Le temps de l’homme de Cro-Magnon

Publié le 10 janvier 2013 | Temps de lecture : 2 minutes

Dans une entrevue publiée ce matin dans le Devoir, le nouveau député libéral de la conscription de LaFontaine et porte-parole de l’opposition officielle pour la Charte de la langue française qualifie de « Cro-Magnons », les participants à l’émeute de Victoriaville.

Ses propos exacts sont : « On peut ne pas être d’accord (avec nous), mais on ne justifiera jamais le fait de commencer à lancer des roches. Je veux dire : on ne retournera pas au temps des Cro-Magnons.»

Je ne ferai pas ici l’apologie de la violence, en particulier celle, excessive, qui a consisté à utiliser des armes à mortalité réduite pour mater cette révolte.

J’inviterais le député de LaFontaine à se demander comment creux il est prêt à aller pour faire respecter sa conception de la loi et de l’ordre ?

Lorsqu’on tient compte du taux de participation (57,4% en 2008 et 74,6% en 2012), le Parti libéral avait formé un gouvernement majoritaire avec l’appui de 24,6% des personnes aptes à voter, alors que le Parti québécois forme maintenant un gouvernement minoritaire grâce à 23,8% de la population adulte.

Le réalisme politique le plus élémentaire, c’est que lorsqu’on bénéficie d’assises populaires aussi faibles, on évite de déchainer les pouvoirs répressifs de l’État lorsqu’une mesure, même justifiée, rencontre une vive opposition. En somme, on recule, comme le fait si bien le gouvernement péquiste actuel.

C’est une grave erreur de jugement de que chercher à provoquer le chaos social dans l’espoir d’en retirer des gains politiques. Malheureusement, c’est la stratégie qu’avait choisie le Parti libéral et j’ai peine à imaginer à quoi ressemblerait l’actualité si ce parti avait été réélu.

Grâce au ciel, le régime autoritaire de M. Charest nous semble aujourd’hui aussi loin que la préhistoire à laquelle fait allusion le jeune député de LaFontaine…

Références :
Le gouvernement à l’essai
Qui sont les nouveaux élus? – Le rêve d’un petit garçon qui se réalise
Tirs de balles de plastique : attend-on de tuer quelqu’un ?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Tourner la page sur le conflit étudiant

Publié le 12 octobre 2012 | Temps de lecture : 4 minutes


 
À la lecture d’un article paru ce matin dans La Presse, j’apprends que le nouveau ministre québécois de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, évalue la demande d’une enquête publique relativement au travail policier au cours du conflit étudiant.

Une Commission d’enquête représente une dépense de plusieurs dizaines de millions$. J’inviterais le ministre à nous éviter une telle dépense pour les raisons suivantes.

Contrairement à la corruption (qui se fait toujours derrière des portes closes), la répression policière lors du Printemps érable s’est faite sur la place publique. Elle a été bien documentée par les média québécois et conséquemment, il est douteux qu’une Commission d’enquête nous apprenne quoi que ce soit d’important.

Ce serait donc un gaspillage de l’argent des contribuables que de créer une enquête publique simplement pour satisfaire ceux qui jugent que les choses auraient dû se dérouler autrement ou pour faciliter l’obtention de la preuve dans le cas de ceux qui ont intenté des poursuites contre les forces de l’ordre.

Fondamentalement, il faut comprendre que n’importe quel conflit social qu’on laisse pourrir pendant des mois finit par dégénérer et ultimement, laisser des séquelles.

Lorsqu’une protestation tourne à l’émeute, la rue devient alors une école de comportements asociaux et un lieu de transmission de la rage contre les pouvoirs établis. Et les policiers à qui on demande de demeurer stoïques en dépit des injures, sentent monter en eux une colère qui trouve son aboutissement lorsque vient l’ordre de disperser la foule. Tout cela laisse une animosité semi-permanente dont la pire conséquence est qu’elle a anéanti des années d’efforts pour rapprocher les policiers des citoyens.

Le Printemps érable a créé de profondes divisions au sein de la population québécoise. Une Commission d’enquête nous fera tous revivre des émotions qui, autrement, s’estomperaient avec le temps. Et les députés libéraux — si prompt à faire flèche de tout bois, ces temps-ci — accuseront le gouvernement Marois de diviser le Québec et de créer de la chicane (eux qui s’y connaissent si bien dans ce domaine).

Au contraire, on peut faire comme à peu près tous les peuples épuisés par une guerre civile : abandonner l’esprit de vengeance et décider de passer l’éponge pour ne sévir que contre ceux qui continueraient de se comporter comme à l’époque des grands conflits. Mais passer l’éponge ne veut pas dire oublier.

On doit comprendre que les policiers ne sont que des exécutants : ils maintiennent ou rétablissent l’ordre à la demande des pouvoirs civils. Avec l’armée et les tribunaux, les policiers font partie des pouvoirs répressifs de l’État. Concrètement, la répression policière lors du conflit étudiant n’était que l’expression de la volonté politique du gouvernement Charest.

D’autre part, la création d’une enquête publique serait interprétée par les policiers comme un désaveu. Or ces derniers n’ont fait que ce qu’on leur demandait. Ils se rappellent encore du temps où ils recevaient des pierres, des bouteilles, des insultes et des crachats. Je crainds une réaction très vive de leur part si on devait leur faire un procès public.

Si le gouvernement Marois demeure en place suffisamment longtemps, il pourrait faire face à d’autres conflits sociaux. Désavoués, les policiers se souviendront qu’on leur demande maintenant d’y aller doucement face à des foules en colère. Et si des fiers-à-bras réussissent à pénétrer dans une assemblée où sont présents des ministres péquistes, il sera trop tard pour blâmer les policiers pour leur manque de zèle.

J’inviterais donc ceux qui demandent une enquête publique, de se rappeler longtemps de ce qui est arrivé au cours du Printemps érable et de voter en conséquence. Ce sera plus économique et beaucoup plus efficace.

Sur le même sujet : Tirs de balles de plastique : attend-on de tuer quelqu’un ?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Corruption : allégations vs preuves

Publié le 7 octobre 2012 | Temps de lecture : 3 minutes
Hôtel de ville de Montréal

Une allégation est simplement une affirmation, qu’elle soit étayée par des preuves ou non.

