Grèves étudiantes : l’échéance du Grand Prix de Montréal

Publié le 16 mai 2012 | Temps de lecture : 8 minutes

Du 8 au 10 juin 2012, se tiendra le Grand Prix de Montréal. Partout à travers le monde, des milliers de touristes ont à décider s’ils viendront ou non dans la métropole. C’est l’événement sportif ayant la plus grande incidence touristique au Canada. En effet, on estime que cette course automobile entraine des retombées économiques de l’ordre de 75 à 100 millions de dollars dans la région métropolitaine.

Quelques semaines plus tard, suivra le Festival de Jazz, puis une kyrielle d’événements festifs qui devraient transformer Montréal en capitale mondiale du plaisir.

Mais comme disait l’humoriste Yvon Deschamps, « le bonheur haït le train ». En langage soigné : les querelles ne sont pas propices à la béatitude.

Or nous avons un conflit, celui qui oppose depuis des mois le gouvernement à des milliers d’étudiants. Ce conflit nous a beaucoup appris. Il est temps d’en tirer quelques leçons.

Les leçons

Usé par des années de pouvoir et miné par des accusations (fondées ou non) de corruption, le gouvernement actuel n’a plus l’autorité morale de chambarder quoi que ce soit. De toute évidence, il est impuissant à convaincre les étudiants du bien-fondé de sa décision de hausser les frais de scolarité.

Sa stratégie — qui consistait à demeurer ferme et espérer à l’essoufflement du mouvement de contestation, puis la capitulation des leaders étudiants — est un échec. Il est vrai que le nombre de contestataires a diminué mais les irréductibles sont suffisamment nombreux pour perturber l’économie de la métropole. De plus, même lorsque ces leaders, épuisés par une nuit d’insomnie, finissent par capituler, la victoire gouvernementale est de courte durée puisque l’entente est aussitôt rejetée par les étudiants eux-mêmes. Et tout est à recommencer.

À plusieurs reprises sur ce blogue, j’ai souligné la vulnérabilité de Montréal à des gestes perturbateurs. La paralysie totale du métro, durant l’avant-midi du 10 mai, en est l’illustration évidente. Les trois malfaiteurs ont été arrêtés parce qu’ils ont commis l’imprudence d’opérer à visage découvert. Mais si d’autres personnes veulent répéter ce méfait à volonté, il leur suffit de porter un capuchon, des verres fumés et une fausse barbe : n’importe quel règlement municipal interdisant les masques et les cagoules risque alors d’être impuissant.


Fait divers. Il y a quelques semaines, à la station Berri-UQUAM, j’ai vu une femme crier à un homme qu’elle ne voulait rien savoir de lui.

J’étais en face d’eux, sur le quai opposé. À un moment donné, l’homme a embrassé de force la femme pour tenter de la faire taire : celle-ci l’a mordu au point que harceleur saignait des lèvres.

J’ai eu le temps de monter deux étages, aller à la cabine d’un vendeur de titres pour lui signaler l’incident. Celui-ci m’a répondu que les préposés aux caméras de surveillance étaient déjà au courant et que de l’aide s’en venait.

Sur mon chemin de retour, aucun policier.

De longues minutes plus tard, la femme (suivie contre son gré par le harceleur) a eu le temps de montrer deux étages et de quitter la station (je les ai suivis).

Du début des cris jusqu’à leur sortie de la station, la scène a duré plus d’une vingtaine de minutes. Jamais la sécurité n’est intervenue. Et ce, dans la station la plus achalandée du réseau. Imaginez la sécurité des passagers dans les autres…

Cette crise a également démontré les limites du pouvoir judiciaire. Les tribunaux peuvent émettre des injections à la tonne : s’il est impossible de les faire respecter, les juges deviennent comme ces Papes qui émettent des encycliques que personne ne lit.

Les solutions

La loi spéciale

En 1972, le gouvernement libéral de Robert Bourassa, aux prises avec une contestation syndicale, adopte une loi spéciale et fait condamner les chefs syndicaux à un an de prison. Cette mesure a eu pour conséquence de ramener une paix sociale relative durant ce temps.

La même recette, appliquée aux leaders étudiants risque d’avoir moins de succès. Quoiqu’ils en disent, les chefs syndicaux font partie de l’establishment; les syndicats ont leurs sièges sociaux, ils ont des comptes de banques dans lesquels ils déposent des cotisations (que l’État peut saisir), ils ont des lignes d’autorité qui séparent les décideurs des subalternes.

Les groupes d’étudiants sont beaucoup moins structurés. Faites disparaitre un groupe étudiant radical et il renaît sous un autre nom. Emprisonnez ses dirigeants et d’autres prennent la relève.

La répression policière

Qu’a-t-elle donné jusqu’ici ? Sommes-nous satisfaits des résultats ? Jusqu’où sommes-nous prêts à aller ? Voulons-nous que les images d’un carnage éclipsent la publicité des agences de voyages alors que des centaines milliers de touristes peuvent encore décider d’aller passer leurs vacances en paix sous d’autres cieux ?

La capitulation de l’État

Dans nos pays démocratique, la politique est l’art du possible. On peut s’entêter au nom des principes mais ici, il n’y a pas de principe en cause, mais simplement un choix budgétaire. Or n’importe quel budget est une série de vases communicants où idéalement les revenus devraient égaler les dépenses. L’idée que le gouvernement actuel doit s’entêter comme si la Nation était en péril dépasse entendement.

J’ai appuyé mollement la hausse des frais de scolarité. Je n’ai pas changé d’avis. Mais je reconnais qu’une hausse importante par étapes (ce qui souhaite le gouvernement), la simple indexation au coût de la vie, le gel des frais ou leur abolition, sont toutes des options valables qui ont leurs avantages et leurs inconvénients.

De la même manière que je ne comprends pas la furie étudiante contre cette hausse qui ne fait qu’amener les frais de scolarité au niveau de ce que payaient leurs parents, je ne comprends pas ce « Power Trip » que le Premier ministre justifie au nom de principes inexistants : la réfection de la centrale nucléaire Gentilly-2 (que songe à financer le gouvernement actuel et qu’il annoncera probablement s’il est réélu) équivaut à la gratuité scolaire totale pendant des années.

Avec la démission-surprise de la ministre de l’éducation, le gouvernement est en train de rater une belle occasion de faire volteface et de s’en tirer à bon compte, puisqu’inévitablement une partie de l’opinion publique croira faussement que le blocage était de la faute de la démissionnaire.

