Le ministre François-Philippe Champagne, paillasson de l’Arabie saoudite

14 août 2020

Le deuxième échec du Canada à se faire élire au Conseil de sécurité de l’ONU est l’illustration de la perte d’influence de notre pays dans le monde.

C’est ainsi que le Canada est impuissant à obtenir la libération de Raïf Badawi que son épouse, réfugiée au Québec, réclame depuis huit ans.

Il faut dire que le Canada n’a pas essayé très fort.

En 2016, lorsque l’Arabie saoudite a décidé d’acheter pour 14 milliards$ de chars d’assaut canadiens, la dictature saoudienne achetait également le silence d’Ottawa.

À la décharge du Canada, précisons bien d’autres pays auraient fait pareil.

Mais très peu de pays auraient poussé la servilité aussi loin que l’a fait le gouvernement fédéral et son ministre actuel des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne.

Au sujet de Raïf Badawi, le ministre ne rate jamais une occasion de dire qu’il est en discussion avec le ‘gouvernement’ (sic) d’Arabie saoudite et qu’il a bon espoir qu’il sera libéré par ’Sa Majesté’ (sic) le prince ben Salmane.

Jusqu’ici l’Arabie saoudite a reçu la moitié des chars qu’elle a achetés. Mais elle a accumulé un retard de quatre-milliards de dollars dans ses paiements.

Or le gouvernement canadien est garant de la dictature saoudienne auprès du constructeur ontarien; si l’Arabie saoudite refuse de payer la note, celle-ci sera épongée par les contribuables canadiens.

En avril dernier, le ministre Champagne annonçait à la Chambre des Communes que son gouvernement aurait renégocié certaines clauses de ce contrat afin de pallier l’éventualité d’un défaut de paiement.

Mais dans la mesure où le contrat ‘amélioré’ est tout aussi secret que sa version précédente, personne n’est en mesure d’en juger.

Dans un autre ordre d’idée, on apprenait plus tôt ce mois-ci que Saad al-Jabri, un Saoudien réfugié à Toronto, a fait l’objet le 15 octobre 2018 d’une tentative d’assassinat par le même commando de tueurs qui avait réussi, treize jours plus tôt, à démembrer Jamal Khashoggi dans le consulat saoudien d’Istanbul.

Voyageant à bord du même avion, les membres de ce commando ont semblé suspects aux yeux des douaniers canadiens qui, conséquemment, leur ont refusé l’entrée au pays.

Prétendant venir au Canada en simples touristes, les tueurs saoudiens ont été incapables de justifier la panoplie d’instruments médico-légaux de dissection — en anglais : forensic tools — qu’ils transportaient dans leurs bagages.

Seul le diplomate qui les chaperonnait a pu poursuivre sa route grâce au passeport diplomatique qui garantit son impunité.

Contrairement à la Turquie — qui a fait payer chèrement au prince ben Salmane le démembrement à la tronçonneuse de Jamal Khashoggi — le Canada a choisi de taire ce grave incident à ses frontières.

C’est seulement deux ans plus tard, par le biais d’une plainte civile déposée le 7 aout par Saad al-Jabri à Washington, qu’on apprend ce complot raté.

Bien plus, le ministre Champagne n’a pas cru bon retirer l’accréditation au Canada du diplomate compromis dans cette affaire.

Celui-ci demeure libre d’essayer d’établir des contacts avec des tueurs à gages canadiens pour terminer ‘le travail’ inachevé.

Précisons que lorsqu’un pays décide d’expulser un diplomate, il n’est jamais tenu de justifier sa décision.

Quand Chrystia Freeland, l’ex-ministre des Affaires étrangères du Canada, avait réclamé la libération de Samar Badawi, sœur de Raïf, cela avait froissé la dictature saoudienne. Celle-ci avait aussitôt expulsé l’ambassadeur canadien en Arabie saoudite.

Dans l’affaire Saad al-Jabri, le ministre Champagne a préféré se taire et continuer de lécher les bottes de la dictature saoudienne.

En deux mots, le Canada fait pitié.

Doit-on se surprendre que les membres de l’ONU aient préféré élire au Conseil de sécurité des pays qui se tiennent debout…

Références :
Deuxième échec du Canada à se faire élire au Conseil de Sécurité de l’ONU
Face aux Saoudiens, Trudeau plaide l’impuissance
Grève de la faim: le ministre Champagne inquiet pour Raif Badawi
Lawsuit from Saad al-Jabri against Mohammed ben Salmane
Le prince saoudien est accusé de complot pour tuer un ex-espion à Toronto
Le sabotage de la vente d’hélicoptères québécois par le ministre fédéral François-Philippe Champagne
Liberals announce new ‘improved’ arms deal with Saudi Arabia, but say rights concerns remain
Meurtre au consulat : du fait divers aux ressorts d’une crise internationale
Organigramme du commando (en anglais)
Raif Badawi
Saad bin Khalid Al Jabry
Un ex-espion saoudien exilé au Canada dans la ligne de mire de l’Arabie saoudite?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Une gifle au prince héritier saoudien

29 octobre 2018

Introduction

Vision 2030 est un pharaonique projet de diversification de l’économie de l’Arabie saoudite conçu par le prince héritier de ce pays au cout de 500 milliards$.

