Grand parleur, petit faiseur

Publié le 28 février 2011 | Temps de lecture : 5 minutes

Le 23 février 2011, M. Charest prononçait le discours inaugural d’une nouvelle session parlementaire. Son gouvernement se donne cinq priorités :
   • l’éducation
   • l’emploi
   • le développement durable
   • la maîtrise de nos ressources
   • et la santé.

L’éducation

Les parents dépensent une fortune à chaque début d’année pour l’achat de matériel scolaire. Les bibliothèques scolaires du Québec manquent de livres. Ceci étant dit, le gouvernement annonce que chaque classe du Québec sera bientôt dotée d’un tableau blanc intelligent et que tous les professeurs seront munis d’un ordinateur portable. Mais y a-t-il encore un seul professeur au Québec qui n’ait pas déjà un ordinateur portable ?

Pourquoi parle-t-on tant des révolutions dans les pays arabes alors que c’est ici que surviennent les plus grands changements. Imaginez : passer de tableaux noirs à des tableaux blancs. Non pas blanc cassé, pas blanc écru, ni même coquille d’oeuf: non, non, blanc intelligent. Quelle merveilleuse révolution décorative. Comme quoi on n’arrête pas le progrès, même sous les libéraux.

Les élèves de 6e année du primaire consacreront la moitié de leur année à l’apprentissage intensif de l’anglais. Nulle part dans le discours inaugural est-il question de la défense du français. Après avoir légalisé les écoles passerelles et sabré dans les cours de francisation des immigrants, le gouvernement affiche sa priorité : la promotion de l’anglais. Je n’ai rien contre l’anglais mais est-il possible que le français soit plus menacé au Québec que l’anglais ?

L’emploi

Le chômage au Québec — à 7,6% en décembre 2010 — est le plus faible depuis plus d’une décennie. Toutefois, cette diminution n’a rien de remarquable puisqu’elle suit une tendance canadienne.

Taux de chômage au Canada, de 1988 à 2008

La maîtrise de nos ressources

Comme l’aveugle qui retrouve miraculeusement la vue, le gouvernement Charest annonce que la maîtrise de nos ressources naturelles sera sa priorité. Toute une volteface.

La santé

En 2003, les libéraux de Jean Charest s’étaient engagés à éliminer les listes d’attente en santé. Depuis, le gouvernement Charest se félicite du ralentissement de la vitesse d’accroissement des listes d’attente. En 2009, le ministre de la Santé annonçait qu’il ne se fixait plus aucune cible de réduction ni d’échéancier à atteindre en ce qui concerne les délais d’attente dans les urgences des hôpitaux.

Pour ce qui est de la pénurie des médecins, c’est la faute au Parti Québécois; selon M. Charest, si le PQ n’avait pas mis à la retraite des centaines de médecins au siècle précédent, nous ne manquerions pas de médecins aujourd’hui. Malheureusement la majorité des médecins mis à la retraite par le PQ sont aujourd’hui décédés ou lourdement handicapés par l’âge. Donc la pénurie actuelle dépend du gouvernement actuel.

Le développement durable

Il serait plus juste de parler d’appauvrissement durable.

Durant neuf des dix dernières années du gouvernement du Parti québécois, la croissance économique du Québec a dépassé la moyenne canadienne. À telle enseigne que le gouvernement fédéral avait décidé — à juste titre — de réduire légèrement la péréquation versée à notre province.

Aussitôt arrivé au pouvoir, le gouvernement Charest a coupé à tort et à travers dans les dépenses publiques afin de dégager — sans succès — le milliard de dollars promis comme réduction d’impôts aux riches contribuables, provoquant ainsi une contraction de l’économie. Résultat? La croissance économique du Québec est redevenue sous la moyenne dès la première année de son accession au pouvoir et n’a pas cessé de l’être depuis.

Historiquement, le Québec a toujours dégagé d’importants surplus dans ses échanges internationaux. Pour la première fois de son histoire, en 2004 — soit un an après l’arrivée au pouvoir de M. Charest — le Québec s’est retrouvé avec un déficit commercial de 600 millions. Puis, avec un déficit de 6 milliards en 2005, 17 milliards en 2008, et 12 milliards en 2009. En 2010, ce déficit fut de 16,4 milliards, soit 5% du PIB.

Un déficit commercial, c’est de l’argent qui quitte le Québec pour aller créer des emplois ailleurs.