Lorsqu’un journaliste présente le résultat d’une enquête qu’il a effectuée, il est rare que les témoignages recueillis l’étaient sous serment. On pourrait lui avoir menti. De plus, personne ne jure que les photos ou les vidéos compromettantes montrées n’ont pas été truquées. Bref, ce journaliste pourrait avoir été induit en erreur.

Pour pallier à cela, les journalistes sérieux ne publient que les informations qui ont été corroborées par deux sources indépendantes.

Lorsque c’est le cas, ces reportages suffisent à me convaincre. Mais pour les tribunaux, ils n’ont aucune valeur juridique et ne sont donc que des allégations.

Un juge n’acceptera comme preuve que le témoignage présenté devant lui par une personne assermentée. Dans certaines circonstances, il pourra accepter la déclaration solennelle (habituellement écrite) d’une personne qui ne peut assister au procès.

Depuis quelques jours, certains quotidiens continuent de qualifier d’allégations les propos accusateurs d’un témoin assermenté à la Commission Charbonneau. En réalité, ce ne sont pas que des allégations : juridiquement, ce sont des preuves.

Mais il y a preuve et preuve. Par exemple, si un motard et sa compagne délurée jurent catégoriquement qu’ils non pas tué leur bébé et que toutes les traces de sang retrouvées par les experts médicaux sur les murs de la chambre de leur enfant proviendrait de l’agneau dépecé dans cette pièce en vue d’un méchoui, le juge aura tendance à croire plutôt les experts légistes et le témoignage des voisins qui ont entendu l’enfant crier durant le meurtre.

En somme, en présence de preuves contradictoires, un juge donnera préséance aux témoignages les plus crédibles.

Dans le cas du témoignage de l’ex-entrepreneur Lino Zambito, ce dernier n’est pas un enfant de coeur; malgré la sympathie qu’il inspire, on doit se rappeler qu’il a participé au système de corruption mis en place à Montréal.

Mais dans la mesure où son témoignage confirme et précise les nombreuses allégations déjà entendues de la part des journalistes d’enquête les plus crédibles du Québec, le public peut raisonnablement croire que tout ceci est vrai.

Mais pour la juge Charbonneau, ce témoignage devient la vérité lorsqu’il n’est contredit par personne ou lorsque les preuves qui le contredisent sont moins fiables.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le parti de l’exclusion

Publié le 26 juillet 2012 | Temps de lecture : 3 minutes

En réaction l’annonce de la candidature du leader étudiant Léo Bureau-Blouin pour le Parti québécois, le Premier ministre s’est efforcé de dépeindre l’opposition officielle comme un repaire d’extrémistes voués au chaos et l’anarchie.

Le Parti libéral n’est pas seulement le grand parti fédéraliste du Québec : depuis qu’il est au pouvoir, ce parti s’est transformé en parti de l’exclusion, un parti pour les membres d’une bande de pillards des fonds publics.

La Commission Bastarache — sur le processus de nomination des juges — nous a permis d’apprendre que seuls les avocats dont le dossier transmis au Conseil des ministres portait un auto-collant jaune (en fait, un Post-it note) pouvaient espérer être nommés juges. Or seuls les candidats qui ont fait du bénévolat pour le parti au pouvoir, qui ont contribué à la caisse électorale de ce parti ou qui sont parents avec des collecteurs de fonds du parti, bénéficiaient du précieux collant jaune apposé par Mme Chantal Landry (la Directrice-adjointe du cabinet du premier ministre). En somme, tous les candidats plus compétents étaient exclus s’ils ne faisaient pas partie de la bande libérale.

De plus, il semble bien que les permis de garderie soient attribués aux propriétaires qui contribuent à la caisse électorale du Parti libéral de préférence à ceux qui ne le font pas. En transformant l’appareil de l’État en machine à sous pour le Parti libéral, ce dernier s’est transformé en parti d’opportunistes et d’aventuriers attirés par l’odeur de l’argent.

Les contrats attribués à un contributeur à la caisse électorale du Parti libéral en contrepartie de l’hébergement pendant vingt ans de 256 personnes âgées à Québec est un autre cas d’exclusion puisque ces contrats (totalisant plus de 360 millions$. Vous avez bien lu : un tiers de milliards$) ont été attribués sans appel d’offres.

Le prêt consenti à un entrepreneur de l’Inde en vue de la réouverture de la mine Jeffrey est un autre cas où nos taxes sont attribués à un aventurier devenu membre de la bande simplement pour avoir organisé une levée de fonds en faveur du parti libéral à laquelle M. Charest a assisté.

Lorsque tous les demandes de subventions pour des équipement sportifs sont filtrés par le personnel politique de la Vice-première ministre avant que leur bien-fondé ne soit analysé par les fonctionnaires de son ministère, cela soulèvent bien des questions sur les critères sur lesquels on s’est basé pour exclure les autres demandes.

En somme, dans les années ’60, le Parti libéral était une coalition extraordinaire de gens aux horizons très différents, unis par un même désir de sortir le Québec de la Grande noirceur du gouvernement Duplessis. De nos jours, le PQ est un creuset de personnes unis par un même nationalisme et par un même désir de sortir de Québec d’une autre Grande noirceur, libérale cette fois-ci.

Note : Photo de M. Charest par le journal Le Devoir.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Grèves étudiantes : l’échéance du Grand Prix de Montréal

Publié le 16 mai 2012 | Temps de lecture : 8 minutes

Du 8 au 10 juin 2012, se tiendra le Grand Prix de Montréal. Partout à travers le monde, des milliers de touristes ont à décider s’ils viendront ou non dans la métropole. C’est l’événement sportif ayant la plus grande incidence touristique au Canada. En effet, on estime que cette course automobile entraine des retombées économiques de l’ordre de 75 à 100 millions de dollars dans la région métropolitaine.

Quelques semaines plus tard, suivra le Festival de Jazz, puis une kyrielle d’événements festifs qui devraient transformer Montréal en capitale mondiale du plaisir.

