Les noms des Québécois

Publié le 12 juillet 2016 | Temps de lecture : 5 minutes

Il y a des modes pour tout.

Si les noms de famille révèlent la lignée héréditaire, ce n’est pas le cas des prénoms, laissés au choix des parents.

Selon les peuples, les critères de sélection varient.

Il n’y a pas si longtemps au Québec, on donnait souvent au nouveau-né le prénom d’un ainé admiré dans le clan familial (celui d’un grand-père, par exemple). C’était souvent un prénom secondaire apparaissant sur le certificat de naissance, mais rarement utilisé dans la vie de tous les jours.

Dans un pays comme le Vietnam, c’était la dernière chose à faire. Par respect, personne d’autre ne portait ce prénom jusqu’à la mort du patriarche. Pour éviter que si, en grandissant, ce nouveau-né se transforme en adulte peu recommandable, il entache le prestige que l’ainé a créé autour de son nom.

Chez les Slaves et les Scandinaves (deux sociétés patriarcales), chaque personne reçoit un prénom, suivi d’un deuxième qui est celui spécifique du père.

En Russie Boris, fils d’Alexandr, s’appellera Boris-Alexandrovitch. Et Kira, fille de Gueorgui (c’est-à dire Georges), s’appellera Kira-Gueorguievna.

Il y a des siècles, le Suédois Andreas, fils de Karl, s’appelait Andreas Karlsson avant que Karlsson ne devienne un nom de famille au lieu de n’être qu’une signe de filiation permettait de distinguer cet Andreas des autres.

En Europe, l’admiration pour une vedette de cinéma (Alain pour Alain Delon), une chanteuse populaire (Céline pour Céline Dion), ou un athlète célèbre, a multiplié le nombre des nouveau-nés portant le même prénom.

Finis donc les Télesphore, les Alphonse, et les Ovide. Et disparue (croit-on) la honte d’être stigmatisé à cause de son prénom, comme le chantait si bien Fernandel au sujet d’Ignace… à moins, évidemment, que les prénoms populaires aujourd’hui deviennent la risée des générations futures.

Au Québec, depuis 1980, les dix prénoms masculins les plus populaires sont (en ordre décroissant) : Alexandre, Maxime, Samuel, Mathieu, Jonathan, Gabriel, David, Olivier, Simon et Nicolas. Comme aux États-Unis, la mode masculine est aux personnages bibliques, ce qui révèle de la montée du sentiment religieux chez les jeunes parents.

Et pour les amateurs des tendances les plus récentes, le palmarès de 2015 est le suivant : Thomas, William (et non son équivalent français, soit Guillaume), Jacob, Liam, Félix, Nathan, Samuel, Logan (qui signifie trou en Écossais), Alexis et Noah (soit Noé en anglais).

Ici on perçoit l’influence des séries télévisées américaines et des personnages de jeux vidéos.

Chez les fillettes, c’est différent. Oubliez les diminutifs de prénoms masculins (Claudette, Pierrette, Yvette, etc.) et les prénoms qui suggèrent l’image d’une femme passive. Les dix prénoms féminins les plus populaires depuis 1980 sont : Stéphanie, Catherine, Jessica, Émilie, Audrey, Julie, Valérie, Mélissa, Sarah et Mélanie.

Et le dernier cri, en 2015, c’est Emma, Léa, Olivia, Alice, Florence, Zoé, Chloé, Béatrice, Charlotte, et Rosalie. Alors qu’on dénombrait 1 877 nouvelles Stéphanie en 1988, leur nombre a chuté à 19 en 2013, soit beaucoup moins que le nombre de Rainettes faux-grillon dont le gouvernement canadien a ordonné la protection environnementale.

Pour ce qui est des noms de famille, les choses étaient simples.

En 1981, la législation québécoise a permis aux femmes de donner leur nom de famille à leurs enfants. Les mères célibataires ont donc pu éviter d’attribuer à leur enfant le nom de famille du géniteur qui avait abandonné ses responsabilités.

Mais cela a surtout permis à de nombreux couples de donner un nom de famille composé de celui du père et de la mère. Perçue comme une victoire féministe, cette évolution a connu son apogée en 1992, où 22% des enfants ont été appelés ainsi.

Cette tendance a connu de nombreux obstacles. Les boites de saisie lors de l’inscription électronique ayant souvent un nombre maximal de caractères, les enfants concernés se sont retrouvés avec des documents (des passeports, par exemple) sur lesquels leur nom est épelé différemment que sur leur certificat de naissance.

Plus le nom est long, plus grandes sont les chances de se tromper en l’épelant. Après trois erreurs, votre carte de crédit est inactivée.

De plus, à long terme, il fallait prévoir la progression de la longueur des noms de famille des enfants quand les parents aux noms de famille composés s’épousent entre eux. Par exemple, lorsque Tremblay-Massicotte épouse Lamontagne-Bouchard, est-ce que leurs enfants porteront quatre noms, leurs petits-enfants huit noms et leurs petits-petits-enfants seize noms, et ainsi de suite ?

Bref, cela ne mène nulle part. Peut-être serait-il plus sage que les fillettes adoptent le nom de famille de leur mère et les garçons, celui de leur père.

De nos jours, à peine dix pour cent des familles choisissent un nom de famille composé pour leurs enfants.