C’est au cours du règne de M. Charest que la Caisse de dépôt et de placement a perdu 25% de la valeur de ses actifs, comparativement à 18,4% pour la moyenne des grandes caisses de retraite canadiennes. De plus, le porte-feuille des investissements de la Caisse n’a jamais comporté aussi peu d’actions d’entreprises québécoises (environ 15%). En somme, notre argent sert à créer des emplois ailleurs.

Conclusion

Au point de vue strictement économique, le gouvernement Charest est le pire qu’ait connu le Québec depuis très longtemps.

Références :
La Caisse de dépôt et de placement dévoile ses résultats – Le rendement jugé insuffisant
Le ministre Bolduc se rétracte
Vers un choc économique

Note : Photo de M. Charest par le journal Le Devoir.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le Lys et le fumier

Publié le 18 février 2011 | Temps de lecture : 6 minutes
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Le 21 septembre 2009, le vérificateur général de la ville de Montréal, M. Jacques Bergeron, remettait un rapport de 170 pages révélant que les importantes anomalies relativement à un contrat de 356 millions$ — le plus gros de l’histoire de la ville — pour des compteurs d’eau. Face au scandale que cela a provoqué, ce contrat a finalement été annulé.

Quelques mois plus tard, le vérificateur annonce son intention de scruter les contrats de téléphonie totalisant une somme de 100 millions$ accordés à TELUS. L’administration Tremblay lui laisse alors des délais ridiculement brefs pour effectuer cette vérification. Comme si on voulait qu’il n’ait le temps de ne rien trouver. Le vérificateur a dû se battre bec et ongles afin d’obtenir suffisamment de temps pour effectuer son enquête.

Plus tôt cette semaine, nouveau scandale : on apprenait que l’administration Tremblay a fait espionner son vérificateur général pendant dix mois.

Ce qui est étrange, c’est qu’on ne sait rien de la plainte anonyme qui justifierait cette surveillance. Plus précisément, a-t-on fait enquête strictement sur l’objet de la plainte ou en a-t-on profité pour chercher des puces au vérificateur ?

De plus, l’enquête n’a pas été confiée à un organisme indépendant : c’est la ville qui a surveillé son surveillant.

Qu’a-t-on trouvé ? Des niaiseries. Des milliers de dollars de gaspillage alors que l’administration Tremblay en gaspille des millions. Selon toute évidence, on s’est acharné sur lui pendant dix mois dans l’espoir qu’on trouverait finalement quelque chose de juteux. En vain.

Retour en arrière

Lorsque Gérald Tremblay a décidé de se présenter à la mairie de Montréal, je trouvais que cela était une bonne nouvelle. Gérald Tremblay avait été un remarquable ministre provincial de l’industrie et du commerce. Sa politique des grappes industrielles avait porté fruit et c’était un excellent communicateur. Bref, il avait tout pour lui.

Quand le scandale des compteurs d’eau a éclaté, M. Tremblay s’est présenté comme le lys poussant dans le fumier : des subalternes étaient coupables, il n’était au courant de rien, etc. Ses explications ne m’ont pas vraiment convaincu mais j’ai préféré lui laisser le bénéfice de doute.

Au cours de la campagne électorale municipale qui a suivi, j’ai été scandalisé par l’orgie des dépenses publicitaires. Aux trente minutes, à la station radiophonique syntonisée au travail, on présentait une réclame (toujours la même) qui vantait la droiture et l’honnêteté de M. Tremblay. Encore là, M. Tremblay se présentait comme l’incarnation du maire intègre, blanc comme le lys.

Je trouvais que M. Tremblay avait du front tout autour de la tête, non seulement après le scandale des compteurs d’eau, mais aussi après toutes les magouilles de ses collaborateurs révélées au cours de son premier mandat.

Surtout, d’où provenait donc tout cet argent ? On parle de 1,5 million$.

Retour au présent

Depuis des mois, l’administration Tremblay est à couteaux tirés avec le vérificateur, surtout depuis que le nouveau DG s’est fait prendre à révéler à TELUS le rapport confidentiel du vérificateur relatif au contrat obtenu par cette compagnie.

On nous dit que le vérificateur aurait une personnalité un peu spéciale. Je crois deviner qu’il aurait un tempérament ombrageux. Mais peu importe. Il n’est pas payé pour être gentil ; il est payé pour s’assurer que nos taxes sont bien dépensées.

Personnellement je ne le trouve pas suffisamment perspicace. Le scandale des compteurs d’eau, c’est une journaliste du Devoir qui l’a révélé. Le vérificateur n’a fait que confirmer la véracité des écrits de Mme Kathleen Lévesque. Pour le contrat de TELUS, ce sont les journalistes de La Presse qui anticipent des dépassements de coûts.

