Le variant Delta ou l’accélération de la vague

7 août 2021

La contamination post-vaccinale

En Israël, la vaccination complète par le vaccin de Pfizer/BioNTech a diminué de 91,5 % les infections asymptomatiques, de 97,0 % les infections symptomatiques, de 97,2 % les hospitalisations (dont 97,5 % les hospitalisations sévères) et de 96,7 % les décès.

Seuls 5 % des vaccinés attrapaient le virus de nouveau. Lorsque cela arrivait, dans la presque totalité de ces cas, les personnes atteintes n’avaient aucun symptôme ou éprouvaient des symptômes légers.

En résumé, voilà ce que révélait l’expérience israélienne à l’époque où la souche virale était le variant ‘britannique’ (le B.1.1.7).

L’édition d’hier du Guardian révèle que depuis le 1er mai 2021, le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ne compile plus aucune donnée sur les échecs vaccinaux sauf lorsqu’ils mènent à des hospitalisations ou à des décès.

Au début de la campagne de vaccination américaine, plus précisément du 1er janvier au 31 avril 2021, la CDC avait compilé 10 262 cas de contamination post-vaccinale. Ce qui est peu. Tellement qu’on peut présumer qu’il s’agissait d’une sous-évaluation.

De nos jours, lorsque les autorités américaines déclarent que la pandémie actuelle ne s’attaque plus qu’aux non-vaccinés, cela n’est vrai qu’en ce qui concerne les hospitalisations et les décès. Pour ce qui est des cas légers, on n’en a pas la moindre idée.

Ceci étant dit, qu’en est-il depuis que la souche virale dominante aux États-Unis est devenue le variant Delta ?

Une étude récente nous permet de répondre à cette question.

L’étude de Cape Cod

Cape Cod est une péninsule située dans l’État américain du Massachusetts.

Le 6 aout dernier, le Centers for Disease Control and Prevention (CDC), publiait la version définitive d’une étude réalisée dans une ville de cette péninsule. Le nom de cette ville n’a pas été précisé. Tout ce qu’on sait, c’est que c’est un endroit de villégiature.

Du 3 au 17 juillet derniers, plusieurs évènements s’y sont déroulés, attirant des milliers de touristes venus d’un peu partout aux États-Unis.

À partir du 10 juillet, les autorités sanitaires du Massachusetts ont reçu différents rapports qui suggéraient une augmentation importante de la contagion au Covid-19.

Au cours des deux semaines qui ont précédé le 3 juillet, l’incidence de Covid-19 parmi les résidents de cette ville était nulle. Il faut dire que le Massachusetts est un des États américains où le taux de vaccination est le plus élevé (69 %).

Mais au 17 juillet, l’incidence au cours des deux semaines précédentes avait grimpé à 177 cas par cent-mille habitants.

C’est alors qu’on a entrepris une étude au sujet de cette éclosion.

Au 26 juillet, on avait trouvé 469 cas parmi les résidents de l’État — parmi lesquels 199 citoyens de cette ville — dont 346 (73,8 %) étaient symptomatiques.

Cent-trente-trois échantillons furent l’objet d’un séquençage génétique; on trouva le variant Delta dans 89,4 % de ces prélèvements.


Résumé des résultats de l’étude de Cape Cod

Vaccinés Non-vaccinés
Asymptomatiques 72 51
Symptomatiques 274 72
• Hospitalisations 4 1
• Décès 0 0
Total : 346 123

La première surprise de cette étude, c’est que 73,8 % des cas étaient des gens complètement vaccinés. Ce qui correspond en gros au taux de vaccination dans cet État.

Donc, qu’on soit vacciné ou non, on est autant la cible du variant Delta. Dit autrement, les vaccins actuels protègent, de manière générale, contre le Covid-19 ‘classique’. Mais ils n’empêchent pas la contamination par le variant Delta; ce qu’ils font, c’est de protéger remarquablement les vaccinés contre ses effets les plus graves. Nuance.

Paradoxalement, dans cette étude de petite taille, les symptômes furent plus fréquents chez les vaccinés que chez les non-vaccinés.

Ce qui est très douteux.