Références :
Combien de personnes s’appellent comme vous?
Les 5 prénoms les plus populaires
Les noms de famille composés en voie de disparition
Liste des prénoms les plus donnés en France

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Cacouna et les 880 bélugas

Publié le 29 juin 2016 | Temps de lecture : 5 minutes
Habitat du béluga du Saint-Laurent

Cacouna est une municipalité québécoise d’environ deux-mille habitants située à 225km à l’Est de la ville de Québec. Cette ville portuaire est juste en face de l’embouchure de la rivière Saguenay.

Afin d’en favoriser le développement économique, le gouvernement du Québec y a implanté un port en eau profonde, inauguré en 1981. On y transborde principalement du ciment brésilien et des produits forestiers québécois.

Depuis trente ans, les biologistes ont accumulé une importante documentation prouvant que c’est précisément autour de la jonction du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Saguenay que se trouve l’habitat des bélugas du Saint-Laurent.

Appelé également baleine blanche, dauphin blanc ou marsouin blanc, le béluga vit normalement dans l’océan Arctique. Sa population y est estimée à 100 000 individus.

L’habitat des bélugas s’est modifié en fonction de la couverture des glaces, s’accroissant lors des périodes glaciaires et rétrécissant au cours des périodes de réchauffement.

Il y a des milliers d’années, la fonte des glaces qui recouvraient l’Amérique du Nord a isolé une petite population dans l’estuaire du Saint-Laurent.

Celle-ci s’est déplacée à l’embouchure du Saguenay, là où les couches profondes d’eau glaciale de cette rivière s’écoulent dans le fleuve.

Victime de la pollution fluviale, c’est au Québec une espèce en voie de disparition et considérée officiellement comme telle depuis décembre 2014. De nos jours, on en compte environ 880 spécimens sur les cinq à dix-mille dénombrés au XIXe siècle.

Dans le cadre de la construction du pipeline Énergie-Est, la pétrolière Trans-Canada prévoyait créer un port pétrolier à Cacouna où devaient accoster annuellement 175 cargos de type Panamax.

Ce terminal se serait retrouvé en pleine zone de reproduction des bélugas.

Considérant qu’elle n’était redevable qu’au gouvernement canadien, la pétrolière TransCanada refusait même de signer un engagement écrit stipulant que les travaux ne causeront pas de préjudice aux mammifères marins.

En dépit de ce refus, en 2014, le ministre libéral de l’Environnement du Québec, David Heurtel — qualifié de ‘paillasson’ de TransCanada — a accordé à la pétrolière un certificat d’autorisation lui permettant de commencer les travaux de forages de son port pétrolier à Cacouna.

Quelques semaines plus tard, devant la capitulation du ministre, une coalition de groupes environnementalistes a obtenu une injonction interdisant les travaux de forages entrepris à Cacouna, forçant Trans-Canada à renoncer à ses projets à Cacouna.

Petite parenthèse : Il y a moins d’une semaine, le gouvernement fédéral a stoppé partiellement un développement domiciliaire dans la ville de La Prairie afin d’y protéger la Rainette Faux-grillon (une espèce menacée), alors que le ministre Heurtel (toujours lui) avait autorisé le projet contre l’avis de plusieurs experts. Fin de cette parenthèse.

Dans l’édition de ce matin du Devoir, on apprend que le gouvernement Couillard se propose de dépenser une somme de 125 000$ (87 000 euros) pour mener des études de faisabilité de l’implantation d’une zone industrialoportuaire à Cacouna.

Le fleuve Saint-Laurent s’écoule sur 1 140km. C’est un des plus longs fleuves du monde. Quelle est cette idée de s’acharner à développer à Cacouna, très précisément, des activités portuaires qu’on pourrait très facilement installer ailleurs.

Je comprends que le gouvernement du Québec a déjà dépensé des dizaines de millions au port de Cacuna à l’époque où on ignorait qu’il s’agissait-là d’une erreur.

Mais maintenant qu’on connait les dommages environnementaux d’une telle activité au cœur de la zone de reproduction du béluga, qu’est-ce qui justifie qu’on s’entête à gaspiller les fonds publics ?

Déjà, depuis deux ans, la population québécoise subit une politique d’austérité destinée à assainir les finances du Québec. Cet assainissement se justifie après une décennie de pillage du trésor public par le gouvernement Charest.

Et voilà encore un autre exemple criant de la mauvaise gestion du budget de l’État par les Libéraux.

C’en est presque désespérant…

Références :
Béluga (baleine)
Cacouna
Décision de la Cour Supérieure au sujet des bélugas du Saint-Laurent
Décret d’urgence pour la rainette faux-grillon: Ottawa dit avoir consulté Québec
La petite grenouille qui tient tête aux promoteurs
Le ministère de l’Environnement pourrait évaluer la zone de Cacouna
Les bélugas moins nombreux que jamais dans le Saint-Laurent
Pourquoi le béluga du Saint-Laurent est-il en voie de disparition?
Un rapport sur les bélugas force l’arrêt des travaux à Cacouna

Parus depuis :
L’adoption ou la mort pour un jeune béluga orphelin (2016-07-02)
Merci de prendre soin de Delphi et Leucas… (2016-07-28)
Le béluga est officiellement en voie de disparition (2016-09-01)

Au sujet de la dangerosité environnementale des pipelines :
Keystone pipeline raises concerns after third major spill in five years (2022-12-21)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le néoesclavagisme

Publié le 15 mai 2016 | Temps de lecture : 4 minutes

Dans un pays du Tiers-Monde, imaginez des abattoirs de volailles où les employés n’ont pas la permission d’aller à la toilette. Conséquemment, ils jugent approprié de restreindre leur consommation de liquides ou de porter au travail des couches dans lesquelles ils urinent et défèquent.

