Le conflit indo-canadien

Publié le 17 octobre 2024 | Temps de lecture : 9 minutes

Introduction

Dans les années 1940, émergea en Inde un mouvement en faveur de la création du Khalistan, un pays encastré situé dans le nord du territoire indien actuel et où les personnes de confession sikhe seraient majoritaires.

Ce mouvement prit de l’ampleur à la suite de l’attaque en 1984 du Temple d’Or (un temple sacré) où s’étaient réfugiés des militants Sikhs armés. Cette attaque avait été ordonnée par Indira Gandhi, première ministre de l’Inde. À la suite de quoi, ses gardes du corps Sikhs l’ont assassinée.

Les 770 000 Canadiens de confession sikhe forment la plus importante communauté sikhe hors de l’Inde. Et c’est au sein de cette diaspora qu’on trouve les personnes les plus dévouées à la cause indépendantiste du Khalistan.

Fêter le meurtre d’Indira Gandhi

Selon le calendrier sikh, c’est en avril qu’on célèbre la fête de la Moisson qui, dans l’hémisphère sud, survient à cette période de l’année.

En 2008, à Surrey, en Colombie-Britannique, la parade de cette fête comprenant une célébration de l’assassinat d’Indira Gandhi.

À la suite des protestations du gouvernement indien à ce sujet, le Canada a répondu que la célébration de la violence politique était compatible avec la liberté d’expression garantie par la constitution du pays.

En juin 2023, un défilé sikh à Brampton (en Ontario) mettait en vedette un char allégorique où cet assassinat politique était de nouveau représenté. Cela provoqua d’autres protestations de l’Inde, également rejetées du revers de la main par le Canada.

Le 6 juin dernier, à l’occasion de manifestations sikhes devant le consulat de l’Inde à Vancouver, on célébra de nouveau cet assassinat. Nouvelles protestations de l’Inde : nouveau haussement d’épaules d’Ottawa.

L’assassinat ciblé de Hardeep Dingh Nijjar

En 2007, un attentat survenu dans une salle de cinéma de la ville indienne de Ludhiana a fait six morts et quarante-deux blessés. Selon les autorités, les suspects arrêtés ont allégué que l’attentat était financé et dirigé par le Canadien Hardeep Dingh Nijjar.

En 2016, les médias indiens révélaient que M. Nijjar était soupçonné d’avoir dirigé, à partir du Canada, un attentat terroriste au Pendjab.

Si bien qu’Interpol a émis deux mandants d’arrestation (en 2014 et en 2016) contre M. Nijjar. Deux mandats auxquels le Canada n’a pas donné suite.

Au sud-est de Vancouver, M. Nijjar organisait des camps d’entrainement des Tigres du Khalistan, où les inscrits apprenaient le maniement des armes.


Aparté : En 2018, à l’occasion du voyage de Justin Trudeau en Inde, le Haut-commissariat canadien à New Delhi a organisé un diner d’honneur où était invité Jaspal Atwal, un extrémiste Sikh qui a été condamné à vingt ans de prison en 1986 pour la tentative d’assassinat d’un ministre indien en visite au Canada.

En 2019, Sécurité publique Canada — qui regroupe depuis 2003 toutes les agences fédérales responsables de la sécurité nationale — considérait que l’extrémisme sikh figurait au cinquième rang des menaces terroristes au pays. Toutefois, les députés fédéraux sikhs obtinrent que toutes les mentions de l’extrémisme sikh soient purgées de la version officielle du rapport.

Rappelons que le pire attentat terroriste de l’histoire canadienne, survenu en 1985, est l’explosion du vol 182 d’Air India, en partance de Montréal. Au cours de cet attentat, 329 personnes ont trouvé la mort, dont le pharmacien Gaston Beauchesne, de Hull. À ce jour, cet attentat sikh est demeuré essentiellement impuni.

En 2022, l’Agence de renseignement de l’Inde a accusé M. Nijjar d’avoir dirigé la tentative d’assassinat au Pendjab du prêtre hindou Kamaldeep Sharma.

Ces allégations sont basées sur les déclarations assermentées de suspects arrêtés en Inde. Toutefois, la World Sikh Organization of Canada (WSO) rejette ces allégations qui, selon elle, auraient été obtenues sous la torture.

Il faut noter ici que pour défendre sa cause contre M. Nijjar, l’Inde a dû partager sa preuve avec le Canada alors que la WSO n’a eu qu’à prétendre que cette preuve avait été obtenue sous la torture pour être crue sur parole par Ottawa.

En juin 2024, le quotidien torontois Globe and Mail révélait avoir obtenu des enregistrements de sermons de M. Nijjar où, en 2021, il en appelait à l’utilisation de la violence armée pour créer le Khalistan.

Depuis 1987, le Canada et l’Inde sont liés par un traité d’extradition.

Toutefois, le Canada a rejeté deux demandes d’extradition contre M. Nijjar afin de ne pas indisposer l’important communauté sikhe canadienne, très politisée, au sein de laquelle M. Nijjar était une personnalité respectée.

Las de l’inertie canadienne, l’ambassade l’Inde au Canada a procédé en juin 2023 à l’assassinat ciblé d’Hardeep Dingh Nijjar. Depuis ce temps, les relations entre le Canada et l’Inde se sont détériorées.

Les assassinats ciblés

Couramment, la Russie tue à l’Étranger ses dissidents politiques, autrefois à la ricine, de nos jours au Novitchok.