Mais comme disait l’humoriste Yvon Deschamps, « le bonheur haït le train ». En langage soigné : les querelles ne sont pas propices à la béatitude.

Or nous avons un conflit, celui qui oppose depuis des mois le gouvernement à des milliers d’étudiants. Ce conflit nous a beaucoup appris. Il est temps d’en tirer quelques leçons.

Les leçons

Usé par des années de pouvoir et miné par des accusations (fondées ou non) de corruption, le gouvernement actuel n’a plus l’autorité morale de chambarder quoi que ce soit. De toute évidence, il est impuissant à convaincre les étudiants du bien-fondé de sa décision de hausser les frais de scolarité.

Sa stratégie — qui consistait à demeurer ferme et espérer à l’essoufflement du mouvement de contestation, puis la capitulation des leaders étudiants — est un échec. Il est vrai que le nombre de contestataires a diminué mais les irréductibles sont suffisamment nombreux pour perturber l’économie de la métropole. De plus, même lorsque ces leaders, épuisés par une nuit d’insomnie, finissent par capituler, la victoire gouvernementale est de courte durée puisque l’entente est aussitôt rejetée par les étudiants eux-mêmes. Et tout est à recommencer.

À plusieurs reprises sur ce blogue, j’ai souligné la vulnérabilité de Montréal à des gestes perturbateurs. La paralysie totale du métro, durant l’avant-midi du 10 mai, en est l’illustration évidente. Les trois malfaiteurs ont été arrêtés parce qu’ils ont commis l’imprudence d’opérer à visage découvert. Mais si d’autres personnes veulent répéter ce méfait à volonté, il leur suffit de porter un capuchon, des verres fumés et une fausse barbe : n’importe quel règlement municipal interdisant les masques et les cagoules risque alors d’être impuissant.


Fait divers. Il y a quelques semaines, à la station Berri-UQUAM, j’ai vu une femme crier à un homme qu’elle ne voulait rien savoir de lui.

J’étais en face d’eux, sur le quai opposé. À un moment donné, l’homme a embrassé de force la femme pour tenter de la faire taire : celle-ci l’a mordu au point que harceleur saignait des lèvres.

J’ai eu le temps de monter deux étages, aller à la cabine d’un vendeur de titres pour lui signaler l’incident. Celui-ci m’a répondu que les préposés aux caméras de surveillance étaient déjà au courant et que de l’aide s’en venait.

Sur mon chemin de retour, aucun policier.

De longues minutes plus tard, la femme (suivie contre son gré par le harceleur) a eu le temps de montrer deux étages et de quitter la station (je les ai suivis).

Du début des cris jusqu’à leur sortie de la station, la scène a duré plus d’une vingtaine de minutes. Jamais la sécurité n’est intervenue. Et ce, dans la station la plus achalandée du réseau. Imaginez la sécurité des passagers dans les autres…

Cette crise a également démontré les limites du pouvoir judiciaire. Les tribunaux peuvent émettre des injections à la tonne : s’il est impossible de les faire respecter, les juges deviennent comme ces Papes qui émettent des encycliques que personne ne lit.

Les solutions

La loi spéciale

En 1972, le gouvernement libéral de Robert Bourassa, aux prises avec une contestation syndicale, adopte une loi spéciale et fait condamner les chefs syndicaux à un an de prison. Cette mesure a eu pour conséquence de ramener une paix sociale relative durant ce temps.

La même recette, appliquée aux leaders étudiants risque d’avoir moins de succès. Quoiqu’ils en disent, les chefs syndicaux font partie de l’establishment; les syndicats ont leurs sièges sociaux, ils ont des comptes de banques dans lesquels ils déposent des cotisations (que l’État peut saisir), ils ont des lignes d’autorité qui séparent les décideurs des subalternes.

Les groupes d’étudiants sont beaucoup moins structurés. Faites disparaitre un groupe étudiant radical et il renaît sous un autre nom. Emprisonnez ses dirigeants et d’autres prennent la relève.

La répression policière

Qu’a-t-elle donné jusqu’ici ? Sommes-nous satisfaits des résultats ? Jusqu’où sommes-nous prêts à aller ? Voulons-nous que les images d’un carnage éclipsent la publicité des agences de voyages alors que des centaines milliers de touristes peuvent encore décider d’aller passer leurs vacances en paix sous d’autres cieux ?

La capitulation de l’État

Dans nos pays démocratique, la politique est l’art du possible. On peut s’entêter au nom des principes mais ici, il n’y a pas de principe en cause, mais simplement un choix budgétaire. Or n’importe quel budget est une série de vases communicants où idéalement les revenus devraient égaler les dépenses. L’idée que le gouvernement actuel doit s’entêter comme si la Nation était en péril dépasse entendement.

J’ai appuyé mollement la hausse des frais de scolarité. Je n’ai pas changé d’avis. Mais je reconnais qu’une hausse importante par étapes (ce qui souhaite le gouvernement), la simple indexation au coût de la vie, le gel des frais ou leur abolition, sont toutes des options valables qui ont leurs avantages et leurs inconvénients.

De la même manière que je ne comprends pas la furie étudiante contre cette hausse qui ne fait qu’amener les frais de scolarité au niveau de ce que payaient leurs parents, je ne comprends pas ce « Power Trip » que le Premier ministre justifie au nom de principes inexistants : la réfection de la centrale nucléaire Gentilly-2 (que songe à financer le gouvernement actuel et qu’il annoncera probablement s’il est réélu) équivaut à la gratuité scolaire totale pendant des années.

Avec la démission-surprise de la ministre de l’éducation, le gouvernement est en train de rater une belle occasion de faire volteface et de s’en tirer à bon compte, puisqu’inévitablement une partie de l’opinion publique croira faussement que le blocage était de la faute de la démissionnaire.

Le jusqu’au-boutisme

La dernière option gouvernementale est de ne pas broncher et d’aller jusqu’au bout, quoiqu’il advienne. Cela peut comporter des dividendes électoraux puisque cette politique d’affrontement a permis la réélection de Robert Bourassa, auquel la population s’est ralliée dans la crainte de l’anarchie.

Si l’augmentation des frais de scolarité avait fait l’objet d’une promesse électorale et que le gouvernement avait été élu sur cette promesse, il s’agirait d’un choix de société. Le gouvernement aurait raison d’imposer ce choix.

