Intégrisme et radicalisation : de retour à la case départ

26 mai 2016

La ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, a annoncé aujourd’hui l’abandon de la partie 1 du projet de loi 59. Inefficace, cette la partie visait à combattre l’intégrisme et la radicalisation.

Faisant allusion au tollé de protestation qu’elle a suscité, la ministre a déclaré que le Québec n’est pas prêt à encadrer le discours haineux. Ce faisant, la ministre fait diversion.

En dépit de son titre, ce projet de loi n’a jamais eu pour but de s’attaquer au discours haineux (déjà réprimé par le Code civil).

Le projet de loi 59 était la solution du Parti libéral pour lutter contre le fanatisme religieux d’influence saoudienne; il avait été présenté à la suite des propos controversés de deux imams sunnites de Montréal.

Certains ont vu dans ce projet de loi une mesure liberticide. Je n’ai lu ce document que dans le but d’y trouver des mesures de lutte contre la radicalisation. Or à ce sujet — justement dans la partie 1 — il était totalement inefficace, comme je l’ai expliqué dans le texte Le projet de loi 59 est une passoire.

Ceci étant dit, il existe bien un centre de déradicalisation à Montréal. Celui-ci s’attaque à un processus de radicalisation déjà entamé. Mais le projet de loi 59 devait s’attaquer à la cause. En somme, il visait à prévenir la radicalisation.

Implicitement, ce dont il s’agit, c’est de la prédication islamiste radicale puisque de tous les extrémismes religieux, c’est le mieux financé (par des pétrodollars) et le plus meurtrier.

Parallèlement au projet de loi 59, le gouvernement Couillard a commandé un rapport sur la radicalisation au Collège Maisonneuve. Ce rapport a été rendu public plus tôt ce mois-ci. C’est le rapport le plus niais que j’ai lu de ma vie.

La solution est pourtant simple.

Dans l’édition de novembre 2015 de L’Action nationale, Marc Laroche — détenteur d’un diplôme d’études supérieures en sciences des religions — suggère l’encadrement législatif suivant :

Ne délivrer un permis de construction ou de location de tout lieu faisant office de lieu de culte que si les responsables de groupes religieux ou idéologiques s’engagent par écrit à ce qu’aucun passage incitant à la violence grave contenu dans leurs textes référentiels n’y soit professé.


Par la suite, s’il est démontré qu’un tel groupe contrevient à cet engagement, il sera condamné pour terrorisme et dissout. Et ses biens, meubles et immeubles seront confisqués par l’État.

Or voilà, il y a un problème; cela serait anticonstitutionnel.

La Canadian Constitution de 1982 a été rédigée il y a trente ans, à une époque ou le fanatisme religieux existait déjà mais n’était pas le risque sécuritaire majeur qu’il est devenu.

Et plutôt que d’invoquer la clause dérogatoire, le Parti libéral du Québec attache plus d’importance à ne pas heurter l’opinion publique canadienne-anglaise (opposée à toute dérogation constitutionnelle) qu’à protéger ses propres citoyens.

Attend-il qu’un attentat terroriste se produise au cours de la prochaine saison des festivals ?

Depuis le début de 2015, nous savons que de jeunes Québecois se font endoctriner au point de vouloir aller combattre au sein des milices de l’État islamique.

Simplement empêcher ces jeunes de quitter le pays n’est pas suffisant.

En Europe, les citoyens belges ou français impliqués dans des attentats terroristes ont un long passé de petite criminalité. Cette caractéristique les distingue du terroriste étranger et souvent, du simple djihadiste naïvement parti combattre en Syrie.

En somme, les terroristes natifs de Belgique ou de France sont souvent des êtres asociaux qui retournent leur colère contre la société d’accueil de leurs parents.

Puisqu’ils représentent une menace collective, qu’attend le gouvernement Couillard pour prévenir la radicalisation chez nous ? Pourrait-il se grouiller le derrière, SVP ?

Références :
Collège Maisonneuve : Le risque de radicalisation demeure
Le prosélytisme de l’Arabie saoudite
Québec abandonne l’encadrement du discours haineux

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Bilan de la déradicalisation islamiste dans le Nord de l’Europe

9 mai 2016

Introduction

Dans le texte qui suit, la déradicalisation islamiste se définit comme l’ensemble des mesures destinées à la réconciliation du sympathisant djihadiste avec la société dans laquelle il vit.

La déradicalisation peut viser les objectifs suivants :
• le renoncement à la lutte armée par le sympathisant,
• la réinsertion sociale du combattant de retour au pays, ou
• la transformation des convictions idéologiques du citoyen radicalisé.

Selon certains spécialistes, une déradicalisation profonde est préférable à un simple abandon de la violence, ce qui implique un suivi psychologique et spirituel.

L’Allemagne

Avant l’accueil récent d’un million de réfugiés, l’Allemagne comptait 1,5 million de Musulmans, soit 1,9% de sa population de 80,2 millions d’habitants.

Essentiellement, ces Musulmans sont originaires de Turquie, des Balkans, du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.

Selon les services de renseignement allemands, 730 Allemands seraient partis combattre en Syrie ou en Irak, dont 230 seraient revenus.

Un centre d’appels a été créé dans ce pays en 2010 dans le but de prévenir la radicalisation.

Sa prise en charge incluait le soutien psychologique à l’individu concerné et à sa famille, les échanges avec des imams, l’aide à la recherche d’un nouveau logement, la formation professionnelle et l’assistance pour trouver un emploi.

Ce centre a cessé ses opérations quatre ans plus tard en raison du petit nombre d’appels. Cet échec s’explique par le fait que ce programme était dirigé par les services de renseignement.

À partir de son expérience de déradicalisation des milieux d’extrême droite, le Centre berlinois de la Culture démocratique a créé un programme multidisciplinaire de conseil et de suivi pour les jeunes radicalisés et leur famille.

Ce programme, qui vise une déradisalisation profonde, est supervisé par l’Office fédéral pour les migrations et les réfugiés.

Selon le bilan que fait ce centre de ses activités, au 6 octobre 2015, trente-six individus sur un total de 170 étaient considérés comme déradicalisés ou en voie de l’être.

D’autre part, dans le länder (ou province allemande) de Hesse, le Centre d’information et de compétence contre l’extrémisme a mis sur pied un programme de déradicalisation s’adressant spécifiquement à des prisonniers radicalisés ou en voie de l’être.

Deux jeunes spécialistes de l’Islam, embauchés par le centre, avaient pour mandat d’établir une relation de confiance et d’amener les prisonniers à réaliser qu’ils possédaient une connaissance extrêmement sommaire de l’Islam.

