Grand parleur, petit faiseur

Publié le 28 février 2011 | Temps de lecture : 5 minutes

Le 23 février 2011, M. Charest prononçait le discours inaugural d’une nouvelle session parlementaire. Son gouvernement se donne cinq priorités :
   • l’éducation
   • l’emploi
   • le développement durable
   • la maîtrise de nos ressources
   • et la santé.

L’éducation

Les parents dépensent une fortune à chaque début d’année pour l’achat de matériel scolaire. Les bibliothèques scolaires du Québec manquent de livres. Ceci étant dit, le gouvernement annonce que chaque classe du Québec sera bientôt dotée d’un tableau blanc intelligent et que tous les professeurs seront munis d’un ordinateur portable. Mais y a-t-il encore un seul professeur au Québec qui n’ait pas déjà un ordinateur portable ?

Pourquoi parle-t-on tant des révolutions dans les pays arabes alors que c’est ici que surviennent les plus grands changements. Imaginez : passer de tableaux noirs à des tableaux blancs. Non pas blanc cassé, pas blanc écru, ni même coquille d’oeuf: non, non, blanc intelligent. Quelle merveilleuse révolution décorative. Comme quoi on n’arrête pas le progrès, même sous les libéraux.

Les élèves de 6e année du primaire consacreront la moitié de leur année à l’apprentissage intensif de l’anglais. Nulle part dans le discours inaugural est-il question de la défense du français. Après avoir légalisé les écoles passerelles et sabré dans les cours de francisation des immigrants, le gouvernement affiche sa priorité : la promotion de l’anglais. Je n’ai rien contre l’anglais mais est-il possible que le français soit plus menacé au Québec que l’anglais ?

L’emploi

Le chômage au Québec — à 7,6% en décembre 2010 — est le plus faible depuis plus d’une décennie. Toutefois, cette diminution n’a rien de remarquable puisqu’elle suit une tendance canadienne.

Taux de chômage au Canada, de 1988 à 2008

La maîtrise de nos ressources

Comme l’aveugle qui retrouve miraculeusement la vue, le gouvernement Charest annonce que la maîtrise de nos ressources naturelles sera sa priorité. Toute une volteface.

La santé

En 2003, les libéraux de Jean Charest s’étaient engagés à éliminer les listes d’attente en santé. Depuis, le gouvernement Charest se félicite du ralentissement de la vitesse d’accroissement des listes d’attente. En 2009, le ministre de la Santé annonçait qu’il ne se fixait plus aucune cible de réduction ni d’échéancier à atteindre en ce qui concerne les délais d’attente dans les urgences des hôpitaux.

Pour ce qui est de la pénurie des médecins, c’est la faute au Parti Québécois; selon M. Charest, si le PQ n’avait pas mis à la retraite des centaines de médecins au siècle précédent, nous ne manquerions pas de médecins aujourd’hui. Malheureusement la majorité des médecins mis à la retraite par le PQ sont aujourd’hui décédés ou lourdement handicapés par l’âge. Donc la pénurie actuelle dépend du gouvernement actuel.

Le développement durable

Il serait plus juste de parler d’appauvrissement durable.

Durant neuf des dix dernières années du gouvernement du Parti québécois, la croissance économique du Québec a dépassé la moyenne canadienne. À telle enseigne que le gouvernement fédéral avait décidé — à juste titre — de réduire légèrement la péréquation versée à notre province.

Aussitôt arrivé au pouvoir, le gouvernement Charest a coupé à tort et à travers dans les dépenses publiques afin de dégager — sans succès — le milliard de dollars promis comme réduction d’impôts aux riches contribuables, provoquant ainsi une contraction de l’économie. Résultat? La croissance économique du Québec est redevenue sous la moyenne dès la première année de son accession au pouvoir et n’a pas cessé de l’être depuis.

Historiquement, le Québec a toujours dégagé d’importants surplus dans ses échanges internationaux. Pour la première fois de son histoire, en 2004 — soit un an après l’arrivée au pouvoir de M. Charest — le Québec s’est retrouvé avec un déficit commercial de 600 millions. Puis, avec un déficit de 6 milliards en 2005, 17 milliards en 2008, et 12 milliards en 2009. En 2010, ce déficit fut de 16,4 milliards, soit 5% du PIB.