Mais on est en présence ici non pas d’un choix de société mais d’un simple choix budgétaire, arbitraire comme le sont tous les choix budgétaires, et à peu près aussi valable que les alternatives.

Même en supposant que les étudiants aient tort d’en faire un drame, l’entêtement orgueilleux du chef de l’État québécois et la crise sociale qui en découle risquent de compromettre le succès de la saison touristique qui débute bientôt.

Si le gouvernement devait maintenir son l’intransigeance, je crains que l’Histoire ne juge très sévèrement le manque total de jugement du gouvernement Charest, une administration qui aura laissé beaucoup de ruines mais très peu de réalisations concrètes jusqu’ici.

Références :
D’importantes retombées
Faut-il réparer Gentilly-2 ?

Sur le même sujet :
Crise étudiante : le gouvernement doit donner l’exemple
Grèves étudiantes : l’ABC de l’émeute
L’augmentation des frais de scolarité
Tirs de balles de plastique : attend-on de tuer quelqu’un ?

Note : Photo de M. Charest par le journal Le Devoir.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Grèves étudiantes : l’ABC de l’émeute

Publié le 13 mai 2012 | Temps de lecture : 5 minutes

Une émeute se définit comme une manifestation spontanée, généralement violente, résultant d’une émotion collective.

Évidemment, c’est un peu vague. Pour être considérée comme telle, l’émeute doit répondre à un ou à plusieurs parmi les critères suivants :
• incendies violentes faisant parfois des victimes,
• destruction ou dommage à des biens publics (voitures de police, mobilier urbain comme des lampadaires, des cabines téléphoniques, etc.),
• vandalisme contre la propriété privée,
• agression physique, éventuellement avec armes.

Ceux-ci peuvent être localisés ou non, et être difficile à réprimer de manière sélective.

Que faire lorsque débute la casse ?

Dans certains pays, ceux qui organisent des manifestations sur la voie publique avisent les participants que lorsque des individus tentent d’agresser les forces de l’ordre ou commencent à endommager la propriété publique ou privée, on doit s’assoir par terre de manière à permettre aux forces de l’ordre d’épingler les malfaiteurs qui discréditent les manifestants pacifiques. Il serait bon qu’on prenne cette habitude au Québec.

Idéalement, l’autorisation officielle à tenir une manifestation devrait être assortie de l’obligation pour les organisateurs d’aviser les participants à ce sujet.

Lorsqu’il y a de la casse, ce n’est pas le temps de s’approcher des malfaiteurs par curiosité. Si vous désirez utiliser votre téléphone multifonctionnel pour photographier la scène, faites-le de l’endroit où vous êtes déjà — même si ce n’est pas le point de vue idéal — afin de ne pas nuire au travail des policiers, sinon vous risqueriez une accusation d’entrave à leur travail ou pire, d’être associés aux malfaiteurs : avec un bon avocat, vous devriez vous en tirer mais il serait plutôt préférable de prévenir les complications juridiques.

Que doit-on faire lorsque le tout devient anarchique ?

Légalement, une émeute débute lorsque les forces de l’ordre décrètent que c’en est une. Ils n’ont pas à justifier leur décision : si vous ne partagez pas leur avis, votre opinion ne compte pas. Les forces policières ont l’obligation d’aviser la foule de leur décision et de sommer les manifestants de se disperser.

Toutefois, il faut comprendre que parmi les cris et les bruits ambients, vous pourriez ne pas entendre cet avertissement. Mais vous êtres tenu d’y obéir quand même.

Un vieux dicton veut que lorsque que quelque chose a l’air d’un poisson, lorsqu’il sent le poisson et qu’il goûte le poisson, c’est qu’il s’agit probablement d’un poisson. C’est la même chose pour une émeute.

Donc, en pratique, dès que ça ressemble à une émeute, prenez pour acquis que c’en est une et quittez les lieux.

La manifestation masquée

Lorsque des organisateurs invitent des manifestants à se présenter masqués sur les lieux d’une manifestation, c’est qu’ils invitent les casseurs à se joindre à eux.

En acceptant d’y participer pacifiquement, même à visage découvert, vous acceptez implicitement de servir de bouclier humain à ces malfaiteurs. Cela peut très bien ne pas être votre intention mais cela n’a pas d’importance; si vous avez la naïveté de ne pas vous en rendre compte, c’est votre problème et non celui des forces de l’ordre.

Au cours d’un repas de famille, j’entendais un de mes cousins affirmer que des policiers masqués se seraient glissés parmi les manifestants afin de susciter la violence et discréditer le mouvement étudiant. Selon ce parent, on pouvait reconnaître ces policiers masqués à leurs bottes.

Que cela soit vrai ou non, lorsque les organisateurs d’une manifestation invitent des gens masqués, ils invitent tous les casseurs (même ceux de la police) : ils portent la responsabilité morale de ce font ces gens, quel qu’ils soient.

L’insensibilité de la police

En effectuant ma recherche de vidéos afin de comprendre ce qui a dérapé à Victoriaville, je suis tombé sur une vidéo qui « prouve » l’insensibilité policière : le vidéaste informait des policiers en rangée qu’un manifestant était gravement blessé et filmait leur absence de réaction.

Si des lecteurs sont impressionnés par ce genre de propagande, précisons que les policiers anti-émeute n’ont qu’une seule mission : c’est de faire régner l’ordre. Ils ne doivent jamais se laisser distraire de leur mission.

Par contre, on peut présumer que les adolescents ou les jeunes adultes d’aujourd’hui savent comment utiliser un téléphone portable. À moins d’être des déficients intellectuels, ils n’ont pas besoin de la police pour appeler qui que ce soit : ils peuvent très bien le faire eux-mêmes.

Conclusion

On a tous vu des enfants froncer les sourcis et dire à leurs parents : « T’as pas le droit ». Essayer cela sur des policiers lors d’une émeute, cela ne donnera pas grand chose parce que dans une telle circonstance, les policiers ont à peu près tous les droits. Et ils le savent.