Au 20 octobre 2015, 73 personnes se sont portées volontaires pour participer à ce programme. Selon ses dirigeants, la plupart d’entre elles montreraient des signes de remords, ce qui porte à croire qu’une grande partie des jeunes djihadistes pourraient ainsi être réhabilités.

La Grande-Bretagne

Sur les 56 millions de citoyens d’Angleterre et du Pays de Galles, on compte 2,7 millions de Musulmans, soit 5%. Dans leur très grande majorité (86%), ceux-ci sont originaires du Pakistan, du Bangladesh et de l’Inde. De plus, au cours des récentes années, le nombre de conversions à l’Islam a fortement augmenté au sein des communautés antillaises.

On compte au moins 700 cas de départs de citoyens britanniques vers la Syrie ou l’Irak, dont environ 300 en sont revenus.

En vertu du Counter-Terrorism and Security Act, voté en février 2015, les institutions étatiques (villes, services sociaux, maisons d’enseignement, etc.) ont l’obligation de signaler les individus à risque de radicalisation aux services de sécurité.

Depuis avril 2007, le nombre de signalements atteint 3 934 personnes. Si cela est recommandé par le panel d’experts qui évalue chaque cas, on propose à l’individu de rencontrer un responsable de sa déradicalisation. On ignore l’efficacité de cette mesure.

Créée en 2008, la fondation privée Quilliam a recours à des djihadistes repentis pour développer un contrediscours crédible. La fondation organise ainsi des conférences sur le terrorisme, la radicalisation et l’islamisme.

L’Active Change Foundation a également été créée par d’anciens Islamistes en 2003. Ses agents rencontrent des jeunes dans leur milieu (au détour d’une partie de basketball, par exemple) et les invitent à leurs centres pour la jeunesse, où on les dissuade de suivre les arguments des recruteurs radicaux.

The Unity Initiative a été créée en 2009 un Musulman professeur d’arts martiaux. Selon lui, la frustration et l’attrait pour la violence constituent des facteurs clés de radicalisation. Il défie des apprentis djihadistes dans des combats singuliers et les convie à des entrainements, cherchant ainsi à canaliser leur violence. Son objectif est également de partager sa conception d’un Islam qui met l’accent sur l’équilibre personnel de l’individu et l’harmonie avec son environnement.

Le Danemark

Principalement originaires de Turquie, des Balkans, d’Irak, du Liban, et dans une moindre mesure de Somalie, les 133 000 Musulmans danois représentent 4% de la population du pays.

À ce jour, environ 170 Danois sont partis combattre en Syrie et en Irak, dont environ le tiers en sont revenus.

Même si le fait de rejoindre un groupe terroriste à l’Étranger est considéré comme un crime dans ce pays — tout comme c’est le cas un peu partout en Occident — aucun d’entre eux n’a été poursuivi.

Toutefois, tous les djihadistes revenant de Syrie ou d’Irak ont été obligés de se présenter à la police pour un interrogatoire permettant d’évaluer leur risque sécuritaire.

On possède des données pour la ville d’Aarhus où un programme de déradicalisation appelé EXIT a été mis sur pied.

Les cas sont transmis par la police mais le programme est entre les mains d’agents des services sociaux et de la protection de la jeunesse.

Au mois de mars 2015, seize djihadistes étaient revenus à Aarhus. Dix d’entre eux ont accepté de participer à EXIT. Les six autres ont refusé.

Parmi les participants, trois ont demandé de l’aide pour changer d’environnement social afin de s’éloigner des milieux extrémistes. Dans un seul cas, la déradicalisation a été considérée comme un échec.

Conclusion

À l’heure actuelle, le petit nombre d’individus traités dans le cadre des programmes de déradicalisation et le manque de recul rendent difficile l’évaluation de l’efficacité de ces programmes.

Toutefois, certaines leçons peuvent déjà être tirées.

La première est la nécessité de mesures durables et non temporaires.

De plus, ces mesures doivent être ciblées. Viser trop large est couteux et inefficace. Les djihadistes et ceux qui ont entamé un processus de radicalisation représentent moins du millième des collectivités musulmanes de nos pays. Il faut donc cibler précisément les milieux de leur recrutement plutôt que l’ensemble de la population musulmane puisque l’adhésion de celle-ci est essentielle au succès des mesures employées.

On doit également minimiser l’implication des services de renseignements. Les familles aux prises avec un problème de radicalisme préfèrent souvent se replier sur elles-mêmes plutôt que de dénoncer certains des leurs aux forces policières.

Pour terminer, la réussite de ces programmes dépend de leur acceptabilité sociale, que ce soit parmi les Musulmans et les non Musulmans, les pouvoirs publics et la société civile.

Références :
A way home for jihadis: Denmark’s radical approach to Islamic extremism
Prévention de la radicalisation et déradicalisation : les modèles allemand, britannique et danois
Un marché opaque de la déradicalisation est en train d’apparaître en France

Parus depuis :
La menace invisible des revenants du djihad (2016-12-08)
Fermeture de l’unique centre de « déradicalisation » de France (2017-07-28)
France’s Special Forces Hunt French Militants Fighting for Islamic State (2017-05-29)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le film ‘Salafistes’

25 avril 2016
Le coréalisateur François Margolin, venu présenter son film

Samedi dernier, j’ai vu le documentaire Salafistes, réalisé et coproduit par François Margolin et le journaliste mauritanien Lemine Ould Salem.

Présenté en France depuis janvier dernier, le film prenait l’affiche au Québec la semaine dernière dans le cadre du festival Vues d’Afrique (puisque la majorité de plans se déroulent sur ce continent).

Tourné pendant trois ans au Mali, en Mauritanie, en Tunisie, en Syrie et en Irak, le film de 72 minutes laisse la parole aux théoriciens djihadistes et aux personnes qui vivent sur les territoires contrôlés par des milices islamistes radicales.

Des imams fondamentalistes y présentent librement leur conception de l’Islam. Seul le témoignage d’un vieillard africain, à la fin du film, montre quelqu’un en désaccord avec eux sur un point mineur (l’interdiction de fumer).

Pendant certains témoignages, le documentaire montre des extraits de la propagande filmée de l’État islamique, des scènes crues d’exécutions, d’amputations, et des clips vidéos amateurs réalisés lors d’attentats terroristes.

L’absence de voix hors champ ne permet pas de relativiser les points de vue exprimés. Si bien que le spectateur qui ne sait rien de l’Islam pourrait en venir à penser que ce qu’il entend est la manière la plus authentique d’envisager la religion musulmane, illustrée par des images de ce que cela signifie concrètement.

À l’opposé, celui déjà bien informé à ce sujet n’apprendra rien.