Plus tôt cette semaine, un rapport d’Oxfam-America révélait les résultats d’une recherche effectuée de 2013 à 2016 dans les abattoirs de volailles… des États-Unis. Parce que la situation évoquée plus tôt a lieu dans ce pays et non au Tiers-Monde.

Prospère, cette industrie emploie 250 000 personnes. Dans de nombreux cas, ceux-ci travaillent mal rémunérés dans un climat de peur et sont soumis à un risque élevé d’accidents de travail et de maladies occupationnelles.

Mais ce qui les humilie par-dessus tout, c’est le manque de pause leur permettant de satisfaire leurs besoins naturels. Dans de cas rares, les employés urinent dans leurs pantalons et se changent avant de retourner chez eux.

Aux États-Unis la viande de poulet ne coute pas cher. Avec les œufs, c’est la source de protéines animales la plus économique du pays. Mais ces bas prix s’expliquent par les conditions de travail des ouvriers.

La chaine de production est une succession de tâches précises comme celles sur des usines d’assemblage automobile;
• saignée du cou du poulet pour qu’il se vide de son sang, suspendu la tête en bas
• déplumage
• décapitation et coupe des pattes
• ouverture de l’abdomen et de la cage thoracique
• vidange de l’abdomen
• prélèvement des abats,
• etc.

Les ouvriers sont sur la chaine de production pendant quatre heures d’affilée et accomplissent leur tâche spécifique sur 35 à 45 volailles à la minute, soit un poulet en moins de deux secondes.

Les ouvriers sont polyvalents et peuvent accomplir plusieurs tâches, dont celle d’un collègue. Mais en pleine production, un ouvrier suffit à peine à accomplir la tâche qui lui est attribuée et ne peut donc pas se voir confier en plus la tâche de son voisin qui doit aller à la toilette.

Or aucune tâche ne peut être interrompue sans compromettre l’accomplissement de l’ensemble des autres. Si bien que les employés sont menacés de mesures disciplinaires, de congédiements ou de déportation s’ils s’absentent sans permission. Il faut parfois attendre près de 40 minutes avant qu’une permission soit accordée.

Et parce que les usines sont gigantesques, les toilettes sont situées loin des lignes de production. Le plancher pour s’y rendre est souvent glissant parce que mouillé ou souillé de gras animal.

Dans les usines où les employés sont syndiqués — le tiers des ouvriers dans cette industrie le sont — l’employeur a suffisamment de remplaçants disponibles pour permettre l’assouvissement des besoins naturels.

Un sondage réalisé auprès de 266 ouvriers d’une usine d’Alabama a révélé que 80% d’entre eux déclarent ne pas obtenir de permission lorsqu’ils en ont besoin.

Lors d’entrevues réalisées auprès des employés du Minnesota, 86% déclarent obtenir aussi peu que deux pauses-pipi… par semaine.

Aussi inquiétants que puissent être les cas mentionnés dans ce rapport, celui-ci manque de précision. À l’exception d’un sondage, tout le reste des ‘données’ est le fruit d’entrevues anecdotiques dont on ignore habituellement le nombre, sans précision de l’usine concernée, et sans savoir en quoi ces témoignages sont représentatifs de l’ensemble des travailleurs.

Toutefois, il documente ce néoesclavagisme qui affecte une partie inconnue de la classe moyenne américaine. Cela permet de comprendre une des causes de la colère des travailleurs de ce pays contre leurs élites politiques traditionnelles et ce, en dépit des nouvelles rassurantes publiées par les agences de presse (diminution du chômage, croissance boursière et augmentation du PIB).

Références :
Inégalités sociales aux États-Unis de 2000 à 2010
No Relief
U.S. poultry workers denied bathroom breaks, wear diapers at work: Oxfam report

Parus depuis :
Ferme agricole: traités comme des «esclaves» à Drummondville (2016-05-16)
Plus de 45 millions d’esclaves modernes à travers le monde (2016-05-31)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Bilan de la déradicalisation islamiste dans le Nord de l’Europe

Publié le 9 mai 2016 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

Dans le texte qui suit, la déradicalisation islamiste se définit comme l’ensemble des mesures destinées à la réconciliation du sympathisant djihadiste avec la société dans laquelle il vit.

La déradicalisation peut viser les objectifs suivants :
• le renoncement à la lutte armée par le sympathisant,
• la réinsertion sociale du combattant de retour au pays, ou
• la transformation des convictions idéologiques du citoyen radicalisé.

Selon certains spécialistes, une déradicalisation profonde est préférable à un simple abandon de la violence, ce qui implique un suivi psychologique et spirituel.

L’Allemagne

Avant l’accueil récent d’un million de réfugiés, l’Allemagne comptait 1,5 million de Musulmans, soit 1,9% de sa population de 80,2 millions d’habitants.

Essentiellement, ces Musulmans sont originaires de Turquie, des Balkans, du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.

Selon les services de renseignement allemands, 730 Allemands seraient partis combattre en Syrie ou en Irak, dont 230 seraient revenus.

Un centre d’appels a été créé dans ce pays en 2010 dans le but de prévenir la radicalisation.

Sa prise en charge incluait le soutien psychologique à l’individu concerné et à sa famille, les échanges avec des imams, l’aide à la recherche d’un nouveau logement, la formation professionnelle et l’assistance pour trouver un emploi.