On peut trouver cela juste ou non, mais cela ne change rien : tous les manifestants ont l’obligation stricte de quitter les lieux lorsque la police juge, à tort ou à raison, qu’un attroupement vire à l’émeute.

Référence :
Émeute

Sur le même sujet :
Crise étudiante : le gouvernement doit donner l’exemple
Grèves étudiantes : l’échéance du Grand Prix de Montréal
L’augmentation des frais de scolarité
Tirs de balles de plastique : attend-on de tuer quelqu’un ?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Tirs de balles de plastique : attend-on de tuer quelqu’un ?

Publié le 8 mai 2012 | Temps de lecture : 6 minutes

Le 4 mai dernier, lors de l’émeute survenue à Victoriaville, les balles de plastique tirées par la Sécurité du Québec ont cassé plusieurs dents et fracturé la mâchoire de l’étudiante Dominique Laliberté, en plus de faire subir une commotion cérébrale (captée par une vidéo amateur) au jeune Alexandre Allard.

Les lanceurs de balle de défense, utilisées ce soir-là par les forces policières, font partie des armes à projectiles à mortalité réduite : ils ont suffisamment de force d’impact pour casser des dents et crever des yeux.

Parmi les autres accidentés, Maxence Valade, 20 ans, est devenu borgne ce soir-là. Cette perte partielle et irréversible de la vue a été causée par un projectile dont on ignore la provenance. En supposant que les tirs de balles de plastique ne soient pas responsables d’un tel accident cette fois-ci, il y a lieu de croire qu’ils pourraient l’être la prochaine occasion où ces armes seront utilisées.

On utilise ces armes exclusivement contre des cibles rapprochées : on s’en sert lorsqu’un suspect armé (d’une machette, d’un bâton, etc.) menace de près un policier, comme on le ferait avec un pistolet à impulsion électrique.

Le modèle illustré ci-contre est garni d’un viseur qui permet au policier de sélectionner une cible éloignée. À mon avis, cette arme à projectile n’a aucune place dans la répression des foules; l’expérience désastreuse de Victoriaville le prouve de manière éloquente. Cela est à ce point prévisible qu’on peut se demander comment on a pu permettre leur utilisation.

En d’autres mots, lorsqu’on remet des armes puissantes et potentiellement mortelles entre les mains des forces de l’ordre, on ne doit pas se surprendre qu’ils s’en servent et, dans le feu de l’action, que leur utilisation déborde parfois le cadre strict de ce qui est prévu dans les manuels d’instruction.

Dans mon billet du 25 mars, je me suis déjà exprimé plutôt mollement en faveur de la hausse des frais de scolarité. Toutefois, il est clair que la crise étudiante a été provoquée, voulue et entretenue par le gouvernement actuel.

Depuis quarante ans, il y a bien eu quelques menaces péquistes de hausser les frais de scolarité mais dans les faits, toutes les augmentations de frais de scolarité réellement effectuées l’ont été par des gouvernements du Parti libéral du Québec : sous Claude Ryan en 1989 et sous Jean Charest en 2007 et aujourd’hui.

Le Premier ministre savait donc exactement ce qui l’attendait s’il touchait aux frais de scolarité. Pourquoi a-t-il pris cette décision alors que son gouvernement, largement discrédité dans l’opinion publique, n’a pas l’autorité morale pour chambarder quoi que ce soit ?

Y a-t-il urgence ou nécessité ? Les finances publiques sont-elles en crise ? En somme, le Québec est-il au bord de la faillite ? Si oui, où le Trésor public trouve-t-il tout cet argent — pour offrir la construction de routes, de voies ferrées, d’aéroports, d’un port en eau profonde, d’écoles, d’hôpitaux, et de réseaux de distribution d’eau potable, bref entre 40 et 63 milliards$ de fonds publics — aux compagnies minières intéressées à bénéficier de ce colossal gaspillage de l’argent des contribuables qu’est le Plan nord ?

Déjà, lors de la manifestation étudiante devant le Palais des congrès de Montréal, Francis Grenier, 22 ans, avait failli perdre la vue après qu’un dispositif explosif lui ait éclaté à 30cm du visage.

Qu’a-t-on fait pour éviter que cela soit pire la fois suivante ? Rien. Au lieu que les blessures graves infligées à Montréal servent de leçon et incitent à la prudence, on en n’a pas tenu compte et on a permis l’ajout d’autres armes à projectiles, imprécises et encore plus dangereuses, à la panoplie des moyens répressifs dont disposaient déjà les forces de l’ordre.

On s’est contenté de faire des relations publiques en affirmant — ce qui certainement vrai — que les policiers ne cherchaient pas à tirer au visage. Mais est-ce quelqu’un, quelque part, a pensé que dans une foule, des manifestants peuvent se pencher soudainement pour différentes raisons (pour attacher des lacets, par exemple) ? Non, apparemment cela dépasse la perspicacité de nos dirigeants politiques.

En particulier, est-ce que le ministre de la Sécurité publique a donné des directives aux forces policières afin d’éviter l’aggravation des blessures infligées accidentellement aux manifestants ? Non : le ministre s’en lave les mains et s’en remet au Commissaire à la déontologie policière. Quant au gouvernement, il se contente de blâmer les dirigeants étudiants pour la violence que ces derniers ont favorisée, notamment en invitant les manifestants à protester masqués. En dépit de cette irresponsabilité étudiante, depuis quand une vitre brisée a plus d’importance qu’un œil crevé ?

J’ai toujours été contre le port d’un masque sur la voie publique par tout adulte ou adolescent, à moins de raisons médicales ou d’un permis municipal délivré expressément à cette fin. Mais comment peut-on convaincre un juge du caractère raisonnable d’une telle interdiction si le port d’un casque avec visière est la seule manière de manifester de manière sécuritaire au Québec ?

Les corps policiers disposent déjà de gaz lacrymogènes, de canons à eau, de poivre de Cayenne, de matraques, de bombes assourdissantes, en plus des méthodes usuelles d’arrestation. Maintenant qu’un certain nombre de jeunes québécois ont été mutilés gravement, je m’attends à une interdiction temporaire du tir de balles de plastique par les forces policières. Cet interdit devrait être en vigueur tant qu’on n’aura pas déterminé, parmi les 75 types d’armes à projectiles, celles qu’il est acceptable d’utiliser dans un pays démocratique.