Quant au jeune qui a déjà entamé un processus de radicalisation, le documentaire légitime — en la présentant sur grand écran — une conception étriquée de l’Islam qu’il a commencé à faire sienne plus ou moins clandestinement. Notamment, il pourra entendre des héros qu’il n’a vus que dans des vidéos de qualité médiocre sur l’internet.

Pour toutes ces raisons, je n’ai pas aimé ce film. Ceci étant dit, je reconnais que plusieurs scènes du film sont des documents exceptionnels, pour lesquels les coréalisateurs ont risqué leur vie.

Mais présentés bruts, tels quels, sans la confrontation avec d’autres conceptions de l’Islam, ils font du film une longue infopublicité pour des idées que je réprouve.

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectif M.Zuiko 75mm F/1,8 — 1/200 sec. — F/1,8 — ISO 6400 — 75 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Lutte au cyberterrorisme : le Canada et la France

16 avril 2016

En vertu de l’article 83.223 de la Loi antiterroriste canadienne de 2015, un juge peut ordonner la suppression de toute publication sur internet qui fait l’apologie du terrorisme.

Toutefois la loi ne précise pas d’obligation à la reddition de compte au sujet des activités de contreterrorisme des forces policières canadiennes.

Par exemple, si l’honnête propriétaire d’un journal électronique, d’un blogue ou d’un site web d’expression politique, constate la suppression de son médium sur l’internet, il n’a aucun moyen de savoir si c’est l’œuvre de pirates ou s’il a été victime d’une erreur judiciaire.

En France, les choses se passent différemment.

Lorsqu’un site est séquestré par les forces de l’ordre, les visiteurs sont redirigés vers une page web qui les avise en conséquence (ci-contre). Comme s’ils avaient tenté de pénétrer dans un lieu physique interdit par la police.

De plus, les autorités policières rendent périodiquement compte de leurs activités. Il est à noter qu’en France — contrairement au Canada — les activités ‘perturbatrices’ de l’État ne nécessitent pas l’obtention préalable de l’autorisation d’un tribunal, ce qui favorise l’efficacité des interventions policières.

L’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication est la division de la police nationale chargée de débusquer non seulement les sites terroristes, mais également les sites pédopornographiques.

Cette ‘police de l’internet’ est sous la surveillance d’une commission garante de la protection des libertés civiles. Celle-ci porte le nom de Commission nationale de l’informatique et des libertés. Neuf personnes y travaillent.

Dans l’édition d’hier matin du quotidien Le Monde, on prenait connaissance du premier rapport de cette commission.

Le blocage de sites web

Entre juillet et octobre 2015, les autorités policières ont exigé mensuellement le blocage d’une centaine de sites ou de pages web auprès d’hébergeurs. Depuis les attentats de Paris, le nombre de demandes a augmenté substantiellement, passant à environ 800 en janvier dernier.

Sur les soixante sites actuellement bloqués parce qu’ils incitaient au terrorisme ou en faisaient l’apologie, cinquante-six (93%) l’ont été depuis le 13 novembre.

À cela s’ajoute le blocage des sites pédopornographiques, beaucoup plus nombreux. En effet, on en compte deux-cent-vingt-trois, soit presque quatre fois plus que les sites liés au terrorisme.

Le blocage de pages personnelles sur des réseaux sociaux

Beaucoup de personnes croient que l’utilisation d’un pseudonyme, usuelle sur les médias sociaux, leur garantit la liberté de dire n’importe quoi.

La ‘police française de l’internet’ a demandé 1 439 retraits de contenus, dont une majorité sur les réseaux sociaux. Cette fois-ci, l’immense majorité concerne du contenu terroriste et seulement dix pour cent de contenu pédopornographique.

Dans environ 80% des cas, le blocage du contenu s’est opéré par le biais du média social lui-même et dans le reste, par le biais du fournisseur d’accès internet qui rendait possible la publication du contenu illégal.

De plus, on a demandé aux moteurs de recherche (Google, Bing, Yahoo!) de faire disparaître de leurs résultats les sites terroristes ou pédopornographiques. Sur 855 demandes de bannissement, 386 l’étaient pour du contenu terroriste et 469 pour du contenu pédopornographique.

Après analyse, la commission qui surveille l’action policière n’a pas trouvé de cas d’abus de pouvoir.

Les policiers français ont comptabilisé le nombre d’internautes qui ont tenté de se connecter à des sites interdits et qui se sont butés à l’image ci-dessus : 34 000 pour les sites pédopornographiques et de 494 pour les contenus terroristes. On peut supposer que les sites pédopornographiques attirent davantage une clientèle internationale, d’où leur audience nettement plus importante.

De ce côté-ci de l’Atlantique, le gouvernement canadien dévoile le montant des sommes dépensées à des fins sécuritaires et les organismes responsables rédigent des rapports volumineux où triomphe un jargon à partir duquel le lecteur n’a aucune idée de l’atteinte des résultats.

Conséquemment, les contribuables canadiens n’ont aucune idée de l’efficacité des brigades antiterroristes qu’ils financent. Les autorités canadiennes auraient peut-être avantage à s’inspirer de l’exemple français.

Références :
Loi antiterroriste (C-51)
Terrorisme : vague de blocages de sites Web après le 13 novembre

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pourquoi Bruxelles ?

23 mars 2016
Grand-Place de Bruxelles

La Belgique — et plus précisément la commune bruxelloise de Molenbeek — est apparue sur les radars des services de renseignement mondiaux deux jours avant les attentats du 11 septembre 2001.

Molenbeek et le terrorisme international

L’assassinat d’Ahmed Chah Massoud

Le 9 septembre 2001, le chef des rebelles afghans — sur lesquels les États-Unis comptèrent par la suite pour déloger militairement les Talibans du pouvoir — donne une entrevue à une équipe de journalistes belges.

En réalité, il s’agit de deux kamikazes tunisiens ayant séjourné quelques années en Belgique, l’un d’eux pour y étudier. Ce dernier fréquentait le Centre islamique belge, basé à Molenbeek.

Tous deux étaient munis de faux passeports belges créés à partir des 19 000 passeports dérobés aux autorités belges entre 1990 et 2000.

L’attentat dans lequel ils périrent avait pour but de tuer le commandant Massoud, ce qui fut fait.

Les attentats de Madrid de 2004

Le 11 mars 2004, 191 personnes perdent la vie et mille-neuf-cents sont blessés dans une série d’attentats commis dans des trains de banlieue à Madrid.

Les 29 responsables sont quinze Marocains, deux Syriens, un Libanais, un Égyptien, un Algérien et neuf Espagnols.

