Justice et de criminalité soit hanté par des démons intérieurs et soit quelqu’un dont l’âme a été privée de toute humanité à la suite d’un drame personnel odieux. On ne confie pas un pistolet chargé à un enfant qu’on vient de gifler.

Références :
À chaque assassin sa corde?
Le sénateur Boisvenu retire ses propos controversés sur l’option du suicide donnée aux assassins

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