Le 18 novembre dernier, la juge France Charbonneau annonçait la nomination de quatre juristes qui l’assisteront dans le cadre de la commission d’enquête qu’elle préside sur la corruption dans l’industrie de la construction. L’un d’eux, Me Sylvain Lussier, était alors nommé procureur-chef de cette commission.
Me Lussier n’en est pas à sa première participation à une commission d’enquête. En effet, il fut l’avocat du gouvernement fédéral canadien lors du scandale des commandites. Rappelons que le programme des commandites avait été institué par le gouvernement libéral de Jean Chrétien dans le but de faire la promotion du fédéralisme canadien auprès des Québécois et ce, au coût de 332 millions$. Dans les faits, il s’agissait d’une immense magouille destinée à alimenter un système complexe de pots-de-vin profitant au Parti libéral du Canada. En d’autres mots, à la Commission Gomery, Me Lussier était du mauvais bord.
En plus d’être procureur en chef de la Commission Charbonneau, Me Lussier continuera d’agir comme avocat-conseil pour la Ville de Montréal. À ce titre, il est appelé à représenter l’administration Tremblay (qui dirige la métropole canadienne) dans l’épineux dossier de l’espionnage du vérificateur général de la ville.
Rappelons que l’administration Tremblay avait décidé d’épier ses fonctionnaires afin de surveiller l’attribution des contrats juteux qui permettent à des entrepreneurs véreux de se graisser la patte. Dans les faits, on en avait profité pour surveiller le vérificateur général, qui dispose d’un budget insignifiant (l’achat de papeterie pour son personnel et d’autres dépenses minimes).
En cautionnant l’espionnage du vérificateur général de la ville, le maire Tremblay faisait la démonstration que ce qui l’intéressait, ce n’était pas de s’attaquer à la corruption mais plutôt aux accusations de corruption. L’important pour son administration, ce n’était pas d’être honnête mais simplement de sembler l’être. Or c’est cette façon d’agir que Me Lussier pourrait être appelé à défendre à titre d’avocat de la ville de Montréal.
Le 18 novembre dernier, ce conflit d’intérêt avait été soulevé une première fois sur le site de Droit-Inc par un auteur anonyme dont les propos avaient passé inaperçus. Cette accusation prenait samedi dernier un relief plus percutant avec la publication dans Le Devoir d’une lettre signée par Me Paul Bégin, ex-ministre de la Justice du Québec, sommant publiquement Me Lussier de choisir entre les mandats de la Ville de Montréal ou celui de la commission Charbonneau.
Références :
Commission Gomery
Le Lys et le fumier
L’éthique en arrache ces jours-ci…
Commission Charbonneau : Lussier procureur en chef!
Sylvain Lussier
Complément de lecture : Intervention surprise de Me Lussier contre Jacques Duchesneau
Paru depuis : Commission Charbonneau : démission surprise du procureur en chef
Post-Scriptum : Me Sylvain Lussier a remis sa démission à titre de Procureur en chef de la Commission Charbonneau le 16 octobre 2012, soit huit mois après la publication du texte ci-dessus.