Un des concepteurs des attentats avait séjourné à Molenbeek entre 1997 et 2004.

Le recrutement de djihadistes pour la Somalie

Le Français Rachid Benomari a été condamné en octobre 2014 à 18 ans de prison par un tribunal bruxellois pour avoir dirigé en Belgique un groupe terroriste spécialiste du recrutement de djihadistes pour la Somalie et la Syrie.

L’homme a avoué être parti de Molenbeek en avril 2011 et avoir rejoint les camps des djihadistes en Somalie, où il est resté jusqu’en 2012.

L’attentat au Musée juif de Belgique en mai 2014

Le responsable Franco-Algérien de cet attentat a vécu à Molenbeek pendant plus de six semaines avant de passer à l’acte, le 24 mai 2014. À cette occasion, il tue par balles quatre visiteurs du musée.

C’était la première attaque perpétrée par l’État islamique en Occident.

L’attaque contre Charlie Hebdo en janvier 2015

Certaines des armes utilisées par les terroristes contre Charlie Hebdo avaient été achetées aux alentours de la Garde du Midi, un peu au sud de Molenbeek.

La prise d’otages d’une épicerie cachère parisienne en janvier 2015

L’auteur de l’attaque, né en France, s’était procuré ses armes à Molenbeek.

L’attaque sur le Thalys en aout 2015

Le Marocain responsable de la tentative avortée de carnage sur le TGV reliant Bruxelles à Paris a séjourné dans l’appartement de sa sœur à Molenbeek d’où il est parti le jour de l’attaque. C’est également dans ce quartier qu’il s’était procuré son armement.

Le carnage à Paris, le 13 novembre 2015

Les trois membres de la cellule terroriste qui a mitraillé les gens attablés à des cafés de Paris étaient un Français et deux Belges, tous originaires de Molenbeek. En plus, six de leurs 26 complices présumés sont de Molenbeek.

L’unique survivant du commando responsable de ces attaques a été capturé à Molenbeek le 18 mars 2016. Les policers ont découvert la planque dans laquelle il se cachait à la suite du tuyau fourni par un des ses amis.

La guerre en Syrie

Proportionnellement, la Belgique a davantage fourni de djihadistes en Syrie et Irak que les autres pays européens, soit 41,6 combattants par million d’habitants, comparativement à 25,5 pour la France et 3,7 pour le Canada.

Aussi importante qu’elle soit en pourcentage, cette contribution compte pour peu en nombres absolus puisqu’il s’agit de 470 à 553 personnes. À titre de comparaison, les mercenaires tchéchènes (la plus importante contribution après les Saoudiens), représentent environ cinq-mille combattants dans les rangs des diverses milices islamistes en Syrie.

Ce qui est inquiétant, c’est que le tiers des djihadistes belges sont revenus vivre à Molenbeek sans être inquiétés par les autorités du pays.

En fait, lorsqu’on prend connaissance de l’historique des terroristes ayant séjourné à Molenbeek, on est frappé par la facilité avec laquelle ils se sont déplacés d’un pays à l’autre en dépit du fait que beaucoup d’entre eux étaient considérés comme dangereux par les services de renseignement.

La commune de Molenbeek

Molenbeek est un arrondissement de Bruxelles. Cette commune compte 96 000 habitants sur un territoire de 6 km². Le revenu médian est de 23 687$ et le taux de chômage y est de 31,5%.

Les cinq mosquées de l’arrondissement sont reconnues comme des foyers de salafisme. Cela n’est pas surprenant.

Quoique située bien au-delà de Molenbeek, la construction de la Grande mosquée de Bruxelles a été financée par l’Arabie saoudite. Celle-ci redistribue à d’autres mosquées belges une part de l’aide saoudienne. Le salafisme des mosquées de Molenbeek s’explique par l’influence saoudienne qui rayonne à partir de la Grande mosquée.

Mais depuis des années, cette influence va bien au-delà des lieux de culte. L’idéologie wahhabiste a essaimé chez une multitude de prédicateurs amateurs qui recrutaient originellement des jeunes au sortir des mosquées et qui tiennent depuis des réunions de prières chez les uns et les autres. À cette occasion, ils enseignent leur conception rigoriste de l’Islam et incitent leurs fidèles au djihadisme.

Le dispositif sécuritaire belge

À la suite de tout attentat terroriste, les services de renseignement imputent la faute à l’insuffisance des moyens à leur disposition.

La Belgique avec ses 10,4 millions d’habitants compte trois fois moins d’agents de renseignement (ils sont 600) que les Pays-Bas avec ses 16,8 millions d’habitants.

Pour espionner un seul suspect 24 heures sur 24 sans risquer d’être détectées, les agences de renseignement doivent mobiliser jusqu’à 36 agents.

Toutefois, contrairement à ce qu’on pourrait penser, les services de renseignement sont généralement peu efficaces à prévenir les attentats terroristes. Une fois un attentat commis, ils brillent à trouver des complices et faire avorter les autres attentats en préparation par les mêmes personnes. Autrement, les attentats qu’on prévient avortent presque toujours à cause d’une dénonciation.

Pendant des années, alors que montait la menace terroriste en Europe, rien n’a été fait en Belgique jusqu’aux attentats de Paris. La raison est simple; de tous les pays européens, la Belgique est probablement celui dont l’État est le plus faible.

À la suite des élections de juin 2007, la Belgique avait été sans gouvernement pendant 194 jours. Aux élections suivantes de 2010, la crise politique dura 541 jours.

Même si des milliers de fonctionnaires veillaient alors aux affaires courantes, personne n’était là pour prendre les grandes décisions. Et la Belgique fut pendant ce temps un grand navire à la dérive, où on a laissé se développer le salafisme et la contrebande des armes en provenance de l’Europe de l’Est.

Si Molenbeek est aujourd’hui un terreau fertile au djihadisme, c’est à cause de son ouverture relative aux prédicateurs fondamentalistes et l’existence d’un florissant marché noir des armes à deux pas du quartier.

Ajoutez-y un taux élevé de chômage chez les jeunes et vous avez alors tous les ingrédients nécessaires à la création du Belgistan qu’est devenu Molenbeek.


Postscriptum Le 2 décembre 2017, sur les ondes de France 24, l’ex-ambassadeur allemand Joachim Bitterlich déclarait au sujet de l’époque où la Belgique avait offert au régime saoudien le financement de la construction de la Grande mosquée de Bruxelles :

…en même temps, ce qui est beaucoup plus important, la Belgique a permis à l’Arabie saoudite de former les imams en Belgique.

