Les pions du terrorisme

Publié le 17 juillet 2016 | Temps de lecture : 9 minutes

Déséquilibré, lâche, barbare : les qualificatifs négatifs attribués au responsable de l’attentat de Nice ne manquent pas.

Comme beaucoup d’autres avant lui, il ne s’agit pas d’une personne particulièrement religieuse. C’était un adulte possédant des antécédents de petite criminalité, et qui a basculé soudainement dans le terrorisme.

En somme, il s’est converti.

Au moment où ces lignes sont écrites, on n’a pas élucidé comment cette transformation s’est opérée.

Dans des cas antérieurs, c’est toujours le même scénario.

Au départ, c’est un petit vaurien. Il s’agit d’un jeune homme condamné pour des délits mineurs qui possède un trait fondamental : c’est un être asocial.

Il n’a pas d’empathie pour ses victimes et c’est toujours un conjoint dominateur, parfois violent. Son estime de soi est très faible.

Ses condamnations judiciaires successives, au lieu de modifier son comportement, renforcent son sentiment d’être rejeté par la société.

C’est alors qu’il fait la rencontre d’un catalyseur. Souvent imam sunnite autoproclamé, celui-ci va transformer son interlocuteur en petit artisan du terrorisme. Cette transformation peut, au minimum, se faire en quelques semaines.

Le premier contact s’amorce sur un sujet de discussion aussi futile que la météo ou la dernière victoire d’un club sportif.

Le catalyseur est un caméléon. Il possède le même accent, le même vocabulaire, adopte le même langage corporel, répète les mêmes gestes et possède la même attitude que son interlocuteur. Ce mimétisme sert à l’apprivoiser. Inconsciemment, ce dernier découvre alors un alter ego; ils sont faits pour s’entendre.

À cette étape, il n’est pas certain qu’ils se reverront. En fait, le catalyseur est un recruteur qui sème à tout vent dans l’espoir de trouver éventuellement des adeptes.

Puis ils se revoient par la fréquentation des mêmes lieux.

Au fil des rencontres, leur relation s’approfondit, basée sur le respect mutuel. Peu à peu, le catalyseur utilise sa supériorité intellectuelle pour susciter une légère admiration qui servira à assujettir subtilement son interlocuteur sauvage.

Et quand la confiance s’est installée, alors commence le processus de radicalisation.

Abordant les questions religieuses, le message du catalyseur se résume ainsi : « Dieu est grand. C’est Lui qui t’a fait comme tu es. Tous les autres te disent que tu n’es pas normal. C’est faux. Tu es l’œuvre de Dieu. Et cette colère qui t’habite, cette colère qui persiste malgré la désapprobation de tous, elle ne peut s’éteindre parce qu’elle est voulue par Dieu. C’est elle qui te rend unique à Ses Yeux. Il la maintient vivante en toi en dépit de tout. Parce que cette rage est le moteur des grands projets que Dieu a conçus pour toi.»

Vous devinez le reste. Dès que l’interlocuteur devient d’accord avec cette prémisse, il est converti.

Strictement parlant, ce n’est pas la religion ni l’idéologie qui pousse la recrue à se convertir. C’est le besoin psychologique de sens.

Après un attentat, il est normal de dénigrer le terroriste. On pense que ce mépris dissuade ceux qui songent à commettre un geste semblable. Il n’en est rien. Auprès de ceux qui ont déjà commencé à se radicaliser, ces reproches font grandir le statut de martyr du terroriste, incapable parce que mort de se justifier auprès de ses accusateurs.

Il est temps qu’on réalise que les artisans d’un attentat terroriste ne sont que des pions.

Le terrorisme est une bizness. Il l’est parce qu’habituellement il coute cher. Si l’attentat de Nice est économique — le prix minime de la location d’un camion — c’est une exception à cette règle. D’habitude, il faut une équipe de comploteurs, payer leurs loyers, leur armes, leurs déplacements internationaux, et ainsi de suite.

Pensez que les terroristes du 11 septembre 2011 ont suivis des cours de pilotage pendant des mois et ont vécu à la charge de commanditaires qu’on n’a jamais trouvés en raison de l’obstruction systématique et du manque de collaboration de l’Arabie saoudite à l’enquête américaine.

Les révélations de Wikileaks nous ont appris justement que l’Arabie saoudite est la plaque tournante du financement du terrorisme international. Conséquemment, le renversement de la dictature saoudienne résoudrait à la source ce problème.

Les pays occidentaux n’en ont pas l’intention, non seulement en raison des lucratifs contrats militaires que la dictature saoudienne leur accorde, mais parce que l’Arabie saoudite est un élément-clé de la grande géostratégie d’isolement de la Russie.

En effet, ce pays finance, en bonne partie, le renversement des régimes alliés de Moscou. Voilà pourquoi il est intouchable tant que les pays occidentaux poursuivront cette stratégie au Moyen-Orient.

Mais entre l’Arabie saoudite et les pions qui effectuent la sale besogne, il y a une foule d’intermédiaires. Le problème est qu’on ne fait rien contre eux également.

On ne le fait pas parce que ces derniers agissent sous le couvert de la religion.

Or la religion, pour un pays comme les États-Unis, c’est sacré. Ce l’est parce que ce pays est peuplé de millions de descendants d’immigrants ayant fui des persécutions religieuses.

Dans le texte Le prosélytisme de l’Arabie saoudite, nous avons vu comment celle-ci propage son idéologie haineuse.

Il y a deux jours, dans les pages du Figaro, le philosophe Pascal Bruckner en appelle à l’État pour qu’il s’attaque à ceux qui combattent le peuple français sur le territoire de la république; isolement des islamistes, neutralisation préventive des terroristes potentiels, expulsion des imams radicaux, et fermeture des mosquées douteuses.

Je cite cet essayiste non pas parce que je partage toutes ses suggestions mais parce qu’il exprime une opinion très répandue.

Fermer des mosquées jugées douteuses, ouvre la porte à tous les abus. Lorsqu’on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Sous la pression populaire, les autorités locales s’engageraient dans une croisade antimusulmane alimentée de soupçons qu’on voudra bien répandre.

Ce qu’il faut au Québec, c’est la solution autrichienne.

Les autorités de ce pays ont constaté que tous les pays musulmans ont à leur solde un clergé qui émet des avis juridiques conformes aux besoin de l’État et sa conception du bon Islam.

Par contre, dans n’importe quel pays démocratique, il y a péril lorsque le clergé du pays est inféodé à une puissance étrangère hostile à la démocratie et aux droits de la personne.

Voilà ce qui a incité l’Autriche à agir.

En février 2015, ce pays a adopté une loi destinée à éviter des dérives radicales en réduisant notamment l’influence étrangère sur les mosquées et sur l’enseignement religieux dans ce pays.

Selon cette loi, les associations musulmanes autrichiennes devront être agréées. Et pour l’être, elles devront véhiculer une approche positive envers la société et l’État.

Cette exigence rejoint la suggestion exprimée par Marc Laroche — détenteur d’un diplôme d’études supérieures en sciences des religions — exprimée dans l’édition de novembre 2015 de L’Action nationale :

Ne délivrer un permis de construction ou de location de tout lieu faisant office de lieu de culte que si les responsables de groupes religieux ou idéologiques s’engagent par écrit à ce qu’aucun passage incitant à la violence grave contenu dans leurs textes référentiels n’y soit professé.


Par la suite, s’il est démontré qu’un tel groupe contrevient à cet engagement, il sera condamné pour terrorisme et dissout. Et ses biens, meubles et immeubles seront confisqués par l’État.

Sans être totalement hostile à cela, je doute que cet accroc à la liberté d’expression soit strictement nécessaire.

Moins controversées sont les autres dispositions autrichiennes selon lesquelles les imams devront être formés en Autriche grâce à un cursus théologique dispensé dans une université du pays. Pour ce faire, il leur faudra maitriser l’allemand. De plus, les frais de construction et de fonctionnement des institutions confessionnelles, y compris les salaires, ne pourront plus être financés depuis l’Étranger.

De nombreux attentats terroristes islamistes ont été commis dans différents pays européens : à ce jour, aucun n’a été commis en Autriche.

Au Québec, afin d’éviter qu’on contourne ces exigences, on devrait interdire en plus le financement par des mécènes canadiens possédant une double citoyenneté ou par des institutions situées dans d’autres provinces canadiennes à moins qu’elles répondent aux exigences québécoises.

En contrepartie, afin d’éviter de condamner des communautés musulmanes à la clandestinité, il serait interdit aux municipalités de s’opposer à la construction de mosquées qui respectent leurs règles d’urbanisme.

Cela ne peut se faire sans invoquer la clause dérogatoire de la Canadian Constitution de 1982. Celle-ci a été écrite à une époque où le radicalisme religieux existait mais n’était pas la menace qu’il est devenu. Voilà pourquoi il est indispensable d’invoquer cette clause, justement prévue, entre autres, pour pallier à l’impondérable.

Le gouvernement québécois actuel s’y refuse pour des raisons idéologiques. Conséquemment, rien de concret n’a été fait ici pour prévenir la radicalisation religieuse. Espérons qu’il agira avant qu’il ne soit trop tard.

Références :
Guerre du Golfe
La France cherche les coupables
L’Autriche adopte une nouvelle loi pour encadrer l’islam
Pascal Bruckner: «Mener la guerre à l’intérieur de façon préventive»
Une « radicalisation très rapide », cela s’appelle une conversion
WikiLeaks cables portray Saudi Arabia as a cash machine for terrorists

Paru depuis :
Pour un nouvel islam de France (2016-08-02)

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Écrit par Jean-Pierre Martel