Références :
État stable pour les manifestants blessés
Étudiant blessé à l’oeil: son père en colère
Le conflit étudiant a fait des centaines d’éclopés
Les balles pleuvaient à Victoriaville
QUÉBEC: Victoriaville, – Répression, État policier, chaos vs détresse, blessures et rage
Manifestation violente à Victoriaville – Une enquête publique est réclamée
Victoriaville: les balles de plastique sont identifiées
Violence à Victoriaville : une coalition demande une enquête sur le comportement policier

Parus depuis :
Printemps érable : un policier de la SQ a manqué de prudence et de discernement (2018-01-29)
Le débat sur l’usage des balles de plastique par la police refait surface (2018-02-02)

Sur le même sujet :
Crise étudiante : le gouvernement doit donner l’exemple
Grèves étudiantes : l’ABC de l’émeute
Grèves étudiantes : l’échéance du Grand Prix de Montréal
L’augmentation des frais de scolarité

Post-scriptum : Le Ministère de la Sécurité publique a été informé de la publication du texte ci-dessus et m’a fait parvenir un accusé de réception.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les incidents haineux au Canada

Publié le 19 avril 2012 | Temps de lecture : 2 minutes

Au Canada, on a dénombré 1 401 actes haineux commis en 2010. Ces actes vont des graffitis hostiles aux agressions physiques. Cela représente une baisse de 18% en comparaison avec 2009.

Cette baisse est attribuable au déclin des crimes violents : ceux-ci représentent 33,6% des incidents haineux au Canada. Par contre, ceux sans violence, surtout des méfaits, furent relativement stables en 2010.

Répartition par province

C’est en Ontario qu’on trouve le plus grand nombre d’incidents avec 52,7% des cas. Le Québec occupe la deuxième place avec 15,3% des incidents canadiens.


Nombre d’incidents par province ou territoire (% violents)

 • Yukon : 3 (66,7%)
 • Territoire du Nord-Ouest : 3 (33,3%)
 • Nunavut : 0
 • Colombie-Britannique : 179 (48,6%)
 • Alberta : 134 (35,1%)
 • Saskatchewan : 22 (54,5%)
 • Manitoba : 55 (18,2%)
 • Ontario : 739 (24,6%)
 • Québec : 214 (43,6%)
 • Nouveau-Brunswick : 19 (63,2%)
 • Nouvelle-Écosse : 26 (28,0%)
 • Île-du-Prince-Édouard : 2 (50,0%)
 • Terre-Neuve-et-Labrador : 5 (40,0%)


Par tranche de 100 000 personnes, la moyenne canadienne est de 4,1 incidents. Elle de 5,7 en Ontario et 2,7 au Québec.


Taux d’incidents par province ou territoire par tranche de 100 000 personnes

 • Yukon : 4,0
 • Territoire du Nord-Ouest : 6,9
 • Nunavut : 0
 • Colombie-Britannique : 4,0
 • Alberta : 3,6
 • Saskatchewan : 2,2
 • Manitoba : 4,6
 • Ontario : 5,7
 • Québec : 2,7
 • Nouveau-Brunswick : 2,5
 • Nouvelle-Écosse : 2,8
 • Île-du-Prince-Édouard : 1,4
 • Terre-Neuve-et-Labrador : 1,0


Incidents à caractère racial ou ethnique

Sur les 1 401 incidents au pays, 707 (soit 50,5% des cas) étaient à caractère racial ou ethnique. Cela correspond à une baisse de vingt pour cent par comparaison avec l’année précédente.


 
Incidents à caractère religieux

Au nombre de 395, les incidents haineux à caractère religieux représentent 28,2% des cas. Il s’agit d’une baisse du sixième par comparaison avec 2009. Selon les croyances religieuses, la répartition est la suivante.


 
Seulement 2,2% des incidents dirigés contre des Catholiques étaient violents alors que la proportion des incidents violents contre les autres dénominations religieuses variaient plutôt de 20 à 23%.

Incidents relatifs à l’orientation sexuelle

Ceux-ci représentent 15,6% des incidents haineux. Au nombre de 218, ils sont violents dans 65,2% des cas. Leur nombre a peu varié par comparaison avec 2009.

Violents ou non, ils concernent des homosexuels dans 89,9% des cas et des hétérosexuels dans 7,8% des cas. Le reste (2,3%) est relatif à des incidents où l’orientation sexuelle de la victime n’a pas été précisée.

Références :
Les crimes haineux déclarés par la police, 2010
Les crimes haineux en légère hausse au Québec
Les crimes «haineux» sont en légère hausse au Québec

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’augmentation des frais de scolarité

Publié le 25 mars 2012 | Temps de lecture : 11 minutes

Plus tôt cette année, le gouvernement du Québec a annoncé son intention de majorer les frais de scolarité universitaire de 325$ par année pour les cinq prochaines années. En supposant une formation universitaire de trente crédits, cela signifie que les frais annuels de scolarité passeront de 2 168$ à 3 793$ dans cinq ans, soit une majoration totale de 75%.

En présumant que cette hausse n’aura pas de conséquence sur le nombre d’étudiants inscrits à l’université, le dégel des frais de scolarité représente pour les étudiants une dépense supplémentaire de 658 millions$ pour les quatre prochaines années : 90 millions$ en 2012-2013, 144 millions$ en 2013-2014, 193 millions$ en 2014-2015, et 231 millions$ en 2015-2016. Par la suite, la hausse des droits rapportera aux universités 265 millions$ par année.

Depuis quarante ans, les frais de scolarité universitaire ont varié par paliers; des augmentations brutales mettant fin à de longues périodes de gel. Si les intentions gouvernementales se matérialisent, les frais dans cinq ans rejoindront ceux qu’ils seraient si on les avait indexés depuis 1968.


 
Invoquant la nécessité de démocratiser l’accessibilité aux études supérieures, les étudiants manifestent depuis leur opposition à ce projet, opposition qui recueille la sympathie de la moitié de la population québécoise.