D’où un mouvement salafiste — si vous voulez islamiste d’extrême-Droite ou de Droite — en Belgique, répandu jusqu’au sud des Pays-Bas et à l’ouest de l’Allemagne; Cologne et Bonn sont devenus les centres du salafisme en Allemagne.

Références :
A Bruxelles, Molenbeek, base arrière des terroristes?
Attentats à Paris: le pistolet-mitrailleur de Coulibaly vient de Belgique
Attentats de Madrid du 11 mars 2004
Attentats du 13 novembre 2015 en France
Belgique: un Français condamné à 18 ans de prison pour terrorisme
Crise politique belge de 2010-2011
Belgium’s big problem with radical Islam
Les attentats de Bruxelles soulèvent des failles dans le système
Les avocats du présumé terroriste Rachid Benomari plaident un renvoi aux assises
Molenbeek: un si long passif terroriste
Pleins feux sur la «filière belge»
Pourquoi Bruxelles?
Ratages et bon tuyau : comment les enquêteurs ont fini par débusquer Salah Abdeslam
Thalys: Ayoub El Khazzani est parti de la Chaussée de Gand, à Molenbeek
Vie et mort des assassins de Massoud
Why did the bombers target Belgium?

Parus depuis :
Où sévit le terrorisme islamiste dans le monde? La réponse en carte (2016-03-24)
La Belgique est accusée de négligence (2016-03-25)
La Belgique, foyer du djihadisme (2016-03-26)
Les trois lectures de la violence djihadiste (2016-03-26)
Molenbeek ou l’islamisme ordinaire (2016-04-01)

Détails techniques de la photo : Canon Powershot G6 — 1/320 sec. — F/3,5 — ISO 50 — 7,2 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les États-Unis et le cryptage de l’iPhone

18 février 2016

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Introduction

Dans le cadre de l’enquête sur l’attentat terroriste de San Bernardino — revendiquée par deux sympathisants de l’État islamique — les enquêteurs américains ont demandé à Apple son code de cryptage afin d’accéder au contenu de l’iPhone d’un des auteurs de l’attaque, ce qu’Apple a refusé de faire.

Il y a deux jours, en première instance, une juge de Californie a décrété qu’Apple devait fournir « une assistance technique raisonnable » au FBI, toujours incapable d’accéder au contenu du téléphone.

Portant la cause en appel, Apple refuse toujours de céder.

Depuis des mois, les dirigeants américains veulent que les éditeurs de logiciels créent des portes dérobées permettant aux agences de renseignement d’accéder aux téléphones multifonctionnels et aux ordinateurs des terroristes.

De leur côté, les éditeurs craignent que s’ils créent volontairement une telle vulnérabilité, celle-ci ne soit inévitablement trouvée par des malfaiteurs, ce qui nuit à leur réputation et à la fiabilité présumée de leurs produits.

De plus, n’importe quel régime totalitaire pourrait organiser un faux attentat terroriste sur son territoire afin d’avoir un prétexte lui permettant d’exiger d’Apple la clé de cette porte dérobée et espionner ainsi ses propres citoyens.

Réactions

Tom Cotton, sénateur républicain de l’Arkansas, s’est empressé de condamner Apple : « Apple a choisi de protéger un terroriste de l’État islamique plutôt que la sécurité du peuple américain.»

Par contre, l’avocat Alex Abdo, de l’Union américaine pour les libertés civiles, s’est inquiété du précédent : « Si le FBI peut forcer Apple à pirater les appareils de ses clients, alors tous les régimes répressifs du monde le peuvent également.»

Mark MacCarthy — vice-président de la Software and Information Industry Association (qui rassemble environ 800 entreprises du secteur technologique) — estime de son côté qu’une victoire des enquêteurs affectera la confiance des usagers dans tous les appareils dont les données sont censées être sécurisées.

Les faux prétextes

Équipé du système d’exploitation iOS9, l’iPhone est protégé par un système de chiffrement spécial développé par Apple dans la foulée des révélations d’Edward Snowdon sur les intrusions de la NSA dans la vie privée des citoyens ordinaires.

La clé d’encodage n’est détenue que par le propriétaire de l’appareil. Apple n’en possède pas de copie. Il s’agit d’une clé à six chiffres; deux sont spécifiques à l’appareil, tandis que les quatre autres chiffres sont ceux que l’utilisateur a choisi comme mot de passe.

En possession de l’appareil d’un malfaiteur, il faut tester 104 — soit 10 000 — possibilités. Le problème des autorités policières, c’est qu’après dix tentatives infructueuses d’accès à un appareil, l’ensemble de son contenu est automatiquement effacé. Or les enquêteurs ne veulent pas courir ce risque.

Mais qu’y a-t-il de si précieux sur cet iPhone ?

L’utilisateur d’un téléphone portable peut effacer l’historique de ses appels. Mais il ne peut pas modifier le registre de ses appels chez son opérateur de télécommunications.

Or justement, la facture mensuelle détaillée de n’importe quel opérateur de télécommunications (AT&T, Telus, Verizon, Public Mobile, etc.) précise la date, l’heure, et la durée de tout appel reçu ou envoyé, de même que le numéro de l’appelant ou de l’appelé.

Ces factures mensuelles sont conservées pendant des mois et même probablement des années, ce qui permet aux enquêteurs de remonter dans le temps et de savoir toutes les personnes contactées à l’aide de ce téléphone durant cette période. Que faut-il de plus ?

La teneur des propos échangés ? Mais cela n’est pas stocké sur l’iPhone. Pouvez-vous réentendre vos conversations ? Non ? Eh bien la police non plus.

Veut-elle la liste des contacts dans le bottin du suspect ? Elle n’a pas besoin du code de cryptage. Il suffit de la copie de ce bottin qu’Apple entrepose sur l’iCloud, c’est-à-dire sur ses serveurs.

Malheureusement, les enquêteurs ont tenté plusieurs fois d’accéder à cette liste de contacts sur l’iCloud, si bien que ces données sont maintenant verrouillées. Même Apple ne peut accéder à cette liste. Si les enquêteurs avaient obtenu un ordre de la cour, la politique d’Apple est d’obtempérer. Conséquemment, ce verrouillage ne serait pas survenu. Maintenant, il est trop tard.

La police veut-elle écouter les messages laissés dans la boite vocale ou les textos reçus ?

Les pays anglo-saxons (États-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande) ont mis sur pied un réseau d’espionnage — surnommé ECHELON — capable de filtrer toutes les conversations téléphoniques échangées sur la planète. Ce réseau ne peut pas analyser les appels acheminés par câble mais filtre tous ceux qui sont transmis par des antennes émettrices, ce qui est le cas des appels par téléphone multifonctionnel.

