La remise en liberté de Nicolas Sarkosy

Publié le 10 novembre 2025 | Temps de lecture : 2 minutes

Sarkozy est un pourri. Mais n’étant plus au pouvoir, son risque de récidive est nul d’ici sa condamnation définitive par les tribunaux. D’où sa libération de prison en attendant.

Ici même au Québec, on emprisonne les gens, malgré la présomption d’innocence, seulement lorsque leur libération comporte un risque en raison de la nature du crime reproché.

La sévérité dont Sarkosy se plaint, c’est celle des lois qu’il a fait lui-même voter lorsqu’il était le président de la loi et de l’ordre. Parce qu’ils sont comme ça, les champions de la loi et de l’ordre; des hypocrites.

Dans ce cas-ci, gardons-nous bien de juger la France. Qui sont ceux, au sommet de l’État québécois, qui ont été sanctionnés par les enquêtes de l’UPAC contre la corruption sous Jean Charest ?

Il a suffi que le ‘verrou libéral’ sabote (par des fuites) toutes les enquêtes à ce sujet, pour qu’elles soient toutes abandonnées pour vice de forme par le successeur de Jean Lafrenière.

Tout comme au Québec, le chef de l’État français est intouchable de facto lorsqu’il est au pouvoir. Mais au moins, par la suite, nos cousins français n’hésitent pas à recourir à la guillotine lorsque nécessaire.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’inéligibilité de Sarkozy : les juges vs la souveraineté du peuple

Publié le 22 octobre 2025 | Temps de lecture : 4 minutes

Introduction

Les tribunaux, les prisons, la police et l’armée constituent les quatre moyens répressifs de l’État.

Dans le cas des magistrats, c’est l’État qui les nomme, qui les paie, qui construit et entretient leurs lieux de travail (les palais de Justice), qui leur fournit tout le personnel de soutien dont ils ont besoin dans l’accomplissement de leurs tâches, et qui rend exécutoires leurs décisions.

À la lumière de l’affaire Sarkozy, on doit se demander jusqu’où peuvent aller les tribunaux lorsqu’ils sanctionnent les délits ou les crimes commis par des politiciens. Et ce, sans devenir des complices du pouvoir.

L’égalité de tous devant la loi

Lorsqu’un politicien commet un crime (un homicide, par exemple) ou un délit (ex.: un excès de vitesse), il devrait être puni comme n’importe quel citoyen.

L’application de ce principe pose problème lorsqu’une législation vise à sanctionner des actes qui ne peuvent être commis que par des politiciens, comme la fraude électorale (qui est beaucoup plus large que la fraude financière).

De plus, parmi les sanctions que peut imposer une Cour constitutionnelle, il y a la peine d’inéligibilité. Priver un politicien du droit de se présenter à une élection correspond à une peine de mort politique.

Tout comme la peine capitale, elle ne devrait être prononcée que dans des cas gravissimes, à partir de preuves hors de tout doute raisonnable. Malheureusement, ce n’est pas le cas.

Ce qu’on voit plutôt, particulièrement en Europe de l’Est, ce sont des tribunaux qui prononcent des peines d’inéligibilité à partir de simples soupçons qui, une fois l’élection passée, se révèlent faux.

Et pour justifier l’arbitraire des magistrats, la Cour européenne des droits de la personne rendait le 6 mars 2025 un jugement dans lequel elle affirme que le droit à des élections libres et démocratiques n’est pas garanti dans le cas d’une élection présidentielle.

En d’autres mots, les juges ont parfaitement le droit de priver le peuple de son droit de choisir leur président.

De plus, il suffit que les détenteurs du pouvoir discrétionnaire d’intenter des poursuites reçoivent l’ordre de s’en abstenir dans le cas du chef de l’État ou de ses ministres, pour faire en sorte que le bras vengeur de la Justice ne s’abatte que sur ceux qui menacent le pouvoir établi.

En 1997, à l’époque où Roland Dumas était président du Conseil constitutionnel de France, celui-ci a interdit à tout juge d’instruction de se mêler des affaires pénales d’un président en exercice.

Conclusion

Lorsqu’on confie à la magistrature le pouvoir de condamner quelqu’un à une peine d’inéligibilité, cela correspond au pouvoir des juges de priver le peuple de son droit de choisir ses dirigeants.

Ce pouvoir exceptionnel se justifie exclusivement dans un cas très précis : lorsqu’on est condamné pour tentative de coup d’État.

Par définition, un coup d’État a pour but de s’emparer du pouvoir indépendamment de la volonté populaire. C’est une négation de la souveraineté du peuple et conséquemment, un crime contre la Démocratie qui mérite l’emprisonnement et la peine de mort politique, soit l’inéligibilité.

Les peines d’inéligibilité prononcées ou confirmées cette année contre François Filion, Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy — et celles prononcées antérieurement contre Henri Emmanuelli (en 1996), Alain Juppé (en 2004), Jean Tiberi (en 2013), Yamina Benguigui (en 2016), Serge Dassault (en 2017), Thomas Thévenoud (en 2017), Léon Bertrand (en 2018), Jérôme Cahuzac (en 2018), et Patrick Balkany (en 1997 et en 2023) — sont autant d’abus de pouvoir de la part de la magistrature française.

L’idée que les magistrats seraient dotés d’une supériorité morale qui justifierait leur pouvoir de régenter la démocratie est l’expression du mépris d’une caste sociale richissime qui cache ses propres turpitudes derrière le secret dont elle s’entoure.

Paru depuis : Chantage à la sextape : Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne, condamné à quatre ans de prison ferme et à cinq ans d’inéligibilité avec exécution immédiate (2025-12-01)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Dure semaine pour la cryptomonnaie

Publié le 20 octobre 2025 | Temps de lecture : 5 minutes

Le mini-crash du 10 octobre

En 4 avril 2025, à la suite de l’annonce de tarifs douaniers de 34 % frappant toutes les importations chinoises aux États-Unis, l’indice des bourses occidentales avait piqué du nez. À titre d’exemple, le Nasdaq avait perdu près de cinq pour cent.

Sur le coup, la valeur des cryptomonnaies avait chuté de 13 %.

Par ailleurs, le 7 avril 2025, le ministère américain de la Justice annonçait qu’il renonçait à lutter contre les délits d’initiés concernant les cryptomonnaies, estimant que c’est là une responsabilité des régulateurs financiers. Ce qui mettait la table pour ce qui va suivre.

Le 10 octobre dernier à 22h, le président américain annonçait une taxe supplémentaire de 100 % frappant les importations chinoises. Il ne fallait pas être devin pour présumer que cette annonce allait se répercuter sur le marché des cryptomonnaies comme ce fut le cas six jours plus tôt.

Dans le monde de la finance, on appelle ‘vente à découvert’ toute vente d’un actif qu’on ne possède pas. C’est une manière de parier sur la baisse de sa valeur.

Voici comment s’opère une vente à découvert.

L’acheteur et le vendeur s’entendent sur un prix de vente. Dès la conclusion de cette entente, l’acheteur — qui ne possède pas encore ce bien — s’empresse de l’acquérir. Si, entretemps, le prix a augmenté, le vendeur subit une perte en respectant ses engagements. Mais si, au contraire, le prix de l’actif s’est effondré, le vendeur l’achète à bas prix et encaisse le profit réalisé.

Moins d’une heure avant l’annonce des tarifs supplémentaires de 100 % contre la Chine, l’investisseur Garrett Jin a procédé à une vente à découvert qui lui a permis de réaliser, dès l’annonce faite, un profit de 140 millions$ (dont 88 millions sur la vente de Bitcoin).

Ce qui lui a valu des accusations (fondées ou non) de délit d’initiés.

Les États-Unis saisissent quinze-milliards$ de Bitcoins

On croit généralement qu’un placement en Bitcoins permet de cacher de l’argent à l’abri du fisc; l’argent est, croit-on, quelque part dans le cyberespace, hors de portée du gouvernement.

Que ce soit le mot de passe qui permet l’accès aux messages stockés sur votre téléphone ou des informations qui donnent accès à votre portefeuille de Bitcoins, le ministère américain de la Justice obtient toujours ce qu’il veut.

Si vous êtes arrêté aux États-Unis pour des accusations de fraude, on vous placera dans une prison à sécurité maximale — c’est-à-dire là où on emprisonne les plus dangereux criminels du pays — alors qu’on retardera volontairement votre audition devant ce juge qui devrait prononcer votre libération en attente d’une comparution.

Entretemps, l’intimidation et les viols répétés commis par d’autres prisonniers devaient vous convaincre de collaborer avec les autorités.

Mais il y a parfois un moyen plus simple.

Chen Zhi est un financier cambodgien de 37 ans qui dirige Prince Holding Group, un des conglomérats les plus puissants du Cambodge.

Sur les médias sociaux, son empire financier offrait des placements qui garantissaient des rendements élevés. Puisque la transaction s’effectuait en Bitcoins, seuls les détenteurs de cette cryptomonnaie pouvaient y participer.

En réalité, tout cela était une vaste escroquerie.

Dans les articles publiés sur l’internet, on donne peu de détails quant à la manière utilisée par les autorités britanno-américaines pour saisir ce quinze milliards en Bitcoins.

L’explication la plus probable est qu’on ait mis la main sur un des nombreux ordinateurs utilisés par les ‘courtiers’ de l’entreprise.

Après avoir obtenu une copie du logiciel utilisé, il suffit d’utiliser de la rétro-ingénierie (Reverse Ingineering) pour accéder au code source.

Normalement, cette opération est de l’espionnage industriel et donc, est totalement interdite par la loi… sauf aux forces policières après avoir obtenu un mandat habilitant émis par un juge.

Or ce code source révèle le code qui s’exécute lorsqu’on clique sur le bouton transférant les Bitcoins dans le compte du conglomérat. On obtient donc le numéro de ce compte, ses mots de passe, les noms d’utilisateurs, etc.

Saisir le contenu du compte devient alors un jeu d’enfants.

Références :
Comment le revirement tarifaire de Trump a ébranlé le marché des crypto-monnaies
Droits de douane de Trump: la Chine réplique avec des tarifs de 34% sur les produits américains
Feds seize $15 billion in bitcoin after busting alleged global crypto scam
Jin rejette les allégations concernant la vente à découvert de Bitcoin
Trump annonce des droits de douane supplémentaires de 100 % contre la Chine
Who is Cambodia’s Chen Zhi, the ‘untouchable’ tycoon linked to scam hubs?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Droit international et géopolitique (quatrième partie)

Publié le 4 octobre 2024 | Temps de lecture : 7 minutes


Plan :
• 1re partie : Assises et instances
• 2e partie  : Impact du droit international
• 3e partie  : L’exemple du droit à la légitime défense
• 4e partie  : Le droit à l’indépendance – Crimée vs Taïwan (ce texte-ci)
• 5e partie  : Les mandats d’arrestation de la CPI

Introduction

Dans l’édition de mars 2017 de l’Action Nationale, l’expert constitutionnaliste André Binette écrit :

Un peuple apparait à la suite de la combinaison de facteurs historiques, sociologiques et culturels.

Avec le temps, ces facteurs conduisent à la formation de trois éléments essentiels. Deux d’entre eux, le territoire et la population, sont de nature objective et variable; le troisième, qui est la prise de conscience par un peuple de sa propre identité, est subjectif et invariable.

Lorsque ces trois éléments sont réunis, le droit international, depuis cinquante ans, reconnait à un peuple le droit à l’autodétermination.

Le droit à l’indépendance est reconnu par plusieurs dispositions du droit international. Toutefois, ces dispositions s’appliquent différemment à chaque cas.

La plupart du temps, l’accession à l’indépendance repose sur Le principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit de disposer d’eux-mêmes (ou résolution 2625), adopté par l’Onu en 1970. Il y est écrit :

La création d’un État souverain et indépendant […] ou l’acquisition de tout autre statut politique librement décidé par le peuple, constituent pour ce peuple des moyens d’exercer son droit à disposer de lui-même.

Il est à noter qu’en vertu du doit international, le mot ‘peuple’ désigne l’ensemble des groupes ethniques qui peuplent un territoire. Il n’est donc pas synonyme de ‘groupe ethnique’. Si c’était le cas, aucun pays ne serait né depuis la création de l’Onu puisque de nos jours, aucun pays n’est mono-ethnique.

Dans le cas des pays africains, ceux-ci ont pu se prévaloir spécifiquement de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux (ou résolution 1514), adoptée par l’Onu en 1960.

Dans le cas de la Crimée et de Taïwan, aucun d’entre eux ne peut s’en prévaloir puisque ni l’un ni l’autre n’est une colonie. Tout au plus, Taïwan peut prouver avoir été une colonie du Japon de 1895 à 1945, mais pas de la Chine continentale.

Au-delà des trois conditions essentielles à l’indépendance, énoncées par André Binette, le juriste Jacques Brossard apporte la nuance suivante quant à la reconnaissance internationale de cette indépendance :

De nos jours, la naissance d’un nouvel État ne peut plus se faire qu’aux dépens […] d’au moins un autre État. Elle ne peut donc que perturber l’ordre international […] Cette naissance peut être indépendante de la volonté des autres États, mais l’admission d’un État au sein de la société internationale dépend au contraire de cette volonté.

Cela signifie que même s’il remplit toutes les conditions pour être indépendant, un nouvel État sera un paria sur la scène internationale si les puissances de ce monde s’opposent son existence.

À l’opposé, un territoire qui n’a aucun droit à l’indépendance y accèdera par simple résolution de l’Onu puisque celle-ci s’ajouterait alors au droit international.

La Crimée

En janvier 2014, le gouvernement central à Kyiv annonçait son intention — qu’il n’eut pas le temps de réaliser — de retirer au russe son statut de langue officielle dans toutes les provinces ukrainiennes où cette langue jouissait de ce statut.

Imaginez qu’au Canada, Ottawa aurait le pouvoir de retirer au français son statut de langue officielle au Québec et qu’il déciderait d’exercer ce pouvoir : il provoquerait l’indépendance du Québec.

C’est ce qui est arrivé en Crimée.

En 2014, la population de la Crimée était constituée de 65,3 % de citoyens russophones et de 15,1 % de citoyens ukrainophones.

Dès l’annonce de Kyiv, le gouvernement provincial de Crimée adopta une déclaration unilatérale d’indépendance et organisa aussitôt un référendum qui fut remporté haut la main par les partisans de l’indépendance.

Aucun pays ne mit en doute ce résultat.

Toutefois, l’Ukraine et les pays occidentaux jugèrent que cette consultation était sans valeur.

À leur initiative, l’Onu adopta peu de temps après une résolution dépourvue de valeur juridique contraignante qui déclare non valide le référendum criméen et qui réitère l’importance du respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

Il est donc paradoxal de voir des pays qui prétendent défendre la démocratie dans le monde, s’opposer à la volonté démocratique du peuple criméen de disposer de lui-même, une opposition qu’ils justifient au nom du droit international alors que cette résolution, strictement parlant, n’en fait pas partie.

Taïwan

Depuis la résolution 2758, adoptée par l’Onu en 1972, le gouvernement de Beijing représente à l’Onu non seulement la Chine continentale, mais également l’ile de Taïwan.

Depuis que le gouvernement de Chiang Kaï-chek s’y est réfugié en 1950 (après avoir perdu la guerre civile chinoise), l’ile possède une complète autonomie gouvernementale… et en jouira tant qu’elle évite de proclamer son indépendance.

Sachant cela, Washington essaie depuis des années de convaincre la population de l’ile de franchir la ligne rouge tracée par Beijing.

Le but de Washington est de répéter le ‘truc’ qui a si bien fonctionné en Ukraine, soit de susciter une guerre avec son voisin afin d’affaiblir l’armée de ce dernier.

Pour freiner l’accession de la Chine au titre de première puissance économique mondiale, les dirigeants américains souhaitent donc l’affaiblir par une guerre ruineuse.

Washington n’a jamais caché son intention de reconnaitre l’indépendance de Taïwan dès que le gouvernement de l’ile la proclamera.

Toutefois, Taïwan ne peut accéder à l’indépendance en vertu du droit international. Pourquoi ? Tout simplement parce que son profil ethnique ne se distingue pas celui de la Chine continentale.

Lorsque le gouvernement de Chiang Kaï-chek s’installe à Taïwan, accompagné de deux-millions de partisans, il y instaure une ‘Terreur blanche’ qui durera de 1949 à 1987 et qui se fit principalement aux dépens de la population autochtone de l’ile (qui le percevait comme un envahisseur).

Si bien que de nos jours, Taïwan est peuplé à 95 % de Hans alors que cette ethnie forme 92 % de la population de la Chine continentale.

En définitive, tout ce qui distingue Taïwan de la Chine continentale, c’est le niveau de vie, les caractères d’écriture et le système politique.

Bref, rien qui justifie l’indépendance.

Quant à l’adoption d’une résolution de l’Onu qui légaliserait l’indépendance de Taïwan, il faudrait que le représentant de la Chine au Conseil de sécurité (où Beijing dispose d’un droit de véto) soit soudainement retenu au lit par une vilaine grippe…

Références :
Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux
Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
D’un simple décret, Khrouchtchev fit don de la Crimée à l’Ukraine en 1954
Le droit du peuple québécois à l’autodétermination et à l’indépendance
Le pouvoir constituant du peuple québécois et l’accession à l’indépendance (1re partie)
Le pouvoir constituant du peuple québécois et la coexistence avec les peuples autochtones (2e partie)
Résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations unies
Résolution 2625 de l’Assemblée générale des Nations unies
Résolution de l’Onu appelant au respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine
Résolution du Conseil de sécurité des Nations unies
Terreur blanche (Taïwan)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La mauvaise foi du juge Galiatsatos

Publié le 28 mai 2024 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

Le 15 aout 2018, soit huit jours avant de déclencher des élections générales, le gouvernement libéral de Philippe Couillard faisait accéder cinq avocats à la magistrature. L’un d’eux est Dionisios (ou Dennis) Galiatsatos.

Depuis, l’honorable Galiatsatos a acquis une renommée internationale pour avoir, dans un de ses jugements, écrit qu’adresser un doigt d’honneur était un droit constitutionnel au Canada.

De quoi s’agissait-il ?

Un jugement hors sujet

Dans cette affaire, après avoir entendu le témoignage irréfutable de l’accusé, l’avocate de la poursuite, réalisant que sa cause était perdue, invitait elle-même le juge Galiatsatos à innocenter l’accusé.

Le magistrat aurait pu rejeter la plainte séance tenante. Mais il a plutôt décidé de prendre le tout en délibéré et de s’allouer deux semaines pour écrire un jugement dans lequel il déclare, effectivement, qu’adresser un doigt d’honneur est un droit constitutionnel.

Malheureusement, cette décision est hors sujet puisque ce qu’on reprochait à l’accusé, ce n’était pas d’avoir adressé un doigt d’honneur à ses voisins, mais de les avoir menacés de mort.

Voilà pourquoi il s’agissait d’une cause criminelle.

Alors pourquoi écrire 26 pages inutilement ?

Meubler son temps

À l’époque, le juge Galiatsatos — comme tous les juges de la Cour du Québec — avaient beaucoup de temps libre.

Un an avant le jugement en question, Me Lucie Rondeau, juge en chef de la Cour du Québec, ordonnait une grève du zèle des juges sous son autorité.

Pour forcer le ministre de la Justice du Québec à nommer plus de juges bilingues, Me Rondeau était prête à provoquer artificiellement une thrombose judiciaire pour parvenir à ses fins.

Zélé, le juge Galiatsatos avait décidé de se trainer les pieds.

Une ‘injustice’ tirée par les cheveux

Depuis l’adoption de la loi 96 — qui renforce timidement la Loi 101 — un grand nombre de juges ultra-fédéralistes trépignent à l’idée d’invalider une ou plusieurs de ses dispositions. Comme on l’a déjà fait pour des pans entiers de la Loi 101, devenue l’ombre d’elle-même.

Parmi ces juges ultra-fédéralistes, on compte l’honorable Galiatsatos.

Le premier paragraphe de l’article 10 de la loi 96 se lit comme suit :

Une version française doit être jointe immédiatement et sans délai à tout jugement rendu par écrit en anglais par un tribunal judiciaire lorsqu’il met fin à une instance ou présente un intérêt pour le public.

En d’autres mots, lorsqu’un jugement est rendu en anglais au Québec, il doit être accompagné de sa traduction française. De plus, leur publication conjointe doit se faire promptement.

Concrètement, il ajoute une nouvelle tâche aux magistrats; celle de s’assurer de la traduction française d’une décision en anglais afin de publier les deux conjointement.

Traduire officiellement une décision juridique prend habituellement quelques jours.

Dans un jugement de 34 pages rendu en anglais plus tôt ce mois-ci, le juge Galiatsatos a estimé que ce retard prolongera l’anxiété des Anglophones en attente d’un jugement puisqu’ils devront attendre la traduction française avant de connaitre la décision du tribunal rédigée en anglais.

Selon la traduction de Radio-Canada, le juge écrit :

Ultimement, dans un monde réel, les accusés anglophones seront moins bien traités que les accusés francophones puisqu’ils devront attendre plus longtemps avant de connaitre leur sort.

Dans cette cause, une automobiliste anglophone était accusée d’avoir entrainé la mort d’une cycliste francophone.

Puisque le décompte pour porter un jugement en appel commence à partir de la date du jugement (le 24 mai, dans ce cas-ci), et non de la date de sa traduction (qu’on attend toujours), pourquoi la famille francophone de la cycliste décédée devrait-elle avoir moins de temps que l’accusée anglophone pour analyser le jugement et pour décider ou non de porter la cause en appel ?

À partir du 1er juin prochain, l’article 10 de la loi 96 entrera en vigueur. Dans une cause semblable à celle-ci, cet article ne corrigera-t-il pas l’injustice dont nous venons de parler puisqu’alors, les deux parties prendront connaissance du jugement en même temps ?

Quant à savoir pourquoi cette exigence ne s’applique pas aux jugements en français, c’est que si tous les jugements étaient systématiquement accompagnés de leur traduction, le Québec serait une province bilingue. Ce qui n’est pas le cas.

Pour terminer, le juge estime que c’est Ottawa qui a autorité sur le Code criminel et conséquemment, que le Québec a outrepassé ses pouvoirs en exigeant la traduction française systématique des jugements en anglais rendus dans des causes criminelles.

En réalité, c’est Ottawa qui détermine ce qui constitue un crime en vertu du Code criminel. Mais ce sont les provinces qui administrent l’appareil judiciaire et régissent son fonctionnement.

Conclusion

L’an dernier, le juge Galiatsatos se trainait les pieds dans le but de contribuer au combat corporatiste mené par la juge Rondeau. Le voilà maintenant soucieux de rendre jugement le plus rapidement possible.

S’il est vrai qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, il arrive parfois que ce soit prématuré.

Puisque l’article 10 entrera en vigueur dans quelques jours, la charge du juge Galiatsatos contre cet article de loi est tout simplement prématurée et hors sujet.

Évidemment, le juge Galiatsatos aurait pu se trainer les pieds au-delà de cette date pour rendre son jugement. Et là, évidemment, il aurait pu accuser la loi 96 de retarder la justice.

Mais il n’a pas pu résister à l’envie de faire parler de lui.

Si bien que sa décision à ce sujet est aussi futile que sa décision de reconnaitre le doigt d’honneur comme un droit fondamental au Canada.

Dans ce cas-ci, cela oblige le procureur général à porter ce jugement en appel. Ce qui pénalise l’accusée anglophone qui devra assumer de nouveaux honoraires afin que son avocat plaide pour elle devant la Cour d’appel du Québec. En plus d’avoir à attendre pour connaitre la décision définitive des tribunaux.

Le regard tourné vers son nombril, le juge Galiatsatos ne se rend pas compte qu’il nuit à la cause qu’il croit défendre.

En faisant prématurément flèche de tout bois, la mauvaise foi de ce juge contribue au préjugé selon lequel une partie des magistrats au Québec sont de petits soldats du colonialisme canadian et à ce titre, ne ratent jamais l’occasion d’essayer de saboter les efforts légitimes que nous entreprenons pour assurer la pérennité du français au Québec.

Références :
Anglicisation du Québec : l’omelette de la loi 96
Bilinguisme des magistrats : la capitulation du ministre Simon Jolin-Barrette
Les familles Caïn et Abel
Juge et partie
Présenter un doigt d’honneur constitue un droit fondamental, estime un juge québécois
Prosecutor who convicted Richard Henry Bain nominated as judge
Texte final de la loi 96
Un juge du Québec décrète que la loi 96 est incompatible avec le Code criminel

Paru depuis : Traduction de jugements : le juge Galiatsatos a « outrepassé » ses compétences (2025-08-13)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à l’anglicisation du Québec, veuillez cliquer sur ceci

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Droit international et géopolitique (troisième partie)

Publié le 7 février 2024 | Temps de lecture : 3 minutes


Plan :
• 1re partie : Assises et instances
• 2e partie  : Impact du droit international
• 3e partie  : L’exemple du droit à la légitime défense (ce texte-ci)
• 4e partie  : Le droit à l’indépendance – Crimée vs Taïwan
• 5e partie  : Les mandats d’arrestation de la CPI

Le droit des pays à la légitime défense est un exemple de l’instrumentalisation du droit international pour tenter de lui faire dire n’importe quoi.

L’article 51 de la Charte des Nations Unies établit “…[le] droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée.”

Aucun autre article de cette charte ne vient nuancer l’article 51. Est-ce à dire que ce droit est absolu ?

Plus précisément, peut-on invoquer la légitime défense pour massacrer tous les hommes d’un village après que l’un d’entre eux ait fait dérailler un des trains qui ravitaillent l’armée d’occupation ?

Les résolutions adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies font également partie du Droit international. Elles ont le même poids juridique que les articles de la Charte de l’Onu.

En 1960, l’Onu a adopté sans opposition la résolution 1514. Intitulée ‘Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux’, cette résolution s’adresse à tous les peuples colonisés ou subissant une occupation militaire.

Entre autres, cette résolution déclare :

Des mesures immédiates [doivent être] prises, dans les territoires sous tutelle, les territoires non autonomes et tous autres territoires qui n’ont pas encore accédé à l’indépendance, pour transférer tous pouvoirs aux peuples de ces territoires […] conformément à leur volonté et à leurs vœux librement exprimés […] afin de leur permettre de jouir d’une indépendance et d’une liberté complètes.

Dix ans plus tard, la résolution 2021 est adoptée. Celle-ci stipule :

[L’Assemblée générale de l’Onu] réaffirme le droit inhérent des peuples coloniaux de lutter, par tous les moyens nécessaires dont ils peuvent disposer, contre les puissances qui répriment leur aspiration à la liberté et à l’indépendance.

Ce qui signifie que l’utilisation de la violence armée est légitime et conforme au Droit international lorsqu’elle sert à lutter contre l’oppression d’une puissance étrangère. Du moment que cette lutte respecte les règles humanitaires du droit de la guerre.

Du strict point de vue du Droit international, le droit de se défendre appartient aux peuples opprimés et non à leurs oppresseurs. Sinon, cela équivaudrait à interdire toute opposition à la prédation des puissances colonisatrices.

Celles-ci peuvent bien répliquer aux attaques qu’elles subissent, mais elles ne peuvent le faire en invoquant le Droit international lorsque ces attaques surviennent dans le cadre d’une guerre coloniale.

Références :
Charte des Nations Unies
Résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations unies
Résolution 2021 de l’Assemblée générale des Nations unies

Paru depuis : Gaza. Pour en finir avec la « guerre contre le terrorisme » (2025-05-12)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Droit international et géopolitique (deuxième partie)

Publié le 2 février 2024 | Temps de lecture : 9 minutes


Plan :
• 1re partie : Assises et instances
• 2e partie  : Impact du droit international (ce texte-ci)
• 3e partie  : L’exemple du droit à la légitime défense
• 4e partie  : Le droit à l’indépendance – Crimée vs Taïwan
• 5e partie  : Les mandats d’arrestation de la CPI

À la Cour pénale internationale (CPI)

Lorsqu’un pays a été le théâtre d’une guerre civile, il est rare que ce pays ait envie de raviver de vieilles plaies en inculpant ceux qui l’ont perdue.

En effet, la réconciliation nationale passe plus souvent par le pardon que par la justice vengeresse.

Voilà pourquoi, dans le cas de chefs d’État, ceux-ci ne sont convoqués devant la CPI qu’après avoir perdu le pouvoir, et lorsque leurs successeurs ont choisi de profiter d’un mandat international pour se débarrasser d’eux.

Avant la création de la CPI, plusieurs tribunaux spécialisés avaient été mis sur pied. C’est ainsi que celui au sujet de la guerre en ex-Yougoslavie a condamné et fait emprisonner Slobodan Milosevic, président de ce pays jusqu’en 2000.

Toutefois, depuis la création de la CPI en 2002, ce tribunal a procédé à 36 accusations qui n’ont mené qu’à six condamnations, toutes contre des Africains.

En somme, depuis sa création, la CPI ne condamne que du menu fretin.

À la prison de Guantánano, quand les États-Unis ont décidé de violer la Convention contre la torture ni G.W. Bush ni Donald Rumsfeld n’ont été inculpés à titre de criminels de guerre parce qu’ils sont citoyens d’un pays qui n’a pas ratifié le Statut de Rome.

En juin 2020, Donald Trump a menacé de sanctions économiques et d’interdiction de séjour tous les juges et les procureurs de la CPI si cette cour osait intenter un procès contre un citoyen américain.

Trois mois plus tard, la procureure de la CPI et l’un de ses subordonnés ont été inscrits sur une liste noire américaine bloquant leurs avoirs et leur interdisant l’entrée sur le territoire américain (sauf pour New York qui dispose d’un statut spécial en raison de la présence des Nations Unies dans cette ville).

L’Ukraine a ratifié le Statut de Rome. Ce qui signifie que même si la Russie ne l’a pas fait, les gestes posés par l’armée russe en Ukraine relèvent de l’autorité de la CPI.

Malgré un mandat d’arrêt émis en mars 2023 par la CPI contre Vladimir Poutine, ce dernier n’a pas été arrêté dans son pays parce que, pour ce faire, il aurait fallu sa collaboration.

D’autre part, il n’a pas été arrêté non plus lors de son voyage au Moyen-Orient en décembre 2023 parce qu’il n’a mis les pieds que dans des pays qui ne reconnaissent pas l’autorité de la CPI.

De plus, son avion était escorté par quatre bombardiers Su-35 afin d’éviter qu’il soit intercepté et détourné par l’Otan.

À la Cour internationale de justice (CIJ)

En 1984, le Nicaragua porta plainte devant la CIJ, accusant les États-Unis de violer le droit international en y soutenant financièrement des terroristes (les Contras) qui cherchaient à s’emparer du pouvoir.

Le Nicaragua eut gain de cause. Mais les États-Unis refusèrent de respecter la décision de la CIJ.

En 1998, les pays de l’Otan décidèrent d’attaquer le Kosovo en violation du droit international.

De 2001 à 2012, environ 750 personnes (dont une soixantaine de mineurs) furent détenues à la prison de Guantánamo. Les États-Unis y pratiquèrent la torture, en violation de la Convention internationale contre la torture, un traité que ce pays avait pourtant ratifié en 1994.

En 2004, la CIJ a eu à se prononcer sur la légalité de l’édification d’un mur entre Israël et la Cisjordanie. Le long de ses 700 km, ce mur empiète à 80 % dans le territoire cisjordanien. Et ce, afin d’englober des colonies juives (ce qui n’est pas le cas du mur qui encercle la bande de Gaza).

Dans le cas du mur en Cisjordanie, la CIJ en est venue à la conclusion que la construction du mur, en raison de son tracé, était contraire au droit international.

Ce qui n’a pas empêché Israël d’ignorer ce jugement et de poursuivre la construction de ce mur pendant plus d’une décennie sans en modifier substantiellement le tracé prévu, sinon pour englober de nouvelles colonies israéliennes.

En 2011, l’Onu autorisa une opération internationale destinée à protéger la population de la Libye contre les belligérants qui s’affrontaient dans ce pays.

Toutefois, les pays de l’Otan violèrent l’article 13 de la résolution habilitante de l’Onu. Cet article imposait un embargo sur les armes destinées aux belligérants.

Une fois le régime de Mouammar Kadhafi renversé, les armes fournies illégalement par l’Occident se retrouvèrent aux mains des terroristes qui, depuis, mettent le Sahel à feu et à sang.

À partir de 2014, une coalition menée par les États-Unis procéda à plus de dix-mille frappes en Syrie sans résolution habilitante de l’Onu.

En 2022, la Russie envahit l’Ukraine sans y avoir été autorisée par l’Onu.

Depuis 1948, le conflit israélo-palestinien est en cours au Proche-Orient. Ce conflit est marqué par la violation systématique du droit international.

Au cours de l’épisode actuel de la guerre israélo-palestinienne, la CIJ est limitée dans son pouvoir d’enquête puisqu’Israël interdit aux procureurs de la CIJ d’entrer en Israël et en Palestine.

Quant à la guerre dans la bande de Gaza, jusqu’ici 83 journalistes et artisans des médias y ont été tués. Vingt-cinq autres ont été emprisonnés.

Ce n’est pas pour rien que l’armée israélienne a systématiquement assassiné les journalistes qui y œuvraient; c’est pour les empêcher de documenter comment elle y a guerroyé.

L’exemple de la guerre d’Irak

Lorsqu’un pays viole ce droit ‘facultatif’, il court un risque; celui qu’un pays beaucoup plus puissant saisisse le prétexte de cette violation pour faire adopter par l’Onu une résolution qui l’autorise à utiliser la force contre le pays contrevenant.

Après l’invasion illégale du Koweït et son annexion par l’Irak, l’Onu adressa à ce dernier un ultimatum que le président irakien décida d’ignorer.

En réponse, l’Onu adopta en 1990 la résolution 678 qui autorisait les États membres à intervenir militairement en Irak. Ce qui mena à la guerre du Golfe.

Mais qu’arrive-t-il quand l’Assemblée générale de l’Onu refuse d’autoriser une guerre punitive ?

Pour répondre à cette question, prenons le cas de la guerre en Irak.

En 2003, Washington aurait préféré obtenir de l’Onu une résolution habilitante pour justifier son invasion de ce pays.

Mais après l’échec du secrétaire américain à la Défense (Colin Powell) à convaincre les pays membres de l’Onu que ce pays possédait des armes de destruction massive, les États-Unis ont fait à leur tête; ils ont envahi illégalement l’Irak… pour finalement avouer qu’ils étaient incapables de trouver les armes de destruction massive qui justifiaient leur invasion.

Selon Wikipédia, cette guerre aurait fait entre cent-mille et deux-millions de morts.

En réalité, celle-ci n’était qu’un prétexte visant à renverser le régime de Saddam Hussain et ainsi permettre au pétrole irakien (jusque-là sous embargo) de couler librement sur les marchés internationaux afin d’en réduire le prix.

La portée limitée du droit international

Dans l’état normal des choses, le fort impose sa volonté au faible.

Toutefois, ce qui empêche un pays de sombrer dans le chaos et l’anarchie, c’est que l’État dispose de quatre moyens répressifs; la police, les tribunaux, les prisons et, dans le cas d’un pays, l’armée.

Grâce à ces moyens répressifs, l’État devient le plus fort de tous et conséquemment, impose sa volonté à l’ensemble de sa population.

À la différence de nos gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral, aucune instance supranationale ne possède de moyen répressif destiné à faire respecter sa volonté.

Sur la scène internationale, le seul organisme dont l’autorité est généralement reconnue, c’est l’Onu. Mais cette autorité est essentiellement morale.

L’Onu adopte une multitude de résolutions, mais dispose de très peu de moyens pour les faire respecter. Tout au plus, dans le cas de petits pays — surtout en Afrique — dispose-t-elle de soldats (les Casques bleus) que quelques pays mettent à sa disposition.

Ces Casques bleus ne sont utiles que pour séparer des belligérants qui aspirent à l’être. Dans ce sens, l’Onu peut abréger certains conflits.

De nos jours, l’Onu fait face à une critique récurrente; celle d’être impuissante à régler les conflits majeurs actuels (en Ukraine, en Palestine et au Congo, par exemple).

Essentiellement, cette impuissance découle de son incapacité à imposer sa volonté aux puissances qui choisissent de l’ignorer.

Dans les faits, la soumission au droit international est facultative; on le respecte lorsque cela fait son affaire et on le viole lorsqu’il ne convient plus.

Références :
Camp de Guantánamo
Cas Nicaragua contre États-Unis
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
Donald Trump menace de sanctions les magistrats de la Cour pénale internationale
Guantánamo : dix ans de honte
Guerre civile syrienne
Guerre d’Irak
Guerre du Kosovo
Intervention militaire de 2011 en Libye
Invasion du Koweït
Israël et ses alliés au mépris du droit des peuples
Journalist casualties in the Israel-Gaza war
La torture par les États-Unis : un crime de guerre impuni
US to deny visas for ICC members investigating alleged war crimes
Washington sanctionne Fatou Bensouda, la procureure de la Cour pénale internationale
Résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies
Société des Nations

Paru depuis : Frappes américaines dans les Caraïbes — Un ordre venu de Pete Hegseth : tuez-les tous (2025-11-29)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Droit international et géopolitique (première partie)

Publié le 23 janvier 2024 | Temps de lecture : 5 minutes


Plan :
• 1re partie : Assises et instances (ce texte-ci)
• 2e partie  : Impact du droit international
• 3e partie  : L’exemple du droit à la légitime défense
• 4e partie  : Le droit à l’indépendance – Crimée vs Taïwan
• 5e partie  : Les mandats d’arrestation de la CPI

Assises du droit international

Le droit international s’appuie sur deux choses; le droit coutumier et le droit écrit.

Le droit coutumier est un droit fondé sur la coutume.

Pour prouver qu’une norme relève du droit coutumier, il faut démontrer, selon Wikipédia, qu’elle reflète la pratique normale et continue des États et qu’il existe, au sein de la communauté internationale, la conviction qu’une telle pratique est requise par le droit.

C’est dans la mesure où le droit écrit n’apporte pas de réponse claire aux cas qui leur sont soumis que les tribunaux internationaux peuvent invoquer le droit coutumier pour rendre leurs décisions.

De son côté, le droit écrit se compose des traités, conventions et accords internationaux. Les multiples résolutions de l’Onu font également partie de ce droit.

Chaque fois que les pays s’entendent par écrit pour interdire des pratiques étatiques (la torture, par exemple), cette entente écrite agrandit la portée du droit international.

Pour faire respecter le droit international, on compte deux tribunaux : la Cour pénale internationale et la Cour internationale de justice.

La Cour pénale internationale (CPI)

Jusqu’à la création de cette cour, les responsables de crimes de guerre étaient jugés à l’issue du conflit par des tribunaux temporaires mis sur pied par les vainqueurs.

Étendue de l’autorité de la Cour pénale internationale

La CPI est née en 2002 de la ratification d’un traité appelé Statut de Rome. Contrairement à la Cour internationale de justice, la CPI est un tribunal indépendant de l’Onu; elle est financée par les pays signataires de ce traité.

À l’instar du Tribunal de Nuremberg, la CPI juge des personnes et non des États. Seuls des dirigeants politiques ou militaires sont sommés d’y comparaitre.

Et pour les y forcer, la CPI peut émettre des mandats d’arrestation. Mais ceux-ci ne sont respectés que par les pays signataires du Statut de Rome.

Pour être inculpé, l’accusé doit remplir l’une ou l’autre des conditions suivantes :
• être citoyen d’un État qui a ratifié le traité, ou
• avoir commis son crime sur le territoire d’un État membre, ou
• avoir été référé par le Conseil de sécurité de l’Onu (où les États-Unis et la Russie ont droit de véto).

Seuls quatre délits peuvent y être sanctionnés :
• les crimes de guerre,
• les crimes contre l’Humanité,
• les génocides et
• les agressions militaires.

Le but est d’empêcher l’impunité des auteurs de ces crimes et de dissuader la répétition de leurs actes par d’autres.

Les deux plus importants crimes de guerre de toute l’histoire de l’Humanité ont été commis par les États-Unis à Hiroshima et à Nagasaki. Puisque le but de ces deux bombardements était de tuer le maximum de civils japonais.

Mais ces deux crimes de guerre n’ont jamais été sanctionnés par la CPI parce qu’antérieurs à sa création.

De plus, la CPI fonctionne sur le principe de la complémentarité. Si un État signataire s’acquitte de sa responsabilité de punir lui-même ses ressortissants coupables de crimes de guerre, la CPI ne s’en mêle pas.

La Cour internationale de justice (CIJ)

Née au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, la CIJ est le tribunal officiel de l’Onu. Son rôle est double.

Premièrement, la CIJ possède le pouvoir de trancher juridiquement les conflits entre des États à la condition que la plainte soit portée par un pays qui a accepté de se soumettre à son autorité (même si ce pays n’est pas directement concerné par le conflit en question).

Celle de l’Afrique du Sud contre Israël (relative au conflit en Palestine) en est un exemple.

Et deuxièmement, le rôle de la CIJ est d’émettre des avis à la demande des instances de l’Onu afin de préciser des règles du droit international.

La CIJ ne juge pas des personnes. Elle s’adresse aux États (ou aux entités étatiques comme l’Autorité palestinienne). Son but est de régler pacifiquement des différends internationaux par le moyen, entre autres, de la négociation, de la médiation, de la conciliation, et de l’arbitrage.

Puisque son autorité n’est que morale, elle ne possède aucun moyen de forcer un pays de se soumettre à ses décisions.

À l’exclusion des avis juridiques qu’elle émet (et qui sont des éclaircissements bienvenus du droit international), le rôle positif de la CIJ est limité à la résolution diplomatique de conflits entre de petits pays lorsque l’un d’eux est accusé devant la CIJ.

À suivre…

Références :
Cour internationale de justice, Cour pénale internationale… comment fonctionne la justice internationale ?
Cour internationale de justice
Cour pénale internationale
Droit international coutumier
Procès de Nuremberg

Paru depuis : La vie de Nicolas Guillou, juge français de la CPI sous sanctions des Etats-Unis : « Vous êtes interdit bancaire sur une bonne partie de la planète » (2025-11-19)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Garçon de 10 ans : trois mois de probation pour avoir uriné dans un stationnement

Publié le 15 décembre 2023 | Temps de lecture : 3 minutes
Me Carlos Moore, le ‘malfaiteur’ et sa mère

Senatobia est une ville de 8 165 habitants située au Mississippi.

Les deux principaux groupes ethniques y sont les ‘Blancs’ (qui forment 53,5 % de la population) et les personnes à la peau naturellement très pigmentée (qui forment 40,3 % des Sénatobiens).

Le 10 aout 2023 fut une journée ensoleillée et chaude (sans être caniculaire). Ce jour-là, Mme LaTonya Eason avait rendez-vous avec son avocat.

Plutôt que demander à son fils de patienter dans la salle d’attente de ce professionnel (où il se serait royalement ennuyé), Mme Eason lui a plutôt demandé de l’attendre dans la voiture avec ordre de ne pas s’en éloigner.

Alors que l’envie d’uriner lui prend, l’enfant décide de faire pipi à côté de la voiture, derrière sa porte entrouverte.

Mais dans cette ville (tout comme à Montréal), il est défendu d’uriner sur la voie publique. À Senatobia, ce méfait est passible d’une amende de 500$US ou, dans le cas d’un adulte, d’une peine d’emprisonnement maximal de six mois.

Il n’existe probablement aucune personne de sexe masculin au monde qui n’ait, au moins une fois dans sa vie, uriné ailleurs que dans un cabinet d’aisances.

Lorsque le législateur interdit un méfait commis occasionnellement par tout le monde, il s’en remet au bon jugement des policiers pour ne sévir qu’à l’égard de ceux qui ont satisfait leurs besoins naturels d’une manière qui est socialement inacceptable (à la limite de la grossière indécence, par exemple).

Dans ce cas-ci, une policière avait aperçu l’enfant, s’était approchée de lui pour le gronder et s’apprêtait à quitter les lieux sans sévir quand quatre patrouilleurs sont arrivés en renfort.

Or ces derniers ont plutôt décidé de procéder à l’arrestation de l’enfant (sans le menotter) et, une fois arrivés au poste, de l’emprisonner brièvement.

Précisions que parmi les quatre policiers arrivés en renfort, celui qui a pris la décision d’arrêter l’enfant a depuis été congédié par le service de police de Senatobia.

Accusé en Cour juvénile, le garçon a été condamné hier (par un juge ‘Blanc’) à trois mois de probation. Ce qui lui évite d’avoir un casier judiciaire.

Références :
A 10-Year-Old Mississippi Boy Was Arrested for Urinating in Public. His Lawyer Says Race Played a Role
Pipi en public en attendant sa mère: un jeune garçon s’évite un casier judiciaire
Senatobia
What Happened to a 10-Year-Old Black Boy Arrested for Urinating in a Parking Lot?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Bilinguisme des magistrats : la capitulation du ministre Simon Jolin-Barrette

Publié le 9 décembre 2023 | Temps de lecture : 13 minutes

Introduction

De 2016 à tout récemment, Me Julie Rondeau était juge en chef de la Cour du Québec. À ce titre, c’est elle qui coordonnait et répartissait le travail des juges en plus de voir à l’allocation des ressources afin d’assurer la bonne marche de la justice sous son autorité.

En janvier 2022, elle ordonnait une grève du zèle des magistrats en chambre criminelle, c’est-à-dire des juges qui président aux procès intentés en vertu du Code criminel canadien.

Jusque là, ceux-ci siégeaient deux jours sur trois, l’autre étant consacré à la rédaction de leurs décisions. La directive de la juge Rondeau, c’était de ne siéger que la moitié du temps, une mesure destinée à accentuer la thrombose judiciaire actuelle.

Signalons qu’ailleurs au Canada, les juges des Cours criminelles siègent 80 % du temps.

La juge Rondeau voulait ainsi forcer le gouvernement de la CAQ à nommer davantage de juges bilingues.

Dans un premier temps, le ministre de la Justice et la juge Rondeau en sont arrivés à une entente provisoire où les juges siégeaient un peu plus souvent en contrepartie de quelques juges bilingues de plus.

L’aplatissement du ministre

Plus tôt cette semaine, on apprenait que le ministre de la Justice et le nouveau juge en chef de la Cour du Québec avaient résolu définitivement leur conflit quant à l’exigence du bilinguisme chez les candidats à la fonction de juge.

À sa sortie de l’Assemblée nationale, le ministre déclarait triomphalement :

[Cette entente] vient garantir que n’importe quel avocat ou notaire qui va accéder à la magistrature n’est pas obligé de maitriser la langue anglaise. Donc, la langue anglaise ne constitue pas une barrière pour être juge.

Vraiment ?

En l’an 2000, dans tout le Québec, un seul appel de candidature au poste de magistrat exigeait la connaissance de l’anglais. Un seul dans tout le Québec.

De manière générale, l’exigence du bilinguisme était rare avant l’accession au pouvoir du gouvernement libéral de Jean Charest en 2003. Cette exigence s’est généralisée avec le retour de ce parti au pouvoir en 2014 sous la direction de Philippe Couillard.

Si bien que de nos jours, la proportion de juges bilingues au Québec atteint 87,9 %.

En vertu de cette nouvelle entente, 90 % des juges devront obligatoirement maitriser la langue de Shakespeare dans tous les tribunaux montréalais relevant de la Cour du Québec, tant en chambre criminelle et pénale qu’en chambre de la jeunesse et en chambre civile.
 

 
Cette entente est une capitulation du ministre puisqu’elle pérennise définitivement la bilinguisation à outrance du système judiciaire québécois instaurée par le Parti libéral du Québec.

En plus de la région métropolitaine, les régions les plus nordiques du Québec faisaient partie du litige. Dans ces régions, les Inuits (autrefois connus sous l’appellation d’Eskimos) ont l’anglais comme langue seconde puisqu’ils n’ont connu que la colonisation anglaise.

Ce que les peuples autochtones réclament, ce n’est pas qu’on leur accorde l’immense privilège de pouvoir s’adresser à la Cour dans la langue de leur colonisateur anglais, mais le droit de témoigner dans leur langue maternelle. Ce qui permettrait aux enfants (généralement unilingues) d’être entendus.

À défaut de nommer des avocats autochtones à la magistrature, la solution de rechange la plus appropriée est de permettre aux Inuits de s’adresser à la Cour par l’intermédiaire d’un traducteur. C’est probablement ce qui se fait déjà.

Conséquemment, la langue du juge n’a pas d’importance dans ces procès. Ce qui compte, ce sont les langues parlées par les traducteurs.

Or parmi les centaines de Québécois qui travaillent dans ces régions, il est impossible qu’il n’y en ait aucun qui soit apte à traduire du français à l’inuktitut (la langue des Inuits) et vice-versa.

L’objectif des juges ultra-fédéralistes de la Cour du Québec, ce n’est pas de faciliter l’accès des Inuits à la Justice, mais de poursuivre l’assimilation anglaise des Autochtones à laquelle Ottawa travaille depuis le milieu du XIXe siècle.

Une violation de l’esprit de la Loi 101

La bilinguisation mur-à-mur des milieux de travail sous le prétexte que cela est plus simple pour les gestionnaires de personnel est précisément ce que voulait interdire la version originelle de la Loi 101, celle adoptée par le Parti Québécois.

Il est difficile d’imaginer que le ministre de la Justice, avocat de formation, ait pu s’entendre avec le juge en chef de la Cour du Québec pour violer le texte de la Loi 101.

On doit donc présumer que leur accord est compatible avec ce qui reste de la Loi 101 (adoptée en 1977), après que des pans entiers eurent été invalidés par la Canadian Constitution (adoptée en 1982 justement en réaction à la Loi 101).

La langue des procédures criminelles

Les deux branches du droit canadien sont le droit civil et le droit criminel. Le premier vise à régler des conflits entre des particuliers alors que le second vise à punir des comportements antisociaux.

C’est le parlement canadien qui légifère en matière criminelle alors que c’est l’Assemblée nationale du Québec qui légifère en matière civile.

L’article 133 du British North America Act (adopté par Londres en 1867) autorise les témoins, les avocats et les juges à s’exprimer dans la langue de leur choix au cours des procès criminels qui se déroulent au Québec.

La version anglaise de cet article (la seule version officielle) se lit comme suit :

Either the English or the French language […] may be used by any person or in any pleading or process in or issuing from […] any of the courts of Quebec.

Une des règles d’interprétation des lois est que le législateur ne parle pas pour rien. Donc même si, strictement parlant, l’article 133 consacre le droit du juge de parler sa langue à lui, puisque cet article permet à l’accusé de s’exprimer dans une autre langue, il va de soi que le juge doit être capable de comprendre ce qu’il dit. Directement ou par le biais d’un interprète.

Dans son domaine de compétence constitutionnelle, le gouvernement canadien a accordé en 1985 à chaque personne accusée en vertu du droit criminel (peu importe la province), le droit d’être jugé par un magistrat qui parle sa langue (s’il s’agit d’une des deux langues officielles du pays).

Contrairement à ce qu’on dit souvent, l’article 530 du Code criminel canadien n’oblige pas le plaidoyer des avocats ni la décision du tribunal d’être dans la langue de l’accusé : tout ce qui est exigé, c’est que dans les causes criminelles, le juge ‘parle’ la langue de l’accusé. Rien n’exige de lui qu’il ait une connaissance avancée de cette langue. Il n’est même pas nécessaire qu’il sache l’écrire.

À part le Nouveau-Brunswick (qui est un cas particulier), aucune province anglophone n’a cru bon bilinguiser sa magistrature mur-à-mur au cas où un accusé francophone se pointerait quelque part à demander un procès dans sa langue.

Au Canada anglais, si l’accusé exprime sa préférence d’être jugé en français au moment de sa comparution, le magistrat qui reçoit cette demande réfère la cause à un collègue qui en est capable si lui ne le peut pas.

Au Québec, la juge en chef de la Cour du Québec (de qui dépendent, entre autres, toutes les chambres criminelles) a préféré exiger le bilinguisme de tous les juges sous son autorité. Ce qui est plus simple pour elle car cela lui permet d’attribuer paresseusement les causes au hasard puisque tous ses magistrats possèdent les compétences requises, tant en anglais qu’en français.

Malheureusement, cela est contraire à l’esprit de la Loi 101. Pour la Charte de la langue française, l’exigence du bilinguisme ne se justifie que lorsque cela est nécessaire. Et non quand c’est simplement plus commode pour l’employeur.

La langue des procédures civiles

Contrairement à ce qu’on pense, dans les causes civiles (et non criminelles), il n’existe pas au Canada de droit constitutionnel d’être jugé dans sa langue ailleurs qu’au Nouveau-Brunswick.

En 2013, la Cour suprême du Canada a reconnu le droit des tribunaux de Colombie-Britannique d’exiger la traduction anglaise de tous les documents en français qui leur sont soumis à titre de preuves.

Dans son jugement, le plus haut tribunal du pays écrit :

La Charte [canadienne des droits et libertés] n’oblige aucune province, sauf le Nouveau-Brunswick, à assurer le déroulement des instances judiciaires dans les deux langues officielles. Elle reconnait l’importance non seulement des droits linguistiques, mais aussi du respect des pouvoirs constitutionnels des provinces.
[…]
[Or] les provinces ont le pouvoir constitutionnel de légiférer sur la langue utilisée devant leurs tribunaux, un pouvoir qui découle de leur compétence en matière d’administration de la justice.

La législature de la Colombie-Britannique a exercé ce pouvoir [en prescrivant] le déroulement des procès civils en anglais, [ce qui vaut] aussi pour les pièces jointes aux affidavits déposés dans le cadre de ces instances.
[…]
Il n’est donc pas contraire à la Charte [canadienne des droits et libertés] que la législature de la Colombie-Britannique décide que les instances judiciaires se déroulent uniquement en langue anglaise dans cette province.

En effet, les rédacteurs de la constitution canadienne auraient pu décider de consacrer explicitement le droit fondamental d’être jugé dans sa langue, même dans les causes civiles. Ils ont préféré s’en abstenir, s’en remettant plutôt au pouvoir discrétionnaire des provinces.

C’est ainsi que depuis son accession à la magistrature québécoise (grâce à Ottawa), la juge fédérale Karen Kear-Jodoin rend presque tous ses jugements dans sa langue maternelle, l’anglais.

Elle le fait même dans les causes où tous les avocats et tous les témoins se sont exprimés en français, et lorsque tous les documents soumis en preuve sont rédigés dans la langue de Molière.

Étant donné qu’il est légal au Québec de rendre justice en anglais dans des causes où l’accusé est unilingue français — l’inverse ferait scandale au Canada anglais — et puisque même la Loi 101 n’y peut rien, il faut recourir à des moyens plus efficaces pour s’opposer à la bilinguisation à outrance de la Justice québécoise.

La solution ultime

Pour aller au-delà de la Loi 101 — qui est déjà en elle-même une loi supra-législative — il faut que le législateur précise sa volonté dans la Constitution du Québec.

Contrairement à la Canadian Constitution de 1982, celle du Québec peut être amendée par un vote des deux tiers des députés de l’Assemblée nationale, ce qui lui confère une faculté d’adaptation face à l’avenir dont la Canadian constitution de 1982 est incapable.

Notre constitution devrait statuer que dans toutes les causes civiles, la Justice devrait être rendue au Québec en français. Comme elle l’est en anglais dans toutes les autres provinces du pays (sauf le Nouveau-Brunswick).

Ce qui signifie qu’elle doit accorder aux juges le pouvoir d’exiger la traduction française de tout document soumis dans une autre langue. Comme la Colombie-Britannique exige déjà la traduction anglaise des documents soumis à ses tribunaux.

De plus, à l’issue des causes civiles, tous les jugements devraient être rendus en français (sauf évidemment les passages où sont citées des lois ou de la jurisprudence en anglais). Pourquoi ? Grâce à l’Intelligence artificielle, la traduction effectuée par Google Translation dépassera bientôt en qualité et en exactitude celle de n’importe quel traducteur professionnel.

Et surtout, le Québec devrait étendre le droit de témoigner dans sa langue à chacun des onze peuples autochtones du Québec… quand il s’agit d’une cause civile. Pour ce faire, il suffira à l’accusé, au moment de sa comparution, d’exprimer sa préférence et le système judiciaire fera appel à sa banque de traducteurs pour assurer à l’accusé le droit de témoigner dans sa langue et de comprendre ce qui se passe grâce à la ‘traduction simultanée’ qui lui est offerte.

Conclusion politique

Puisque l’immigration massive voulue par Ottawa au cours des prochaines années représente un péril mortel pour le Québec, on peut s’étonner que seuls 19 % d’entre nous jugent que François Legault devrait s’attaquer en priorité au déclin du français.

En réalité, c’est beaucoup.

Quand la majorité des Québécois peinent à boucler leur budget, quand un Québécois sur dix fréquente les banques alimentaires, quand des millions de locataires craignent d’être victimes d’une rénoviction, quand un nombre record de dix-mille sans-abris (dont trois-mille femmes) couchent çà et là dans nos villes, quand le tambour de la guerre résonne partout, il est extraordinaire qu’il y ait encore des gens pour se soucier du péril abstrait que représente l’extinction du peuple francoQuébécois.

Toutefois, ce modeste 19 % pourrait faire la différence entre la réélection de la CAQ et l’élection d’un nouveau gouvernement péquiste.

Si le premier ministre veut un troisième mandat, il faudra qu’il nous donne des raisons de voter pour lui. Or personne ne pouvait prévoir la capitulation honteuse de celui qui était perçu jusque-là comme le chef de l’aile nationaliste de la CAQ.

L’entente intervenue entre le ministre Simon Jolin-Barrette et le juge en chef de la Cour du Québec est en dessous de tout; cette entente pérennise la bilinguisation à outrance de l’appareil judiciaire québécois voulue par le régime hyperfédéraliste de Philippe Couillard.

Dans le contexte actuel, le message de la CAQ est le suivant; ne comptez pas sur nous pour assurer la survie du français au Québec. Si cette survie vous préoccupe, votez péquiste !

Références :
Bilinguisme chez les juges : le ministre de la Justice et la Cour du Québec s’entendent
Bilinguisme chez les juges: Québec essuie un nouveau revers face à la juge Rondeau
Être condamné dans une langue qu’on ne comprend pas
La juge en chef remporte la première manche contre Québec
L’esprit de caste de la juge Lucie Rondeau
Multiplication des postes de juges bilingues depuis 15 ans au Québec
Réforme de la juge Rondeau : 9000 causes criminelles en péril, selon Québec

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Écrit par Jean-Pierre Martel