Le jusqu’au-boutisme

La dernière option gouvernementale est de ne pas broncher et d’aller jusqu’au bout, quoiqu’il advienne. Cela peut comporter des dividendes électoraux puisque cette politique d’affrontement a permis la réélection de Robert Bourassa, auquel la population s’est ralliée dans la crainte de l’anarchie.

Si l’augmentation des frais de scolarité avait fait l’objet d’une promesse électorale et que le gouvernement avait été élu sur cette promesse, il s’agirait d’un choix de société. Le gouvernement aurait raison d’imposer ce choix.

Mais on est en présence ici non pas d’un choix de société mais d’un simple choix budgétaire, arbitraire comme le sont tous les choix budgétaires, et à peu près aussi valable que les alternatives.

Même en supposant que les étudiants aient tort d’en faire un drame, l’entêtement orgueilleux du chef de l’État québécois et la crise sociale qui en découle risquent de compromettre le succès de la saison touristique qui débute bientôt.

Si le gouvernement devait maintenir son l’intransigeance, je crains que l’Histoire ne juge très sévèrement le manque total de jugement du gouvernement Charest, une administration qui aura laissé beaucoup de ruines mais très peu de réalisations concrètes jusqu’ici.

Références :
D’importantes retombées
Faut-il réparer Gentilly-2 ?

Sur le même sujet :
Crise étudiante : le gouvernement doit donner l’exemple
Grèves étudiantes : l’ABC de l’émeute
L’augmentation des frais de scolarité
Tirs de balles de plastique : attend-on de tuer quelqu’un ?

Note : Photo de M. Charest par le journal Le Devoir.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Tirs de balles de plastique : attend-on de tuer quelqu’un ?

Publié le 8 mai 2012 | Temps de lecture : 6 minutes

Le 4 mai dernier, lors de l’émeute survenue à Victoriaville, les balles de plastique tirées par la Sécurité du Québec ont cassé plusieurs dents et fracturé la mâchoire de l’étudiante Dominique Laliberté, en plus de faire subir une commotion cérébrale (captée par une vidéo amateur) au jeune Alexandre Allard.

Les lanceurs de balle de défense, utilisées ce soir-là par les forces policières, font partie des armes à projectiles à mortalité réduite : ils ont suffisamment de force d’impact pour casser des dents et crever des yeux.

Parmi les autres accidentés, Maxence Valade, 20 ans, est devenu borgne ce soir-là. Cette perte partielle et irréversible de la vue a été causée par un projectile dont on ignore la provenance. En supposant que les tirs de balles de plastique ne soient pas responsables d’un tel accident cette fois-ci, il y a lieu de croire qu’ils pourraient l’être la prochaine occasion où ces armes seront utilisées.

On utilise ces armes exclusivement contre des cibles rapprochées : on s’en sert lorsqu’un suspect armé (d’une machette, d’un bâton, etc.) menace de près un policier, comme on le ferait avec un pistolet à impulsion électrique.

Le modèle illustré ci-contre est garni d’un viseur qui permet au policier de sélectionner une cible éloignée. À mon avis, cette arme à projectile n’a aucune place dans la répression des foules; l’expérience désastreuse de Victoriaville le prouve de manière éloquente. Cela est à ce point prévisible qu’on peut se demander comment on a pu permettre leur utilisation.

En d’autres mots, lorsqu’on remet des armes puissantes et potentiellement mortelles entre les mains des forces de l’ordre, on ne doit pas se surprendre qu’ils s’en servent et, dans le feu de l’action, que leur utilisation déborde parfois le cadre strict de ce qui est prévu dans les manuels d’instruction.

Dans mon billet du 25 mars, je me suis déjà exprimé plutôt mollement en faveur de la hausse des frais de scolarité. Toutefois, il est clair que la crise étudiante a été provoquée, voulue et entretenue par le gouvernement actuel.

Depuis quarante ans, il y a bien eu quelques menaces péquistes de hausser les frais de scolarité mais dans les faits, toutes les augmentations de frais de scolarité réellement effectuées l’ont été par des gouvernements du Parti libéral du Québec : sous Claude Ryan en 1989 et sous Jean Charest en 2007 et aujourd’hui.

Le Premier ministre savait donc exactement ce qui l’attendait s’il touchait aux frais de scolarité. Pourquoi a-t-il pris cette décision alors que son gouvernement, largement discrédité dans l’opinion publique, n’a pas l’autorité morale pour chambarder quoi que ce soit ?

Y a-t-il urgence ou nécessité ? Les finances publiques sont-elles en crise ? En somme, le Québec est-il au bord de la faillite ? Si oui, où le Trésor public trouve-t-il tout cet argent — pour offrir la construction de routes, de voies ferrées, d’aéroports, d’un port en eau profonde, d’écoles, d’hôpitaux, et de réseaux de distribution d’eau potable, bref entre 40 et 63 milliards$ de fonds publics — aux compagnies minières intéressées à bénéficier de ce colossal gaspillage de l’argent des contribuables qu’est le Plan nord ?

Déjà, lors de la manifestation étudiante devant le Palais des congrès de Montréal, Francis Grenier, 22 ans, avait failli perdre la vue après qu’un dispositif explosif lui ait éclaté à 30cm du visage.

Qu’a-t-on fait pour éviter que cela soit pire la fois suivante ? Rien. Au lieu que les blessures graves infligées à Montréal servent de leçon et incitent à la prudence, on en n’a pas tenu compte et on a permis l’ajout d’autres armes à projectiles, imprécises et encore plus dangereuses, à la panoplie des moyens répressifs dont disposaient déjà les forces de l’ordre.

On s’est contenté de faire des relations publiques en affirmant — ce qui certainement vrai — que les policiers ne cherchaient pas à tirer au visage. Mais est-ce quelqu’un, quelque part, a pensé que dans une foule, des manifestants peuvent se pencher soudainement pour différentes raisons (pour attacher des lacets, par exemple) ? Non, apparemment cela dépasse la perspicacité de nos dirigeants politiques.

En particulier, est-ce que le ministre de la Sécurité publique a donné des directives aux forces policières afin d’éviter l’aggravation des blessures infligées accidentellement aux manifestants ? Non : le ministre s’en lave les mains et s’en remet au Commissaire à la déontologie policière. Quant au gouvernement, il se contente de blâmer les dirigeants étudiants pour la violence que ces derniers ont favorisée, notamment en invitant les manifestants à protester masqués. En dépit de cette irresponsabilité étudiante, depuis quand une vitre brisée a plus d’importance qu’un œil crevé ?