Ce projet vise la création d’une ville futuriste créée sur le modèle des zones économiques spéciales chinoises.

Afin d’en faire la promotion, la conférence Future Investment Initiative de l’an dernier avait attiré 3 500 participants provenant de 88 pays.

Cette année, le froid créé par l’affaire Khashoggi a fait en sorte que de nombreuses entreprises ont boudé la deuxième édition de cette conférence.

L’Arabie saoudite, exportatrice de capitaux

Le but de Vision 2030 n’est pas d’attirer des investissements étrangers mais de diversifier l’économie saoudienne.

Depuis des décennies, des sociétés d’investissement organisent la fuite des capitaux saoudiens.

Lors des attentats du 11 septembre 2001, des membres de la famille royale saoudienne et de riches entrepreneurs — dont certains provenaient de la famille d’Oussama bin Laden — assistaient justement à une conférence donnée à Washington par des conseillers financiers américains.

Parmi les centaines d’avions qui voulaient quitter le territoire américain ce jour-là, celui transportant ces augustes investisseurs fut le seul autorisé à s’envoler et ainsi échapper aux questions des policiers chargés de l’enquête au sujet de ces attentats.

Les dirigeants de ce pays savent bien qu’un jour une révolution les chassera du pouvoir. Voilà pourquoi la majorité de leur fortune personnelle est investie à l’Étranger.

Ils y ont de grands hôtels, des stations de ski, des clubs sportifs, des compagnies aériennes, des vignobles, de grandes enseignes de commerce au détail, des marques prestigieuses, etc.

On estime que les Saoudiens possèdent 8% de l’économie américaine. Cela équivalut à plusieurs fois les fortunes combinées de Bill Gates et de Warren Buffett.

De plus, si Amazon et Apple sont les deux compagnies qui possèdent la plus grande capitalisation boursière, c’est seulement parce qu’Aramco (la pétrolière de l’État saoudien) n’est pas inscrite en bourse. Si elle l’était, sa valeur capitalisée serait de trois à quatre fois celle d’Apple.

Bref, l’Arabie saoudite est immensément riche et n’a pas besoin de capitaux étrangers.

Le déficit technologique de l’Arabie saoudite

Pour diversifier son économie, l’Arabie saoudite a besoin de combler son abyssal déficit technologique.

L’école publique saoudienne est aux mains du clergé wahhabite. Tout fait scientifique incontestable qui contredit l’interprétation littérale des textes sacrés de l’Islam (vieux de 1 500 ans) est une hérésie dont l’enseignement est passible de la peine de mort.

Voilà pourquoi le système scolaire saoudien forme des hommes de lettres (avocats en droit musulman, écrivains, poètes, fonctionnaires peu qualifiés), mais peu de chercheurs, de scientifiques et de travailleurs qualifiés.

Si bien qu’en Arabie saoudite, les familles aisées envoient leurs adolescents masculins étudier dans les meilleurs lycées occidentaux.

Le régime vante son taux élevé de scolarisation. Dans les faits, le système scolaire saoudien ne forme que des bons à rien que même les entreprises saoudiennes hésitent à embaucher comme travailleurs qualifiés. D’où le taux de chômage d’environ 40% chez les jeunes hommes du pays.

Environ 70% des emplois offerts aux Saoudiens le sont dans la fonction publique.

Le bilan de la Future Investment Initiative

À l’issue de la conférence de cette année, les dirigeants saoudiens se sont empressés de souligner qu’elle avait été un grand succès, permettant la signature de contrats évalués à cinquante-milliards de dollars.

Le message sous-jacent est clair; toute tentative de nous nuire est vaine. Notre influence est telle qu’elle nous permet de triompher de tous les obstacles.

La réalité est toute autre.

À l’édition de cette année, l’assistance a été constituée principalement d’hommes habillés à la manière musulmane, c’est-à-dire des Saoudiens et des alliés régionaux de l’Arabie saoudite.

Environ 68% des contrats signés cette année concernent Aramco, la pétrolière de l’État saoudien.

Les entreprises occidentales qui ont signé des contrats avec elle sont des pétrolières étrangères (dont la française Total), des entreprises américaines spécialisées dans la fourniture d’équipement pétrolier ou la recherche d’hydrocarbures, des banques et des fonds d’investissement spéculatifs.

Bref, rien pour diversifier l’économie du pays.

Le message est clair : si l’Arabie saoudite veut la technologie occidentale, elle devra s’occidentaliser.

Aussi bien dire que ce n’est pas demain la veille.

Maintenant que cette conférence a été un échec, on commence déjà à voir l’intérêt pour l’affaire Khashoggi s’estomper dans nos médias puisque ceux qui en tirent les ficelles ont atteint leur objectif.

Références :
Meurtre au consulat : du fait divers aux ressorts d’une crise internationale
Saudi conference shunned by west secures £39bn in deals
Vision 2030 : la Grande séduction saoudienne

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Écrit par Jean-Pierre Martel