À la suite de la vaccination de milliards de personnes, l’expérience prouve sans l’ombre d’un doute que les vaccins disponibles en Occident protègent contre toutes les conséquences de l’infection au Covid-19, des effets les plus graves aux plus légers.

Après la contamination post-vaccinale, l’autre surprise de cette étude fut la quantité de virus dans le nez et la gorge des personnes atteintes. C’est ce qu’on appelle la charge virale.

Deux-cent-onze prélèvements eurent pour but de mesurer cette charge virale.

À la surprise des chercheurs, elle était similaire chez personnes atteintes, qu’elles aient été vaccinées ou non.

L’immunité grégaire, un mirage ?

On a toujours cru qu’en cas de contamination post-vaccinale, les personnes vaccinées étaient moins contagieuses ou ne l’étaient pas du tout.

Si les résultats de cette étude sont confirmés par des études de plus grande envergure, cela signifie que l’immunité grégaire est impossible à atteindre.

En effet, on atteint cette immunité lorsque le pourcentage des personnes vaccinées est tel que ces derniers brisent la chaine de transmission du virus.

En d’autres mots, c’est lorsque les vaccinés servent de boucliers aux non-vaccinés.

Si ce n’est pas le cas, les non-vaccinés ne peuvent plus compter sur la vaccination des autres pour se protéger du virus.

En effet, si les vaccinés, au lieu d’être leurs protecteurs, servent eux-mêmes à propager le virus, les non-vaccinés sont faits comme des rats; il leur sera impossible d’échapper à la contamination.

Voilà pourquoi les autorités sanitaires américaines recommandent maintenant le port généralisé du masque dans les lieux publics intérieurs situés dans les régions où la pandémie fait rage.

Alors que l’imposition du port du masque a suscité préalablement la vive opposition d’une partie de la population américaine, des sondages récents montrent que la majorité des gens, de guerre lasse, sont plutôt d’accord avec cette mesure.

Une vague brutale et éphémère

Deux études chinoises récentes nous permettent de comprendre l’extrême contagiosité du variant Delta.

En premier lieu, cette contagiosité est liée à la vitesse de contamination de la personne atteinte. Au lieu d’être contagieuse quatre jours après avoir contracté le Covid-19 ‘classique’ — soit la veille de l’apparition des symptômes — la personne atteinte par le variant Delta le devient au bout de seulement deux jours, soit bien avant de devenir symptomatique.

De plus, la charge virale des personnes atteintes par ce variant est 1 260 fois plus élevée que ce qui est mesuré lorsqu’on est atteint par le Covid-19 ‘classique’.

Ce que ne contredit pas l’étude américaine puisque cette dernière comparait la charge virale provoquée par une même souche (le variant Delta) chez deux populations différentes; l’une vaccinée et l’autre qui ne l’est pas. Alors que l’étude chinoise comparait la charge virale lors des contaminations par deux souches différentes de Covid-19.

Dans un autre ordre d’idée, le mois passé, le Québec se trouvait dans l’œil de la tornade; partout autour de nous — au Canada anglais, aux États-Unis et en Europe — on assistait à une augmentation fulgurante des cas.

Cette flambée des cas s’est accompagnée de très peu de morts en raison du taux très élevé de vaccination chez les vieillards. Ce qui prouve bien l’efficacité des vaccins.

Mais dans les autres tranches d’âge, on assiste à une augmentation importante des hospitalisations, dont celles aux soins intensifs. Ces admissions concernent essentiellement de jeunes adultes et des adolescents, les uns et les autres parmi les non-vaccinés.


 
On peut anticiper que dès que le variant Delta manquera de combustible, ce feu de brousse sanitaire, aussi violent qu’éphémère, s’estompera comme ce fut le cas en Inde.

D’ici là, la contamination massive des écoles primaires — où aucune mesure sérieuse de mitigation n’est prévue au Québec — devrait faire en sorte que les jeunes écoliers serviront de chevaux de Troie pour amener la pandémie dans l’intimité même de toutes les familles insuffisamment immunisées.

Le véritable choix des non-vaccinés n’est pas entre recevoir ou non le vaccin, mais plutôt entre être immunisés par le biais d’une vaccination généralement inoffensive ou d’être immunisés ‘naturellement’ en attrapant un virus potentiellement mortel.