J’ai toujours été contre le port d’un masque sur la voie publique par tout adulte ou adolescent, à moins de raisons médicales ou d’un permis municipal délivré expressément à cette fin. Mais comment peut-on convaincre un juge du caractère raisonnable d’une telle interdiction si le port d’un casque avec visière est la seule manière de manifester de manière sécuritaire au Québec ?

Les corps policiers disposent déjà de gaz lacrymogènes, de canons à eau, de poivre de Cayenne, de matraques, de bombes assourdissantes, en plus des méthodes usuelles d’arrestation. Maintenant qu’un certain nombre de jeunes québécois ont été mutilés gravement, je m’attends à une interdiction temporaire du tir de balles de plastique par les forces policières. Cet interdit devrait être en vigueur tant qu’on n’aura pas déterminé, parmi les 75 types d’armes à projectiles, celles qu’il est acceptable d’utiliser dans un pays démocratique.

Références :
État stable pour les manifestants blessés
Étudiant blessé à l’oeil: son père en colère
Le conflit étudiant a fait des centaines d’éclopés
Les balles pleuvaient à Victoriaville
QUÉBEC: Victoriaville, – Répression, État policier, chaos vs détresse, blessures et rage
Manifestation violente à Victoriaville – Une enquête publique est réclamée
Victoriaville: les balles de plastique sont identifiées
Violence à Victoriaville : une coalition demande une enquête sur le comportement policier

Parus depuis :
Printemps érable : un policier de la SQ a manqué de prudence et de discernement (2018-01-29)
Le débat sur l’usage des balles de plastique par la police refait surface (2018-02-02)

Sur le même sujet :
Crise étudiante : le gouvernement doit donner l’exemple
Grèves étudiantes : l’ABC de l’émeute
Grèves étudiantes : l’échéance du Grand Prix de Montréal
L’augmentation des frais de scolarité

Post-scriptum : Le Ministère de la Sécurité publique a été informé de la publication du texte ci-dessus et m’a fait parvenir un accusé de réception.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Plan nord : redevances basées sur les profits ou sur la valeur brute ?

Publié le 28 mars 2012 | Temps de lecture : 8 minutes

Avant-propos : ce texte a été écrit le 28 mars 2012 mais a été retouché le 18 juin 2012.

 
À la suite de nombreuses critiques, le gouvernement québécois a relevé de 12% à 14% le taux de droits miniers en mars 2010. En janvier 2011, puis en janvier 2012, ce taux a été relevé encore d’un pour cent et atteint donc maintenant 16%.

Ces redevances sont basées sur les profits des compagnies minières. Elles correspondent à environ 2% de la valeur du minerai. Ce taux est un des plus faibles au pays.


Redevances perçues par province (en millions$)

  Production       Production    
  (2002-9) Perçu Taux   (2009-10) Perçu Taux
Nord canadien 13 970 538 3,8%   1 510 90 6.0%
Colombie-Brit. 39 500 1 674 4,2%   5 620 292 5,2%
Saskatchewan 33 380 4 312 12,9%   3 980 86 2,2%
Manitoba 11 800 510 4,3%   1 350 10 0,7%
Ontario 62 400 627 1,0%   6 270 25 0,4%
Québec 37 150 427 1,1%   5 630 114 2,0%
Nouv.-Brunswick 8 760 443 5,1%   1 100 44 4,0%


 
Ces données indiquent que la rentabilité apparente des minières québécoises est très faible. En 2010, la moitié des minières n’ont fait aucun profit. La moyenne de l’ensemble de l’industrie est d’un profit brut de 14%. Faites le calcul : 14% (de droit minier) sur 14% de profit donne 1,96% de redevance à payer.

Cela est incroyable. Dans un contexte de pénurie mondiale des métaux, comment les minières peuvent-elles se contenter de profits bruts de seulement 14% en moyenne, et d’aucun profit dans le cas de 10 des 19 companires minières québécoises ?

L’investissement dans le secteur minier est un investissement hautement spéculatif, soumis aux fluctuations changeantes de la valeur des métaux et qui nécessite une marge de profit importante lorsque la demande des métaux est plus forte que l’offre, comme c’est le cas actuellement sur les marchés mondiaux.

Alors pourquoi les minières québécoises font elles relativement si peu de profits bruts ? C’est que le régime fiscal du Québec incite les compagnies minières internationales à faire en sorte que leurs succursales québécoises soient le moins profitables possible.

Plus précisément, les minières québécoises ont intérêt à vendre leur minerai au prix coûtant à une succursale dont le siège social est situé dans un paradis fiscal afin de lui transférer leurs profits : ainsi, c’est cette succursale qui empoche les profits en revendant le minerai au prix du marché, beaucoup plus élevé. Le minerai lui-même n’a pas besoin de transiter par ce paradis fiscal; le transit de la propriété du minerai suffit. Dans les faits, ce dernier peut être expédié directement du Québec vers son lieu de raffinement.

Pour donner un exemple simple, imaginons qu’un produit se détaille 100$ mais qu’il ne coûte 25$ à produire. Vous pourriez le vendre 100$ et payer de l’impôt sur les 75$ de profit que vous réalisez. Ou bien, vous le vendez à un ami à votre prix coûtant (25$) et ne payer aucun impôt. Si cet ami habite dans un pays sans impôt, il vend le produit à 100$ (sa véritable valeur) et réalise donc, lui, le profit de 75$ exonéré d’impôt. Voilà le truc auquel le régime fiscal québécois incite les compagnies minières internationales à recourir afin d’éviter de payer de l’impôt au Québec.

Dans les faits, la stratégie des minières est beaucoup plus complexe. Si la succursale québécoise vendait son minerai directement à une société installée dans un paradis fiscal, le stratagème serait trop évident. On crée donc un intermédiaire installé dans un pays respectable qui, lui non plus, ne réalise aucun profit et qui sert de paravent à la compagnie qui empoche le gros lot.

Dans un contexte où le gouvernement Charest est accusé de corruption, son refus obstiné de fournir des détails sur les montants collectés auprès des minières, en particulier comment les secteurs de l’or, du fer, du cuivre, et du zinc — dont la profitabilité est inégale — paient de redevances, n’est pas de nature à dissiper les soupçons de connivance avec le stratagème que je viens d’expliquer.

De plus, l’argument à l’effet que si on augmente les droits miniers, on fait fuir l’industrie n’est valable que lorsque la demande de métaux est faible. Lorsqu’elle est forte, si une compagnie ferme ses portes parce qu’elle veut protester contre une augmentation des redevances, une autre compagnie la remplacera, attirée par la perspective de profit en dépit de cette augmentation.