Un déficit commercial, c’est de l’argent qui quitte le Québec pour aller créer des emplois ailleurs.

C’est au cours du règne de M. Charest que la Caisse de dépôt et de placement a perdu 25% de la valeur de ses actifs, comparativement à 18,4% pour la moyenne des grandes caisses de retraite canadiennes. De plus, le porte-feuille des investissements de la Caisse n’a jamais comporté aussi peu d’actions d’entreprises québécoises (environ 15%). En somme, notre argent sert à créer des emplois ailleurs.

Conclusion

Au point de vue strictement économique, le gouvernement Charest est le pire qu’ait connu le Québec depuis très longtemps.

Références :
La Caisse de dépôt et de placement dévoile ses résultats – Le rendement jugé insuffisant
Le ministre Bolduc se rétracte
Vers un choc économique

Note : Photo de M. Charest par le journal Le Devoir.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La prière publique aux assemblées municipales

Publié le 22 février 2011 | Temps de lecture : 3 minutes

En 2004, la Commission des droits de la personne recommandait que le Conseil municipal de la ville de Laval cesse de réciter une prière publiquement à l’ouverture des séances du Conseil. Le maire de cette ville, M. Gilles Vaillancourt, refusant de se conformer à cette décision, porta l’affaire devant les tribunaux. Toutefois, l’interdit fut confirmé par le Tribunal des droits de la personne en septembre 2006 et la récitation de cette prière — une pratique vieille de 41 ans — fut donc abandonnée.

À l’époque, on estimait qu’environ le tiers des municipalités du Québec procédaient eux aussi à la prière publique en début de séance.

En décembre 2009, la Commission des droits de la personne prononçait une recommandation semblable à l’encontre de l’hôtel de ville de Trois-Rivières. Ici encore, la Commission se fondait sur le principe de la séparation entre l’Église et l’État ; dans l’exercice de ses fonctions, un représentant de l’État ne peut imposer à une personne qui ne partage pas ces croyances d’assister à un rituel de nature religieuse, quel qu’il soit.

Lundi le 14 février dernier, le Tribunal des droits de la personne ordonnait à la Ville de Saguenay de cesser de réciter la prière aux séances du conseil municipal et de retirer tous les symboles religieux des salles où se tiennent les assemblées publiques. De plus, la ville et son maire se voyaient condamner à payer une amende et des frais totalisant la somme de 33 500 $.

Après plusieurs condamnations, la jurisprudence est claire : la prière publique en début de réunion de Conseils municipaux est illégale. Tous les citoyens, croyants ou non, catholiques ou autres, sont égaux devant les administrations municipales. Les municipalités qui s’adonnent à la prière publique s’exposent donc à des poursuites et à des pénalités. Or tout cela est un gaspillage des fonds publics.

Avec toutes les allégations de corruption municipale qui circulent de ces temps-ci, il est évident que nos élus municipaux ont besoin des secours de la Sagesse Divine. Personne ne leur reprochera donc d’invoquer Dieu en privé puisque leurs prières publiques, en plus d’être illégales, donnent de si piètres résultats…

À tous les élus qui déchirent leurs vêtements et qui se frappent la poitrine en signe de désespoir face à cette jurisprudence, rappelons la Bible : « Malheur à vous, docteurs de la loi et Pharisiens, qui dévorez les maisons des veuves sous prétexte que vous faites de longues prières, c’est pour cela que vous recevrez une condamnation plus rigoureuse. »

Références :
Hôtel de Ville — Le crucifix restera à la salle du conseil
Le tiers des conseils municipaux récite la prière
Plus de prière au conseil municipal de Saguenay
Under Rumsfeld, Pentagon published Bible verses on top-secret intel reports

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Un combat d’arrière-garde du gouvernement libéral

Publié le 27 janvier 2011 | Temps de lecture : 5 minutes

La traçabilité correspond à la capacité de suivre les déplacements d’un aliment, de sa production à sa distribution aux consommateurs ; en d’autres mots, de la fourche à la fourchette. Elle vise à mieux qualifier les produits mis sur le marché, à une meilleure maîtrise des dangers et à abaisser les niveaux de risques.

Depuis l’an dernier, la loi américaine exige que chacun des intervenants dans la chaine de production documente la source d’approvisionnement d’un aliment et à qui celui-ci a été vendu. Cette exigence est destinée à faciliter la tâche du gouvernement américain dans les cas de rappel ou de saisie. Afin de lutter contre le bioterrorisme, une exigence analogue existait déjà pour les aliments importés aux État-Unis. Dans l’Union européenne, la traçabilité va plus loin puisque chacun des intervenants a accès à cette information.

En 2004, lors d’un voyage à Paris, je me trouvais dans un restaurant où j’avais commandé de la raie (un poisson aujourd’hui sur la liste des espèces menacées). Alors que je racontais au serveur comment il était difficile de trouver de la raie fraîche au Québec, celui-ci m’apprenait que son restaurant était en mesure de savoir quand et où le poisson avait été pêché, par quel(s) entrepôt(s) il avait transité, et finalement l’heure approximative où il était arrivé chez son fournisseur à Paris ce matin-là. Exactement comme n’importe quel colis de FedEx ou d’UPS.

Deux ou trois ans plus tard, je me trouvais à l’épicerie Métro située près de chez moi. J’avais remarqué la pile de brocoli en spécial alors que la veille, Radio-Canada annonçait le rappel aux États-Unis de brocoli californien contaminé. Ce matin-là comme toujours, rien en n’indiquait la provenance. L’employé à qui je m’étais informé ne savait pas d’où ce brocoli provenait et ne savait pas qui pouvait me répondre à ce sujet. Toutefois, il m’assurait que cela ne venait pas de Californie. Je présume qu’il avait entendu parler du rappel lui aussi.

Dans mon billet d’hier, je me plaignais de la difficulté de connaître la provenance de ce que nous mangeons. Le 3 octobre dernier, je rapportais le scoop relatif au maïs transgénique toxique qui, réduit en poudre, pourrait bien être exporté de Chine et se retrouver dans nos croustilles au maïs.

J’apprenais ce matin dans Le Devoir que le gouvernement Charest s’inquiétait « de la rigidité de l’Union européenne sur la certification des produits industriels exportés par le Canada et sur les règles qui permettent d’établir le pays d’origine d’un produit — dans le secteur alimentaire notamment. Le gouvernement Charest espère que les Européens accepteront de faire preuve de flexibilité sur ces questions. »

Quelle connerie. Je ne peux pas croire que le gouvernement Charest soutient ce combat d’arrière-garde de l’industrie agroalimentaire visant à maintenir tout le monde dans la noirceur totale quant à la qualité de ce que nous mangeons.

Il a fallu une loi fédérale — présentée par le NPD — pour obliger la divulgation de la teneur des gras trans dans nos aliments : ces gras ont presque disparu depuis qu’on est en mesure d’éviter d’en consommer. On est donc loin du jour où les OGM seront identifiés à l’épicerie : l’industrie ne veut même pas que nos gouvernements sachent quand ils s’apprêtent à nous vendre des produits impropres à la consommation et conserver ainsi le pouvoir discrétionnaire de retirer ou non ces aliments sur leurs tablettes — sauf quand un inspecteur zélé décide d’enquêter sans avoir reçu de plainte au préalable (ce qui n’arrive à peu près jamais).

Au lieu de préparer nos industries à faire face au futur, le gouvernement Charest préfère se faire l’allié des éléments les plus réactionnaires de l’industrie alimentaire. Ces derniers, on s’en doute, agitent le spectre des millions de dollars que la mise en place de la traçabilité coûtera, prédisent la croissance vertigineuse du prix des aliments et les émeutes populaires qui en résulteront. Bref le Québec courrait ainsi à sa perte alors que nos principaux partenaires commerciaux évoluent calmement dans le sens opposé.

Décidément, le gouvernement Charest a un faible pour les politiques à courte vue…

Références :
Libre-échange avec l’Europe – Charest se défend d’abuser des exclusions
Traçabilité agroalimentaire
Traceability rule represents big adjustment for food industry

Parus depuis :
L’importance de la traçabilité des aliments (2015-03-21)
Toujours pas de normes adéquates de traçabilité, selon un rapport (2020-11-05)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le financement des partis politiques

Publié le 25 janvier 2011 | Temps de lecture : 6 minutes


 
Dans mon billet d’avant-hier relatif à la Commission Bastarache, je signalais mon appui aux modifications apportées à la loi sur le financement des partis politiques, en particulier au sujet de la diminution de la contribution maximale permise, de même qu’au sujet du renforcement des mesures contre les prête-noms.

Apparemment, ce court passage a fait bondir Serge P. qui m’écrivait hier un commentaire très bien écrit et qui, chiffres à l’appui, s’oppose au financement public des partis politiques.

Je vous invite à lire ce commentaire. Toutefois, je ne partage pas l’avis de son auteur. Voici pourquoi.

La naissance de la démocratie :

C’est en Grèce, au du VIe siècle avant Jésus-Christ, qu’est née la démocratie. Le mot « Démocratie » vient d’ailleurs du grec et signifie littéralement « Pouvoir du peuple ».

Dans la cité-État d’Athènes, chaque citoyen possédait un droit égal de choisir la composition de l’Assemblée des citoyens. Dans les faits, ni les femmes, ni les esclaves, ne possédaient le statut de citoyen et par conséquent, n’avaient le droit de vote.

Au fil des siècles, le concept de la démocratie a évolué. Par exemple, en Angleterre, les locataires ont dû attendre jusqu’en 1867 pour obtenir le droit de vote. Ici même au Québec, les femmes n’ont obtenu ce droit qu’en 1940.

Le pouvoir de l’argent

Mais la démocratie, c’est davantage que le suffrage universel. En effet, qu’est-ce que ça donne au peuple de choisir ses dirigeants si ces derniers, dès qu’ils sont élus, s’avèrent à la solde d’intérêts particuliers.

Effectivement, comment les élus pourraient-ils ne pas être reconnaissants envers ceux qui leur ont donné les moyens financiers de convaincre les électeurs de voter pour eux ?

C’est pourquoi la loi québécoise de 1977 limitant les contributions politiques — une mesure imitée depuis par la France en 1988 et par le gouvernement fédéral en 2003 — représente une révolution démocratique complémentaire et toute aussi importante que le Révolution française. À mon avis, le suffrage universel sans remise en question du financement privé des partis politiques, c’est une démocratie inachevée.

Le moyen retenu par le gouvernement du Parti québécois en 1977 était de plafonner à 3,000$ le maximum d’une contribution électorale — ce qui limitait principalement les contributions des entreprises et syndicats — et de compenser partiellement cette perte de revenus par un financement public basé sur l’appui populaire obtenu lors du dernier scrutin.

Le nouveau plafond des contributions privées

Dernièrement, le plafond a été abaissé à 1,000$. Il est douteux qu’un grand nombre de citoyens « ordinaires » aient été affectés par cette mesure. Celle-ci touche exclusivement les contributions des personnes morales et celles d’une haute bourgeoisie. Or on sait qu’au moins occasionnellement, ces contributions sont effectuées dans l’espoir d’obtenir les faveurs de nos élus.

Par exemple, la Commission Bastarache nous a pris que des contributions généreuses à la caisse du Parti libéral étaient une condition sine qua non de l’accès à la magistrature depuis que le gouvernement Charest a modifié le processus de nomination des juges.

Donc cette nouvelle limite renforce le pouvoir du peuple sur les partis politiques puisqu’il augmente l’importance des contributions modestes.

Le financement public

En vertu de la loi 118, votée par l’Assemblée nationale en décembre dernier, l’allocation annuelle versée par l’État aux partis politiques — qui était inchangée depuis 1992 — passera de 0,50 $ à 0,82 $ par électeur inscrit sur la liste électorale.

Baser cette allocation sur les électeurs inscrits — et non les votes exprimés — protège les partis politiques du pourcentage variable d’abstention d’une élection à l’autre. On pourrait argumenter que si les partis politiques étaient payés par vote, ils se forceraient d’avantage pour motiver les gens à participer aux scrutins.

Théoriquement, cela est logique. Dans les faits, le pourcentage de participation aux scrutins dépend beaucoup des enjeux électoraux. Si les programmes des partis se ressemblent trop — ce qui est le cas quand les intérêts supérieurs de la Nation sont évidents pour tous — la participation au scrutin diminue. Si l’accession au pouvoir d’un parti est perçue comme étant un grave danger — surtout si cette menace est probable — la participation au scrutin augmente.

Dans le documentaire « À hauteur d’homme », le cinéaste Jean-Claude Labrecque montre bien comment Radio-Canada s’est acharné à faire déraper la campagne électorale de Bernard Landry, pourtant un des meilleurs premiers ministres que le Québec ait connu. Au lieu d’entendre parler de ce que le parti de M. Landry voulait accomplir s’il était réélu, les auditeurs de Radio-Canada ont été assommés par une controverse dépourvue d’intérêt autour d’un reportage inexact publié dans un journal régional. Conséquemment, les résultats du scrutin (et son taux de participation) en ont été affectés.

Financement public vs privé

Le financement public est le reflet de la volonté populaire. Le financement privé de partis politiques est le reflet du poids économique de leurs partisans. L’un et l’autre sont nécessaires.

Sans financement privé, les partis d’opposition sont à la merci du bon vouloir du parti au pouvoir. Ce dernier peut se traîner les pieds et retarder le versement des allocations publiques prévues en faveur de ses opposants politiques. Il peut également modifier la loi (lorsqu’il est majoritaire) pour abolir le financement public si cela lui convient.

En conclusion, le suffrage universel a pris plus de deux millénaires à se réaliser pleinement : on peut se permettre de prendre quelques décennies pour trouver un juste équilibre entre les financements privé et public des partis politiques.

Références :
Démocratie
Droit de vote des femmes
Financement des partis politiques français
Loi régissant le financement des partis politiques
Reform Act de 1867

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’utilité de la Commission Bastarache

Publié le 21 janvier 2011 | Temps de lecture : 4 minutes

Depuis le dévoilement de ses conclusions mercredi dernier, la Commission d’enquête sur le processus de nomination des juges est l’objet de diverses critiques qui vont jusqu’à remettre en question le bien-fondé de la création d’une telle commission.

Je ne veux pas parler des coûts que cela a occasionnés. Il est clair que si les Québécois avaient eu le choix entre payer pour cette commission (6 millions$) ou pour une élection provinciale (90 millions$), ils auraient sans doute préféré payer pour se débarrasser du gouvernement le plus corrompu depuis Duplessis et ainsi corriger plusieurs problèmes à la fois.

Mais nous n’avons pas eu ce choix. D’où la question suivante : cette commission, était-ce une bonne idée ? Peu importe le résultat, ma réponse est que cette commission était nécessaire.

Dans un pays démocratique, les citoyens doivent avoir confiance envers leur système judiciaire. Or la crédibilité de notre système a sérieusement été ébranlée — à juste titre, si on en juge par ce qu’on a appris depuis — par les accusations de l’ex-ministre de la Justice du Québec, Me Marc Bellemare.

Sans que cela ait été prévisible au moment de sa création, cette commission a fait la lumière sur les mécanismes intimes du favoritisme politique relatif à la nomination des juges. On sait maintenant que le gouvernement Charest a modifié les règles qui prévalaient au Québec depuis des décennies.

Les règles antérieures visaient à protéger le processus de la cabale des candidats et à minimiser la politicaillerie. Les règles instaurées par le gouvernement actuel visaient, au contraire, à prendre dorénavant en considération « l’allégeance politique » des candidats à la magistrature.

Concrètement, au Cabinet du premier ministre, Mme Landry avait pour tâche de vérifier les contributions à la caisse électorale du Parti libéral du Québec, le bénévolat lors des campagnes électorales du Parti, les services rendus lors des levées de fonds du Parti, pour finalement faire en sorte que ces futilités soient prises en considération par le Conseil des ministres.

Bref, il s’agissait d’une parmi les nombreuses mesures qui visaient à transformer l’appareil de l’État en machine à sous pour le Parti libéral du Québec.

Grâce aux travaux de la commission, tout cela a été révélé honteusement. On doit maintenant se demander si ce rapport aura des suites ? Je le crois.

Déjà, dans le domaine des contributions politiques, le gouvernement Charest a diminué le maximum permis par la Loi et a renforcé les mesures contre les prête-noms. Cela est bien.

Dans ce cas-ci, l’ex- juge Bastarache — reconnu pour une prudence que certains jugent excessive — a qualifié le système actuel de «perméable aux interventions et influences de toute sorte, notamment celles de députés, de ministres, de membres de partis politiques, d’avocats ou des candidats eux-mêmes». La liste est longue. Il a formulé 46 recommandations. L’avenir nous dira quelle est l’importance que le gouvernement Charest attache à rétablir la confiance des citoyens dans le processus d’accès à la magistrature.

Si le gouvernement actuel désire avoir de meilleures chances d’être réélu, il devra s’appliquer dorénavant à travailler plus activement dans l’intérêt national. L’ex-juge Bastarache lui en donne l’occasion…

Références :
Combien coûte une élection?
Commission d’enquête sur le processus de nomination des juges du Québec
Le processus est à revoir parce que «perméable aux influences»
Nomination des juges – Vade retro, Satanas

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le kirpan et la sécurité

Publié le 19 janvier 2011 | Temps de lecture : 2 minutes

Le 23 juin 1985, des Sikhs canadiens placèrent une bombe à bord du vol 182 d’Air India — en partance de Montréal — qui fit 329 morts. C’est le plus important acte terroriste de l’histoire du Canada. Parmi les victimes, on compte le pharmacien Gaston Beauchesne, de Hull.

Un an plus tôt, soit le 8 mai 1984, l’édifice du parlement québécois était le site d’un massacre qui fit trois morts et treize blessés. Cet acte terroriste fut commis par un québécois francophone dit « de souche ». Depuis, la sécurité y a été considérablement renforcée.

Hier, quatre Sikhs attendus à l’Assemblée nationale se sont vus interdire l’accès au parlement parce qu’ils étaient munis d’un kirpan. Celui-ci est un poignard qui a valeur de symbole dans la religion sikhe.

Il y a moyen de permettre aux Sikhs armés de pénétrer dans le parlement. L’an passé, l’accès à l’Assemblée nationale avec été interdit à un groupe de Sikhs. Dix-neuf d’entre eux avaient retiré leur kirpan. Le dernier avait retiré un kirpan de plus de 20 cm, mais en avait gardé un autre d’environ 6 cm. Il avait tout de même été escorté par un policier pendant toute la durée de sa visite à l’Assemblée.

Si les Sikhs veulent payer pour la présence de militaires armés de mitraillettes qui les escorteront dans l’enceinte du parlement — avec ordre d’abattre n’importe quel d’entre eux qui dégainerait son poignard — je n’y vois pas d’objection. D’ici là, je ne vois pas comment on pourrait compromettre la sécurité de l’Assemblée nationale au nom du folklore religieux.

Les Sikhs, peuvent-ils prendre l’avion à destination des États-Unis munis de leur poignard ?

Références :
Pas de kirpan au Parlement
Une attaque relance la débat sur le port du kirpan

Parus depuis :
Des camionneurs sikhs qui refusaient de porter un casque déboutés en Cour suprême (2020-04-30)
Attentat d’Air India : Ripudaman Singh Malik assassiné près de Vancouver (2022-07-14)
US border patrol accused of taking turbans from Sikh asylum-seekers (2022-08-04)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Mini « Nuit de Cristal » à Montréal

Publié le 17 janvier 2011 | Temps de lecture : 3 minutes
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Dans la nuit de samedi à dimanche dernier, trois synagogues, une école et une garderie juives ont été vandalisées dans l’ouest de Montréal. Cela n’est pas une coïncidence : il s’agit clairement d’actes racistes concertés, perpétrés par les même gens.

À mon avis, cette mini « Nuit de cristal » est totalement inacceptable.

On peut fermer les yeux, se dire qu’après tout personne n’en est mort, que ce ne sont pas des bombes, que c’est seulement quelques dommages matériels insignifiants, mais on aurait bien tort puisque nous sommes en présence d’actes haineux. Or la haine, on sait quand elle commence mais on ne sait pas quand elle finit.

Nous sommes tous québécois, peu importe notre religion ou notre groupe ethnique. Si quelqu’un a des griefs contre l’État d’Israël, il peut s’exprimer librement mais il n’a pas à tenter de se venger sournoisement sur les Québécois de religion hébraïque ou sur les institutions juives du Québec.

Voulons-nous voir des actes d’intimidation pousser des Québécois appartenant à des ethnies impliquées quelque part dans le monde dans des conflits — Juifs vs Arabes, Chiites vs Sunnites, Sikhs vs Indiens, Arméniens vs Turcs, etc. — sentir le besoin de créer leur propre milice armée pour se protéger ? Voulons-nous voir la multiplication des permis pour port d’arme ? Laissons s’installer un sentiment d’insécurité et c’est exactement ce qui va arriver.

Le pharmacien Gaston Beauchesne, de Hull, est décédé dans l’explosion du vol 182 d’Air India perpétré par des terroristes Sikhs du Canada pour se venger de l’assaut de l’armée indienne contre un temple dans lequel des rebelles Sikhs armés étaient retranchés. On a donc tort de croire que la violence interculturelle n’affecte que les groupes concernés. Par conséquent, que les peuples qui se détestent règlent leurs différents chez eux, pas ici.

Quant aux auteurs de ces actes de vandalisme, je leur souhaite une punition exemplaire qui fera réfléchir tous ceux qui seraient tentés de les imiter.

Référence : Cinq établissements juifs vandalisés

Détails techniques de la photo :
Canon Powershot G6 — 1/125 sec. — F/2,2 — ISO 50 — 7,2 mm


Post-scriptum : Ce texte a été publié dans le quotidien Le Devoir. On pourra lire les commentaires qu’il a suscités en cliquant ici.
 

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le néo-libéralisme des gaz de schiste

Publié le 16 janvier 2011 | Temps de lecture : 3 minutes

À la demande du Ministère de la Santé et des Services sociaux, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a effectué une analyse l’état des connaissances sur les risques d’atteinte à la santé associés au gaz de schiste.

Dans un rapport préliminaire rendu public vendredi, l’Institut conclut qu’il n’existe pas suffisamment de données scientifiques actuellement pour tirer une conclusion à ce sujet.

Ce qui m’a intéressé, c’est la réaction de la ministre des Richesses naturelles du Québec. Celle-ci déclarait : « Écoutez, une vache émet plus de CO2 dans l’atmosphère qu’un puits ».

A-t-on dit à la ministre que dans le schiste, on veut extraire des gaz combustibles et non du gaz carbonique ? Sait-elle la différence entre les deux ? Sinon, elle risque de sous-estimer vachement les dangers de cette industrie.

De plus, son ministère s’est empressé d’ajouter que l’exploration des gaz de schiste permettra de combler le manque de données scientifiques à ce sujet. Cela est faux.

L’exploration des gaz de schiste n’a pas pour but de mesurer l’impact de cette activité industrielle sur l’environnement ou la santé. Si soudainement l’eau potable d’une ville devenait contaminée, on connait déjà la réaction de l’industrie : c’est de nier le rapport entre ses activités et la contamination observée. En somme, l’exploration a pour unique but de d’explorer, c’est-à-dire de déterminer où se trouve la ressource.

Le modèle de développement retenu par le gouvernement Charest relativement aux gaz de schiste est de privatiser la ressource mais d’étatiser les risques.

En principe, les richesses naturelles du Québec appartiennent à la nation québécoise. Même le sous-sol du terrain sur lequel votre maison est construit e ne vous appartient pas : il appartient à la province. Si l’industrie y découvre quelque chose et que Québec donne le feu vert à l’exploitation, c’est gratuit. Elle peut prendre ce qu’elle veut : il suffit de verser à l’État une redevance insignifiante de 2 % — non pas des ventes, mais des profits — alors que le reste sera distribué aux actionnaires répartis autour du globe. Bref, un pillage organisé de nos ressources naturelles orchestré par le gouvernement Charest.

Mais qu’arrivera-t-il si la nappe phréatique d’une municipalité devient impropre à la consommation en raison de la pollution par des gaz de schiste ? L’entreprise n’a qu’à fermer portes et les contribuables québécois seront pris à acheminer l’eau potable par camion-citerne pour l’éternité aux citoyens de cette municipalité ou, à défaut, à construire un aqueduc de plusieurs km afin de les approvisionner de nouveau en eau potable.

Bref, je ne suis pas contre l’exploitation de nos ressources naturelles. Mais pas selon le marché de dupes établi par le gouvernement Charest en faveur de ses amis libéraux à la tête de cette industrie.

Références :
Comme vous avez raison, Mme Payette!
Émanations de gaz de schiste
État des connaissances sur la relation entre les activités liées au gaz de schiste et la santé publique : rapport préliminaire
Gaz de schiste: trop de risques non évalués, dit la Santé publique
Impossible d’évaluer le risque du gaz de schiste
Je me sens seule

Paru depuis :
Carte interactive des forages d’hydrocarbures en sol québécois depuis 1860 (2013-04-21)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Fuite des puits de gaz (suite)

Publié le 11 janvier 2011 | Temps de lecture : 2 minutes


Avant-propos : Tout le monde est le bienvenue sur mon blogue, y compris ceux qui ne partagent pas mon avis. Mon billet du 5 janvier, relatif aux fuites des gaz de schiste a soulevé la controverse. Au moment où ces lignes sont écrites, ce texte a fait l’objet de onze votes, très majoritairement opposés. Je m’explique donc.

 
La fonte du pergélisol laisse échapper les bulles de gaz naturel qu’il renferme. Il est facile d’en conclure qu’il est normal que des puits de gaz de schiste fuient puisqu’il s’agit d’un processus naturel.

À mon avis, on ne doit pas confondre les émanations diffuses de gaz naturel occasionnées par la fonte des glaces avec les fuites localisées et concentrées à proximité des puits de gaz de schiste. En conséquence, l’Arctique canadien n’est pas inflammable tandis qu’il est défendu de fumer à proximité des puits de gaz de schiste.

Les porte-parole de l’industrie font valoir que ces fuites sont sans conséquence. Cela est vrai : aucune catastrophe n’a de conséquence avant d’arriver. Mais la question qu’on doit se poser est la suivante : « Ces fuites, peuvent-elles avoir des conséquences ? » À ce que je sache, toute fuite d’un gaz inflammable et explosif représente un danger : les mineurs chiliens en savent quelque chose. Conséquemment, on ne doit pas attendre un accident pour agir.

Dans le cas contraire, si tout cela est naturel et anodin, la ministre des richesses naturelles doit être conséquente avec ses paroles rassurantes : elle doit faire cesser ses inspections inutiles et coûteuses pour les contribuables.

Le fera-t-elle ?


Post-scriptum du 20 janivier 2011 : La compagnie Talisman a elle-même reconnue aujourd’hui que l’accumulation de gaz représentait un risque d’explosion — ce qui est évident — et s’est engagée à colmater les fuites. Bravo à Talisman pour sa franchise et sa transparence. Et quelle gifle pour la ministre des Richesses naturelles qui s’était couverte de ridicule en déclarant que les fuites des puits de gaz n’étaient pas plus dangereuses que des pets de vache.

Référence : Émanations de gaz de schiste

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Fuite des puits de gaz = amateurisme

Publié le 5 janvier 2011 | Temps de lecture : 2 minutes

D’après un document daté du 7 décembre 2010 et rendu public aujourd’hui dans La Presse, on apprend que sur trente et un puits de gaz de schiste inspectés par le Ministère des ressources naturelles, dix-neuf sont sujets à des fuites.

Compagnies Puits défectueux Taux de défectuosité
Talisman Energy 11/11 100 %
Gastem 2/2 100 %
Canbriam Energy 4/6 66 %
Questerre Energy 1/1 ou 1/2 50 ou 100 %
Canadian Forest Oil 1/1 ou 1/2 50 ou 100 %
Junex 0/9 0 %
TOTAL 19/31 61%


 
Aucun des neuf puits de Junex inspectés par le ministère ne présente de fuites. Toutefois, les bassins de rétention de trois d’entre eux étaient défectueux.

Au total, seuls six des 31 puits inspectés ne présentaient aucun problème apparent.

Je peux comprendre facilement que de vieilles installations industrielles puissent être délabrées. Mais comment peut-on justifier qu’une industrie neuve, à la fine pointe de la technologie, puisse s’être dotée d’installations déficientes ? De plus, selon son importance, toute fuite de gaz naturel représente un risque d’incendie ou d’explosion.

De plus, ces fuites ne sont que la pointe de l’iceberg. Avec seulement trois inspecteurs pour surveiller l’ensemble de l’industrie minière, il est douteux que le Ministère ait remué ciel et terre pour trouver ces fuites : ce sont très certainement des fuites en surface.

Si on avait cherché les déficiences plus profondes, celles susceptibles de contaminer les nappes phréatiques, qu’aurait-on trouvé ?

Références :
Gaz de schiste: zéro assurance contre l’eau polluée
Gaz non-conventionnels – Attention danger !
La majorité des puits inspectés ont des fuites
La plupart des puits ont des fuites
Questions complémentaires du 20 octobre 2010

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Écrit par Jean-Pierre Martel