Déjà on a modifié la Loi électorale pour limiter les dépenses des candidats au niveau municipal. Maintenant on doit modifier les lois municipales pour mieux protéger l’indépendance des vérificateurs municipaux. Combien de lois devra-t-on encore modifier à l’avenir pour prévenir la répétition d’abus de l’entourage de Gérald Tremblay ?

Conclusion

La volonté du maire de Montréal de mettre fin à la série de scandales qui ont ébranlé son administration sera plus crédible lorsque M. Tremblay cessera de toujours se porter à la défense des fautifs et lorsqu’il commencera à prendre des mesures punitives contre eux plutôt que de s’attaquer à ceux qui révèlent les fautes de son administration.

Une réelle volonté de s’attaquer à la corruption municipale signifie surveiller l’attribution des contrats importants : ceux relatif aux infrastructures, à la construction de nouveaux édifices ou à leur rénovation. Bref, les contrats juteux qui permettent de se graisser la patte.

Le pouvoir de dépenser du vérificateur général est insignifiant. Il consiste à acheter de la papeterie pour son personnel et d’autres dépenses minimes.

En cautionnant l’espionnage du vérificateur général de la ville (dont il a transmis le dossier à la Sécurité du Québec, reconnait-t-il), le maire Tremblay fait la démonstration évidente que ce qui l’intéresse, ce n’est pas de s’attaquer à la corruption mais plutôt aux accusations de corruption. L’important pour son administration, ce n’est pas d’être honnête mais simplement de sembler l’être. Bref, de la pure hypocrisie.

Références :
Chef d’orchestre des compteurs d’eau à Montréal – BPR a envahi le monde municipal
Compteurs d’eau: Zampino nie être intervenu
Contrat à Telus: le vérificateur contredit le maire Tremblay
La Ville de Montréal fait l’unanimité contre elle
Le DG de Montréal se défend
Le scandale des compteurs d’eau
Modernisation du réseau téléphonique à Montréal
Police! Police!
Scandale des compteurs d’eau

Détails techniques de la photo : Canon Powershot G6 — 1/25 sec. — F/2,0 — ISO 400 — 7,2 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Une injustice de moins

Publié le 5 février 2011 | Temps de lecture : 3 minutes

Partout dans le monde, de jeunes gens sont déshérités et rejetés par leur communauté parce qu’ils ont contracté un mariage (souvent inter-religieux) à l’encontre de la volonté de leurs parents. Dans des cas extrêmes, ce rejet peut aller jusqu’à la lapidation de la personne qui a enfreint ainsi les tabous de sa secte.

Au Canada, les rejets les plus fréquents concernent les autochtones expulsés de leur réserve.

Depuis toujours, un autochtone de sexe masculin peut épouser une « blanche », conserver son statut d’indien et le transmettre à ses enfants. À l’opposé, avant 1985, une autochtone de sexe féminin qui épousait un « blanc » perdait automatiquement son statut d’indien. Cette « malédiction » s’étendait également à sa progéniture.

Dans certains cas, elle pouvait bénéficier de la tolérance de sa communauté et demeurer dans la réserve pendant un certain temps. Mais inévitablement, un ordre d’expulsion la chassait de sa communauté. Certaines réussissaient à refaire leur vie à l’extérieur : d’autres, moins chanceuses, connaissaient la misère.

En 1985, on a aboli partiellement cette différence de traitement : les femmes pouvaient conserver leur statut d’indien. Toutefois, elles ne pouvaient toujours pas transmettre ce titre à leurs « bâtards », contrairement à la progéniture née de l’union entre un homme indien et une « blanche ».

Il a fallu un jugement de Cour d’appel de la Colombie-Britannique, en 2009, pour forcer le gouvernement fédéral à corriger cette discrimination.

Depuis l’entrée en vigueur, le lundi 31 janvier dernier, de la Loi sur l’équité entre les sexes relativement à l’inscription au Registre des Indiens, 45 000 descendants autochtones ont retrouvé leur statut d’indiens.

Cette bonne nouvelle ne doit pas nous faire oublier que le contexte législatif canadien concernant chaque indien — dont l’identité est consignée dans un registre national — découle de vieux traités anglais coloniaux. Leurs dispositions racistes, basées sur la pureté du sang, seraient aujourd’hui invalidées par n’importe quel tribunal international.