L’État doit donc se comporter à l’égard du capitalisme international exactement comme ce dernier se comporterait à la place de l’État, c’est-à-dire de manière impitoyable.

Le défaut majeur des redevances basées sur les profits, c’est donc qu’il est très facile d’éviter de les payer.

Afin de pallier à la créativité visant à déjouer le fisc, il y a deux solutions : des redevances basées sur la valeur de la ressource ou des redevances-plancher.

Contrairement au Québec, des redevances-plancher s’appliquent en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve. Elles s’appliquent également en Australie, en Chine, en Inde et dans quelques États américains (le Michigan et l’Arizona). Elles n’empêchent pas le tour de passe-passe dont j’ai exposé le mécanisme, mais assurent l’État de redevances minimales.

Les redevances basées sur la valeur de la ressource ont aussi leurs échappatoires. Théoriquement, une compagnie pourrait vendre la ressource à perte. Dans les faits, une compagnie ne peut pas faire cela longtemps puisqu’elle serait acculée rapidement à la faillite.

De plus, le cours des matières premières est connu de tous. Si bien que toute fraude est évidente et sujette à des poursuites.

L’Australie impose une redevance de 8% sur la valeur du minerai extrait. À juste titre, le ministre des Finances du Québec rappelle que la mise en opération d’une mine dans le Nord québécois est plus coûteuse que dans ce pays.

Toutefois le Québec ne doit pas chercher à être l’endroit le moins cher au Monde; lorsque la demande des minerais est très importante — comme c’est le cas actuellement — on ne voit pas l’intérêt de s’aplatir devant les minières. La surenchère des États est à la hausse, et non à la baisse.

Les compagnies en mesure de faire des profits en dépit des redevances que nous jugerons raisonnables, sont les bienvenues. Quant à celles qui ne le sont pas, l’État n’a pas à transférer sur le dos des contribuables leur manque à gagner pour qu’elles le deviennent et favoriser ainsi le développement pour le développement.

De nos jours, le cours des matières premières est élevé principalement à cause de la demande gargantuesque de pays comme la Chine et l’Inde. Or, par rapport à ces pays, le Québec est à l’autre bout du Monde. Les mines nées pour répondre à cette demande ont donc une vulnérabilité que n’ont pas celles qui sont nées pour répondre aux besoins industriels de nos voisins (l’Ontario et les États-Unis); dès qu’une mine concurrente s’ouvrira plus près des marchés asiatiques, les mines québécoises nées pour répondre à leurs besoins cesseront d’être concurrentielles.

Un bon nombre de compagnies minières n’auront à peine quelques années pour rentabiliser leurs investissements. Le Québec n’a donc pas intérêt à attirer chez lui les canards boiteux qui ont besoin, pour être rentables, que les contribuables assument leurs frais d’implantation. Apparemment, le gouvernement actuel n’est pas de cet avis puisque selon le Ministre des finances, le régime actuel des redevances tient compte des coûts engagés par les entreprises, mais aussi de leur « capacité de payer ».

Selon l’économiste Jacques Fortin, en se basant sur le profit, l’État québécois se trouve à « subventionner le risque d’affaires d’entreprises milliardaires ». Au contraire, c’est par des redevances élevées que le Québec se dotera de la marge de manœuvre qu’il lui faudra lorsque les minières réclameront, à juste titre, une baisse de leur charge fiscale alors que les temps leur seront devenus moins favorables.

Dans certains pays, le gouvernement indique aux entreprises qui souhaitent ouvrir une mine qu’il entend conserver 20% de la propriété, et ce, sans avoir à payer. Le gouvernement actuel a préféré créer des sociétés d’État qui investiront de l’argent frais dans le capital action des minières, ce qui l’oblige à hausser le tarif de ses services (les frais de scolarité par exemple) afin de dégager les sommes nécessaires à cet investissement.

Références :
La bataille des redevances minières au Québec
Le Québec toujours au bas de l’échelle
Les redevances minières, un secret bien gardé
Mines: le modèle norvégien rapporterait 25 milliards au Québec
Québec : 304 M$ en redevances minières l’an dernier
Redevances minières – Le budget Bachand n’a pas convaincu les observateurs

Parus depuis :
Un siècle pour restaurer 700 sites miniers (2015-01-26)
Environnement: des centaines d’anciennes mines encore nocives au Québec (2019-05-11)

Sur le même sujet :
Baie-James vs Plan Nord
Le marketing improvisé du Plan nord
Le Plan Nord : l’œuf de Pâques de Monsieur Charest
Redevances et efficacité

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Écrit par Jean-Pierre Martel


On se la coule douce à la délégation parisienne

Publié le 27 mars 2012 | Temps de lecture : 2 minutes

Historiquement, le Québec a toujours dégagé d’importants surplus dans ses échanges internationaux. Selon le quotidien La Presse, pour la première fois de son histoire en 2004, le Québec s’est retrouvé avec un déficit commercial de 600 millions. Puis, avec un déficit de 6 milliards$ en 2005, 17 milliards$ en 2008, 12 milliards$ en 2009 et 16,4 milliards$ en 2010.

Dans ce dernier cas, cela représente 5% du Produit intérieur brut québécois : proportionnellement, ce déficit commercial est donc pire que le déficit commercial américain, lui-même jugé catastrophique.

De ces temps-ci, l’actualité est tournée vers les déficits gouvernementaux alors qu’à mon avis, ces déficits ne sont préoccupants que dans un contexte de déclin économique, ce qui est toujours le cas en présence de déficit commercial. En effet, un déficit commercial correspond à une saignée de l’économie nationale.

Dans ce contexte, il est donc de la plus haute importance que le gouvernement du Québec se fasse le promoteur des produits et services québécois.

C’est donc avec surprise qu’on apprend aujourd’hui que la Délégation du Québec à Paris ne sert jamais de vin québécois. Au Ministère des Relations internationales, on souligne que le rôle premier des délégations générales est de promouvoir les entreprises du Québec, et non de servir du vin. Apparemment, les producteurs de vin du Québec ne se qualifient pas pour être considérés comme des entrepreneurs québécois…

En tant que touriste à Paris, je préfère définitivement y boire des vins français, souvent extraordinaires et à petit prix. Mais en tant que Délégué du Québec à Paris, devrais-je avoir le choix de servir à mes invités autre chose que du vin québécois ?