Le Canadien Gerald Bull, expert en balistique, a été tué à Bruxelles par le Mossad (israélien) en 1990. De nos jours, Israël procède à des assassinats ciblés contre des dirigeants ennemis réfugiés au Qatar, en Syrie ou en Iran. Et il les tuerait ailleurs s’ils s’y trouvaient.

En octobre 2018, le dissident politique Jamal Khashoggi a été dépecé à la tronçonneuse par un commando saoudien en Turquie.

Le même commando a été intercepté quelques jours plus tard à l’aéroport d’Ottawa. Un agent a trouvé suspect que ces personnes, prétendant effectuer un voyage touristique au Canada, apportaient dans leurs valises des instruments de dissection.

Leur victime devait être Saad Aljabri, ancien numéro deux des services de renseignement saoudiens, réfugié au Canada.

Les tueurs étaient accompagnés d’un diplomate saoudien qui a poursuivi sa route et qui n’a pas été expulsé par le Canada comme il aurait dû l’être. De plus, cet incident n’a pas suscité l’indignation de Justin Trudeau.

Parmi la multitude de leurs assassinats ciblés, les États-Unis ont assassiné en 2020 le général Qassem Soleimani à Bagdad.

Bref, l’assassinat ciblé est pratiqué par tous les pays qui en sont capables.

Conclusion

Le Canada représente pour l’Inde ce que l’Afghanistan représentait pour les États-Unis au moment des attentats du 11 septembre 2001; la base arrière d’extrémistes, voire de terroristes ennemis.

Tant qu’Ottawa se montrera indifférent aux préoccupations sécuritaires de l’Inde et refusera de s’attaquer au tabou canadien de l’extrémiste sikh, l’Inde sera tentée de se faire justice.

Ce qui est d’autant plus facile que le Canada est dirigé par un gouvernement dysfonctionnel, incapable de s’acquitter de ses responsabilités.

Ceci étant dit, le monde de demain sera celui de l’Indo-Pacifique.

Or le bilan diplomatique de Justin Trudeau est un désastre; il a réussi à se mettre à dos, entre autres, la Chine et l’Inde, piliers des BRICS.

En 1970, Pierre-Elliott Trudeau avait été un des tout premiers dirigeants occidentaux à reconnaitre la Chine communiste. Son fils a gaspillé le capital de sympathie amassé par son père en participant au rapt de Meng Wanzhou (une dirigeante de Huawei). Depuis, le Canada et la Chine sont à couteaux tirés.

En 2020, le Canada s’est mêlé des affaires intérieures de l’Inde en appuyant officiellement les manifestations de fermiers (principalement Sikhs) contre trois lois agricoles du gouvernement de Narendra Modi.

Et voilà que Justin Trudeau crée une crise diplomatique majeure autour d’un banal assassinat ciblé.

Sa réaction outrée, c’est celle qu’aurait n’importe quel chef d’État si on assassinait un de ses ministres. Pas un simple citoyen. Dans ce dernier cas, une indignation feinte suffit.

Au pouvoir depuis 2015, Justin Trudeau n’a pas encore compris que la scène internationale est le théâtre de la brutalité des nations. Le jour où il l’aura compris, il sortira enfin de l’adolescence.

Références :
Air India serial bomb threats: Why is it significant amid Canada tensions?
Canada’s Assassination Claim Further Divides Its Indian Diaspora
Canada’s Justin Trudeau backs farmers’ protest; India says remarks ‘ill-informed’
Des assassins saoudiens ont été envoyés à Ottawa
Des « ateliers » sur les normes juridiques du Canada pour des fonctionnaires indiens
Droit international et géopolitique (deuxième partie)
Général iranien tué : comment Donald Trump a pris la décision
Gerald Bull
Hardeep Singh Nijjar
India angered by apparent Sikh parade float in Canada portraying assassination
India complains to Canada about controversial images at Sikh parade
Jamal Khashoggi
Khalistanis burn Indian flag, celebrate Indira Gandhi’s assassination in Canada
L’affaire Huawei : dure pour le Canada, la vie de caniche américain
Le chef du Hamas inhumé au Qatar, « jour de colère » contre Israël
Le multiculturalisme et la guerre des diasporas au Canada
Pro-Khalistan Canadians glorify Indira Gandhi assassination; wield sword, burn Indian flag in Vancouver
The Nijjar enigma
Novitchok
Trudeau en Inde: un voyage diplomatique qui tourne au fiasco
Vol Air India 182
Who was Canadian Sikh leader Hardeep Singh Nijjar?
Who was Hardeep Singh Nijjar, the Sikh activist whose killing has divided Canada and India?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Droit international et géopolitique (quatrième partie)

Publié le 4 octobre 2024 | Temps de lecture : 7 minutes


Plan :
• 1re partie : Assises et instances
• 2e partie  : Impact du droit international
• 3e partie  : L’exemple du droit à la légitime défense
• 4e partie  : Le droit à l’indépendance – Crimée vs Taïwan (ce texte-ci)
• 5e partie  : Les mandats d’arrestation de la CPI

Introduction

Dans l’édition de mars 2017 de l’Action Nationale, l’expert constitutionnaliste André Binette écrit :

Un peuple apparait à la suite de la combinaison de facteurs historiques, sociologiques et culturels.

Avec le temps, ces facteurs conduisent à la formation de trois éléments essentiels. Deux d’entre eux, le territoire et la population, sont de nature objective et variable; le troisième, qui est la prise de conscience par un peuple de sa propre identité, est subjectif et invariable.

Lorsque ces trois éléments sont réunis, le droit international, depuis cinquante ans, reconnait à un peuple le droit à l’autodétermination.

Le droit à l’indépendance est reconnu par plusieurs dispositions du droit international. Toutefois, ces dispositions s’appliquent différemment à chaque cas.

La plupart du temps, l’accession à l’indépendance repose sur Le principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit de disposer d’eux-mêmes (ou résolution 2625), adopté par l’Onu en 1970. Il y est écrit :

La création d’un État souverain et indépendant […] ou l’acquisition de tout autre statut politique librement décidé par le peuple, constituent pour ce peuple des moyens d’exercer son droit à disposer de lui-même.

Il est à noter qu’en vertu du doit international, le mot ‘peuple’ désigne l’ensemble des groupes ethniques qui peuplent un territoire. Il n’est donc pas synonyme de ‘groupe ethnique’. Si c’était le cas, aucun pays ne serait né depuis la création de l’Onu puisque de nos jours, aucun pays n’est mono-ethnique.

Dans le cas des pays africains, ceux-ci ont pu se prévaloir spécifiquement de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux (ou résolution 1514), adoptée par l’Onu en 1960.

Dans le cas de la Crimée et de Taïwan, aucun d’entre eux ne peut s’en prévaloir puisque ni l’un ni l’autre n’est une colonie. Tout au plus, Taïwan peut prouver avoir été une colonie du Japon de 1895 à 1945, mais pas de la Chine continentale.

Au-delà des trois conditions essentielles à l’indépendance, énoncées par André Binette, le juriste Jacques Brossard apporte la nuance suivante quant à la reconnaissance internationale de cette indépendance :

De nos jours, la naissance d’un nouvel État ne peut plus se faire qu’aux dépens […] d’au moins un autre État. Elle ne peut donc que perturber l’ordre international […] Cette naissance peut être indépendante de la volonté des autres États, mais l’admission d’un État au sein de la société internationale dépend au contraire de cette volonté.

Cela signifie que même s’il remplit toutes les conditions pour être indépendant, un nouvel État sera un paria sur la scène internationale si les puissances de ce monde s’opposent son existence.

À l’opposé, un territoire qui n’a aucun droit à l’indépendance y accèdera par simple résolution de l’Onu puisque celle-ci s’ajouterait alors au droit international.

La Crimée

En janvier 2014, le gouvernement central à Kyiv annonçait son intention — qu’il n’eut pas le temps de réaliser — de retirer au russe son statut de langue officielle dans toutes les provinces ukrainiennes où cette langue jouissait de ce statut.

Imaginez qu’au Canada, Ottawa aurait le pouvoir de retirer au français son statut de langue officielle au Québec et qu’il déciderait d’exercer ce pouvoir : il provoquerait l’indépendance du Québec.

C’est ce qui est arrivé en Crimée.

En 2014, la population de la Crimée était constituée de 65,3 % de citoyens russophones et de 15,1 % de citoyens ukrainophones.

Dès l’annonce de Kyiv, le gouvernement provincial de Crimée adopta une déclaration unilatérale d’indépendance et organisa aussitôt un référendum qui fut remporté haut la main par les partisans de l’indépendance.

Aucun pays ne mit en doute ce résultat.

Toutefois, l’Ukraine et les pays occidentaux jugèrent que cette consultation était sans valeur.

À leur initiative, l’Onu adopta peu de temps après une résolution dépourvue de valeur juridique contraignante qui déclare non valide le référendum criméen et qui réitère l’importance du respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

Il est donc paradoxal de voir des pays qui prétendent défendre la démocratie dans le monde, s’opposer à la volonté démocratique du peuple criméen de disposer de lui-même, une opposition qu’ils justifient au nom du droit international alors que cette résolution, strictement parlant, n’en fait pas partie.

Taïwan

Depuis la résolution 2758, adoptée par l’Onu en 1972, le gouvernement de Beijing représente à l’Onu non seulement la Chine continentale, mais également l’ile de Taïwan.

Depuis que le gouvernement de Chiang Kaï-chek s’y est réfugié en 1950 (après avoir perdu la guerre civile chinoise), l’ile possède une complète autonomie gouvernementale… et en jouira tant qu’elle évite de proclamer son indépendance.

Sachant cela, Washington essaie depuis des années de convaincre la population de l’ile de franchir la ligne rouge tracée par Beijing.

Le but de Washington est de répéter le ‘truc’ qui a si bien fonctionné en Ukraine, soit de susciter une guerre avec son voisin afin d’affaiblir l’armée de ce dernier.

Pour freiner l’accession de la Chine au titre de première puissance économique mondiale, les dirigeants américains souhaitent donc l’affaiblir par une guerre ruineuse.

Washington n’a jamais caché son intention de reconnaitre l’indépendance de Taïwan dès que le gouvernement de l’ile la proclamera.

Toutefois, Taïwan ne peut accéder à l’indépendance en vertu du droit international. Pourquoi ? Tout simplement parce que son profil ethnique ne se distingue pas celui de la Chine continentale.

Lorsque le gouvernement de Chiang Kaï-chek s’installe à Taïwan, accompagné de deux-millions de partisans, il y instaure une ‘Terreur blanche’ qui durera de 1949 à 1987 et qui se fit principalement aux dépens de la population autochtone de l’ile (qui le percevait comme un envahisseur).

Si bien que de nos jours, Taïwan est peuplé à 95 % de Hans alors que cette ethnie forme 92 % de la population de la Chine continentale.

En définitive, tout ce qui distingue Taïwan de la Chine continentale, c’est le niveau de vie, les caractères d’écriture et le système politique.

Bref, rien qui justifie l’indépendance.

Quant à l’adoption d’une résolution de l’Onu qui légaliserait l’indépendance de Taïwan, il faudrait que le représentant de la Chine au Conseil de sécurité (où Beijing dispose d’un droit de véto) soit soudainement retenu au lit par une vilaine grippe…

Références :
Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux
Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
D’un simple décret, Khrouchtchev fit don de la Crimée à l’Ukraine en 1954
Le droit du peuple québécois à l’autodétermination et à l’indépendance
Le pouvoir constituant du peuple québécois et l’accession à l’indépendance (1re partie)
Le pouvoir constituant du peuple québécois et la coexistence avec les peuples autochtones (2e partie)
Résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations unies
Résolution 2625 de l’Assemblée générale des Nations unies
Résolution de l’Onu appelant au respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine
Résolution du Conseil de sécurité des Nations unies
Terreur blanche (Taïwan)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le mot en G

Publié le 18 septembre 2024 | Temps de lecture : 2 minutes

Pour comprendre ce qui va suivre, on doit savoir que sur le site de Radio-Canada, les commentaires ne sont jamais censurés; ils sont ‘désactivés’.

Lorsque c’est le cas, l’auteur du message devient le seul qui peut voir son texte. En somme, il devient secret. Comme les documents ‘For Your Eyes Only’ adressés à l’agent 007.

Et lorsqu’une personne réplique à ce commentaire avant sa désactivation, tous les lecteurs peuvent voir la réplique, sans savoir de quoi il s’agit.

Revenons au mot en G…

On apprenait ce matin que le Hezbollah libanais avait équipé ses combattants de téléavertisseurs (ou pagettes). Sans le savoir, ces appareils renfermaient des explosifs insérés par les services de renseignements israéliens, des explosifs que ces derniers pouvaient faire sauter à distance.

En apprenant cette nouvelle, j’ai publié le commentaire suivant.


Il est à noter que ce commentaire ne contient pas les mots Israël, Hezbollah, ni Gaza. Il est vague et n’accuse personne en particulier.

Mais il est tellement évocateur que la simple lettre ‘G’ suffit à justifier sa désactivation.

Puisque sur ce site, il est interdit de tenir des propos obscènes, je présume que les censeurs de Radio-Canada ont simplement confondu le mot en ‘G’ avec le point G.

C’est tellement mélangeant…

Références :
How did Hezbollah’s pagers explode in Lebanon?
Huit morts au Liban dans l’explosion des téléavertisseurs de membres du Hezbollah

2 commentaires

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Verser le sang des Français pour une noble cause

Publié le 16 septembre 2024 | Temps de lecture : 3 minutes

Depuis le début de la guerre russo-ukrainienne, c’est un secret de polichinelle que des techniciens occidentaux sont au front pour aider les soldats ukrainiens à utiliser le matériel militaire de pointe fourni à l’Ukraine par les pays de l’Otan.

Le 21 février 2024, au cours d’une réunion informelle tenue à l’Élysée, le président de la République — un verre de whisky à la main nous précise Le Monde — déclarait à ses collaborateurs :

De toute façon, dans l’année qui vient, je vais devoir envoyer des mecs à Odessa.

On peut trouver de bonnes raisons qui justifient le déploiement de l’armée française dans cette ville et pas ailleurs.

Mais Emmanuel Macron, lui, ne s’est jamais expliqué.

Et parce que sa motivation est demeurée secrète, aucun autre pays occidental n’a été convaincu de l’opportunité de déployer leurs armées en Ukraine.

Dans un autre ordre d’idée, la fin de semaine dernière, Gabriel Attal effectuait son premier voyage à l’Étranger depuis qu’il n’est plus premier ministre de France.

En plus de participer vendredi dernier à Kyiv au Yalta European Strategy Forum, monsieur Attal s’est rendu le lendemain à Courisove (ou Kurisove), un village de sept-mille habitants situé à 50 kilomètres au nord-est d’Odessa.

Pourquoi ? Pour y visiter le château de Couriss, construit par ses nobles ancêtres vers 1810. Confisqué à la Révolution russe par les Bolchéviques, le château est actuellement l’objet de rénovations en vue de le transformer en gite écotouristique.

En raison de l’intérêt que M. Attal lui porte, on peut présumer que le château a été restitué à sa famille par les autorités ukrainiennes.

Bref, le peuple français est chanceux d’être dirigé par des gens qui ne se placent jamais en conflit d’intérêts ou en apparence de conflit d’intérêts.

Références :
En Ukraine, Gabriel Attal à la recherche de son indépendance et de ses châteaux d’Odessa
Guerre en Ukraine : Macron prêt à « envoyer des mecs à Odessa”
Guerre en Ukraine : rencontres politiques, pèlerinage familial… Pourquoi Gabriel Attal s’est rendu à Kiev et en mer Noire
Les cousins royaux de Gabriel Attal et ses nobles origines
Ucrania

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les cinq prisonniers canadiens en Arabie

Publié le 10 septembre 2024 | Temps de lecture : 4 minutes

Introduction

À l’époque où le blogueur Raïf Badawi purgeait sa peine en Arabie saoudite, Washington prévenait ses citoyens que s’ils devaient être emprisonnés dans ce pays, les États-Unis ne pourraient pas faire grand-chose pour eux.

Par contre, le ministre des Affaires étrangères du Canada préférait susciter l’espoir. Le jovialiste François-Philippe Champagne ne ratait jamais une occasion de dire qu’il était en discussion avec le ‘gouvernement’ (sic) d’Arabie saoudite et qu’il avait bon espoir qu’il serait libéré bientôt par ‘Sa Majesté’ (sic) le prince Mohammed ben Salmane (ou MBS, surnommé ‘Mister Bone Saw’).

Évidemment, le Canada exerçait ses pressions par voie diplomatique. De toute évidence, si cela avait été par la poste, le ministre Champagne n’aurait pas hésité à lécher le derrière des timbres à l’effigie du Prince.

Dès que le public s’est désintéressé du cas de Badawi, on n’a plus entendu parler des pourparlers canado-saoudiens à son sujet. Si bien que Badawi a purgé ses dix ans de prison.

Les cinq Canadiens

Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères du Canada

On apprend ce matin que cinq Canadiens sont présentement détenus en Arabie saoudite.

L’un d’eux est un citoyen canadien, né en Arabie saoudite, mais qui ne possède pas la citoyenneté de ce pays. Depuis un an et demi, ce Canadien pâtit dans les geôles saoudiennes sans procès ni jugement.

Les cinq auraient ‘J’aimé’ ou retransmis des messages écrits par d’autres sur X, le média social d’Elon Musk. Ces messages accusaient le régime saoudien d’être une dictature.

Or l’Arabie n’a jamais hésité à incarcérer et à fouetter tous ceux qui soutiennent cela, dut-elle les débiter à la tronçonneuse pour leur faire entendre raison.

Parmi les commentaires publiés en réponse au texte de Radio-Canada, on voit quelques personnes qui aimeraient savoir, parmi les cinq prisonniers canadiens, combien sont nés au pays.

À mon avis, cela n’a pas d’importance; tous les Canadiens, nés ici ou ailleurs, paient des impôts à Ottawa et conséquemment, ont le même droit à la protection du Canada.

Jusqu’ici, la ministre actuelle des Affaires étrangères du Canada, Mme Mélanie Joly, est demeurée discrète à leur sujet.

Elle a raison; les pourparlers diplomatiques de m’importe quel pays se font toujours derrière des portes closes.

Conclusion

Il y eut une époque, encore récente, où les pays occidentaux étaient craints.

Mais en adoptant des sanctions économiques contre la Russie qui se sont retournées contre l’Europe, et en réduisant dangereusement leur arsenal militaire afin d’aider vainement l’Ukraine, les pays occidentaux ont saboté l’effet dissuasif de leur puissance économique et militaire.

Si bien que de nos jours, les pays qui sont candidats à l’adhésion à l’Otan sont des pays pauvres d’Europe de l’Est ou du Caucase, alors que les pays les plus riches du Sud global se pressent aux portes des BRICS.

Le Canada doit assumer la place qu’il occupe maintenant dans les affaires mondiales; celle d’une puissance mineure au sein d’un Occident en déclin.

Conséquemment, le Canada doit prévenir explicitement toute personne qui veut se rendre dans la dictature saoudienne; si vous êtes arrêtée (peu importe les motifs) dans ce pays, le Canada ne pourra rien faire pour vous.

À Ottawa, aura-t-on enfin le courage de dire la vérité ?

Références :
Cinq Canadiens détenus en Arabie saoudite, Ottawa discret sur leur sort
La guerre russo-ukrainienne et la vassalisation de l’Europe
La leçon du fiasco occidental en Ukraine
Le ministre François-Philippe Champagne, paillasson de l’Arabie saoudite
Les députés conservateurs bloquent la citoyenneté d’honneur pour Raif Badawi
Un Canadien en prison en Arabie saoudite depuis plus d’un an… pour des tweets

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Haïti : l’hypocrisie américaine

Publié le 6 septembre 2024 | Temps de lecture : 3 minutes

Le secrétaire d’État des États-Unis — l’équivalent d’un ministre des Affaires étrangères de ce pays — a exhorté hier la ‘communauté internationale’ à en faire plus pour aider Haïti à se sortir de la violence armée qui gangrène ce pays depuis des décennies.

Par l’extorsion d’argent à des commerçants (ou à de riches particuliers), par l’enlèvement d’individus et la demande de rançons, ces gangs financent leurs activités criminelles.

Mais tout cela serait impossible sans la contrebande d’armes qui permet à ces voyous d’être plus puissants que les forces de l’ordre du pays.

D’où proviennent ces armes ? Évidemment, des États-Unis.

Le chef de la diplomatie américaine s’est bien gardé d’en faire allusion, préférant accuser implicitement les autres pays d’être indifférents à la souffrance du pauvre peuple haïtien.

Il est vrai que si les États-Unis cessaient de vendre des armes aux gangs haïtiens, ceux-ci s’en procureraient ailleurs.

Afin de pacifier ce pays, la ministre des Affaires étrangères du Canada devrait proposer ceci.

Premièrement, aucun navire ne devrait atteindre l’ile d’Hispaniola (où se côtoient Haïti et la République dominicaine) sans que sa cargaison ait été fouillée de fond en comble par l’armée américaine ou canadienne.

Ou mieux : on pourrait instaurer un blocus partiel, ciblant Haïti, qui devra nécessairement être complété par la construction d’un mur séparant Haïti de la République dominicaine.

Long d’environ 200 kilomètres, ce mur devrait être construit par une main-d’œuvre exclusivement haïtienne sous la protection d’un pays étranger. Si les États-Unis sont réticents à accepter cette responsabilité, le Rwanda sera heureux de prendre la relève.

Cet ouvrage injectera des millions de dollars dans l’économie du pays.

Mais il y a un problème; les plantations de canne à sucre de la République dominicaine ont besoin de la main-d’œuvre bon marché d’Haïti.

Pour pallier ce problème, les entreprises dominicaines qui ont besoin de ces travailleurs agricoles devront imiter le Québec; importer des travailleurs qui seraient logés en République dominicaine et qui retourneraient chez eux un nombre très limité de fois par année.

Deuxièmement, étant donné la corruption qui règne dans ce pays — comme dans beaucoup d’autres pays, pauvres ou riches — la fouille des bagages aux aéroports devait être confiée à des sous-traitants certifiés d’origine américaine ou canadienne.

Troisièmement, le tout devrait être complété par un généreux programme de rachat d’armes afin d’en réduire le nombre en circulation.

Références :
Antony Blinken presse la communauté internationale d’aider Haïti
Comment les gangs ont pris le contrôle d’Haïti ?
«Il y a une détérioration flagrante»: une Québécoise témoigne de la crise en Haïti

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pourquoi la Mongolie n’a-t-elle pas arrêté Vladimir Poutine ?

Publié le 4 septembre 2024 | Temps de lecture : 3 minutes


 
Introduction

En mars 2023, la Cour pénale internationale (CPI) lançait un mandat d’arrestation contre Vladimir Poutine.

Pourtant, lors d’une visite officielle à l’Étranger qui s’est terminée hier, le président russe s’est rendu en Mongolie et en est reparti sain et sauf. Pourquoi ?

Un droit facultatif

Lorsque la CPI lance un mandat d’arrestation, elle compte sur les ressources policières des pays signataires du Statut de Rome pour arrêter la personne visée par ce mandat.

En dépit du fait que la Mongolie a signé et ratifié ce traité, ce pays a pourtant laissé filer Poutine.

Lorsqu’un pays signataire refuse d’obéir à la Cour, ce pays peut être sanctionné par résolution du Conseil de sécurité de l’Onu.

Or, on voit mal comment la Russie — qui possède un droit de véto à l’Onu — pourrait punir la Mongolie pour y avoir été accueillie chaleureusement.

Aparté : Si Benyamin Netenyahou n’a pas fait l’objet d’un mandat d’arrestation de la CPI, c’est en raison de la menace américaine de représailles contre les procureurs de la Cour s’ils osent s’en prendre au premier ministre israélien.

La Mongolie, alliée de Moscou et de Beijing

Pour justifier son refus d’obéir à la CPI, la Mongolie invoque l’immunité diplomatique dont jouit Poutine.

Cela ne tient pas debout : les statuts de la CPI prévoient justement la levée de l’immunité diplomatique des personnes qu’elle accuse.

Les véritables raisons sont simples.

Quel pays aurait pu aller chercher Poutine en Mongolie s’il y avait été arrêté ? La Mongolie est un pays enclavé entre la Russie et la Chine; rien ne peut quitter la Mongolie sans passer par l’un ou l’autre de ces deux voisins.

Peut-on imaginer un avion militaire américain violer l’espace aérien d’un de ces pays pour aller chercher Poutine ? Cet avion ne se serait jamais rendu à destination et, dans le meilleur des cas, serait revenu bredouille.

Les deux tiers des importations mongoles proviennent de Russie et de Chine. Et 93 % des exportations mongoles sont destinées à la Chine.

Cela dit tout.

Références :
Cour pénale internationale
La Cour pénale internationale lance un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine
Mandats d’arrêt demandés par la CPI : quelles conséquences pour Netanyahu ?
Pourquoi la Mongolie n’a-t-elle pas arrêté Vladimir Poutine lors de sa visite?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La France mérite mieux

Publié le 3 septembre 2024 | Temps de lecture : 1 minute

Depuis deux mois, Emmanuel Macron tâtonne.

Il n’arrive pas à trouver un premier ministre qui poursuivra ses orientations présidentielles, c’est-à-dire des politiques désavouées par le peuple français à l’occasion des élections européennes, un désaveu réitéré aux élections législatives.

Au lendemain des rebuffades qu’il reçoit, quand Macron dit avoir pris note de la volonté populaire, il lit un texte écrit par ses relationnistes; il n’en croit pas un traitre mot.

Si on en juge plutôt par ses actes, ce gars-là est sourd à son peuple. Sa priorité absolue est de préserver ‘son héritage’.

La France est mure pour une réforme constitutionnelle qui la fera passer d’un régime présidentiel à un régime parlementaire.

La constitution de la Cinquième République convenait comme un gant à ce chef d’État que fut le général de Gaulle, mais beaucoup moins à quelqu’un qui, de toute évidence, ne possède pas son envergure…

Paru depuis : France : Michel Barnier nommé premier ministre, annonce l’Élysée (2024-09-05)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Deux nouvelles sous le thème de la diversité sociale

Publié le 6 juillet 2024 | Temps de lecture : 4 minutes

Une bonne nouvelle de Grande-Bretagne

Ce matin, le nouveau premier ministre britannique annonçait la composition de son Conseil des ministres.

Comme c’est souvent le cas en Angleterre, Keir Starmer a adressé son premier discours à la nation dans la rue, devant sa résidence officielle du 10 de la rue Downing.

Sa formation politique, le Parti travailliste, étant de la gauche traditionnelle, l’accent a été mis sur la diversité sociale. En effet, son cabinet fait une large place à des personnes issues de familles modestes formées à l’école publique.

En faisant cette annonce, le premier ministre a déclaré :

« Pendant trop longtemps, nous avons ignoré les personnes qui se comportaient en bons citoyens, qui travaillaient dur tous les jours. Je veux dire très clairement à ces personnes [qu’avec moi] elles ne seront plus ignorées. Notre mission de renouveau est urgente et nous commençons aujourd’hui.»

En Amérique du Nord, les règles qui régissent les mises en candidature politique sont des barrières économiques qui empêchent les classes laborieuses d’accéder au pouvoir.

C’est ainsi que le Congrès américain est exclusivement composé de millionnaires, généralement masculins à la peau pâle.

Ici même à Montréal, vous ne trouverez pas de travailleurs manuels ou d’assistés sociaux au sein de l’administration de Valérie Plante; ce sont tous de jeunes parvenus, qui aiment commander des huitres à Paris ou boire des vins dispendieux à Vienne, et qui ont été choisis pour composer un portrait de famille représentant toutes les nuances de la pigmentation humaine.

Lorsque l’avocate Cathy Wong — à l’époque, deuxième personne en ordre d’importance au sein de l’administration Plante — demande à un conseiller municipal de confession juive de ne pas se représenter aux élections afin de faire place à la ‘diversité’, elle veut dire qu’il nuit à ce portrait de famille. Parce que les Juifs, apparemment, ne font pas partie de la ‘diversité’.

L’an dernier, la ville de Montréal a démantelé 240 campements d’itinérants pour les forcer à aller dans des refuges qui, en réalité, n’acceptent plus personne parce que débordés par la crise du logement.

Le résultat, c’est que, expulsés des terrains vacants sous les ponts, ils se dispersent plutôt dans les quartiers centraux de la ville où ils agressent les passants et traumatisent les enfants des garderies ou des écoles à proximité.

De la même manière, l’administration Plante s’est acharnée contre Guylain Levasseur, ce bon samaritain qui alimente gratuitement les itinérants dans les campements ‘illégaux’ et conséquemment, fait concurrence aux travailleurs sociaux patentés de la ville.

Une mauvaise nouvelle des États-Unis

Mais par-dessus tout, la nouvelle du jour qui m’a fait le plus sursauter est ce clip vidéo, publié sur TikTok, dans lequel John McEntee — responsable du personnel de la Maison-Blanche sous Donald Trump — s’est vanté de faire l’aumône aux itinérants qu’il rencontre en leur donnant des billets contrefaits de 5$ afin qu’ils se fassent arrêter par la police en voulant s’en servir. Ce qui lui permet de faire œuvre utile en débarrassant les rues de ces gens-là.

Rappelons que George Floyd a été assassiné lors d’une arrestation policière après avoir effectué un achat payé avec un billet de banque contrefait. Or, on n’a jamais su si Floyd savait que son billet était un faux.

Je soupçonne que John McEntee a simplement voulu faire parler de lui comme aime le faire son ancien patron à la Maison-Blanche. Mais le simple fait que, de nos jours, on puisse sentir le besoin de publier des messages aussi outrageants, cela est le signe d’une société profondément malade.

Références :
Au Royaume-Uni, le nouveau premier ministre travailliste Keir Starmer forme un gouvernement marqué par la diversité sociale
En marge du meurtre de George Floyd
Guylain Levasseur vs l’hypocrisie bourgeoise de l’administration Plante
Le manque de jugement de l’avocate Wong
Les itinérants-campeurs et la gestion du risque
Montée du nombre de cas de COVID-19 dans les refuges pour itinérants à Montréal
Plus de 240 campements d’itinérants démantelés depuis le début de l’année à Montréal

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La nouvelle Théorie des dominos

Publié le 28 mars 2024 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

En 1954, à l’occasion d’une conférence de presse, le président américain Eisenhower justifiait la nécessité pour les États-Unis de guerroyer au Vietnam par la crainte d’un effet domino, c’est-à-dire d’une contagion du communisme dans tout le Sud-Est asiatique si le Vietnam en venait à tomber entre les mains du Vietcong.

Effectivement, en 1975, l’année de la défaite américaine au Vietnam, les Khmers rouges (communistes) prirent le pouvoir dans le pays voisin, le Cambodge. Ce qui tendait à prouver la validité de cette théorie.

Toutefois, cette contagion n’alla pas au-delà.

À plusieurs reprises, cette théorie fut invoquée par différentes administrations américaines pour justifier leurs interventions dans le monde.

Depuis l’effondrement du Rideau de fer en 1989, c’est, au contraire, le capitalisme qui s’est répandu. Au point que, de nos jours, les seuls pays communistes sont la Chine, la Corée du Nord, Cuba, le Vietnam et la Russie, de même que quelques anciennes républiques soviétiques du Caucase et d’Asie centrale.

Implicitement, la Théorie des dominos refait surface ces temps-ci alors qu’on affirme que la sécurité européenne serait compromise si la Russie devait gagner la guerre en Ukraine.

Les cassandres de la Troisième Guerre mondiale

De tous les chefs d’État européens, c’est l’ex-premier ministre polonais qui fut le plus ardent défenseur de la nouvelle Théorie des dominos.

Son argumentation était très simple. Un grand écrivain polonais avait prédit que la Russie envahirait l’Ukraine. Il prédit maintenant que la Russie ne s’arrêtera pas là. Or s’il avait raison dans sa première prédiction, il ne peut qu’avoir raison quant à la deuxième.

Peut-être ai-je mal compris son argumentaire. Mais si c’est effectivement ce qu’il disait, sa démonstration est un peu simpliste.

Plus étoffées furent les raisons invoquées par le président français lors d’une entrevue accordée il y a deux semaines à la télévision de son pays.

Une guerre existentielle pour l’Europe

Puisque le continent européen existe depuis des millions d’années, cette affirmation n’a du sens que si ‘Europe’ veut dire l’Union européenne.

L’Europe ainsi définie a survécu aux guerres de la Russie en Tchétchénie et en Géorgie, et a également survécu à la guerre de l’URSS en Afghanistan.

Il aurait été utile qu’on nous précise pourquoi il en serait autrement en Ukraine.

La crédibilité de l’Europe serait réduite à zéro

La défaite probable de l’Ukraine serait, effectivement, une humiliation pour la réputation d’invincibilité des forces occidentales.

Mais l’Europe s’en remettra comme les États-Unis s’en sont remis après avoir perdu au Vietnam, en Syrie et en Afghanistan.

La vie des Français changerait

De toute évidence, l’engagement volontaire des pays de l’Otan de dépenser au moins deux pour cent de leur PIB en armement ne suffit pas. Pour gagner une Troisième Guerre mondiale, il leur faudrait dépenser bien davantage.

En 2023, le PIB de la France était de 2 763 milliards d’euros. Faire passer, par exemple, les dépenses militaires de 2 % à 4 ou à 6 % du PIB, c’est y consacrer entre 55 et 83 milliards d’euros de plus, annuellement.

Or la réforme des retraites ne rapportera qu’environ vingt-milliards d’euros pour l’État français. À cela s’ajoutent les économies de dix-milliards d’euros annoncées en juin dernier en coupant dans les domaines de la santé, des aides au logement et à l’emploi, de même que la fin progressive des avantages fiscaux pour les énergies fossiles.

On est encore loin du compte.

Ce qui changera la vie des Français, ce n’est pas la défaite de l’Ukraine. C’est plutôt l’affaiblissement du filet de protection sociale nécessité par l’accroissement important des dépenses militaires.

La paix, ce n’est pas la capitulation de l’Ukraine

Vraiment ? Comment Emmanuel Macron voit-il la fin des hostilités, si ce n’est pas la capitulation du plus faible au plus fort ?

Le recours aux emprunts pour financer l’aide à l’Ukraine

Puisque l’Ukraine ne peut pas gagner la guerre et que la Russie ne doit pas la gagner, que veut le président de la République française ?

Quel est son objectif ?

Désire-t-il que les contribuables français financent cette guerre pour l’éternité ? À quel moment dit-on que cela suffit ?

Conclusion

À l’heure actuelle, l’État ukrainien est en faillite. Sans le financement occidental, Kyiv serait incapable de payer les fonctionnaires, les soldats, les enseignants, les travailleurs de la Santé, etc.

Jusqu’ici, Washington a principalement payé la note. Mais une proportion croissante de l’électorat américain veut que leur pays se désengage de cette guerre dont il ne voit pas d’issue heureuse.

Or ça tombe bien; Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen et d’autres dirigeants du Vieux Continent jugent important de prendre la relève.

D’où l’idée, croissante aux États-Unis, de leur refiler la patate chaude.

Emmanuel Macron peut bien soutenir la nouvelle Théorie des dominos. Mais, comme nous l’avons dit plus tôt, celle-ci ne s’est pas vérifiée après la victoire de la Russie en Tchétchénie et en Géorgie. Alors sur quoi se base-t-il pour présumer qu’une victoire en l’Ukraine ferait toute la différence…

Si le passé est garant du futur, il y a lieu d’être rassuré. Depuis le 24 février 2022, la Russie peine à faire la conquête d’un pays de 38 millions de personnes. Or, on voudrait nous faire croire que, victorieuse sur l’Ukraine, la Russie lancerait bientôt ses troupes contre l’Occident, peuplé de 880 millions de personnes. Est-ce bien sérieux ?

Ceci étant dit, nous dirigeons-nous vers une Troisième Guerre mondiale ? C’est possible. Mais celle-ci n’aura lieu que si les va-t-en-guerre comme Macron font tout pour que cela arrive.

Il serait opportun que le président de la République française agisse conformément à la dignité de ses fonctions, plutôt que de se comporter comme un boxeur de fond de ruelle.

S’il est vrai que notre consommation effrénée est une menace à long terme quant à la survie de notre espèce, le danger d’une guerre thermonucléaire déclenchée par l’irresponsabilité de nos chefs d’État est une menace beaucoup plus immédiate…

Références :
Aide à l’Ukraine : la ligne de crête d’Emmanuel Macron
Interview d’Emmanuel Macron : « Nous n’aurons plus de sécurité » en Europe si la Russie « venait à gagner » en Ukraine
Khmers rouges
Le gouvernement veut faire 10 milliards d’euros d’économies
Réforme des retraites : combien va-t-elle rapporter, combien va-t-elle coûter ?
Théorie des dominos

Parus depuis :
« Courir, se cacher… » : Suède et Finlande préparent leurs habitants à une possible guerre contre la Russie (2024-11-18)
« Il est temps de passer à un état d’esprit de temps de guerre », plaide le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte (2024-12-13)
L’armée française doit être « prête à un choc dans trois, quatre ans » face à la Russie, estime le chef d’état-major (2025-10-23)

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Écrit par Jean-Pierre Martel