On doit se rappeler que le pape Jean-Paul-II a condamné publiquement le sort que réserve le Canada aux premières nations de ce pays et que le système des réserves indiennes au Canada et aux États-Unis a servi de modèle à la création de l’apartheid en Afrique du Sud.

Donc à défaut d’avoir renégocié ces vieux traités honteux à la satisfaction de toutes les parties concernées, on en est rendu à rapiécer une législation raciste pour lui donner un semblant de justice et d’équité.

Référence : 45 000 Canadiens pourront retrouver le statut d’Indien

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le financement des partis politiques

Publié le 25 janvier 2011 | Temps de lecture : 6 minutes


 
Dans mon billet d’avant-hier relatif à la Commission Bastarache, je signalais mon appui aux modifications apportées à la loi sur le financement des partis politiques, en particulier au sujet de la diminution de la contribution maximale permise, de même qu’au sujet du renforcement des mesures contre les prête-noms.

Apparemment, ce court passage a fait bondir Serge P. qui m’écrivait hier un commentaire très bien écrit et qui, chiffres à l’appui, s’oppose au financement public des partis politiques.

Je vous invite à lire ce commentaire. Toutefois, je ne partage pas l’avis de son auteur. Voici pourquoi.

La naissance de la démocratie :

C’est en Grèce, au du VIe siècle avant Jésus-Christ, qu’est née la démocratie. Le mot « Démocratie » vient d’ailleurs du grec et signifie littéralement « Pouvoir du peuple ».

Dans la cité-État d’Athènes, chaque citoyen possédait un droit égal de choisir la composition de l’Assemblée des citoyens. Dans les faits, ni les femmes, ni les esclaves, ne possédaient le statut de citoyen et par conséquent, n’avaient le droit de vote.

Au fil des siècles, le concept de la démocratie a évolué. Par exemple, en Angleterre, les locataires ont dû attendre jusqu’en 1867 pour obtenir le droit de vote. Ici même au Québec, les femmes n’ont obtenu ce droit qu’en 1940.

Le pouvoir de l’argent

Mais la démocratie, c’est davantage que le suffrage universel. En effet, qu’est-ce que ça donne au peuple de choisir ses dirigeants si ces derniers, dès qu’ils sont élus, s’avèrent à la solde d’intérêts particuliers.

Effectivement, comment les élus pourraient-ils ne pas être reconnaissants envers ceux qui leur ont donné les moyens financiers de convaincre les électeurs de voter pour eux ?

C’est pourquoi la loi québécoise de 1977 limitant les contributions politiques — une mesure imitée depuis par la France en 1988 et par le gouvernement fédéral en 2003 — représente une révolution démocratique complémentaire et toute aussi importante que le Révolution française. À mon avis, le suffrage universel sans remise en question du financement privé des partis politiques, c’est une démocratie inachevée.

Le moyen retenu par le gouvernement du Parti québécois en 1977 était de plafonner à 3,000$ le maximum d’une contribution électorale — ce qui limitait principalement les contributions des entreprises et syndicats — et de compenser partiellement cette perte de revenus par un financement public basé sur l’appui populaire obtenu lors du dernier scrutin.

Le nouveau plafond des contributions privées

Dernièrement, le plafond a été abaissé à 1,000$. Il est douteux qu’un grand nombre de citoyens « ordinaires » aient été affectés par cette mesure. Celle-ci touche exclusivement les contributions des personnes morales et celles d’une haute bourgeoisie. Or on sait qu’au moins occasionnellement, ces contributions sont effectuées dans l’espoir d’obtenir les faveurs de nos élus.

Par exemple, la Commission Bastarache nous a pris que des contributions généreuses à la caisse du Parti libéral étaient une condition sine qua non de l’accès à la magistrature depuis que le gouvernement Charest a modifié le processus de nomination des juges.

Donc cette nouvelle limite renforce le pouvoir du peuple sur les partis politiques puisqu’il augmente l’importance des contributions modestes.

Le financement public

En vertu de la loi 118, votée par l’Assemblée nationale en décembre dernier, l’allocation annuelle versée par l’État aux partis politiques — qui était inchangée depuis 1992 — passera de 0,50 $ à 0,82 $ par électeur inscrit sur la liste électorale.

Baser cette allocation sur les électeurs inscrits — et non les votes exprimés — protège les partis politiques du pourcentage variable d’abstention d’une élection à l’autre. On pourrait argumenter que si les partis politiques étaient payés par vote, ils se forceraient d’avantage pour motiver les gens à participer aux scrutins.