Il est probable que d’essayer de vendre des vins québécois à nos amis Français est une cause perdue d’avance. Tout ce que nos représentants doivent espérer, c’est le respect de leurs interlocuteurs… et celui des contribuables qui paient leurs salaires.

Référence : Aucun vin québécois n’est servi à la Délégation du Québec à Paris

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La dette relativement modeste du Québec

Publié le 21 mars 2012 | Temps de lecture : 4 minutes
© 2012 — Institut économique de Montréal

L’Institut économique de Montréal (IEDM) est un pilier de la Droite québécoise. Audacieux, il finance un « Compteur de dette publique du Québec » qui apparait depuis quelques jours comme bannière sur le site du Devoir. Il s’agit-là d’une manière originale et spectaculaire de faire réfléchir tous ces gauchistes dépensiers, apparemment nombreux parmi les lecteurs de ce quotidien.

Serais-je devenu un supporteur de l’IEDM ? Pas du tout. J’ai reproduit cette bannière pour qu’on réalise à quel point nous sommes chanceux de ne pas suivre les conseils de cet organisme.

248 milliards$ d’endettement pour une population de huit millions de personnes, c’est environ 31,000$ par personne (femme, homme ou enfant). De ce point de vue, l’IEDM a raison : c’est beaucoup.

Toutefois, en élisant des gouvernements qu’il juge dépensiers, nous nous sommes endettés afin de jouir d’une longue liste de mesures sociales : soins médicaux gratuits, hospitalisation gratuite, assurance-médicaments, enseignement primaire et secondaire gratuits, frais universitaires largement aux frais des contribuables, garderies subventionnées, pas de péage routier, assurance-chômage, pensions de vieillesse minimales, etc., etc., etc.

Selon l’IEDM, l’exemple à suivre, ce sont les États-Unis, où les riches sont moins taxés et les écarts de revenus beaucoup plus grand entre les riches et le travailleur moyen.

Selon le CIA World FactBook, en 2010, le Produit intérieur brut (PIB) américain était de 14,660 milliards$ et leur dette nationale représente 62,9% du PIB. Puisque leur population est de 313 millions de personnes, faites le calcul : cela fait une dette per capita de 29,460$, soit un peu moins que la nôtre (31,000$).

Mais il ne s’agit-là que de la dette détenue par le public. Lorsqu’on tient compte des créances et dettes administratives, la dette publique totale des États-Unis grimpe à 13,050 milliards de dollars, soit 88 % du PIB. Cela représente — tenez-vous bien — 41,693$ per capita, c’est-à-dire 34,5% plus que nous.

Après de l’agence de notation Moody’s, la cote de crédit du Québec est AA-2, soit une cote moins bonne que celles des autres provinces canadiennes (sauf celles des maritimes). Elle est identique à celle celle du Massachusetts et de la Floride : de plus, elle est meilleure que la cote d’états populeux comme la Californie et New York. On comprend donc mal l’inquiétude de l’IEDM.

Nos voisins du Sud, qui subissent à journée longue le lavage de cerveau de la machine de propagande de leur Droite, se sont endettés plus que nous sans en retirer les avantages dont nous bénéficions. Leurs taxes servent à des guerres prédatrices et à réparer les pots cassés de leur finance vorace et sans scrupule.

Beaucoup d’autoroutes américaines sont à péage. Les Américains doivent recourir à des avocats pour forcer leur compagnie d’assurance à payer leurs frais médicaux lorsqu’ils sont atteints de maladies dont les traitements sont dispendieux. Il n’y a pas de garderie publique. Pas d’assurance-médicament publique. Oubliez les jardins communautaires comme ceux offerts gratuitement aux citoyens de Montréal : c’est du communisme! Les écoles publiques y enseignent le Créationisme (c’est-à-dire que la Terre a été créée il y a environ 4,000 ans parce que c’est ce qu’on peut en déduire par une lecture littérale de la Bible). Les frais universitaires coûtent annuellement entre quelques milliers et plusieurs dizaines de milliers de dollars. Les pensions de vieillesse sont misérables.

Bref, voilà le paradis que vous promet l’IEDM si vous adhérez à sa vision du monde. Un monde de bonheur pour les possédants et un enfer pour les possédés.

De quel côté vous situez-vous?

Références :
Dette publique des États-Unis
Dette publique totale des États-Unis
Moody’s maintient la note de crédit du Québec

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Me Sylvain Lussier, procureur-chef à la Commission Charbonneau : un choix judicieux ?

Publié le 27 février 2012 | Temps de lecture : 3 minutes

Le 18 novembre dernier, la juge France Charbonneau annonçait la nomination de quatre juristes qui l’assisteront dans le cadre de la commission d’enquête qu’elle préside sur la corruption dans l’industrie de la construction. L’un d’eux, Me Sylvain Lussier, était alors nommé procureur-chef de cette commission.

Me Lussier n’en est pas à sa première participation à une commission d’enquête. En effet, il fut l’avocat du gouvernement fédéral canadien lors du scandale des commandites. Rappelons que le programme des commandites avait été institué par le gouvernement libéral de Jean Chrétien dans le but de faire la promotion du fédéralisme canadien auprès des Québécois et ce, au coût de 332 millions$. Dans les faits, il s’agissait d’une immense magouille destinée à alimenter un système complexe de pots-de-vin profitant au Parti libéral du Canada. En d’autres mots, à la Commission Gomery, Me Lussier était du mauvais bord.

En plus d’être procureur en chef de la Commission Charbonneau, Me Lussier continuera d’agir comme avocat-conseil pour la Ville de Montréal. À ce titre, il est appelé à représenter l’administration Tremblay (qui dirige la métropole canadienne) dans l’épineux dossier de l’espionnage du vérificateur général de la ville.

Rappelons que l’administration Tremblay avait décidé d’épier ses fonctionnaires afin de surveiller l’attribution des contrats juteux qui permettent à des entrepreneurs véreux de se graisser la patte. Dans les faits, on en avait profité pour surveiller le vérificateur général, qui dispose d’un budget insignifiant (l’achat de papeterie pour son personnel et d’autres dépenses minimes).

En cautionnant l’espionnage du vérificateur général de la ville, le maire Tremblay faisait la démonstration que ce qui l’intéressait, ce n’était pas de s’attaquer à la corruption mais plutôt aux accusations de corruption. L’important pour son administration, ce n’était pas d’être honnête mais simplement de sembler l’être. Or c’est cette façon d’agir que Me Lussier pourrait être appelé à défendre à titre d’avocat de la ville de Montréal.

