L’influence étrangère par le biais des relations publiques

16 mai 2019


 
Une pénurie chronique de journalistes

Une étude publiée au début de cette année révélait l’influence des firmes de relations publiques sur les nouvelles qui nous parviennent.

Les quotidiens analysés furent La Presse et Le Devoir de Montréal, Le Nouvelliste de Trois-Rivières, Le Quotidien de Chicoutimi, Le Soleil de Québec et Le Journal de Montréal.

En 1988, 47,2 % des articles écrits par des journalistes québécois se basaient sur des informations fournies par des relationnistes de presse. De nos jours, cette proportion atteint environ les trois quarts des 214 articles maison scrutés par les chercheurs.

En contrepartie, on note une diminution des articles basés sur une source unique de renseignements; leur proportion est passée de 29,6 % à 10,5 %.

Ces données ne concernent pas les articles qui sont la reproduction telle quelle de dépêches émises par des agences de presse.

Depuis des années, les quotidiens subissent une érosion de leurs revenus, grugés par la concurrence de la publicité sur l’internet.

Si bien que le nombre de journalistes à leur emploi diminue d’une ‘rationalisation des effectifs’ à l’autre. D’où le recours croissant aux dépêches d’agences de nouvelles.

L’exemple saoudien

Soucieuse de son image, la dictature saoudienne est cliente de plusieurs parmi les plus influentes firmes de relations publiques. Ces dernières ont reçu plus de 35 millions $US au cours des deux dernières années, soit depuis la montée en puissance du prince héritier saoudien.

Parmi ces firmes, on compte l’américaine OmniComm (No 2 mondial), les britanniques Freud’s et Consulum, les françaises Havas et Publicis.

Dans le but d’exercer directement son influence sur la classe politique britannique, la dictature saoudienne a dépensé 350 000 $Can en voyages offerts gratuitement à 41 parlementaires anglais au cours des trois dernières années.

Le gentil prince saoudien

Le Canada s’étant brouillé avec de nombreux pays, son influence diplomatique est presque nulle.

Même s’il le voulait, le Canada ne pourrait pas constituer une menace sérieuse pour la dictature saoudienne.

Celle-ci se contente donc d’exercer son influence par le biais des associations musulmanes qu’elle finance et du clergé sunnite qui lui est inféodé.

Peu de sénateurs canadiens effectuent des voyages payés par la dictature saoudienne. Au Canada, ce sont des Émirats arabes unis (une pétromonarchie vassale de l’Arabie saoudite) qui paient une partie appréciable des voyages offerts gratuitement à nos sénateurs.

Quant à nos médias, leurs nouvelles internationales ne sont presque jamais rédigées par des correspondants à l’Étranger. Nos quotidiens reproduisent passivement des dépêches d’agences de nouvelles, elles-mêmes alimentées par les firmes de relations publiques.

Cette propagande finit par influencer nos propres journalistes.

En janvier 2018, dix mois avant l’affaire Khashoggi, la journaliste québécoise Michèle Ouimet — spécialiste autoproclamée de l’Arabie saoudite — publiait dans de La Presse une série de reportages au sujet du ‘Printemps saoudien’.

La journaliste de La Presse y décrivait avec enthousiasme le vent de modernisme qui soufflait sur le pays depuis l’avènement du prince Mohammed ben Salmane.

Avec le recul du temps, il est clair que la journaliste s’est laissée trompée par les colifichets qu’on agitait sous ses yeux.

Quant à Marie-Ève Bédard de Radio-Canada, ses articles
y vantaient l’Islam modéré que le prince saoudien voulait implanter. C’était avant qu’on découvre que, parmi les grandes avancées du régime, figurait le démembrement des dissidents à la tronçonneuse.

Conclusion

Autrefois, les médias traditionnels exerçaient une influence déterminante sur l’opinion publique. À titre d’exemple, c’est par eux qu’on amenait les peuples à se faire la guerre.

Ce n’est plus vrai.

Les firmes de relations publiques sont les nouveaux sorciers de la manipulation de masse. C’est par eux que des gouvernements étrangers exercent leur influence chez nous.

Dans les pays totalitaires où il est impossible de savoir ce qui s’y passe vraiment, il suffit à ces dictatures de recourir à des firmes de relations publiques pour alimenter les agences de presse de nouvelles fallacieuses qui se retrouveront nécessairement dans nos médias.

Et il suffit à ces pays d’offrir des faveurs à nos parlementaires pour boucler l’emprise qu’exercent ces pays sur notre politique étrangère.

Références :
Canadian MPs and their extravagant gifts. Is this bribery?
Le printemps saoudien
Médias: forte hausse de la présence des relations publiques dans les articles
Nomination des juges: les limites de la Libéraliste
Plus de liberté pour les femmes saoudiennes
Publicis, Havas, Image 7… Ces communicants que l’Arabie saoudite paie à prix d’or
Saudi Arabia pays UK firms millions to boost image
Sénat: Julie Miville-Dechêne dénonce les voyages payés par des pays tiers
Vent de changement en Arabie Saoudite

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Écrit par Jean-Pierre Martel