Références :
Le Covid-19 à l’école primaire : la CAQ met en péril la santé de nos enfants
Covid-19 : le secret de la contagiosité du variant Delta
Covid-19 : résultats des quatre premiers mois de la vaccination en Israël
Outbreak of SARS-CoV-2 Infections, Including COVID-19 Vaccine Breakthrough Infections, Associated with Large Public Gatherings — Barnstable County, Massachusetts, July 2021
Why has the CDC stopped collecting data on breakthrough Covid cases?

Parus depuis :
L’éphémère retour à la normale de Provincetown (2021-08-08)
Le rêve « utopiste » de l’immunité collective contre la COVID-19 (2022-05-01)

Postscriptum du 21 aout 2021 : Trois jours après la publication de ce texte, Andrew Pollard — directeur de l’Oxford Vaccine Group, responsable du développement du vaccin d’AstraZeneca — a déclaré au parlement britannique : « Avec ce variant [Delta], nous sommes dans une situation où l’immunité collective n’est pas possible à atteindre, car il infecte toujours les individus vaccinés.»

Référence : Peut-on encore espérer atteindre l’immunité collective avec le variant Delta ?

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2 commentaires

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Covid-19 : l’art d’éviter 250 000 morts au Canada

21 avril 2020


 
Introduction

On estime qu’il faut un taux d’immunisation de 60 % à 70 % pour qu’une population soit jugée réfractaire à une épidémie.

Lorsque c’est le cas, le pathogène peut toujours s’attaquer à quelques personnes parmi la minorité encore vulnérable sans que ces personnes soient en mesure de provoquer une généralisation de l’infection autour d’eux.

En absence de vaccin, l’immunité est acquise uniquement par l’exposition au pathogène.

Les données officielles

En raison de la progression logarithmique de l’épidémie, la majorité des personnes atteintes luttent présentement contre la maladie, alors qu’une minorité en est sortie indemne.

Aujourd’hui, on compte officiellement au Québec :
• 20 126 cas totaux,
• 15 238 cas actifs,
•   1 041 morts et
•   3 847 rétablis.

En dépit d’une mortalité de plus de cent morts par million d’habitants, le nombre total de personnes touchées par la pandémie représentent actuellement moins de 0,2 % de la population québécoise.

Conséquemment, à l’heure actuelle, 99,8 % des Québécois n’ont aucune immunité contre le Covid-19.

On est donc très loin du taux d’immunité requis pour que l’épidémie ne soit plus capable de faire des ravages.

Toutefois, ces données sont trompeuses.

En effet, pour être considéré comme un ‘cas’, il faut qu’un diagnostic d’infection à la Covid-19 ait été porté.

Un des critères pour être testé, c’est d’être symptomatique. Cela signifie que toutes les personnes qui ont été infectées par le Covid-19 sans développer de symptôme finiront par être immunisées sans jamais avoir été un ‘cas’.

Et parmi ceux qui sont symptomatiques, plusieurs de ceux atteints légèrement n’ont pas jugé bon consulter leur médecin puisque de toute manière, il n’y pouvait rien.

Bref, le nombre officiel de personnes guéries et immunisées est nécessairement une sous-évaluation de la réalité.

En Californie

Les tests de diagnostic effectués à partir de sécrétions prélevés dans le fond du nez et dans la gorge permettent d’identifier les personnes contagieuses.

Mais ils ne permettent pas de déceler ceux qui ne fabriquent plus de virus parce qu’ils sont guéris de l’infection depuis longtemps.

Depuis peu, les scientifiques ont accès à des tests sanguins.

En quinze minutes, ceux-ci décèlent la présence d’anticorps au Covid-19. Ce qui est la preuve irréfutable que la personne testée a été exposée au virus de manière suffisamment intime pour en développer des anticorps.

La semaine dernière, 17 chercheurs de l’université Stanford ont publié les résultats d’une étude effectuée chez 3 330 adultes et enfants du comté de Santa Clara, le plus affecté du nord de la Californie.

Les sujets de cette expérience ont été recrutés les 3 et 4 avril dernier et l’étude, terminée une semaine plus tard, fut publiée vendredi dernier.