Aussi importante soit-elle, cette augmentation doit toutefois être replacée dans le contexte global de l’ensemble des dépenses auxquelles doivent faire face les étudiants universitaires d’aujourd’hui.

Le niveau de vie des étudiants

Une dépense supplémentaire de 1 625$ n’a pas le même impact si on est millionnaire que si on est pauvre. D’où l’importance de connaitre le coût de la vie à Montréal (où sont situées la majorité des universités québécoises).

À l’intention des étudiants étrangers, l’Université de Montréal a préparé un document qui fait la liste des déboursés annuels auxquels ceux-ci doivent s’attendre en effectuant leurs études dans la métropole canadienne. De ce budget-type, j’ai retranché les frais médicaux qui sont gratuits pour les citoyens québécois.


Tableau du coût de la vie étudiante à Montréal

Frais d’arrivée et d’installation
     300$ : Arrivée (déplacements, logement temporaire, restaurant)
     600$ : Installation (équipement pour logement, caution du téléphone, etc.)
     600$ : Vêtements d’hiver

Frais de subsistance
  6 000$ : Loyer et charges
  4 200$ : Nourriture
     720$ : Transport
  1 800$ : Divers

Autre
  1 000$ : Livres et fournitures scolaires

Droits de scolarité et couverture médicale
  2 168$ : Frais de scolarité (30 crédits)
     120$ : Assurance pour soins dentaires

17 508$ : Total
 

 
Évidemment, certains étudiants vivent à Montréal dans la maison de leurs parents et n’ont pas à débourser pour se loger, se nourrir, pour s’habiller, etc. Dans ce cas, à l’exception du loyer, leurs parents paient le reste pour eux, ce qui revient au même.

On voit donc que cette majoration de 325$ par an représente une hausse annuelle de 1,86% de leur train de vie, ce qui est insignifiant. Toutefois, en ignorant l’inflation, dans cinq ans, l’augmentation des frais de scolarité de 1 625$ provoquerait ultimement une hausse de 9,3% du coût de la vie étudiante, en supposant que ce mode de vie ne puisse pas souffrir d’aucune compression.

Comparaison avec les autres provinces canadiennes

Toutes les données publiées par le gouvernement du Québec sont basées sur une formation universitaire de trente crédits annuels. Mais puisque j’ignore à combien de crédits les étudiants s’inscrivent réellement, j’ai préféré utiliser les données de Statistiques Canada.


 
En frais de scolarité seulement, il en coûte en moyenne 5 146$ au Canada pour obtenir un baccalauréat universitaire. Comme l’indique de graphique ci-dessus, de toutes les provinces canadiennes, c’est au Québec que ces coûts sont les moindres, soit 2 411$.

Ils sont moindres parce qu’ici, les frais imposés aux étudiants ne représentent que 12,7% (en 2008-2009) du coût réel de leur formation. Le reste est assumé principalement par les contribuables. C’est donc à dire que la société québécoise subventionne plus qu’ailleurs la formation de ses universitaires.

Même en augmentant de 75% les frais imposés aux étudiants, le Québec se trouverait sous la moyenne canadienne. Mais cette majoration a comme conséquence inéluctable d’augmenter le niveau d’endettement des étudiants.

Même en tenant compte des dépenses que le reste de la population ne trouve pas essentielles, il est certain que de manière générale, les étudiants des universités québécoises ne dépensent pas 1 625$ par année de tatouage, de piercing, de rave et de bière, pour ne nommer que cela.

Si les étudiants trouvent inacceptable d’être obligés de s’endetter pour s’instruire, cela signifie qu’au cours des années qui viennent, ils vont continuer à s’instruire en pelletant la majorité du coût de leur formation universitaire sur le dos des contribuables. D’où la question : Pourquoi le Québécois moyen devrait-il s’endetter à leur place?

L’endettement des ménages québécois

En excluant les prêts hypothécaires, l’Institut de statistiques du Québec a calculé que l’endettement par consommateur québécois est de 18 025$. Cela est beaucoup mieux que la moyenne canadienne, qui est de 25 597$. De plus, le taux d’endettement — c’est-à-dire le montant de la dette comparé au revenu disponible — demeure moindre au Québec que dans le Canada en général.

La raison de cela se trouve sans doute dans le fait que certaines des dépenses assumées ailleurs par les familles (frais de garderie et coût des traitements médicamenteux, par exemple) sont assumées chez nous par l’État, ce qui augmente le revenu disponible et réduit le niveau d’endettement.

Quant au niveau d’endettement de l’État québécois, même s’il est inquiétant, il se compare avantageusement à celui des États-Unis, comme nous l’avons vu récemment.

En somme, le Québec pourrait se permettre de continuer d’être aussi généreux à l’égard de ses étudiants. Toutefois, si on souhaite transférer sur le dos des contribuables une bonne partie des frais d’implantation des compagnies minières dans le Nord québécois afin de favoriser à tout prix le développement minier du Québec, il faut couper quelque part.

Puisque le gouvernement a choisi de sabrer dans le financement des études universitaires, cette décision nous amène à remettre en question le « modèle québécois » du financement des études universitaires.

Pourquoi subventionner autant la formation universitaire ?

La société québécoise — c’est-à-dire nous tous — subventionne les études universitaires parce qu’elle croit que des frais de scolarité élevés constituent un obstacle économique qui freine l’accès à la formation dispensée sur nos campus.

Si les étudiants payaient le prix réel de ce que cela coûte pour s’instruire, seuls les fils de riches auraient les moyens d’accéder aux études supérieures. Et s’il en était ainsi, nous serions tous perdants parce que le Québec manquerait alors d’ingénieurs, de professionnels et, de manière générale, d’experts dans tous les domaines.

Une société ne peut atteindre son plein potentiel de développement si elle sacrifie les talents d’une partie de ses citoyens. C’est ainsi que tous les pays où les femmes sont reléguées aux travaux domestiques sont des pays qui se tirent dans le pied.

Mais en contrepartie, les jeunes doivent poursuivre et compléter leurs études; en somme, ils ont une obligation de réussite. Pourquoi devrions-nous travailler et payer des taxes s’ils ne tirent pas profit de la générosité des contribuables ?