Ce réseau est complètement informatisé : des ordinateurs puissants analysent automatiquement chaque conversation téléphonique à la recherche de mots-clés. Les conversations suspectes sont ensuite écoutées par des préposés. Rien n’interdit de penser qu’on fasse la même chose au sujet des textos.

De plus, lorsque la pile de votre téléphone est à plat, tous les messages sont entreposés chez votre opérateur de télécommunications et vous sont communiqués dès que, votre pile rechargée, vous accédez à votre boite vocale. Rien n’est perdu.

Doit-on comprendre que les États-Unis, obsédés par la sécurité, n’ont pas demandé aux opérateurs de télécommunications (par qui tous les messages passent) de ne pas conserver de copie de tous les messages laissés dans les boites vocales, que l’accès à cette boite ait réussi ou non ? Cela est douteux.

Ce que les autorités policières veulent, c’est qu’Apple écrive une nouvelle version de son système d’exploitation — surnommée par dérision FBiOS — qui comporte une porte dérobée leur permettant d’accéder à ce téléphone.

Mais comment cette nouvelle version peut-elle y être installée ? Il faut le mot de passe que seul le terroriste décédé connait.

En réalité, cette nouvelle version permettrait plutôt aux autorités américaines d’accéder sans mandat à l’iPhone de n’importe quel citoyen américain.

D’où la question : se peut-il que les raisons invoquées par les autorités américaines cachent des motifs secrets ?

Les motifs présumés

S’ils obtiennent le code de cryptage d’Apple — probablement utilisé ailleurs que sur les iPhones — les États-Unis obtiendraient accès aux textes échangés par messagerie électronique, aux courriels et aux documents annexés.

La guerre au terrorisme devient donc le prétexte qui permet l’espionnage industriel massif. Plus besoin d’espions; les messages interceptés donnent la possibilité au gouvernement américain de refiler aux entreprises américaines l’information confidentielle qui leur permettra d’enregistrer avant tout le monde les brevets et inventions piratés d’entreprises étrangères. Dans les secteurs hautement stratégiques, cet espionnage peut aller du simple vol des plans d’étude jusqu’au pillage des données technologiques confidentielles.

Mais ce qui intéresse par-dessus tout les agences d’espionnage américains, ce sont les renseignements sur des appels d’offres qui, interceptés, confèrent aux entreprises américaines participantes un avantage sur leurs concurrents étrangers.

Une structure a même été spécialement créée pour épauler les entreprises américaines dans la conquête des principaux contrats internationaux : l’Advocacy Centre, chargé de faire le lien entre le secteur privé et les services de l’État.

Le mois dernier, le ministre de la Sécurité et de la Justice néerlandaise, de même que le ministre des Affaires économiques de ce pays, soulignaient « l’importance d’un chiffrement robuste (…) pour la protection des données des citoyens, des entreprises, du gouvernement et de l’économie néerlandaise tout entière.»

Les deux ministres s’inquiétaient du danger d’exposer le trafic internet à l’espionnage des criminels, des terroristes et d’agences de renseignement étrangères.

Jusqu’ici, le grand gagnant du bras de fer qui oppose le gouvernement américain à Apple est ce dernier. En effet, il vient de démontrer qu’il était en mesure de protéger les données personnelles de ses clients contre l’intrusion de la plus grande puissance du monde.

À ceux qui voyaient Apple comme un gros monopole inquiétant, cette controverse permet à Apple de jouer soudainement le rôle de David contre Goliath.

Références :
Apple reçoit des appuis dans son bras de fer contre le FBI
Cryptage: le patron d’Apple dans un bras de fer politique
Djihadisme: Washington veut enrôler les géants de l’internet
Fusillade de San Bernardino
Le gouvernement néerlandais défend le chiffrement des données
Le nerf optique espion
Les États-Unis et le sabotage de l’économie française
L’informatique dématérialisée et l’espionnage industriel
Terrorisme : pourquoi le FBI et la NSA s’attaquent au chiffrement des données
Silicon Valley appears open to helping US spy agencies after terrorism summit
The British Big Brother

Parus depuis :
Chiffrement : les enjeux du conflit Apple-FBI touchent la police française (2016-02-19)
Facebook and Twitter back Apple in phone encryption battle with FBI (2016-02-19)
Is the FBI v Apple PR war even about encryption? (2016-02-23)
La bataille entre Apple et la justice va se traduire par plus de cryptage (2016-02-24)
Une société israélienne peut percer les secrets de votre portable en quelques secondes (2016-11-24)
Apple aurait renoncé au chiffrement des sauvegardes iCloud après des pressions du FBI (2020-01-22)
États-Unis et Danemark sommés de s’expliquer sur l’espionnage d’alliés européens (2021-06-01)

Détails techniques de la photo : Olympus OM-D e-m5, objectif Lumix 12-35mm F/2,8 — 1/80 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 35 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le prosélytisme de l’Arabie saoudite

15 février 2016
© 2010 — Google Maps

Le prosélytisme se définit comme un zèle ardent à recruter des adeptes.

Le wahhabisme est la religion d’État de l’Arabie saoudite. Il s’agit d’un mouvement polico-religieux fondamentaliste qui propose une interprétation rigoriste de l’Islam.

Sans renoncer à la technologie moderne — électricité, télévision, ordinateurs, etc.— le wahhabisme croit que les problèmes actuels du monde arabe ont pris naissance du fait qu’on se serait éloigné de la pureté originelle du monde islamique.

D’où la nécessité de retourner à ses sources, notamment en encadrant la société par des règles de droit et en épousant les coutumes qui prévalaient en Arabie au temps de Mahomet.

Ali Mohammed al-Nimr
 
Coupable d’avoir manifesté pour la Démocratie dans son pays, un jeune saoudien chiite (ci-dessus) a été condamné à être décapité alors que son cadavre sera crucifié et exposé publiquement jusqu’à la décomposition évidente des chairs. Ceci est un exemple des châtiments saoudiens qui tirent leur justification du fait qu’ils étaient coutumiers à l’époque de Mahomet ou dans les premiers siècles qui ont suivi son décès.

La barbarie de l’Arabie saoudite montre la similarité de son idéologie avec celle de l’État islamique : ce qui a fait dire à certains observateurs que l’Arabie saoudite est simplement un État islamique qui a réussi.

Depuis le premier choc pétrolier de 1973, la dictature saoudienne dépense annuellement des milliards de dollars pour propager le wahhabisme. De nos jours, la Politique religieuse de la dictature saoudienne est évaluée à huit milliards américains par an.

