Impressions de Chine (5e partie) : Pragmatisme des dirigeants chinois

Le 11 janvier 2010


 
La deuxième chose qui m’a le plus surpris en Chine, c’est le pragmatisme des dirigeants de ce pays. De nos jours, la Chine n’est communiste que dans la mesure où le Parti communiste y assume seul le pouvoir politique et que l’économie y est dirigée par l’État. Si pour vous, communisme = égalitarisme, oubliez cela; la Chine, pourtant un pays pauvre, compte plus de millionnaires qu’aucun autre pays à part les États-Unis. De plus, les Chinois n’ont pas le même accès aux ressources de la Nation. L’exemple le plus évident est celui de l’électricité.

Si vous êtes émerveillés par Times Square à New York, vous n’avez rien vu : allez à Shanghai ou à Hong Kong. La nuit, ces deux villes sont inondées par une orgie de néons et de lumières de toutes sortes. Par opposition, nous avons traversé en autobus des villages où les rues ne sont éclairées que par les phares des autos qui y circulent. On y distingue donc la silhouette des piétons qui marchent dans des rues sans lampadaire.

Les délestages sont fréquents. Au cours d’une de nos visites dans un magasin de luxe, nous avons été plongés dans l’obscurité la plus totale pendant environ deux minutes — en fait, avant que les génératrices ne prennent la relève — alors que des bijoux précieux étaient exposés devant nous sur les comptoirs.

En regardant mes vidéos, remarquez les enseignes au néon : il y en a peu hors des grandes villes. Généralement, les enseignes sont des panneaux de bois aux lettres dorées sculptées en creux sur fond noir, le tout éclairé par une ampoule incandescente d’intensité moyenne.

Lorsqu’on traverse la campagne chinoise en autobus, il est difficile de distinguer parmi les bâtiments, ce qui correspond à des maisons, des remises, des abris ou des granges, tellement tout semble pauvre. On finit par savoir où habitent les paysans par la lumière incandescente de faible intensité qui s’allume au début de la nuit (c’est-à-dire après la brunante). En d’autres mots, on allume la lumière que lorsqu’on y voit à peu près plus rien.

Quelques villes (dont Shanghai) doivent leur prospérité actuelle aux zones économiques spéciales crées par l’État. Il s’agit d’expériences limitées visant à autoriser le capitalisme en Chine. Sous Mao, cela aurait été impensable.

Même si l’image du « Grand timonier » (Mao Zedong) figure sur tous les billets de banque (sauf le demi yuan), même si le portail principal de la Cité interdite arbore son portrait, même si on doit attendre plus d’une heure avant d’entrer dans son mausolée sur la Place Tian’an men, Mao n’est plus aujourd’hui qu’une figure unificatrice de la Chine, immensément populaire surtout chez les paysans. Par contre, chez les intellectuels et les membres du parti communiste, il est de bon ton de critiquer ses politiques économiques désastreuses. Cela est non seulement permis : cela est encouragé puisque les politiques économiques actuelles du gouvernement sont à l’opposé de celles de Mao. Rappelons que plusieurs parmi les plus hauts dirigeants actuels de la Chine ont été persécutés sous la Révolution culturelle.

En réponse à une question, notre guide de Beijing a abordé la délicate question du massacre de la Place Tian’anmen, survenu en 1989. En substance, son argument disait : « Comparez la Chine et la Russie. Après avoir subi une révolution démocratique, la Russie est l’ombre de ce qu’elle était, livrée aujourd’hui à la pègre et au chaos. Assurer la cohésion et le progrès d’un pays immense et diversifié, peuplé de plus d’un milliard de personnes, cela demande parfois qu’on fasse preuve d’autorité. Voyez le résultat.»

On peut être d’accord ou non avec cet argumentation mais en l’entendant, je n’ai pu m’empêcher de me rappeler des quatre étudiants de l’Université Kent tués en 1970 par la Garde nationale américaine alors qu’ils protestaient contre la guerre au Vietnam, ou les quatorze manifestants pour les droits civiques abattus froidement, le 30 janvier 1972 à Londonderry (en Irlande du Nord), par les forces de l’ordre britanniques, ou les dizaines — ou les centaines — d’Algériens battus à mort ou noyés par la police française au cours d’une manifestation pacifique organisée par le FLN, le 17 octobre 1961 à Paris.

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