Carnet de voyage à Shanghai — Dix-huitième jour

Publié le 24 septembre 2010 | Temps de lecture : 4 minutes

Aujourd’hui fut la journée la plus intéressante de mon séjour à Shanghai. Pour la première fois, j’ai mis ce que je porte habituellement en voyage, soit des pantalons noirs, une chemise bleu pâle et une cravate appareillée. Et c’est cette tenue vestimentaire qui m’a permis d’établir la relation la plus amicale avec les Chinois que j’ai rencontrés.

En fait, un plus grand nombre de Shanghaiens m’ont adressé la parole aujourd’hui (en anglais ou en chinois) que dans tout le reste de mon voyage. On pourrait croire qu’une tenue aussi formelle établit une certaine distance. Eh bien non, paradoxalement.

Mon programme aujourd’hui, c’était de terminer mon circuit du nord de Shanghai, entammé hier. J’ai d’abord fait le Musée de la poste situé dans un édifice dont la terrasse (véritable but de ma visite) offre une vue superbe du nord du Bund et de Pudong.

Puis je fais la rue Qipu, située à proximité. Noire de monde, c’est une rue où on se procure des vêtements populaires à prix abordable. Et ce, dans un quartier ancien, aux maisons à deux étages, en bois, mais qu’on est en train de démolir. Fascinant de voir comment une activité commerciale intense peut coexister avec un effondrement urbain.

Puis je pars à la recherche d’un parc recommandé par un de mes guides touristiques mais dont l’accès est teriblement compliqué en raison des voies rapides qui l’encerclent. Je finis par aboutir dans un quaritier en démolition. Étonnamment, plein de gens y vivent toujours. On croirait une zone sinistrée, victime d’un tremblement de terre. Dans ces maisons encore debout dont certaines pièces sont éventrées, des gens sont toujours là. Peut-être parce qu’ils y ont vécu toute leur vie et qu’ils se sont jurés de la quitter seulement lorsqu’ils n’auront plus le choix, soit que leur nouvelle demeure, promise par les autorités, n’est pas encore disponible.

Toute une activité économique parallèle se développe en marge de cette démolition. Ici, on accumule les poutres de bois. Là, les portes et les escaliers. Bref, toute une économie souterraine, axée sur le recyclage, s’est développée.

Évidemment, quand un touriste occidental se pointe dans ce décor, c’est clair pour tout le monde qu’il s’est égaré. Je dois admettre que depuis au moins deux heures, je n’ai pas rencontré un seul Occidental. En d’autres mots, je suis vraiment dans la Chine profonde. Alors dans ce monde 100% chinois, on assiste à la confrontation de deux cultures.

D’un côté il y a moi, en route pour mon parc, et de l’autre, bientôt une vingtaine de personnes qui habitent les lieux et qui se réunissent autour de moi pour m’aider. Personne parmi eux ne parlent anglais. Et moi, je ne sais presque rien en chinois. Que va-t-il de passer ? D’abord moi, je n’ai pas besoin de leur aide. Je ne suis pas perdu : il y a bien un parc, là, au bout de cette ruelle, c’est écrit sur ma carte.

Mais les gens qui habitent de quartier depuis toujours, ils le savent bien que cette ruelle est un cul-de-sac. Alors je leur montre ma carte. Elle est précise, c’est clair et net : il y a un parc au bout de cette ruelle. Alors ils me laissent poursuivre ma route. Effectivement, au bout de cent pas, je dois me rendre à l’évidence : ils ont raison, cette ruelle ne mêne à rien. Alors je bifurque par cette autre ruelle. Je rencontre alors les même gens, que je salue d’un large sourire pour masquer ma déconfiture et je finis par tâtonnement par aboutir à ce fameux parc qui ne valait vraiment pas la peine de tant d’efforts.

Je prends le métro pour le Stade Hongkou et surtout le parc Luxun. Tout le côté ludique des Shanghaiens est résumé dans ce parc.

Ici des retraités jouent aux cartes. Là on y fait du pédalo en famille, on s’y baigne, on tricote, on fait la sieste ou du cerf-volant. Dans un bosquet, un musicien y joue du violoncelle chinois. Plus loin, un parc d’attraction amuse des enfants. Et dans une cacophonie des plus charmantes, des solistes, des chœurs et des ensembles instrumentaux composent spontanément et dans le plus merveilleux désordre, un hymne à la vie susceptible de rendre Dieu satisfait de sa création.


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Écrit par Jean-Pierre Martel