Dans un rapport datant de 2003, le Comité sénatorial américain sur le terrorisme, la technologie et la sécurité nationale publiait les témoignages d’experts venus témoigner devant lui. En voici quelques extraits :

Le problème auquel nous faisons face aujourd’hui est (…) le financement étatique d’une idéologie extrémiste qui constitue le terreau fertile à l’émergence (…) du terrorisme international. Cette idéologie extrémiste est le wahhabisme, une force majeure derrière des groupes terroristes comme Al-Qaida…
(…)
Les revenus pétroliers ont permis aux Saoudiens de propager cette interprétation fanatique et destructrice de l’Islam partout dans le monde musulman et notamment parmi les Musulmans occidentaux.
(…)
Al-Qaida et les terroristes du 11 septembre 2001 sont les produits du système de valeurs haineux et intolérant du wahhabisme.
(…)
Même si nous détruisions complètement Al-Qaida, une autre Al-Qaida surgirait si nous ne prenons pas soin de détruire également les racines de l’extrémisme musulman.

Selon les documents officiels d’Arabie saoudite, celle-ci a dépensé 281 milliards de riyals (environ 70 milliards de dollars américains) entre 1975 et 2002 à des activités dites islamiques, c’est-à-dire la promotion de son idéologie.

C’est 2,5 fois les sommes que l’URSS, ensuite la Russie, dépensaient au cours de la même période pour propager l’idéologie communiste.

Cet argent saoudien a servi à la construction de 1 359 mosquées, 210 centres islamiques, des dizaines d’écoles coraniques et à prendre le contrôle des quatre cinquièmes de toutes les maisons d’édition musulmane à travers le monde.

Selon le même comité sénatorial, le contrôle saoudien des mosquées signifie le contrôle des droits de propriété de l’édifice, de la formation et l’embauche d’imams, du contenu des prêches — par le biais de la télécopie des sermons en arabe expédiés à partir de la capitale saoudienne — le contrôle des feuillets imprimés distribués aux fidèles, des messages affichés aux babillards, et des livres vendus aux librairies des mosquées.

L’équivalent de la messe du dimanche pour les Chrétiens se déroule le vendredi chez les Musulmans. Au cours du ‘Printemps arabe’, c’est ce jour-là, plus précisément au sortir des mosquées sunnites, qu’ont eu lieu les Vendredis de la dignité, c’est-à-dire ces grandes protestations en Égypte et en Syrie contre les dirigeants de ces pays.

Cela n’est pas une coïncidence. C’est par les prêches incendiaires saoudiens, expédiés électroniquement au clergé sunnite, que l’Arabie saoudite est en mesure d’inciter à la révolte des millions de Musulmans qui, réagissant comme un seul homme, protestent contre leurs dirigeants, contre Charlie Hebdo, contre la destruction par le feu d’un exemplaire du Coran, etc.

Ces protestations surviennent le même jour, simultanément dans une multitude de villes ou de pays, parce qu’elles sont orchestrées.

En France, au début des années 1990, la construction de la mosquée de Lyon a bénéficié d’un don saoudien de 2,9 millions$. Selon les dépêches diplomatiques américaines révélées en 2011 par Wikileaks, cette mosquée serait un des centres de recrutement d’Al-Qaida en Europe.

Les largesses saoudiennes comprennent 5 millions$ au Centre culturel islamique de Belgique à Bruxelles, 5 millions$ annuellement au Centre islamique de Genève, 7,1 millions$ au Centro Cultural Islámico de Madrid et 70% des couts de construction du Centro islamico culturale d’Italia à Rome.

En 2013, la famille royale saoudienne a versé un don personnel de 681 millions$ au premier ministre de Malaisie.

Ce pays est connu pour ses lois discriminatoires à l’égard des minorités religieuses. Grâce à celles-ci, la proportion de Musulmans en Malaisie pays est passée d’environ 45 à 49% au début des années 1990, à plus de 60% de nos jours.

Références :
10 questions pour comprendre qui sont les imams en France
Grande mosquée de Lyon
Le don saoudien de 681 millions au premier ministre malaisien
Les imams se verront bientôt délivrer des « certifications »
Malaisie: les chrétiens menacés par la charia
Terrorism: Growing Wahhabi Influence in the United States
Le scandale des ventes d’armes canadiennes à l’Arabie saoudite
L’État islamique : un trou noir
On a testé… suivre les conseils de « l’imam Google » pour se convertir à l’islam
Wahhabisme
WikiLeaks cables portray Saudi Arabia as a cash machine for terrorists

Parus depuis :
Où sévit le terrorisme islamiste dans le monde? La réponse en carte (2016-03-24)
La Belgique, foyer du djihadisme (2016-03-26)
Les trois lectures de la violence djihadiste (2016-03-26)
« Un islam à la dérive » (2016-05-21)
1MDB: The inside story of the world’s biggest financial scandal (2016-07-28)
Pour un nouvel islam de France (2016-08-02)
Saudis and Extremism: ‘Both the Arsonists and the Firefighters’ (2016-08-25)
L’Arabie saoudite dévoilée (2016-11-15)
Saudi Arabia and Gulf states ‘support Islamic extremism in Germany,’ intelligence report finds (2016-12-14)
Aux sources du djihadisme belge (2017-03-22)
Report calls for public inquiry into Gulf funding of British extremism (2017-07-05)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La déchéance de nationalité

13 février 2016

Introduction

Le mardi 9 février 2016, l’Assemblée nationale française adoptait de justesse une modification constitutionnelle visant à donner à l’État le pouvoir de déchoir les terroristes français de leur nationalité.

Pour entrer en vigueur, le texte doit être entériné par le sénat à la mi-mars, puis par une majorité d’au moins les trois cinquièmes des voix par le parlement réuni en congrès à Versailles.

L’article 34 de la constitution permettra l’adoption de lois destinées à préciser les règles concernant la nationalité, y compris les conditions où une personne pourrait être déchue de celle-ci lorsqu’elle est condamnée par les tribunaux pour avoir eu « un comportement de nature à porter un préjudice grave aux intérêts essentiels de l’État.»

N’étant pas juriste, je ne sais pas très bien ce que cela implique concrètement. Sans doute pour cette raison, je vous avoue que ce texte me déçoit.

Je me conterai donc de vous dire, dans mes propres mots, ce que je pense au sujet de cette question controversée et ce que la loi devrait dire.

Le principe de la déchéance

La déchéance de la nationalité est une mesure symbolique.

Elle vise à exclure de la Nation ceux qui ont commis contre le peuple un acte haineux totalement inexcusable. On ne peut pas être Français et détester le peuple de France.

Elle est symbolique parce qu’habituellement les terroristes se préparent à mourir en commettant leurs actes. Donc la menace d’une déchéance posthume n’a pas d’effet dissuasif.