Le 18 novembre dernier, ce conflit d’intérêt avait été soulevé une première fois sur le site de Droit-Inc par un auteur anonyme dont les propos avaient passé inaperçus. Cette accusation prenait samedi dernier un relief plus percutant avec la publication dans Le Devoir d’une lettre signée par Me Paul Bégin, ex-ministre de la Justice du Québec, sommant publiquement Me Lussier de choisir entre les mandats de la Ville de Montréal ou celui de la commission Charbonneau.

Références :
Commission Gomery
Le Lys et le fumier
L’éthique en arrache ces jours-ci…
Commission Charbonneau : Lussier procureur en chef!
Sylvain Lussier

Complément de lecture : Intervention surprise de Me Lussier contre Jacques Duchesneau

Paru depuis : Commission Charbonneau : démission surprise du procureur en chef


Post-Scriptum : Me Sylvain Lussier a remis sa démission à titre de Procureur en chef de la Commission Charbonneau le 16 octobre 2012, soit huit mois après la publication du texte ci-dessus.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le marketing improvisé du Plan nord

Publié le 12 janvier 2012 | Temps de lecture : 6 minutes

Même dans les pays communistes où l’État contrôle à peu près tout, personne ne planifie l’économie au-delà de cinq ans. De la même manière, dans nos économies libérales, aucun dirigeant d’entreprise n’oserait essayer de prévoir les bénéfices de sa propre compagnie au-delà d’une année.

C’est donc au risque d’être la risée du monde occidental, que le gouvernement Charest fait la promotion ces temps-ci du Plan Nord, un plan vague de développement du Grand-nord québécois s’étendant sur une période de vingt-cinq ans.

L’idée est simple, presque simpliste. Devenue le centre manufacturier de la planète, la Chine possède actuellement un appétit gargantuesque pour ce qui lui est nécessaire soit l’énergie et les métaux. Or justement, le nord du territoire québécois renferme un grand nombre de richesses naturelles, plus précisément de très nombreux gisements miniers. Pourquoi ne pas sauter sur l’occasion pour développer le nord du Québec ?

Toutefois, une des règles du développement minier au Québec, c’est qu’une mine qui s’installe dans le Nord doit tout payer et plus particulièrement les routes pour s’y rendre. Mais voilà que l’exploitation de ces mines n’est pas rentable puisqu’elles sont trop éloignées.

Le gouvernement Charest a donc eu l’idée de transférer sur le dos des contribuables tous les frais qui empêchent ces mines de générer des profits afin que cette partie du territoire québécois devienne une fourmilière d’activité industrielle.

C’est ainsi que le gouvernement Charest est en discussion avec la multinationale Goldcorp afin de partager les frais de construction d’un tronçon de 60km qui relirait le site d’une nouvelle mine au réseau routier québécois.

Autre exemple : pour permettre à Stornoway Diamond d’accéder à des diamants dont la valeur brute est évaluée à 5,4 milliards$, il est nécessaire de prolonger la route 167 sur une distance de 240km. Normalement, cela coûterait 330 millions$ à l’entreprise. Mais grâce au Plan Nord, sa contribution est plafonnée à 4,4 millions$ par année pendant une décennie, ce qui ne couvre même pas les frais d’intérêt de l’emprunt : le reste (y tout dépassement de coût) sera assumé par les contribuables.

Le problème, c’est que les redevances que paient les industries minières — 360 millions$ pour une valeur extraite annuellement avoisinant les 8 milliards$ — sont à peine supérieures aux frais de restauration des sites que les minières abandonnent lorsqu’elles font faillite. Peu importe : le Plan nord prévoit que nous devrions payer en totalité ou en partie les routes, les lignes de chemin de fer, un port en eau profonde à Kuujjuarapik (sur les rives de la baie d’Hudson), la construction ou la mise à niveaux d’aéroports, et l’extension du réseau hydro-électrique afin de les desservir. Bref, il ne manque que le caviar et le champagne à volonté.

Uniquement d’ici 2016, Québec prévoit dépenser 1,2 milliard pour développer des infrastructures qui serviront d’abord aux entreprises qui souhaiteront y exploiter des ressources non renouvelables au bénéfice de leurs actionnaires. Rappelons que les richesses naturelles du Québec appartiennent aux Québécois et non à ceux qui obtiennent des concessions minières. Pourtant, dans l’esprit de ces derniers, il suffit d’obtenir le permis d’exploitation d’une mine pour devenir le propriétaire exclusif de tout ce qu’elle renferme.

De plus, les minéraux seraient exportés tels quels, sans transformation qui aurait pu en augmenter la valeur ajoutée au Québec. Forcer la transformation du minerai ici serait même néfaste pour le Québec, soutient sans sourciller le Ministre délégué aux Ressources naturelles. Par conséquent, le modèle de développement industriel proposé par le Parti libéral se confond avec celui qu’avait le Québec il y a soixante ans, sous la gouverne de Maurice Duplessis.

En contrepartie des sommes colossales qu’on transfèrera sur le dos des contribuables, le gouvernement Charest se refuse à exiger la transformation du minerai ici : ce serait du protectionnisme, souligne-t-il. Mais nous sommes assez stupides pour construire à nos frais un ou deux ports en eau profonde (et les centaines de km de routes qui y mèneront) afin de permettre l’exportation du minerai vers ses lieux de transformation. En d’autres mots, nous allons subventionner la création d’emplois de transformation quelque part ailleurs sur la planète.

En somme, on est sur le point d’ajouter des sommes pharaoniques à la dette publique québécoise (plus de 47 milliards$) sans avoir la moindre idée des retombées positives pour les contribuables.

Au cours d’une conférence de presse tenue dimanche dernier, le Premier ministre a affirmé qu’un emploi dans le nord du Québec en générait deux dans le sud. Vraiment ? Sur quoi se base-t-on pour affirmer cela ? Sur rien. Aurait-on reçu des études économiques qui le prouvent ? Pas du tout. Ce qui n’a pas empêché le Premier ministre de marteler cette affirmation comme s’il suffisait de répéter n’importe quoi pour que cela devienne un peu plus vrai à chaque fois qu’on le dit.