Théoriquement, cela est logique. Dans les faits, le pourcentage de participation aux scrutins dépend beaucoup des enjeux électoraux. Si les programmes des partis se ressemblent trop — ce qui est le cas quand les intérêts supérieurs de la Nation sont évidents pour tous — la participation au scrutin diminue. Si l’accession au pouvoir d’un parti est perçue comme étant un grave danger — surtout si cette menace est probable — la participation au scrutin augmente.

Dans le documentaire « À hauteur d’homme », le cinéaste Jean-Claude Labrecque montre bien comment Radio-Canada s’est acharné à faire déraper la campagne électorale de Bernard Landry, pourtant un des meilleurs premiers ministres que le Québec ait connu. Au lieu d’entendre parler de ce que le parti de M. Landry voulait accomplir s’il était réélu, les auditeurs de Radio-Canada ont été assommés par une controverse dépourvue d’intérêt autour d’un reportage inexact publié dans un journal régional. Conséquemment, les résultats du scrutin (et son taux de participation) en ont été affectés.

Financement public vs privé

Le financement public est le reflet de la volonté populaire. Le financement privé de partis politiques est le reflet du poids économique de leurs partisans. L’un et l’autre sont nécessaires.

Sans financement privé, les partis d’opposition sont à la merci du bon vouloir du parti au pouvoir. Ce dernier peut se traîner les pieds et retarder le versement des allocations publiques prévues en faveur de ses opposants politiques. Il peut également modifier la loi (lorsqu’il est majoritaire) pour abolir le financement public si cela lui convient.

En conclusion, le suffrage universel a pris plus de deux millénaires à se réaliser pleinement : on peut se permettre de prendre quelques décennies pour trouver un juste équilibre entre les financements privé et public des partis politiques.

Références :
Démocratie
Droit de vote des femmes
Financement des partis politiques français
Loi régissant le financement des partis politiques
Reform Act de 1867

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’utilité de la Commission Bastarache

Publié le 21 janvier 2011 | Temps de lecture : 4 minutes

Depuis le dévoilement de ses conclusions mercredi dernier, la Commission d’enquête sur le processus de nomination des juges est l’objet de diverses critiques qui vont jusqu’à remettre en question le bien-fondé de la création d’une telle commission.

Je ne veux pas parler des coûts que cela a occasionnés. Il est clair que si les Québécois avaient eu le choix entre payer pour cette commission (6 millions$) ou pour une élection provinciale (90 millions$), ils auraient sans doute préféré payer pour se débarrasser du gouvernement le plus corrompu depuis Duplessis et ainsi corriger plusieurs problèmes à la fois.

Mais nous n’avons pas eu ce choix. D’où la question suivante : cette commission, était-ce une bonne idée ? Peu importe le résultat, ma réponse est que cette commission était nécessaire.

Dans un pays démocratique, les citoyens doivent avoir confiance envers leur système judiciaire. Or la crédibilité de notre système a sérieusement été ébranlée — à juste titre, si on en juge par ce qu’on a appris depuis — par les accusations de l’ex-ministre de la Justice du Québec, Me Marc Bellemare.

Sans que cela ait été prévisible au moment de sa création, cette commission a fait la lumière sur les mécanismes intimes du favoritisme politique relatif à la nomination des juges. On sait maintenant que le gouvernement Charest a modifié les règles qui prévalaient au Québec depuis des décennies.

Les règles antérieures visaient à protéger le processus de la cabale des candidats et à minimiser la politicaillerie. Les règles instaurées par le gouvernement actuel visaient, au contraire, à prendre dorénavant en considération « l’allégeance politique » des candidats à la magistrature.

Concrètement, au Cabinet du premier ministre, Mme Landry avait pour tâche de vérifier les contributions à la caisse électorale du Parti libéral du Québec, le bénévolat lors des campagnes électorales du Parti, les services rendus lors des levées de fonds du Parti, pour finalement faire en sorte que ces futilités soient prises en considération par le Conseil des ministres.

Bref, il s’agissait d’une parmi les nombreuses mesures qui visaient à transformer l’appareil de l’État en machine à sous pour le Parti libéral du Québec.

Grâce aux travaux de la commission, tout cela a été révélé honteusement. On doit maintenant se demander si ce rapport aura des suites ? Je le crois.

Déjà, dans le domaine des contributions politiques, le gouvernement Charest a diminué le maximum permis par la Loi et a renforcé les mesures contre les prête-noms. Cela est bien.