D’après les données de Statistique Canada, de 2007 à 2010, le taux de décrochage scolaire est plus élevé au Québec (11,7%) que dans l’ensemble du Canada (8,9%). Selon d’autres données de Statistique Canada citées par La Presse (mais que je n’ai pas réussi à trouver), le taux de décrochage serait plutôt de 20% au Canada et de 22,5% au Québec. Dans tous les cas, ce qu’on doit retenir, c’est qu’en dépit de barrières économiques moindres au Québec, l’abandon des études y est plus élevé.

Et lorsqu’on parle de décrochage scolaire, on ne parle pas seulement des jeunes qui n’ont pas de baccalauréat. Le Québec a autant besoin de techniciens en aéronautique ou de créateurs de jeux multimédia (diplômés d’études techniques) que d’ingénieurs ou d’avocats (diplômés universitaires).

Le décrochage scolaire dont on parle ici concerne ceux qui quittent nos écoles sans diplôme d’études secondaires.

Ces données nous amènent à remettre en question l’à-propos des subventions aux études supérieures : le gouvernement libéral n’est-il pas justifié de dégeler les frais de scolarité quand les jeunes eux-mêmes ne sont pas conscients de l’importance d’acquérir un diplôme ?

Le problème, c’est qu’en dégelant ces frais, on punit les mauvaises personnes; on ne punit pas les décrocheurs, mais ceux qui sont des exemples pour les autres jeunes.

Conclusion

Michel Girard a publié dans La Presse un billet convainquant en faveur du prolongement du gel des frais de scolarité, dans une perspective purement économique. Malgré son plaidoyer, il me reste encore du chemin à faire avant de partager l’hostilité des jeunes au dégel des frais de scolarité.

Je ne vous cacherai pas que je suis très déçu que, malgré la générosité des travailleurs qui subventionnent le coût de leurs études, trop de jeunes préfèrent entrer prématurément sur le marché du travail et être handicapés toute leur vie pour ne pas avoir complété leurs études.

On dit souvent que les jeunes ne sont pas politisés. En réalité, ils jugent que les partis politiques sont tous du pareil au même et que si un gouvernement osait s’attaquer à eux, il leur suffirait d’un peu de désobéissance civile pour que ce gouvernement cède à leurs revendications. L’avenir nous dira s’ils ont raison.

Toutefois, si le gouvernement libéral devait s’avérer intransigeant, les étudiants risquent d’apprendre à leurs dépens que les citoyens de ce pays ont un droit extraordinaire, soit celui de choisir ses dirigeants. Et que la contrepartie de ce droit, c’est le devoir de voter.

Je souhaite donc que les étudiants aient de la mémoire et acquièrent la résolution de s’acquitter de leurs devoirs civiques, dont celui de de voter aux prochaines élections et surtout, de réussir leurs études.

L’avenir du Québec dépend d’eux : on ne bâti pas une nation forte sur des abrutis mais plutôt sur des citoyens qui expriment toute l’étendue de leurs talents.

Références :
Décrochage scolaire: le Canada fait piètre figure
Droits de scolarité: le gel, un bon investissement gouvernemental
L’endettement des ménages québécois
Droits de scolarité selon les provinces
Sondage: la population souhaite un dénouement à l’impasse
Vivre à Montréal — Coût de la vie et budget type

Paru depuis : Une étude donne raison aux carrés rouges (2014-09-02)

Sur le même sujet :
Crise étudiante : le gouvernement doit donner l’exemple
Grèves étudiantes : l’ABC de l’émeute
Grèves étudiantes : l’échéance du Grand Prix de Montréal
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Tirs de balles de plastique : attend-on de tuer quelqu’un ?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les mauvaises lectures

Publié le 4 février 2012 | Temps de lecture : 3 minutes

L’édition de ce matin du Devoir publie l’article Radiographie des magazines masculins. Ce texte est une critique de l’étude « Postures viriles: ce que dit la presse masculine » de l’auteure féministe Lori Saint-Martin.

Précédemment, l’auteure s’était intéressée aux revues féminines québécoises qu’elle avait trouvé bourrées de stéréotypes dépassés relatifs à la subordination des femmes aux hommes, et obsédées par la beauté et la jeunesse.

Quant aux magazines masculins, ils véhiculent, selon l’auteure, les stéréotypes les plus bêtes, tant au sujet des hommes que des femmes, qu’au sujet des rapports entre les sexes.

Selon ces magazines, le mâle québécois aime le sport, les sorties, les gadgets et les voitures. Il cultive le goût du risque et de la séduction. C’est un fonceur. Il aime la chasse aux animaux sauvages et aux filles. Celles-ci se doivent d’être jeunes, belles et pleines d’émotions, ce qui les rend très compliquées.

L’univers masculin est fait de force, d’action et d’autonomie. Celui des femmes est lié aux apparences, à la fragilité et à la séduction. Quand les femmes ne sont pas de mignonnes subalternes, ce sont, au contraire, des castratrices, des contrôlantes, responsables de la débandade des hommes.

Alors que les revues féminines donnent le goût aux femmes d’être autrement (plus désirables, plus compréhensives), les magazines masculins propagent l’idée que les hommes sont très bien comme ils sont.

Ni l’auteure, ni le journaliste (qui résume et endosse son propos) ne traitent d’un aspect fondamental, qui est de savoir pourquoi les lecteurs achètent ces publications.

À mon avis, les gens achètent des revues et des quotidiens en fonction de ce qu’ils pensent déjà, de ce qu’ils sont ou de ce qu’ils aspirent à devenir. De la même manière que l’adolescent désire s’habiller en fonction du clan ou du groupe social auquel il désire s’associer, les gens achètent des publications en votant avec leur argent.

À titre d’exemple, ce n’est pas le Journal de Montréal et ses chroniqueurs qui abrutissent les lecteurs de ce quotidien : c’est l’abrutissement d’une partie du public qui fait vendre ce torchon.

Le lecteur achète un quotidien pour découvrir l’actualité dans une perspective qui est déjà la sienne. Et ce qu’il y apprend vient renforcer son point de vue sur le Monde et valide ses opinions et ses préjugés.

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Écrit par Jean-Pierre Martel