Références :
Baie-James vs Plan Nord
Charest veut redoubler d’efforts pour rallier les Québécois au Plan Nord
Forcer la transformation du minerai ici serait néfaste pour le Québec
Le Plan Nord : l’œuf de Pâques de Monsieur Charest
Le projet de l’année 2011 – Le Plan Nord
Plan Nord – Clément Gignac compare le Nord aux pays émergents
Plan Nord – Québec confirme des discussions avec Goldcorp pour la construction d’une route
Route 167 – Québec assumera seul tout dépassement de coûts
Québec s’apprête à dévoiler son plan Nord

Parus depuis :
Consternation à Matane
Les redevances minières, un secret bien gardé
Plan Nord – La vache à lait
Plan Nord – Québec renonce à la transformation du diamant
Une avocate à la fois émissaire de Québec et lobbyiste (2012-03-23)
240 kilomètres vers une mine fermée (2024-11-23)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le congédiement de Jacques Duchesneau ou la vengeance de M. Charest

Publié le 30 octobre 2011 | Temps de lecture : 5 minutes

Afin d’éviter de mettre sur pied une commission d’enquête sur l’industrie de la construction, le Premier ministre Jean Charest créait en février 2010 une équipe multidisciplinaire spéciale appelée « Unité anticollusion au ministère des Transports du Québec » (UAC), dirigée par Jacques Duchesneau. Ce dernier est un ex-chef de police de Montréal réputé comme incorruptible.

Très tôt, l’UAC suscite le mécontentement et la grogne. Ses policiers posent beaucoup de questions. Trop de questions.

Les entrepreneurs enquêtés se plaignent d’être victimes de harcèlement policier. Les fonctionnaires disent qu’ils ne peuvent plus travailler en paix. Les firmes de génie conseil réclament qu’on mette fin à l’intrusion de l’UAC dans leurs affaires. De toutes parts, on parle d’État policier et on exige des changements. Les grands bailleurs de fonds à la caisse électorale du Parti libéral transmettent ces griefs en haut lieu.

En novembre 2010, M. Duchesneau est accusé publiquement d’avoir financé illégalement sa campagne électorale à la mairie de Montréal en 1998 : il est alors suspendu de ses fonctions. Après une enquête de trois mois, le Directeur général des élections du Québec blanchit M. Duchesneau de toute accusation. Conséquemment, celui-ci reprend ses fonctions.

M. Duchesneau a très bien compris que si cette affaire a refait surface douze ans plus tard, c’est qu’on voudrait qu’il s’écrase. C’est mal le connaître. Il revient à l’UAC plus déterminé que jamais. Ses policiers sont partout. Ils sentent dans tous les racoins, retournent toutes les pierres. 500 personnes seront interrogées. Du jamais vu.

À Québec, on juge que M. Duchesneau dépasse les bornes; il faut le neutraliser de toute urgence.

En mars 2011, le gouvernement décide de créer une Unité permanente anticorruption (UPAC), plus vaste, dirigé par un homme de main opposé à une commission d’enquête. Surtout, on décide d’assujettir l’UAC (et donc M. Duchesneau) à cette personne.

En septembre 2011, soit six mois plus tard, on sent une certaine fébrilité dans les couloirs du parlement. La cause ? M. Duchesneau doit remettre incessamment son rapport.

Tout est prévu. Il s’agit d’un rapport confidentiel qui sera remis au Premier ministre : ce dernier pourra en retarder la publication indéfiniment sous le prétexte de ne pas nuire au travail des policiers de l’Unité permanente. La réaction officielle du Premier ministre est déjà prête : c’est un bon rapport qui prouve que son gouvernement est sur la bonne voie et qu’il a raison de ne pas créer une commission d’enquête à ce sujet.

Mais voilà que tout dérape. Jacques Duchesneau a la dent longue : il se rappelle qu’on a tenté de l’éliminer. Il fait donc couler son rapport au quotidien La Presse. Ce rapport est dévastateur. Une véritable bombe.

Dans l’entourage du Premier ministre, c’est la panique. Il faut agir maintenant. Toutefois on ne s’entend pas sur la marche à suivre. Par défaut, M. Charest fait la déclaration pontifiante prévu à l’origine mais qui prouve qu’il n’a rien compris au rapport ou qu’il ne l’a pas lu.

Ridiculisé et critiqué de toutes parts, M. Charest finit par créer le 19 octobre une commission d’enquête castrée, dépourvue de pouvoirs et à qui il est même interdit d’adresser des reproches à qui que ce soit. Il faudra l’intervention de l’ordre professionnel des avocats du Québec — le Barreau — pour que M. Charest envisager la possibilité d’accorder à la commission au moins le pouvoir de contraindre à témoigner.

Mais M. Charest est rancunier. Il ne pardonne pas à M. Duchesneau de l’avoir forcé à créer cette commission d’enquête qui risque de faire la lumière sur les mécanismes de la corruption mis au point par son gouvernement afin de financer le Parti libéral. On veut sa tête. On s’affaire donc à intriguer entre M. Duchesneau et son supérieur hiérarchique jusqu’à ce que, finalement, ce dernier congédie M. Duchesneau vendredi dernier.

Ce que le public attend maintenant de celui qui a congédié M. Duchesneau, c’est qu’il fasse preuve du même zèle à combattre la corruption qu’il en met à se débarrasser de ceux qui lui font de l’ombre.

Références :
Jacques Duchesneau (policier)
Duchesneau s’en remet au jugement du DGE
Jacques Duchesneau congédié de l’Unité anticollusion
Jacques Duchesneau est congédié
Le rapport Duchesneau pour les nuls
Quebec anti-collusion crusader Duchesneau gets the chop
L’indépendance de Lafrenière remise en question
Robert Lafrenière à la tête de l’escouade anticorruption

Note : Photo de M. Charest par le journal Le Devoir.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La « patente à gosses »* de M. Charest

Publié le 20 octobre 2011 | Temps de lecture : 4 minutes

Le Premier ministre du Québec aurait quelque chose à cacher qu’il n’agirait pas différemment en créant sa commission d’enquête sur l’industrie de la construction.

Celle-ci aura pour objectifs :

  • d’identifier les stratagèmes et les possibles activités de collusion et de corruption dans l’octroi et la gestion de contrats publics dans le secteur de la construction, incluant notamment les organismes et les entreprises du gouvernement et les municipalités;
  • de dévoiler les liens possibles avec le financement des partis politiques;
  • de dresser un portrait de possibles activités d’infiltration de l’industrie de la construction par le crime organisé;
  • de faire des recommandations pour assurer de meilleures pratiques.

Celle-ci couvrira les activités des quinze dernières années : en d’autres mots, la période visée remontera aux derniers mandats péquistes.

À mon avis, cette obligation est un premier handicap. D’une part parce que cela est dépourvu d’intérêt : en supposant que le PQ était corrompu, cela n’excuse pas le Parti libéral du Québec, qui doit répondre, lui, de sa gestion désastreuse des finances publiques.

