La radioactivité de certains aliments japonais et nous

23 mars 2011
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Des taux « sécuritaires » d’iode radioactif ?

Depuis aujourd’hui, les autorités de la capitale japonaise déconseillent aux parents de faire boire de l’eau du robinet à leurs bébés. Toutefois, selon ces autorités, la concentration d’iode radioactif ne représenterait pas un risque immédiat pour les adultes.

Évidemment, cela ne tient pas debout ; il n’existe pas de seuil de radioactivité en-deçà duquel un isotope est inoffensif. Donc ce qui est dangereux pour les enfants, l’est aussi — mais une mesure moindre — pour les adultes. La seule différence, c’est que l’accumulation d’iode radioactif dans la thyroïde (une glande qui filtre et concentre tout l’iode qui pénètre dans l’organisme) a des conséquences plus graves dans un organisme en croissance.

L’iode-131 perd la moitié de sa radioactivité en huit jours. Cette demi-vie relativement courte n’en fait pas un isotope sécuritaire. S’il est vrai qu’un aliment radioactif exporté du Japon sera beaucoup moins nocif à son arrivée au Canada, on doit comprendre que cette radioactivité n’aura pas disparu pour autant.

Heureusement, la nature est composée principalement de vide (la solidité de la matière étant liée aux forces électromagnétiques s’exerçant entre les molécules). Si bien qu’une partie des rayons gamma émis par l’iode radioactif pourraient bien traverser toute la cargaison en route vers le Canada sans l’affecter. Cela est moins vrai pour les rayons bêta, moins pénétrants mais plus dommageables localement. Résultat ? Une partie de cette ionisation néfaste restera présente dans l’aliment. C’est pourquoi de nombreux pays (mais pas le Canada) ont décidé de surveiller l’importation d’aliments japonais.

Danger des radiations

La toxicité de l’iode radioactif est liée à l’émission de rayons β et de rayons gamma. Ce sont eux qui provoquent des bris chromosomiques.

La très grande majorité de ces bris n’entraineront que la mort de la cellule dont les chromosomes auront été ainsi endommagés. Toutefois, dans une infime minorité des cas, cela provoquera le développement cancéreux de cette cellule.

Cette cellule cancéreuse sera tuée ou non selon la vigueur et le discernement de notre système immunitaire. Dans les cas où la cellule échappe au radar de notre système immunitaire, elle provoquera le développement d’un cancer ; il suffit d’une seule cellule échappant à ce radar pour qu’un cancer se développe.

L’interdiction de produits alimentaires japonais : la lenteur canadienne

Le gouvernement japonais a interdit la vente de lait et plusieurs variétés de légumes provenant de la préfecture de Fukushima — où se trouve la centrale nucléaire accidentée — et dans trois préfectures voisines.

Les États-Unis ont interdit l’importation du lait, des produits laitiers, des légumes frais et des fruits en provenance de ces quatre préfectures. En Europe, la France a demandé à la Commission européenne de renforcer les contrôles sur les importations de produits frais japonais aux frontières de l’Union européenne. Paris a déjà décidé d’inspecter tous les coquillages et poissons en provenance du Japon.

Que fait le gouvernement canadien ? Rien. L’Agence canadienne d’inspection des aliments ne fait encore aucun test du genre. Pour l’instant, les Canadiens ne courent aucun risque, dit-elle, notamment parce que la catastrophe a stoppé les exportations japonaises vers le Canada. Lorsque celles-ci reprendront, l’Agence compte consulter ses partenaires avant de décider s’il y a lieu de procéder à des tests.

L’importance de la traçabilité

Dans les pays où la traçabilité est obligatoire, les citoyens peuvent pallier eux-mêmes aux lacunes de leurs gouvernements à les protéger ; ils n’ont qu’à lire les étiquettes des aliments qu’ils songent à acheter pour savoir l’origine exacte de ces aliments.

Ce n’est pas le cas au Canada ; rien n’oblige l’importateur d’un produit alimentaire japonais à en indiquer la provenance sur l’étiquette de ce produit.

Les preuves de ce laxiste abondent. C’est ainsi que des tonnes d’aliments sont « Fabriqués pour Briska », sans aucune mention du pays d’origine. Ou alors c’est « Fabriqué au Canada à partir d’ingrédients canadiens et importés », ce qui signifie probablement que le contenant est canadien mais le contenu (c’est-à-dire l’aliment lui-même) vient de quelque part sur Terre.