Dans ce cas-ci, l’ex- juge Bastarache — reconnu pour une prudence que certains jugent excessive — a qualifié le système actuel de «perméable aux interventions et influences de toute sorte, notamment celles de députés, de ministres, de membres de partis politiques, d’avocats ou des candidats eux-mêmes». La liste est longue. Il a formulé 46 recommandations. L’avenir nous dira quelle est l’importance que le gouvernement Charest attache à rétablir la confiance des citoyens dans le processus d’accès à la magistrature.

Si le gouvernement actuel désire avoir de meilleures chances d’être réélu, il devra s’appliquer dorénavant à travailler plus activement dans l’intérêt national. L’ex-juge Bastarache lui en donne l’occasion…

Références :
Combien coûte une élection?
Commission d’enquête sur le processus de nomination des juges du Québec
Le processus est à revoir parce que «perméable aux influences»
Nomination des juges – Vade retro, Satanas

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La censure de « Money for nothing » de Dire Straits

Publié le 14 janvier 2011 | Temps de lecture : 3 minutes

Dire Straits est un groupe de rock britannique créé en 1977 : le quatuor s’est dissout en 1993 après avoir vendu plus de 120 millions d’albums.

Un de leurs plus grands succès est « Money for nothing », publié sur l’album « Brothers in Arms » (1985). Cette chanson reprend ironiquement les propos hostiles entendus d’un vendeur d’appareils électroménagers contre les vedettes rock : selon lui, ces artistes mènent une vie aisée, l’argent coulant à flot et les filles acceptant de coucher avec eux facilement (money for nothing and chicks for free).

À la suite d’une plainte d’un auditeur de Terre-Neuve, le Conseil canadien des normes de la radiotélévision a récemment décidé d’interdire cette chanson sur les ondes canadiennes. En effet, à trois reprises, on peut y entendre le mot « tapette » (faggot). Selon l’organisme de règlementation canadienne, « Faggot est un mot qui, même s’il était entièrement ou marginalement acceptable à une époque précédente, ne l’est plus.»

À mon avis, on ne peut pas réécrire l’histoire. Toutes les œuvres artistiques reflètent les mentalités qui prévalaient au moment de leur création.

À titre d’exemple, dans les films de Sacha Guitry, les femmes ne servent que de faire-valoir au cinéaste-comédien. On comprend facilement que des spectatrices d’aujourd’hui peuvent ne pas apprécier son humour cinglant. Pourtant c’est lui le parolier d’une chanson féministe écrite pour sa maitresse Yonne Printemps (« J’ai deux amants »).

Ce qui n’était qu’un jeu ou une parodie à une époque, peut prendre ultérieurement un sens différent alors que le temps a effacé les repères qui permettaient aux spectateurs ou auditeurs du temps de relativiser l’œuvre.

Doit-on interdire tous les romans, films et opéras susceptible de heurter les mentalités d’aujourd’hui ? Si oui, vous risquez de ne jamais plus entendre « Cosi fan tutte » et « La flute enchantée » de Mozart, ni « Les pèlerins de la Mecque » de Gluck, ni « Il Trovatore » de Verdi, pour ne nommer que ceux-là ; les deux premiers accusés de misogynie, le troisième d’islamophobie et le dernier de racisme (les Bohémiens seraient des voleurs d’enfant).

Quelqu’un qui fredonnerait aujourd’hui un couplet de « Money for nothing » dans le but précis d’offenser ou de harceler un homosexuel, ou une station de radio qui ferait de cet extrait un hymne homophobe, joué à répétition, pourrait être accusé de harcèlement. Mais interdire une œuvre ancienne par rectitude politique est, à mon avis, excessif et nous prive de la faculté de constater l’évolution des mentalités dans nos sociétés depuis la création de cette œuvre.

Être cultivé, c’est avoir la faculté d’apprécier une œuvre au-delà des barrières culturelles qui se sont dressées depuis entre son créateur et nous.

Références :
Dire Straits
Dire Straits’ ‘Money for Nothing’ Banned in Canada
Une chanson de Dire Straits jugée homophobe

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Corruption : la faille « Vaillancourt » doit être colmatée

Publié le 4 décembre 2010 | Temps de lecture : 3 minutes
© 2010 — Canoe.tv

Le député fédéral Serge Ménard est un des politiciens les plus honnêtes que je connaisse. Précisons que je ne le connais pas personnellement : à l’époque où Me Ménard ne faisait pas encore de politique, j’ai eu l’occasion de travailler avec son épouse (que je ne nommerai pas au cas où il aurait changé de compagne depuis) et pour cette raison, j’ai suivi avec intérêt sa vie publique.

Selon le témoignage de ce député devant le comité d’éthique de la Chambre des Communes, le Code criminel fédéral interdit la tentative de corruption d’un député ou d’un fonctionnaire mais ne prévoit rien lorsque la tentative de corruption s’exerce auprès d’un candidat qui n’est pas encore élu.

D’autre part, la loi québécoise sur le financement des partis politiques interdit le versement d’argent comptant dans le cadre d’une campagne électorale. Toutefois, dans le cas d’une tentative de corruption qui échoue, cela ne constitue pas une infraction à la loi : la tentative devient illégale seulement lorsque l’argent comptant est accepté (ce que, incidemment, le Parti libéral du Québec semble avoir oublié).

Maintenant que cette lacune du Code criminel canadien est connue de tous, les représentants de la coalition implicitement au pouvoir à Ottawa — soit les députés Steven Blaney et Sylvie Boucher (du Parti Conservateur), et Denis Coderre (du Parti libéral du Canada) — ont le devoir de travailler à colmater la fissure révélée par Me Ménard. Leur défaut d’agir confirmerait le préjugé à l’effet que cet exercice parlementaire n’avait pour but que d’embarrasser Me Ménard et non de promouvoir l’amélioration des mœurs politiques au pays.

Référence :
Le témoignage de Serge Ménard, minute par minute


Post-Scriptum du 2 décembre 2016 : Le 1er décembre 2016, Gilles Vaillancourt, ex-maire de Laval, plaidait coupable à trois chefs d’accusation pour fraude, complot et abus de confiance. Selon l’entente intervenue entre la poursuite, la défense et la ville de Laval, M. Vaillancourt accepte de rembourser de 8,7 millions à la ville, incluant la remise de son luxueux condo et le renoncement à la pension de la ville. La durée de son emprisonnement sera connue au prononcé de sa sentence, le 15 décembre 2016.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Charest, parrain du Parti libéral du Québec

Publié le 20 novembre 2010 | Temps de lecture : 2 minutes

Samedi dernier, à l’ouverture du 9e congrès annuel de l’Action démocratique du Québec (ADQ), le chef Gérard Deltell a reproché au Premier ministre du Québec de se comporter comme le « parrain » de la famille libérale.

Grand promoteur des PPP, le Premier ministre serait-il devenu lui-même un exemple de PPP (Parrain d’un Parti Pourri) ?

Le mardi suivant, André Pratte (l’éditorialiste en chef de La Presse) s’indignait de voir M. Deltell « créer, sournoisement, une association entre M. Charest et le crime organisé.» Apparemment, l’éditorialiste de La Paresse vient de se réveiller ; pour lui le Président de l’ADQ est la première personne au monde à créer une telle association. De toute évidence, l’éditorialiste ne lit pas les journaux. Quel mauvais exemple.

Aujourd’hui, Gil Courtemanche (son homologue du Devoir), ironise sur le même sujet. Dans un éditorial drôle et cinglant qui mérite à lui seul l’achat de l’édition de fin de semaine, M. Courtemanche écrit : « Jean Charest s’est comporté comme un parrain idéal pour sa famille. Il a même engagé (…) Chantal Landry, qui dresse pour le parrain (…) la liste des membres méritants de la famille.»

Pour ceux qui n’ont pas suivi les travaux de la Commission Bastarache, rappelons que Mme Landry est directrice-adjointe du cabinet du premier ministre. Pour le bénéfice du Conseil des ministres, c’est elle qui vérifie l’allégeance politique et les contributions à la caisse de Parti libéral du Québec des personnes à nommer à la magistrature ou aux conseils d’administration des organismes relevant de l’État.

Références :
Charest ne mérite pas ça
Charest se comporte en «parrain», dit Deltell

Note : Photo de M. Charest par le journal Le Devoir.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le coût de la corruption

Publié le 19 novembre 2010 | Temps de lecture : 2 minutes


 
Avant-propos : voici une réplique que j’ai publiée aujourd’hui sur le site de Radio-Canada en réponse à un message d’une personne dont le pseudonyme est Luc017.

Luc017 écrit :

Savez-vous pourquoi Pauline Marois tient tant à une commission d’enquête?

Madame Marois n’est qu’une parmi les millions de québécois qui réclament une commission d’enquête. Sa motivation personnelle n’a pas d’importance.