Conséquemment, elle est l’expression de l’indignation que ressentent les survivants face à l’odieux d’un crime haineux commis contre le peuple par des concitoyens asociaux.

En posant leur geste, les auteurs s’excluent donc eux-mêmes du corps de la Nation. Ils n’en font plus partie. L’État légalise leur choix en les privant de leur nationalité.

Terroristes et terroristes

La consultation de l’Histoire au sujet du terrorisme nous incite à la plus grande prudence.

Parmi les gestes d’éclat posés par la Résistance française au cours de l’occupation allemande, beaucoup étaient des actes terroristes.

Ces gestes visaient à nuire au ravitaillement des troupes allemandes et, dans certains cas, à s’attaquer à des collabos et à des représentants français de l’occupant nazi.

Donc, il n’y a pas d’adéquation parfaite entre la commission d’actes terroristes dans un pays et la haine envers le peuple qui l’habite. Au contraire, on peut vouloir tuer des représentants de l’État parce qu’on croit, à tort ou à raison, qu’ils ont trahi l’intérêt national.

Comprenons-nous bien; je ne suis pas en train de faire ici l’apologie de l’assassinat politique. Toutefois, l’assassinat d’un représentant de l’État — policier, soldat ou personne politique — ne se compare pas à une tuerie de masse dirigée contre des spécimens de la Nation tout entière; le premier est dirigé contre un pouvoir politique ou ses représentants alors que le second cible la Nation elle-même.

Voilà pourquoi toute tuerie dirigée contre des groupes de concitoyens inconnus devrait être punissable de la déchéance de la nationalité et d’un emprisonnement à l’issue duquel le condamné devrait être expulsé du pays.

Pour terminer, précisons que tuer son conjoint est un homicide mais ce n’est pas un acte terroriste parce qu’il ne vise pas à terroriser quiconque d’autre.

Par contre, l’attentat terroriste — qui est également un homicide — se double, lui, d’un message haineux adressé à une collectivité.

Références :
Déchéance de la nationalité française
La déchéance, c’est maintenant
L’Assemblée nationale vote la déchéance de nationalité
Révision constitutionnelle : les députés votent la déchéance de nationalité à une courte majorité

Parus depuis :
Un djihadiste britanno-canadien déchu de sa nationalité par Londres (2018-08-18)
Une femme condamnée pour terrorisme devient la première Française déchue de sa nationalité (2023-05-09)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les propos haineux d’un père

10 décembre 2015

Interrogé par le quotidien Le Parisien, le père du troisième membre du commando terroriste qui causé le carnage au Bataclan a déclaré : « Si j’avais su qu’il commettrait un jour une chose comme ça, je l’aurais tué avant.»

À mon avis, cette déclaration doit être interprétée de manière littérale.

En vertu de la Charia, l’homicide est punissable de la peine de mort sauf quand il s’agit du mari qui tue sa femme ou du père qui tue son enfant.

Ce témoignage du père suggère que le fils a grandi à Strasbourg dans un milieu familial où règne une conception rigoriste de la religion. Or justement, ce rigorisme fut probablement un terreau fertile à la radicalisation ultérieure du fils.

En comparaison, lorsqu’un père québécois apprend que son fils est un criminel, ses réactions sont le déni (‘mon fils n’est pas comme ça’), la déculpabilisation du fils (‘il s’est laissé influencer’), ou la honte.

Mais réagir en disant qu’on aurait préféré le tuer, cela trahit un sens aigu de l’honneur familial, aujourd’hui à peu près complètement disparu chez nous, mais jugé sacré dans d’autres sociétés.

Dans une famille où règne le fondamentalisme religieux, le pas à franchir pour commettre un attentat terroriste est plus facile (sans toutefois être inéluctable) : que ce soit un attentat contre une clinique d’avortement américaine (s’il s’agit du fondamentalisme chrétien) ou contre les symboles de la dépravation occidentale (s’il s’agit du wahhabisme).

Il est important de se rappeler que le terrorisme religieux n’est pas une exclusivité musulmane; elle est associée à tous les milieux qui se croient investis de la mission divine de réaliser la Colère de Dieu.

Référence :
Le père du troisième kamikaze du Bataclan : «Si j’avais su, je l’aurais tué avant»

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La sympathie discrète du gouvernement israélien pour Al-Qaida

9 décembre 2015

Le très sérieux Wall Street Journal révélait en mars dernier que les combattants d’Al-Qaida blessés au sud-ouest de la Syrie trouvaient refuge en Israël pour y être soignés.

Amos Yadlin — ancien chef du Renseignement militaire israélien dont Le Monde publie ce matin une entrevue — déclarait plus tôt cette année que l’Iran et le Hezbollah étaient des menaces bien plus graves pour Israël que les islamistes radicaux sunnites (dont Al-Qaida et l’État islamique font partie).

Ce qui est vrai pour Al-Qaida, l’est moins pour le califat parce ce territoire n’est pas situé près des frontières israéliennes; les blessés graves de l’ÉI sont plutôt soignés en Turquie, plus proche.

Si le territoire de l’ÉI s’approchait des frontières israéliennes, ses combattants blessés seraient soignés en Israël selon la politique obsessionnelle de Benyamin Netanyahou d’appuyer tout ce qui pourrait nuire à l’Iran et à son allié Bachar el-Assad.

En vertu du serment d’Hippocrate, les médecins sont tenus de soigner tout être humain, quelles que soient ses convictions religieuses et ses idées politiques.

Je ne reproche donc pas aux médecins d’avoir soigné des terroristes; ils ont fait leur devoir. Je reproche plutôt au gouvernement israélien de Netanyahou de permettre à ces combattants, une fois remis sur pied, de retourner combattre en Syrie plutôt que de les emprisonner et de les accuser de terrorisme.

Si ces derniers, revenus au combat, étaient affectés à la commission d’un attentat terroriste ici même à Montréal, je doute que les excuses d’Israël rencontreraient beaucoup de sympathie au Québec.

Conséquemment, on ne peut que qualifier d’irresponsable la politique du gouvernement de Benyamin Netanyahou à l’égard des terroristes sunnites et espérer qu’il se ressaisisse avant d’avoir à porter l’odieux des conséquences d’une complicité honteuse.

Références :
Al Qaeda a Lesser Evil? Syria War Pulls U.S., Israel Apart
Amos Yadlin : « Bachar Al-Assad fait partie de l’axe radical qui veut détruire Israël »
Wall Street Journal: Israel Caught Red-handed Aiding al-Qaeda in Syria

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Écrit par Jean-Pierre Martel