Ce centre a cessé ses opérations quatre ans plus tard en raison du petit nombre d’appels. Cet échec s’explique par le fait que ce programme était dirigé par les services de renseignement.

À partir de son expérience de déradicalisation des milieux d’extrême droite, le Centre berlinois de la Culture démocratique a créé un programme multidisciplinaire de conseil et de suivi pour les jeunes radicalisés et leur famille.

Ce programme, qui vise une déradisalisation profonde, est supervisé par l’Office fédéral pour les migrations et les réfugiés.

Selon le bilan que fait ce centre de ses activités, au 6 octobre 2015, trente-six individus sur un total de 170 étaient considérés comme déradicalisés ou en voie de l’être.

D’autre part, dans le länder (ou province allemande) de Hesse, le Centre d’information et de compétence contre l’extrémisme a mis sur pied un programme de déradicalisation s’adressant spécifiquement à des prisonniers radicalisés ou en voie de l’être.

Deux jeunes spécialistes de l’Islam, embauchés par le centre, avaient pour mandat d’établir une relation de confiance et d’amener les prisonniers à réaliser qu’ils possédaient une connaissance extrêmement sommaire de l’Islam.

Au 20 octobre 2015, 73 personnes se sont portées volontaires pour participer à ce programme. Selon ses dirigeants, la plupart d’entre elles montreraient des signes de remords, ce qui porte à croire qu’une grande partie des jeunes djihadistes pourraient ainsi être réhabilités.

La Grande-Bretagne

Sur les 56 millions de citoyens d’Angleterre et du Pays de Galles, on compte 2,7 millions de Musulmans, soit 5%. Dans leur très grande majorité (86%), ceux-ci sont originaires du Pakistan, du Bangladesh et de l’Inde. De plus, au cours des récentes années, le nombre de conversions à l’Islam a fortement augmenté au sein des communautés antillaises.

On compte au moins 700 cas de départs de citoyens britanniques vers la Syrie ou l’Irak, dont environ 300 en sont revenus.

En vertu du Counter-Terrorism and Security Act, voté en février 2015, les institutions étatiques (villes, services sociaux, maisons d’enseignement, etc.) ont l’obligation de signaler les individus à risque de radicalisation aux services de sécurité.

Depuis avril 2007, le nombre de signalements atteint 3 934 personnes. Si cela est recommandé par le panel d’experts qui évalue chaque cas, on propose à l’individu de rencontrer un responsable de sa déradicalisation. On ignore l’efficacité de cette mesure.

Créée en 2008, la fondation privée Quilliam a recours à des djihadistes repentis pour développer un contrediscours crédible. La fondation organise ainsi des conférences sur le terrorisme, la radicalisation et l’islamisme.

L’Active Change Foundation a également été créée par d’anciens Islamistes en 2003. Ses agents rencontrent des jeunes dans leur milieu (au détour d’une partie de basketball, par exemple) et les invitent à leurs centres pour la jeunesse, où on les dissuade de suivre les arguments des recruteurs radicaux.

The Unity Initiative a été créée en 2009 un Musulman professeur d’arts martiaux. Selon lui, la frustration et l’attrait pour la violence constituent des facteurs clés de radicalisation. Il défie des apprentis djihadistes dans des combats singuliers et les convie à des entrainements, cherchant ainsi à canaliser leur violence. Son objectif est également de partager sa conception d’un Islam qui met l’accent sur l’équilibre personnel de l’individu et l’harmonie avec son environnement.

Le Danemark

Principalement originaires de Turquie, des Balkans, d’Irak, du Liban, et dans une moindre mesure de Somalie, les 133 000 Musulmans danois représentent 4% de la population du pays.

À ce jour, environ 170 Danois sont partis combattre en Syrie et en Irak, dont environ le tiers en sont revenus.

Même si le fait de rejoindre un groupe terroriste à l’Étranger est considéré comme un crime dans ce pays — tout comme c’est le cas un peu partout en Occident — aucun d’entre eux n’a été poursuivi.

Toutefois, tous les djihadistes revenant de Syrie ou d’Irak ont été obligés de se présenter à la police pour un interrogatoire permettant d’évaluer leur risque sécuritaire.

On possède des données pour la ville d’Aarhus où un programme de déradicalisation appelé EXIT a été mis sur pied.

Les cas sont transmis par la police mais le programme est entre les mains d’agents des services sociaux et de la protection de la jeunesse.

Au mois de mars 2015, seize djihadistes étaient revenus à Aarhus. Dix d’entre eux ont accepté de participer à EXIT. Les six autres ont refusé.

Parmi les participants, trois ont demandé de l’aide pour changer d’environnement social afin de s’éloigner des milieux extrémistes. Dans un seul cas, la déradicalisation a été considérée comme un échec.

Conclusion

À l’heure actuelle, le petit nombre d’individus traités dans le cadre des programmes de déradicalisation et le manque de recul rendent difficile l’évaluation de l’efficacité de ces programmes.

Toutefois, certaines leçons peuvent déjà être tirées.

La première est la nécessité de mesures durables et non temporaires.

De plus, ces mesures doivent être ciblées. Viser trop large est couteux et inefficace. Les djihadistes et ceux qui ont entamé un processus de radicalisation représentent moins du millième des collectivités musulmanes de nos pays. Il faut donc cibler précisément les milieux de leur recrutement plutôt que l’ensemble de la population musulmane puisque l’adhésion de celle-ci est essentielle au succès des mesures employées.