Le gouvernement Charest est le plus corrompu que le Québec ait connu depuis Duplessis. À la différence que les mentalités ont changé depuis cinquante ans.

Autrefois, on considérait normal d’offrir un présent pour rendre hommage aux puissants dont on voulait obtenir la faveur. Dans la bible chrétienne, n’est-ce pas ce que les rois mages ont fait en rendant visite à l’enfant Jésus à Bethléem ?

Mais les temps ont considérablement évolués. Aujourd’hui, on considère que nos élus sont là pour gérer le bien collectif dans l’intérêt de tous. Nous ne sommes pas devenus cyniques à l’égard des politiciens : on est devenu plus exigeant. Cela est très différent.

Quand des entrepreneurs pillent le trésor public avec la complicité des élus (moyennant une petite contribution amicale), les citoyens crient au scandale. À juste titre : c’est leur argent qu’on gaspille ainsi.

Le budget annuel du Parti libéral québécois est de quelques millions par année. Dans l’ensemble de l’économie québécoise, cette somme est insignifiante.

Mais à partir du moment où il s’agit de la contribution des invités au sac des finances publiques — en vertu de quoi, moyennant quelques milliers de dollars, on obtient le droit à l’admission à la magistrature, le droit à des contrats sans appel d’offre, le droit de dépasser les coûts des contrats qu’on a obtenus, le droit de piller nos richesses naturelles (Mont-Orford, gaz de schiste), etc.,— cela représente des sommes colossales.

Et c’est ce gaspillage de notre argent que nous sommes exaspérés de voir. Sommes-nous si déraisonnables ?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le Conseil du statut de la femme se couvre de ridicule

Publié le 3 novembre 2010 | Temps de lecture : 3 minutes
© — Bandeau du site du Conseil du statut de la femme, au 2010/11/03

Hier l’Institut Simone de Beauvoir de l’Université Concordia accusait le Conseil du statut de la femme (CSF) de manquer de rigueur scientifique dans son opposition à la légalisation de la prostitution. Effectivement, le 29 septembre dernier, en réaction à un jugement de la Cour supérieure de l’Ontario, le CSF déclarait que « la prostitution représente la forme ultime de la violence faite aux femmes.»

Personne ne doute que ce métier puisse comporter des dangers mais comment peut-on soutenir sérieusement qu’il vaut mieux se faire poignarder et mourir vidée de son sang, qu’il vaut mieux être lapidée, ou qu’il vaut mieux être battue à mort, que de choisir d’exercer le métier de prostituée. C’est pourtant ce que soutient le CSF dans sa rhétorique ridicule.

Si, comme le soutient l’Institut Simone de Beauvoir, la littérature scientifique prouve que la répression policière empêche les prostituées de travailler dans un environnement sécuritaire, le CSF rend-il service à ces femmes-là en s’opposant à la légalisation de la prostitution ? Aveuglé peut-être par de nobles principes moraux, le CSF n’est-il pas ainsi le complice involontaire de la violence faite aux travailleuses du sexe ?

Sauf l’avant-dernière phrase du communiqué du CSF, il n’y a rien dans ce document qui est de nature à susciter l’adhésion générale. C’est un fouillis de phrases sans queue ni tête. Par exemple, « la prostitution n’est pas un métier » (c’est quoi alors ?), « il serait dommageable pour toutes les femmes ainsi que pour l’ensemble de la société qu’elle soit légalisée » (je ne vois pas en quoi cela m’affecterait), « elle porte atteinte à l’égalité entre les femmes et les hommes » (dans la mesure où la légalisation concerne autant les hommes prostitués que les femmes prostituées, je ne vois pas de rapport).

En somme, on devrait s’attendre à ce que les avis d’un organisme aussi important que le CSF représente l’excellence en matière de réflexion des femmes au sujet des grands enjeux sociaux. Au lieu de cela, l’opinion du CSF au sujet de la prostitution est un ramassis de phrases creuses qui discréditent cet organisme. On croirait entendre l’écho du Tea Party américain.

Références :
Simone de Beauvoir Institute’s Statement A Feminist Position on Sex Work
La légalisation de la prostitution au Canada
Réaction au jugement de la Cour supérieure de l’Ontario — La prostitution : une atteinte à la dignité des femmes

Paru depuis :
La prostitution, stratégie de survie dans le Montréal du XIXe siècle (2021-04-09)

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Écrit par Jean-Pierre Martel