De plus, il est hautement improbable que le PQ ait été aussi corrompu que l’est le Parti libéral actuellement pour plusieurs raisons. Principalement parce que les règles présentement en vigueur — et qui visent à assurer l’intégrité du processus d’appel d’offres par l’État — ont été établies par le PQ; depuis son accession au pouvoir, le Parti libéral n’a cessé de les contourner, notamment en triplant le nombre de contrats accordés sans appel d’offre.

De plus, les liens entre le milieu des affaires d’ici et les gouvernements péquistes ont été essentiellement des mariages de raison : les milieux d’affaires québécois ont toujours été fédéralistes et si le PQ avait voulu établir un système de corruption généralisée, il n’aurait pas pu compter à la fois sur le silence complice de ces entrepreneurs et sur celui des organismes qui les représentent. Les fuites dans les médias auraient eu raison de cette omerta.

Et pour terminer, on ne doit pas oublier qu’il existait une opposition officielle (celle du Parti libéral) alors que le PQ était au pouvoir. Si cette opposition n’a jamais trouvé de scandale à l’époque, on n’en trouvera pas dix ans plus tard.

Donc l’obligation de revenir quinze ans en arrière est un premier boulet au pied de la commission.

Le deuxième boulet est l’absence de moyens coercitifs. Cette commission ne pourra obliger personne à témoigner, ne pourra saisir aucun document, ne pourra adresser aucun blâme et conséquemment, est dépourvue de moyens de nous apprendre quoi que ce soit de nouveau.

Finalement les travaux de la commission s’échelonneront sur deux ans, soit au-delà de la durée restante du mandat de M. Charest. Bref, quand on lira le rapport, le Premier ministre aura été réélu pour un autre mandat de cinq ans ou aura été battu sans que la commission ait pu contribuer de quelque manière que ce soit à cette défaite.

Bref, un autre exemple de gaspillage des fonds publics.

Références :
Charest lance la commission Charbonneau sur la construction
Industrie de la construction : Charest lance une commission d’enquête
Une commission émasculée
Une commission «taillée sur mesure»

* — Pour le bénéfice de nos lecteurs européens, une « patente à gosses » se définit comme suit : « Se dit de quelque chose dont on se demande à quoi ça sert; de quelque chose de mal fait, d’inefficace. Un drôle de bidule; un truc à la noix, un machin à la mords-moi le nœud; usine à gaz.» (Lionel Meney, Dictionnaire québécois-français, Guérin, p. 1264).

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pour un parc dédié à Robert Bourassa

Publié le 15 octobre 2011 | Temps de lecture : 4 minutes
Monument à Édouard VII (1914), de Louis-Philippe Hébert

Jean Lesage a son autoroute. Daniel Johnson a son barrage. René Lévesque a son boulevard. Mais Robert Bourassa, pourtant né à Montréal, est le seul grand premier ministre disparu qui attend toujours la reconnaissance qui lui est due, quinze ans après son décès.

On a bien tenté de renommer l’avenue du Parc en sa faveur mais ce projet s’est heurté à l’opposition des commerçants qui se seraient vus dans l’obligation de modifier leur papeterie d’affaires, leur site web et, dans certains cas, leur enseigne lumineuse ou leur raison sociale.

Sur la rue Sainte-Catherine, à l’Est de la bijouterie Birks, se trouve le Square Phillips. Je suggère que cette place publique soit renommée en l’honneur de Robert Bourassa.

Non seulement ce parc est situé à deux pas du siège social d’Hydro-Québec, mais en plus, il fait face au magasin La Baie alors que le harnachement de la Baie-James est justement la grande réalisation de ce Premier ministre.

Cette transformation pourrait être financée en partie ou en totalité par la vente de la statue qui s’y trouve. Celle-ci est totalement dépourvue de valeur artistique. C’est une œuvre pompeuse comme il y en a des milliers en Europe et qui semblent toutes avoir été créées par la même personne.

Cette sculpture rend hommage, non pas à un héros national, mais plutôt à un descendant d’un de nos conquérants (note : je signale qu’il n’y a pas de rue Waterloo à Paris). Concrètement, elle ne sert qu’à recevoir les déjections des pigeons. Une telle vente pourrait rentabiliser cette transformation, voire même autofinancer ce projet.

Toutefois, en dépit du fait que le prix des métaux atteint présentement des sommets, je ne crois pas qu’il soit souhaitable que cette statue soit envoyée à la fonte. Cela risquerait de scandaliser ceux qui sont attachés à la couronne britannique.

Je suggère plutôt que cette statue soit mise en vente sur eBay, ce qui devrait susciter beaucoup d’intérêt et donner l’occasion à ceux qui aiment ce souverain, d’acheter cette statue afin de décorer leur pelouse ou de meubler leur sous-sol.

Le gouvernement Harper pourrait même en faire l’acquisition afin d’orner de manière somptueuse l’entrée de la résidence du Gouverneur général ou celle d’une de nos ambassades où elle se marierait parfaitement à la magnifique photo couleur de la reine d’Angleterre.

Garnie d’un abat-jour, cette sculpture ferait un grandiose lampadaire de style victorien. À cette fin, il est possible que les municipalités intéressées nous consultent sur l’endroit le plus judicieux où placer ce lampadaire.

Au début, je croyais que le souverain britannique mettait la main gauche au-dessus d’un panier de fruits : je voyais déjà cette statue placée dans un quartier défavorisé, comme si ce bon roi s’apprêtait à soulager lui-même l’indignation de son peuple affamé.

Toutefois, après examen approfondi, il met plutôt sa main au-dessus de sa couronne, pour la protéger, brandissant son sceptre de la main droite comme pour menacer les voleurs, d’où l’idée de placer plutôt cette statue dans un quartier de la finance.

Exemple de polyvalence, avec une bonne corde au cou, cette sculpture pourrait aussi servir d’ancre à un navire de la Marine royale canadienne.

Donc, puisque le centre-ville de Montréal manque cruellement d’espaces verts, je suggère que ce parc soit transformé en un îlot de verdure pour le bénéfice des travailleurs ou des passants. Une fontaine d’eau potable pourrait décorer le parc tout en rappelant le dévouement du Premier ministre envers le développement hydro-électrique du Québec.

Publié depuis : Honorer Robert Bourassa (2012-10-15)

Détails techniques : Panasonic GH1, objectif Lumix 14-45mm — 1/125 sec. — F/8,0 — ISO 100 — 45 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel