La richesse des juges

Le 13 octobre 2021

Des hausses de 21,8 % à 47,8 %

La Loi sur les tribunaux judiciaires prévoit la formation d’un Comité de la rémunération des juges chargé d’évaluer tous les quatre ans le salaire que devrait recevoir la profession juridique.

La composition du comité est décidée par des regroupements de juges (appelées ‘conférences’) de chacune des instances juridiques concernés. La liste qu’ils dressent est ensuite entérinée par le gouvernement.

En mars 2021, le Conseil des ministres les nommait et en profitait pour hausser de 40 % la rémunération de son nouveau président, l’avocat Pierre Laplante, en comparaison avec celle de son prédécesseur. Le ton était donné.

En plus de ce dernier, le comité est composé de l’avocat Raymond Clair, de l’avocat George-R. Hendy, de Bernard Turgeon (ancien sous-ministre et détenteur d’un doctorat en économique), et d’Huguette St-Louis (ex-juge de la Cour du Québec).

En somme, à l’exclusion d’un économiste, les conférences de juges ont pris soin de nommer des personnes qui sont, à des degrés divers, en conflit d’intérêts.

Les contribuables, qui paient la note, n’y sont pas représentés.

On ne sera donc pas surpris d’apprendre que le comité recommande des hausses substantielles de rémunération.

À la Cour du Québec, les salaires annuels passeraient de 254 518 $ à 310 000 $ (+ 21,8 %).

À la Cour municipale de Montréal, Québec et Laval, ils passeraient de 216 849 $ à 310 000 $ (+ 42,9 %).

Quant aux juges de paix magistrats, leurs salaires annuels passeraient de 144 960 $ à 217 000 $ (+ 48,7 %).

Alors que des milliers d’entrepreneurs — propriétaires de restaurants, de bars, de salles de conditionnement physique, de salons de coiffure, etc.— ont été appauvris par la pandémie, que des centaines de milliers de personnes ont été contraintes de changer de métier en raison de la fermeture prolongée de l’entreprise pour laquelle ils travaillaient, voilà qu’on propose d’enrichir considérablement la profession juridique.

Une profession juridique déjà coupée du peuple

Une caste sociale privilégiée

Selon le recensement canadien de 2016, la ligne de démarcation qui sépare le club du ‘1 %’ du reste de la population québécoise, c’est un revenu annuel de 190 000 $.

En définitive, la suggestion du Comité de la rémunération des juges ferait basculer tous les juges du Québec dans ce club de privilégiés.

Avec l’armée, les policiers et les gardiens de prison, les tribunaux font partie des pouvoirs répressifs de l’État. Mais contrairement aux premiers, le système judiciaire dispose d’une indépendance relative qui se justifie par la mission qu’il s’est donnée d’être le rempart paternaliste contre les dérives autoritaires de l’État.

L’inaccessibilité économique

Déjà, le système judiciaire souffre d’un grave problème d’accessibilité économique; la très grande majorité des citoyens n’ont pas les moyens d’intenter une poursuite ou de subir un procès.

Dans les causes civiles, tout l’appareil juridique est essentiellement au service du 1 %.

Pour 99 % des citoyens, intenter des recours juridiques n’est une solution envisageable que lorsque le préjudice subi est tel qu’il est substantiellement au-delà des frais d’avocat que pourrait entrainer un procès. Mais pour le 1 %, c’est un moyen d’assurer sa suprématie sociale et son impunité face aux simples citoyens.

L’inégalité des citoyens face à la loi

Beaucoup de Canadiens ont trouvé injuste qu’une riche citoyenne chinoise en attente de son extradition vers les États-Unis ait été ‘incarcérée’ dans sa riche résidence de Vancouver.

En réalité, toutes les personnes fortunées peuvent se prévaloir de ce privilège et écouler leur peine d’emprisonnement dans leur luxueuse villa, entourées de toutes les commodités, et même y donner des réceptions.

Parce qu’au Canada, il y a une justice pour les riches et une justice pour les pauvres. Pourtant, dans un pays démocratique, tous les citoyens devraient être égaux devant la loi.

L’inégalité des citoyens face à loi n’est inscrite dans aucune loi; c’est le résultat d’une jurisprudence créée par une magistrature coupée du ‘vrai monde’ et plus sensible aux inconvénients de l’emprisonnement pour des gens de la même condition sociale qu’eux.

Les juges, valets de la colonisation anglaise du Québec

Selon le recensement de 2016, sur 8 066 560 de Québécois, 4 032 640 étaient unilingues français. En somme, c’est un Québécois sur deux.

Quand la juge en chef de la Cour du Québec entreprend sa croisade pour obliger la connaissance de l’anglais comme condition à l’accession à la magistrature au Québec — alors que jamais un juge unilingue anglais n’a été empêché de faire carrière au Canada — elle est le valet de la colonisation anglaise du Québec.

D’autre part, quand une juge anglophone rend son jugement en anglais dans une cause entièrement plaidée en français et où l’accusé est unilingue français, elle n’est pas consciente qu’il est inconcevable qu’un tribunal rende un jugement dans une langue que ne comprend pas l’accusé.

Plutôt que de se récuser parce que sa connaissance du français était insuffisante, elle a préféré empocher le pognon et imposer sa langue à elle. Voilà, concrètement, ce que donne une magistrature égoïste, vivant dans sa tour d’ivoire.

Financé en sous-main par Ottawa, quand le Barreau du Québec — c’est-à-dire l’ordre professionnel des avocats et des juges du Québec — s’adresse aux tribunaux en 2018 pour tenter de faire invalider toutes les lois du Québec, cela n’est rien de moins qu’une trahison envers le Québec.

Ce complot a échoué parce qu’une assemblée générale spéciale des membres du Barreau a voté de justesse (à 52,5 %) en faveur de l’abandon de cette initiative insensée.

Même si elle a échoué, cette trahison est demeurée impunie. Et la meilleure punition serait de geler le salaire des juges pour les quatre prochaines années. Ou mieux : réduire leur salaire.

Ce qui nécessitera l’adoption d’un règlement de délégation d’actes en vue de la création de tribunaux populaires et un décret qui menacera d’emprisonnement les juges qui chercheront à saboter le système judiciaire.

Conclusion

Puisque les recommandations du Comité de la rémunération des juges sont sujettes à l’approbation par le Conseil des ministres, il serait préférable de refuser d’accorder à la magistrature les augmentations de salaire qu’elle réclame et de commencer dès maintenant à atténuer l’écart de rémunération qui se creuse depuis des décennies entre les couches sociales les plus riches et le reste de la société.

Références :
Comité de rémunération des juges – Des hausses de salaire de 22 % à 50 %, recommande un rapport
2100$ par jour pour examiner la paye des juges
Doit-on interdire l’accès à la magistrature aux avocats québécois unilingues français ?
Être condamné dans une langue qu’on ne comprend pas
Huawei : les différences de détention au Canada et en Chine
La DPCP et l’esprit de caste
Les tribunaux et la vieille au déambulateur
Ottawa finance la demande d’annulation de toutes les lois du Québec
Qui fait partie du fameux 1% le plus riche au Québec?
Rapport sur la rémunération des juges
Repenser les tribunaux

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