À partir de tests sérologiques, les chercheurs ont trouvé que l’immunité totale ou partielle au Covid-19 est de 50 à 85 fois plus élevée que celle mesurée par les autorités sanitaires californiennes à partir de prélèvements au fond du nez et de la gorge.

En somme, environ 3 % de la population du comté serait réellement immunisée contre le virus.

En France

Officiellement, on comptait en France :
• 158 050 cas totaux,
•   90 073 cas actifs,
•   20 796 morts et
•   39 181 rétablis.

En excluant les morts, c’est environ 0,3 % de la population française. Ce qui voudrait dire que 99,7 % des Français n’ont aucune immunité contre le virus.

Une équipe de chercheurs (en majorité de l’Institut Pasteur) ont trouvé que le confinement promulgué le 17 mars en France a prévenu (c’est-à-dire différé) 84 % la mortalité qui, autrement, serait survenue.

Selon la modélisation des chercheurs, ceux-ci prédisent qu’au 11 mai prochain, 5,7 % de la population française aura été immunisée au virus.

Ce qui, encore une fois, est loin de l’immunité grégaire souhaitée.

Effet sur le déconfinement

Par des mesures de mitigation, lorsqu’on ‘aplatit la courbe’, on amortit l’impact d’une pandémie sur les ressources hospitalières et on diminue la croissance du taux de mortalité.

Or ces mesures pourront être définitivement abandonnées lorsqu’un vaccin aura été trouvé, lorsque la pandémie sera terminée, ou lorsque l’immunité grégaire aura atteint 60 %.


 
La modélisation du gouvernement fédéral, datée du 9 avril dernier, prévoyait que l’atteinte d’une immunité grégaire de 60 % se ferait au prix de plus de 250 000 morts, soit environ 140 fois plus qu’actuellement.

La vitesse de déconfinement affecte la rapidité avec laquelle on atteint cette immunité, mais n’en diminue pas le prix macabre.

La meilleure stratégie consiste donc à aplatir la courbe à un point tel que la mise au point d’un vaccin ou la fin de la pandémie survient avant l’atteinte d’une immunité grégaire suffisante.

Pour ce faire, il faudra donc ajouter aux mesures de mitigation déjà en vigueur, une mesure qui aurait dû l’être depuis bien longtemps; l’obligation du port du masque sur la voie publique et au travail.

Références :
Antibody study suggests coronavirus is far more widespread than previously thought
Blood tests show 14% of people are now immune to covid-19 in one town in Germany
COVID-19 Antibody Seroprevalence in Santa Clara County, California
Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France
Immunité collective : les conclusions pessimistes d’une étude dans un hôpital de Wuhan
La COVID-19 au Canada: Des données et une modélisation qui éclairent les mesures de santé publique
Le pari risqué de l’immunité grégaire
Les pays cherchent la recette pour mettre fin au confinement de façon sécuritaire

Parus depuis :
No, You Should Not Have or Participate in a Coronavirus Party. Here’s What to Know About Herd Immunity (2020-04-24)
L’immunité «bouclier» plutôt que l’immunité de groupe (2020-05-14)
Coronavirus : même des malades faiblement atteints pourraient être immunisés (2020-05-26)
COVID-19 : l’immunité « diminue assez rapidement », selon une étude (2020-10-27)
L’INSPQ avait un « scénario catastrophe » à 56 000 morts (2021-11-29)
Le rêve « utopiste » de l’immunité collective contre la COVID-19 (2022-05-01)
Le cercle vicieux des vagues de COVID-19 à répétition (2022-07-18)

Postscriptum du 6 aout 2020 : Réalisée chez 7 691 donneurs de sang âgés entre 18 et 69 ans, une étude récente de l’immunité sérologique des Québécois au Covid-19 a révélé que 2,25 % d’entre eux auraient contracté le virus.

Par extrapolation, l’atteinte d’une immunité grégaire de 60 % se ferait au prix d’un peu plus de 150 000 morts si les sujets de cette étude sont représentatifs de l’ensemble de la population québécoise.

Référence : Près de 3% des adultes auraient contracté la COVID-19 au Québec
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Écrit par Jean-Pierre Martel