On doit également minimiser l’implication des services de renseignements. Les familles aux prises avec un problème de radicalisme préfèrent souvent se replier sur elles-mêmes plutôt que de dénoncer certains des leurs aux forces policières.

Pour terminer, la réussite de ces programmes dépend de leur acceptabilité sociale, que ce soit parmi les Musulmans et les non Musulmans, les pouvoirs publics et la société civile.

Références :
A way home for jihadis: Denmark’s radical approach to Islamic extremism
Prévention de la radicalisation et déradicalisation : les modèles allemand, britannique et danois
Un marché opaque de la déradicalisation est en train d’apparaître en France

Parus depuis :
La menace invisible des revenants du djihad (2016-12-08)
Fermeture de l’unique centre de « déradicalisation » de France (2017-07-28)
France’s Special Forces Hunt French Militants Fighting for Islamic State (2017-05-29)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


À quand l’arrestation de l’ex-premier-ministre Jean Charest ?

Publié le 21 mars 2016 | Temps de lecture : 6 minutes

Introduction

La semaine dernière, le monde politique québécois a été secoué par l’arrestation de l’ex-vice-première ministre du Québec. Celle-ci est accusée de complot, de fraude et d’abus de confiance, pour des gestes commis lorsqu’elle était au gouvernement et reliés au financement du Parti libéral du Québec.

Ces accusations font suite à des enquêtes effectuées par l’Unité permanente anticorruption. Bloquées depuis des mois au bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), les accusations criminelles en ce sens ont finalement abouti grâce à des changements de responsables au sein du DPCP à la faveur d’une réorganisation administrative.

La cause profonde

Toute cette affaire découle de la décision de l’ex-premier-ministre Jean Charest d’obliger chacun de ses ministres à susciter des contributions totalisant au moins 100 000$ par année lors d’activités de financement du Parti libéral du Québec.

Les lourdes règles administratives relatives au démarchage étaient suspendues le temps d’une soirée où le ministre était conférencier.

Il suffisait donc de participer à cette activité de financement pour avoir un accès privilégié au ministre, le sensibiliser à un problème et possiblement, faire débloquer un dossier.

D’une certaine mesure, cela mettait l’État à l’écoute des gens d’affaires et probablement favorisait le développement économique de la province.

Le hic, c’était que l’État devenait à la solde des seuls contributeurs de fonds à la caisse du Parti libéral.

Compromis par une firme ayant utilisé des prête-noms pour lui permettre d’atteindre son objectif de 100 000$, le ministre devenait vulnérable à des demandes déraisonnables, notamment à des subventions excessives ou hors-normes.

Si bien que le défi du 100 000$ a pavé la voie au plus grand pillage du Trésor public des dernières décennies, surtout par le moyen des ‘extras’.

Les dépassements de cout

On appelle extras les dépassements de cout autorisés. C’est le principal mécanisme par lequel s’opérait la corruption sous le gouvernement Charest. Voici comment on procédait.

À la suite d’un appel d’offres gouvernemental, un entrepreneur soumettait l’offre la plus basse en vue de réaliser le projet. Évidemment, il obtenait le contrat.

Toutefois, en cours de réalisation, le ministère exigeait des modifications au devis. L’entrepreneur aurait pu s’y opposer en invoquant les couts supplémentaires que cela entraine.

Mais voilà, ces changements étaient justement le prétexte qu’attendait l’entrepreneur pour faire gonfler la facture, lui qui parfois avait soumissionné à perte dans le but d’obtenir un contrat, confiant de pouvoir se reprendre avec les extras.

En renégociant ce contrat — qui ne pouvait pas être confié à quelqu’un d’autre en raison de l’avancement des travaux — le ministère, complice dès le départ de cet entrepreneur, payait à prix d’or les changements apportés au projet.

Importance des extras

Sous la pression de l’opinion publique, le gouvernement Charest a créé une commission d’enquête et mis sur pied des unités policières spécialisées dans la lutte anticorruption.

À la suite de ces mesures, le montant des contrats d’infrastructures a baissé de 30%. Seulement pour 2013, le ministère des Transports aurait économisé 240 millions$.

Le retour des extras

En décembre 2014, le service de recherche de la Coalition avenir Québec a révélé que les ‘extras’ au ministère des Transports ont augmenté de 75% depuis le retour au pouvoir du Parti libéral.

Au cours des neuf premiers mois de l’année 2015, le ministère des Transports a dû débourser près de 55 millions supplémentaires pour la réalisation de certains de ses projets.

Les pénalités

Le Parti libéral du Québec s’est engagé à rembourser à l’État toutes les sommes collectées illégalement lors de ses activités de financement. Mais cela n’est pas suffisant.

Depuis son retour au pouvoir, le Parti libéral du Québec a adopté une politique d’austérité des finances publiques. En vertu de cette politique, les Québécois ont payé des centaines de millions$ en majoration tarifaire et ont subi d’innombrables coupures de service.

Cette médecine draconienne trouve sa justification par la situation des finances publiques, situation aggravée notamment par une décennie de pillage du Trésor public sous le gouvernement Charest.

Le Parti libéral doit donc également rembourser les centaines de millions$ que les contribuables ont payé en dépassements de cout pour la réalisation de projets gouvernementaux.

Jusqu’ici, le Parti libéral du Québec n’a pas vraiment expié pour les fautes commises sous Jean Charest; il a seulement été privé du pouvoir pendant 18 mois. Beaucoup des ministres actuels du gouvernement Couillard ont œuvré sous Jean Charest.

La seule manière de prouver publiquement qu’il a vraiment changé, c’est de dire publiquement aux sous-fifres comme Mme Normandeau que la véritable loyauté au ‘nouveau’ Parti libéral, c’est d’offrir leur pleine et entière collaboration aux unités policières anticorruption, même si cela devait signifier la dénonciation des véritables responsables du pillage du Trésor public au cours de la décennie précédente.

Sans donner de nom, on aura tous compris de quoi il s’agit…

Note : Photo de M. Charest par le journal Le Devoir.

Références :
Corruption libérale : chassez le naturel…
Contrats du MTQ: plus de 50 millions en «extras»
Dépôt d’accusations: l’UPAC s’impatiente
Des extras de 55 millions au MTQ
Dons illégaux: des contrevenants peuvent de nouveau recevoir des contrats
Les extras ont augmenté depuis l’élection des libéraux
Nathalie Normandeau
Nathalie Normandeau accusée: complot, corruption, fraude, abus de confiance
Un seul et même parti
UPAC: les procureurs «ne dorment pas», dit le DPCP

Parus depuis :
La CAQ constate une «explosion de coûts» dans les infrastructures routières (2016-03-30)
Les mandarins de l’État sont-ils omnipotents? (2016-05-21)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les propos haineux d’un père

Publié le 10 décembre 2015 | Temps de lecture : 2 minutes

Interrogé par le quotidien Le Parisien, le père du troisième membre du commando terroriste qui causé le carnage au Bataclan a déclaré : « Si j’avais su qu’il commettrait un jour une chose comme ça, je l’aurais tué avant.»

À mon avis, cette déclaration doit être interprétée de manière littérale.

En vertu de la Charia, l’homicide est punissable de la peine de mort sauf quand il s’agit du mari qui tue sa femme ou du père qui tue son enfant.

Ce témoignage du père suggère que le fils a grandi à Strasbourg dans un milieu familial où règne une conception rigoriste de la religion. Or justement, ce rigorisme fut probablement un terreau fertile à la radicalisation ultérieure du fils.

En comparaison, lorsqu’un père québécois apprend que son fils est un criminel, ses réactions sont le déni (‘mon fils n’est pas comme ça’), la déculpabilisation du fils (‘il s’est laissé influencer’), ou la honte.

Mais réagir en disant qu’on aurait préféré le tuer, cela trahit un sens aigu de l’honneur familial, aujourd’hui à peu près complètement disparu chez nous, mais jugé sacré dans d’autres sociétés.

Dans une famille où règne le fondamentalisme religieux, le pas à franchir pour commettre un attentat terroriste est plus facile (sans toutefois être inéluctable) : que ce soit un attentat contre une clinique d’avortement américaine (s’il s’agit du fondamentalisme chrétien) ou contre les symboles de la dépravation occidentale (s’il s’agit du wahhabisme).

Il est important de se rappeler que le terrorisme religieux n’est pas une exclusivité musulmane; elle est associée à tous les milieux qui se croient investis de la mission divine de réaliser la Colère de Dieu.

Référence :
Le père du troisième kamikaze du Bataclan : «Si j’avais su, je l’aurais tué avant»

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Crise migratoire syrienne et morale chrétienne

Publié le 22 novembre 2015 | Temps de lecture : 2 minutes
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La plupart des Chrétiens ont perdu de vue ce que signifient concrètement les principes religieux auxquels ils adhèrent.

Lorsqu’on prête l’oreille aux commentaires relatifs à la crise migratoire syrienne, on ne peut qu’être étonné par l’insensibilité de certains face à la misère humaine.

En écoutant tous ceux dont le discours se termine par « God bless America » et toutes ces grenouilles de bénitier qui s’agitent dans les médias sociaux, je constate qu’ils pratiquent une religion hypocrite, aux antipodes de ce que prêchait Jésus de Nazareth.

À ma connaissance, ce dernier n’a jamais mentionné l’importance de se méfier et de craindre les étrangers.

Au contraire, on m’a appris que si on pouvait résumer le Nouveau Testament en une seule phrase, celle-ci serait : « Aime ton prochain comme toi-même ».

Si on pouvait faire revenir Jésus de Nazareth sur Terre et lui demander conseil au sujet de l’accueil des réfugiés syriens, je ne peux pas imaginer une seule seconde que sa première réaction serait de se demander : « Oui, mais comment ça va couter ? »

L’argent, on en trouve toujours quand il est temps de faire la guerre. Je ne vois pas où est l’immensité de la tâche d’accueillir au Canada 0,1% de personnes de plus sur un territoire déjà peuplé de 30 millions de citoyens, tous descendants d’immigrants (si on tient compte que les peuples autochtones eux-mêmes descendent d’humains qui ont traversé le détroit de Béring en provenance d’Asie).

Pour terminer, j’inviterais les prêtres et pasteurs chrétiens à occuper davantage l’espace médiatique. Il est temps que l’Église rétablisse la morale dans le discours public. Faire la morale, n’est-ce pas démodé ? Oui. Mais l’Église a le devoir de porter le message chrétien en dépit des modes.

Parus depuis :
1000 Rabbis in Support of Welcoming Refugees (2015-12-02)
Jésus, ce réfugié (2015-12-27)

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectif PanLeica 25mm F/1.4 — 1/800 sec. — F/1,4 — ISO 200 — 25 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Niqab et démagogie

Publié le 24 septembre 2015 | Temps de lecture : 2 minutes

Voile_islamique
 
Il y a quelques années, je travaillais au comptoir d’accueil d’un commerce quand un jeune homme a pénétré dans l’établissement, portant un casque de motocycliste, la visière baissée. En l’apercevant, j’ai immédiatement craint qu’il s’agisse d’un vol à main armée.

Arrivé à mon comptoir, il a retiré son casque et c’est à ce moment-là seulement que j’ai su que ce n’était pas le cas.

Quelques années plus tard, dans le métro de Montréal, je me suis retrouvé assis, face à face, avec un colosse portant une cagoule. Il pouvait s’agir d’un dangereux criminel, évadé de prison, circulant librement en ville grâce à l’anonymat que lui procurait sa cagoule.

Fort de ces expériences, de ces temps-ci, lorsque je vois la transformation médiatique des femmes portant le niqab en chair à canon électorale, je ne peux qu’être dégouté de la démagogie et de la misogynie de certains partis politiques canadiens.

Si on ne veut pas de femmes portant de niqab au pays, on n’a qu’à interrompre l’immigration de requérants provenant de communautés dont les femmes portent ce vêtement dans leur pays d’origine. Parce qu’une fois admises au pays, ces femmes ont des droits. Il faut donc y penser avant d’admettre au pays n’importe qui pour n’importe quelle raison.

Ceci étant dit, il serait judicieux d’adopter une loi générale interdisant le port d’un masque sur la voie publique, sauf pour des raisons climatiques ou médicales, de même que des raisons de sécurité routière (avec une exception également pour les enfants à l’Halloween).

Évidemment, cette loi invoquerait la clause dérogatoire de la constitution puisqu’elle règlerait secondairement — et secondairement seulement — l’épineux problème social du port du niqab au pays.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Mon vol à l’étalage (suite et fin)

Publié le 1 septembre 2015 | Temps de lecture : 5 minutes

Des trois familles invitées à voir la vidéo, la première délégation à accepter mon offre fut composée d’un père et de son fils de huit ou neuf ans. Ce dernier était un des plus jeunes du groupe et n’avait été que complice du vol.

Aux tempes grisonnantes, au visage allongé et aux traits nobles, le père refusa dès le départ de voir la vidéo, présumant que je lui disais la vérité.

— Mets-toi à genoux !

— Non, répondit net le fils.

— J’ai dit mets-toi à genoux, répéta le père entre les dents tout en pressant fermement avec les ongles de son pouce et de son index le lobe de l’oreille de son fils, qu’il tira vers le bas.

La vue de cet enfant qui s’agenouillait en suppliant me mit dans un profond inconfort.

Fut-il obligé de demander pardon, de s’excuser ou de promettre de ne plus recommencer, je n’ai pas porté attention.

À voir sa tête inclinée de côté, le visage grimaçant de douleur, ma seule pensée était de faire cesser son supplice et, dans une moindre mesure, le mien.

— OK OK ça va, dis-je, sans savoir exactement ce à quoi j’acquiesçais.

Puis le père offrit de payer la boite de condoms, ce que je refusai en raison du fait que son fils avait joué un rôle mineur dans cette histoire.

Le cas de cette famille s’est terminé par deux poignées de mains, échangées d’abord avec père puis, après une légère hésitation, avec le fils essuyant une larme.

La deuxième famille à prendre rendez-vous était représentée par la mère, la sœur ainée, le voleur, et son frère cadet qui agissait ici comme témoin.

Comme un professeur de chimie, je m’étais soigneusement préparé. J’avais regardé la vidéo à plusieurs reprises, notant précisément sur un bout de papier le début et la fin de l’incident, de même que l’instant précis du vol.

Mais tous les professeurs de chimie savent que les choses ne se déroulent pas toujours comme prévu. Dès le début du visionnement de la vidéo, je fus demandé au comptoir et je dus laisser la famille la regarder seule dans l’entrepôt.

Et pendant que je servais le client qui avait perturbé mes plans, j’entendais le vacarme des cris indignés de la mère et de la sœur, de même que le claquement des gifles infligées au voleur.

Avant même que j’aie eu le temps de terminer avec ce client, la famille sortit de l’entrepôt.

Malgré les demandes insistantes de la mère et de la sœur, et en dépit des taloches infligées à la vue de tous derrière la tête du voleur, celui-ci refusa fièrement de se dire désolé sans doute pour de ne pas perdre la face devant son frère cadet qui lui tournait autour en se moquant de lui.

La mère demanda à payer la somme due, ce que j’acceptai.

Au moment de franchir la porte de l’établissement, le voleur se retourna vers moi et m’adressa un sourire insolent. Dès cet instant, je sus que tout cela n’avait rien donné pour lui.

Dans le troisième cas, il s’agissait d’une famille monoparentale dirigée par la mère.

Par téléphone, celle-ci m’avait demandé de choisir comme punition, une corvée à effectuer dans le commerce sous ma responsabilité.

Embêté, j’avais choisi de lui faire laver le plancher. Il s’agissait d’une tâche inutile puisqu’un service d’entretien accomplissait déjà cela deux fois par semaine.

À la fermeture de l’établissement à 20h30, la mère était arrivée en sueurs de son travail, accompagnée son fils, un grand garçon à l’air doux et sympathique.

Après l’accomplissement de sa punition et au moment de nous quitter, je lui ai dit que j’aimerais lui raconter une petite histoire :

« Lorsque j’avais à peu près ton âge, j’ai commis un vol insignifiant dans un magasin du centre-ville. Mais torturé par ma conscience, j’ai fini par retourner au magasin le lendemain afin de payer l’objet volé. »

J’ajoutai que pendant toutes ces années, ce petit objet — je l’avais apporté de chez moi ce soir-là pour lui montrer — me rappelait, chaque fois que je le regardais, l’importance d’être honnête.

« Aujourd’hui, je suis un adulte respectable et admiré qui jouit tellement de la confiance de ses patrons, qu’ils confient à moi seul, les clefs de leur établissement. Ce qui me permet d’en prolonger l’ouverture ce soir, sans même avoir à demander leur permission. Or ils n’auraient pas cette confiance envers moi s’ils nourrissaient le moindre doute quant à mon honnêteté. »

« Et cet objet, qui m’ai aidé pendant des années à demeurer honnête, j’aimerais te le donner, dans l’espoir qu’il te porte bonheur à toi aussi. »

Très lentement, comme dans un film au ralenti, je lui ai tendu cet objet qu’il a accepté silencieusement, les yeux rivés sur lui.

Quelques mois plus tard, j’ai accepté une offre de travailler ailleurs. Je n’ai donc jamais su ce que ces trois jeunes étaient devenus. Si je ne fais pas d’illusion quant au second, je me plais à penser — peut-être naïvement — qu’ils sont fondamentalement bons et que cette bonté innée a probablement prévalu sur les tendances au mal qu’ils ont en eux comme c’est le cas pour chacun d’entre nous.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La loi et l’ordre à Portsmouth

Publié le 29 août 2015 | Temps de lecture : 4 minutes

Portsmouth est une ville américaine d’environ 100 000 habitants située en Virginie, au centre de la côte Est des États-Unis.

Kirill-Ivanovich Denyakin

Le 23 avril 2011, le policier Stephen Rankin abat Kirill-Ivanovich Denyakin, un cuisinier de 26 ans de cette ville.

À la suite du signalement d’un cambriolage, le policier s’était rendu où demeurait la victime.

Denyakin, en état d’ébriété, y causait du vacarme. Des voisins avaient appelé la police en prétendant qu’il y avait eu un cambriolage, ce qui était faux.

Arrivé sur les lieux, le policier avait rapidement trouvé Denyakin. Celui-ci n’était pas armé mais refusait d’obéir au policier.

Moins de deux minutes après l’arrivée du policier sur les lieux, ce dernier a tué Denyakin de onze balles, tirées à la poitrine, à l’épaule gauche, au bras droit, à la cuisse gauche, au flanc droit, à la taille, au poignet droit et à la main gauche.

Les tribunaux de Virginie ont innocenté le policier en février 2012. Le policier a été affecté à des tâches administratives pendant trois ans.

William Chapman

Le 22 avril 2015, William Chapman, un noir de 18 ans, non armé, soupçonné de vol à l’étalage, résiste à son arrestation. Le policier est Stephen Rankin, de nouveau patrouilleur. L’adolescent est tué d’une balle au visage et à la poitrine.

Mardi dernier, le procureur de l’État a annoncé qu’il se propose d’accuser le policier pour meurtre. Depuis quatre mois, le service de police a été incapable de préciser la nature des objets que l’adolescent aurait volés. Il semble donc les soupçons du policier n’étaient pas fondés.

Jamycheal Mitchell

Plus tôt ce même jour du 22 avril 2015, un autre policier de cette ville, L. Schaefer, a procédé à l’arrestation de Jamycheal Mitchell, un noir non armé de 24 ans.

Ce dernier a été incarcéré pour avoir volé trois articles d’un dépanneur (appelé supérette en France). Les articles sont une bouteille de boisson gazeuse Mountain Dew, une barre de chocolat Snicker et un petit gâteau, le tout pour une valeur de 5$.

Après un mois d’incarcération, un juge déclare Mitchell inapte à subir un procès et ordonne son transfert à un hôpital psychiatrique.

Incapables de lui trouver un lit, les forces policières le maintiennent en captivité trois autres mois, plus précisément jusqu’au 19 aout, jour où on constate son décès. Selon la directrice de la prison, Mitchell serait mort de cause naturelle.

Pendant que son cadavre est en attente d’autopsie, les dirigeants de la prison ont assuré que sa mort n’avait rien d’anormale.

Toutefois, selon la tante du jeune noir — qui est infirmière — Jamycheal M. Mitchell a été retrouvé dans un état avancé de dénutrition.

Refusant de prendre sa médication et de manger, le jeune noir avait perdu 30kg au cours des quatre mois de son incarcération.

À la suite de son décès, la prison a publié un bref communiqué précisant qu’une enquête était en cours relativement au décès d’un détenu, sans préciser son nom.

C’est le The Guardian qui a ébruité cette affaire, passée complètement inaperçue en Virginie jusqu’à ce que le quotidien britannique la dévoile.

Références :
Death of Kirill Denyakin
Portsmouth (Virginie)
Young black man jailed since April for alleged $5 theft found dead in cell
William Chapman: state official will seek to prosecute officer who killed teenager
William Chapman: unarmed 18-year-old shot dead by officer who killed before

Publiés depuis :
Study finds police fatally shoot unarmed black men at disproportionate rates (2016-04-07)
Police Brutality at Homan Square (2016-04-11)
Dallas — Une colère noire chauffée à blanc (2016-07-09)

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Écrit par Jean-Pierre Martel