En conséquence, si vous croyez être en mesure de vous protéger contre la consommation d’aliments radioactifs japonais, abandonnez cet espoir : pourquoi un importateur serait assez stupide pour s’exposer au boycott des consommateurs quand rien ne l’y oblige ?

Bref, non seulement le gouvernement fédéral manque ici tragiquement à sa mission de protéger la population canadienne mais, par son laxisme en matière d’étiquetage, prive les citoyens de ce pays de tout moyen de pallier à ses lacunes.

Références :
L’eau de Tokyo impropre à la consommation pour les nourrissons
Le scandale de la dioxine et le Canada
Un combat d’arrière-garde du gouvernement libéral
5 questions sur la sécurité des aliments irradiés du Japon

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Un combat d’arrière-garde du gouvernement libéral

27 janvier 2011

La traçabilité correspond à la capacité de suivre les déplacements d’un aliment, de sa production à sa distribution aux consommateurs ; en d’autres mots, de la fourche à la fourchette. Elle vise à mieux qualifier les produits mis sur le marché, à une meilleure maîtrise des dangers et à abaisser les niveaux de risques.

Depuis l’an dernier, la loi américaine exige que chacun des intervenants dans la chaine de production documente la source d’approvisionnement d’un aliment et à qui celui-ci a été vendu. Cette exigence est destinée à faciliter la tâche du gouvernement américain dans les cas de rappel ou de saisie. Afin de lutter contre le bioterrorisme, une exigence analogue existait déjà pour les aliments importés aux État-Unis. Dans l’Union européenne, la traçabilité va plus loin puisque chacun des intervenants a accès à cette information.

En 2004, lors d’un voyage à Paris, je me trouvais dans un restaurant où j’avais commandé de la raie (un poisson aujourd’hui sur la liste des espèces menacées). Alors que je racontais au serveur comment il était difficile de trouver de la raie fraîche au Québec, celui-ci m’apprenait que son restaurant était en mesure de savoir quand et où le poisson avait été pêché, par quel(s) entrepôt(s) il avait transité, et finalement l’heure approximative où il était arrivé chez son fournisseur à Paris ce matin-là. Exactement comme n’importe quel colis de FedEx ou d’UPS.

Deux ou trois ans plus tard, je me trouvais à l’épicerie Métro située près de chez moi. J’avais remarqué la pile de brocoli en spécial alors que la veille, Radio-Canada annonçait le rappel aux États-Unis de brocoli californien contaminé. Ce matin-là comme toujours, rien en n’indiquait la provenance. L’employé à qui je m’étais informé ne savait pas d’où ce brocoli provenait et ne savait pas qui pouvait me répondre à ce sujet. Toutefois, il m’assurait que cela ne venait pas de Californie. Je présume qu’il avait entendu parler du rappel lui aussi.

Dans mon billet d’hier, je me plaignais de la difficulté de connaître la provenance de ce que nous mangeons. Le 3 octobre dernier, je rapportais le scoop relatif au maïs transgénique toxique qui, réduit en poudre, pourrait bien être exporté de Chine et se retrouver dans nos croustilles au maïs.

J’apprenais ce matin dans Le Devoir que le gouvernement Charest s’inquiétait « de la rigidité de l’Union européenne sur la certification des produits industriels exportés par le Canada et sur les règles qui permettent d’établir le pays d’origine d’un produit — dans le secteur alimentaire notamment. Le gouvernement Charest espère que les Européens accepteront de faire preuve de flexibilité sur ces questions. »

Quelle connerie. Je ne peux pas croire que le gouvernement Charest soutient ce combat d’arrière-garde de l’industrie agroalimentaire visant à maintenir tout le monde dans la noirceur totale quant à la qualité de ce que nous mangeons.

Il a fallu une loi fédérale — présentée par le NPD — pour obliger la divulgation de la teneur des gras trans dans nos aliments : ces gras ont presque disparu depuis qu’on est en mesure d’éviter d’en consommer. On est donc loin du jour où les OGM seront identifiés à l’épicerie : l’industrie ne veut même pas que nos gouvernements sachent quand ils s’apprêtent à nous vendre des produits impropres à la consommation et conserver ainsi le pouvoir discrétionnaire de retirer ou non ces aliments sur leurs tablettes — sauf quand un inspecteur zélé décide d’enquêter sans avoir reçu de plainte au préalable (ce qui n’arrive à peu près jamais).

Au lieu de préparer nos industries à faire face au futur, le gouvernement Charest préfère se faire l’allié des éléments les plus réactionnaires de l’industrie alimentaire. Ces derniers, on s’en doute, agitent le spectre des millions de dollars que la mise en place de la traçabilité coûtera, prédisent la croissance vertigineuse du prix des aliments et les émeutes populaires qui en résulteront. Bref le Québec courrait ainsi à sa perte alors que nos principaux partenaires commerciaux évoluent calmement dans le sens opposé.

Décidément, le gouvernement Charest a un faible pour les politiques à courte vue…

Références :
Libre-échange avec l’Europe – Charest se défend d’abuser des exclusions
Traçabilité agroalimentaire
Traceability rule represents big adjustment for food industry

Parus depuis :
L’importance de la traçabilité des aliments (2015-03-21)
Toujours pas de normes adéquates de traçabilité, selon un rapport (2020-11-05)

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| 2003-2012 (années Charest), Nourriture, Politique québécoise | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Le scandale de la dioxine et le Canada

26 janvier 2011
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Quand on nourrit les animaux avec n’importe quoi…

Depuis des années, dans les fermes industrielles, on ajoute des viandes cadavériques et des graisses animales à la moulée d’herbivores et de granivores dans le but d’en augmenter le rendement.

On estime que bétail européen se nourrit en moyenne aux deux tiers de matières premières (blé, fourrage, paille, herbe) et à un tiers d’aliments composés par des industriels. Toutefois, cette proportion varie beaucoup d’une espèce animale à l’autre ; un porc ou une volaille peut se nourrir à 100 % de produits transformés.

En novembre et décembre 2010, des milliers de fermes avicoles et porcines de plusieurs länder allemands — plus particulièrement en Basse-Saxe, dans le nord du pays — ont reçu accidentellement des moulées contaminées par la dioxine, une substance cancérigène.

Cette contamination remonte loin. Elle origine d’une livraison, par la société de biocarburants allemande Petrotec, de vingt-cinq tonnes d’huile contaminée à la dioxine. Ce biodiésel était exclusivement destiné à usage industriel et non alimentaire.

Toutefois, l’entreprise allemande Harles und Jentzsch — qui vient de se déclarer en faillite — a utilisé un de ces lots pour fabriquer 3 000 tonnes de graisses destinées à l’alimentation animale. Cette marchandise a été livrée à 25 fabricants de fourrage. À partir de ces graisses contaminées, ceux-ci ont fabriqué 150 000 tonnes de fourrage qui fut distribué à des fermes avicoles et porcines.

Au départ, l’huile contaminée contenait 123 nanogrammes de dioxine par kilo (ng/kg). Diluée dans le fourrage, la concentration n’était pas dramatiquement supérieure aux normes permises. Toutefois, puisque la dioxine s’accumule dans la chaine alimentaire, des analyses de laboratoire ont trouvé des taux 10 à 77 fois supérieurs à la norme recommandée (qui est de 0,75 ng/kg) dans des œufs et des graisses animales. En moyenne, les œufs contaminés contenaient 16 ng/kg de dioxine.

Un millier de sites d’élevage de poules, de dindes et de porcs, situés pour la plupart en Basse-Saxe, ont stoppé leurs livraisons après détection de dioxine. Le 4 janvier, la Basse-Saxe a commencé à rendre publics les codes des œufs contaminés pour qu’ils puissent être retirés des magasins.

Environ 136 000 œufs, en provenance d’un élevage contaminé, avaient été livrés au début de décembre à Barneveld, aux Pays-Bas : conséquemment, le 5 janvier, le gouvernement néerlandais a ordonné leur saisie. La Slovaquie a bloqué la mise sur le marché de 365 000 œufs importés d’Allemagne dans la première semaine de janvier.

Le vendredi 7 janvier, 4 709 exploitations agricoles (sur les 375 000 que compte le pays) avaient été fermées en Allemagne à titre préventif dans l’attente de résultats de tests. Le lundi suivant, il n’en restait plus que 1 635. Entretemps, 8 000 poules avaient été abattues.

Hier, la Russie (un acheteur important de produits agricoles allemands) a interdit temporairement ses importations d’œufs et de volaille d’Allemagne.

Le paradis canadien

En dix ans, plusieurs scandales à la dioxine ont frappé l’Union européenne : en Belgique (en 1999 et en 2006), en Irlande (2008), en Italie (Seveso en 1976), aux Pays-Bas (en 2006). Pour l’Allemagne, il s’agit du cinquième cas de contamination à la dioxine (2003, 2004, 2006, 2010 et 2011, selon Der Spiegel).

Les retombées de ce scandale sont lourdes de conséquences pour l’Allemagne, un des principaux pays producteurs de viande au monde. Selon la fédération agricole allemande, les pertes s’élèvent déjà à 100 millions d’euros.

Aucun scandale à la dioxine n’a ébranlé le Canada jusqu’à ce jour. Pourquoi ? Tout simplement parce que la surveillance exercée par Santé Canada sur nos aliments est quasi-inexistante. L’industrie agroalimentaire s’auto-règlemente admirablement bien, semble-t-il.

Tellement bien qu’on entend jamais parler de rappels d’aliments au pays sauf à la suite d’empoisonnements manifeste (viande avariée et fromage sale). Les contaminations qui ne donnent aucun symptôme dans l’immédiat — comme c’est habituellement le cas avec la dioxine — ne sont jamais l’objet de rappels.

Oui, on entend bien parler d’aliments contaminés ailleurs mais jamais ces aliments n’atteignent les comptoirs de nos épiceries. Ce qui prouve bien comment Dieu (ou Allah ou Bouddha, c’est selon) aime notre beau pays.

Contrairement aux producteurs d’Europe, les producteurs d’ici ne sont soumis à aucune politique de traçabilité autre que les mesures américaines destinées à lutter contre le bioterrorisme (une lubie coûteuse et inutile).

Conséquemment, il est presqu’impossible pour le consommateur québécois de savoir la provenance de ce qu’il mange.

Certaines chaines d’épiceries font de leur mieux pour nous en informer : Loblaws en est un bon exemple. Mais ses efforts se buttent au mutisme de l’industrie agroalimentaire.

À mon épicerie Métro, c’est le désert au chapitre de l’information au consommateur. Par exemple, des olives sont présentées comme un produit canadien. À ma connaissance, le climat canadien ne permet pas la culture de l’olive : toutefois les olives sont probablement importées en baril et transvidées dans des pots plus petits au Canada, ce qui suffit à leur valoir la citoyenneté canadienne — le pays étant un modèle de multiculturalisme alimentaire.

De manière générale, des tonnes d’aliments sont « Fabriqués pour Briska », sans aucune mention du pays d’origine. Ou alors c’est « Fabriqué au Canada à partir d’ingrédients canadiens et importés », ce qui signifie probablement que le contenant est canadien mais le contenu vient de quelque part sur Terre. À la télévision, Oasis essaye de nous faire croire que son jus d’orange est aussi québécois que la Grande muraille de Chine est chinoise. N’importe quoi.

Si l’Allemagne veut écouler ses œufs, il suffit de nous les passer dans ses délicieux biscuits et gâteaux. Nos douaniers aiment tellement les pâtisseries que je serais surpris qu’ils nous privent du plaisir d’en manger.

Bref, si vous faites de l’insomnie à l’idée de consommer des aliments contaminés à la dioxine, la meilleure solution est sans doute une tisane calmante, en espérant qu’elle ne le soit pas contaminée à quelque chose…

Références :
Alerte à la dioxine en Allemagne
Dioxine (Futura sciences)
Dioxine (Wikipédia)
Dioxine/Allemagne – Des œufs suspects livrés aux Pays-Bas en décembre
Dioxine/Allemagne: pas de “danger”
Dioxine : l’Allemagne abat tous les animaux contaminés
Dioxine: la Russie interdit les importations de volailles d’Allemagne
Pas bon – Gigantesque scandale à la dioxine en Allemagne

Détails techniques : Panasonic GH1, objectif Lumix 14-45mm — 1/30 sec. — F/5,0 — ISO 250 — 14 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel