Résumé de géopolitique mondiale (2e partie et fin)

Publié le 16 juillet 2016 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

Précédemment, nous avons vu la première stratégie militaire utilisée par l’Occident en vue d’une guerre éventuelle contre la Russie. C’est l’encerclement; il consiste retourner contre elle ses anciennes républiques soviétiques.

Dans ce volet-ci, nous verrons le deuxième moyen utilisé : c’est l’isolement, c’est-à-dire la privation d’alliés parmi les producteurs de pétrole.

Toujours dans la perspective d’un conflit armé avec la Russie, l’Occident veut lui rendre plus difficile l’accès à des hydrocarbures hors de son territoire.

Au Maghreb, au Proche et au Moyen-Orient, la Russie comptait quatre pays alliés — la Libye, la Syrie, l’Irak et l’Iran — tous, à des degrés divers, producteurs de pétrole.

Le premier à tomber fut l’Irak.

L’Irak

Déclenchée officiellement en mars 2003, la guerre en Irak avait pour but de libérer le pétrole irakien de l’embargo international dont il était l’objet, d’inonder les marchés mondiaux afin d’en faire baisser le prix, et ce au profit des économies énergivores comme l’économie américaine.

L’invasion et l’occupation militaire de l’Irak avaient également pour but de priver la Russie d’un de ses alliés.

Cette guerre éclair débute le 20 mars 2003 et se termine le 1er mai suivant. Recherché, Saddam Hussein est arrêté en décembre 2003 et exécuté trois ans plus tard.

Et de un.

La Libye

Après la Tunisie en décembre 2010 et l’Égypte le mois suivant, le Printemps arabe gagne la Libye (le pays entre les deux) en février 2011.

Mais au lieu d’abandonner le pouvoir comme ses homologues de Tunisie et d’Égypte, le dictateur libyen s’accroche et écrase brutalement les révoltes.

Afin d’aider les insurgés, les chasseurs-bombardiers de l’OTAN entrent en action le 19 mars 2011. Ils détruisent les défenses aériennes du pays, des chars d’assaut et des véhicules blindés, de même que des dépôts de munition.

Dans les régions sous le contrôle des rebelles, la France parachute des lance-roquettes, des fusils d’assaut, des mitrailleuses et missiles antichars Milan.

Le dictateur libyen meurt le 20 octobre 2011. Les opérations de l’OTAN cessent dix jours plus tard. Depuis, le pays est livré au chaos et à l’anarchie.

Et de deux.

La Syrie

Après l’échec du Printemps arabe, la guerre en Syrie s’est transformée en guerre par procuration où des mercenaires étrangers — équipés et financées par l’Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar — combattent le régime de Bachar el-Assad en vue de le remplacer par un régime islamiste.

Au début, les pays occidentaux se réjouissaient à l’idée de se débarrasser d’un troisième allié russe en si peu de temps.

Mais dès juillet 2012, les services de renseignements informaient les dirigeants américains des véritables enjeux, refroidissant d’autant leurs ardeurs à renverser le dictateur syrien.

Pendant cinq ans, les 10 600 frappes américaines bombarderont l’État islamique de manière à limiter son expansion territoriale sans toutefois chercher à l’anéantir, et ce de manière à faire perdurer l’insécurité qui amène les pays voisins à multiplier les achats d’armements en Occident.

Mais l’intervention russe à la fin de 2015 marque un tournant dans cette guerre. Pour Poutine, il devenait important de stopper la politique d’isolement de la Russie et de démonter — sur le tard il est vrai — que son pays n’abandonne pas ses amis.

D’autre part, aveuglée par son désir de renverser Bachar el-Assad, la Turquie a longtemps été un lieu de transit et un refuge pour les djihadistes qui voulaient combattre en Syrie. Mais à coucher avec des guêpes, on finit toujours par se faire piquer. À la suite de plusieurs attentats terroristes, Erdoğan a soudainement réalisé le risque sécuritaire que ces barbares comportaient pour son propre pays.

S’il est impossible de prévoir le sort de Bachar el-Assad lui-même, il semble bien son régime brutal sortira victorieux de cette guerre, ce qui maintiendra l’alignement du pays avec la Russie.

Pour l’instant, c’est une victoire militaire occidentale mitigée dans la mesure où la Russie — si elle conserve toutes ses bases militaires en Syrie — n’a toutefois pas accès aux champs pétroliers du pays, sous contrôle de l’État islamique.

Et de deux et demi.

L’Iran

Depuis la fin de l’embargo décrété par l’ONU contre l’Iran (en raison de son programme nucléaire), l’Arabie saoudite est furieuse.

Elle veut le déclenchement d’une guerre ‘préventive’ contre ce pays, c’est-à-dire l’attaquer avant qu’il n’ait eu le temps de se remettre des sanctions internationales.

Mais le président Obama a ordonné à l’Arabie saoudite de s’entendre avec ses voisins (ce qui vise spécifiquement l’Iran).

Ce message a été très mal reçu par la dictature saoudienne.

Conséquemment, l’Arabie saoudite a multiplié les rumeurs d’achats d’équipement militaire français, histoire de dire aux Américains : « Voyez l’argent que vous pourriez perdre si vous ne cédez pas à notre volonté.»

Entretemps, la dictature saoudienne ronge son frein dans l’attente du choix du prochain président américain.

En cas de guerre avec l’Iran, il est certain que la Russie sera derrière ce pays. Si les États-Unis se laissent entrainés dans un conflit déclenché en dépit de leur interdiction formelle, concrètement cela veut dire que l’armée américaine se battra contre l’armée russe au Moyen-Orient. En d’autres mots, c’est le déclenchement de la Troisième Guerre mondiale.

D’autre part, l’Iran étant plus peuplé que la Libye, la Syrie et l’Irak réunis, l’Europe acceptera-t-elle d’être entrainée malgré elle dans un conflit qui créera des millions de réfugiés supplémentaires qui frapperont à ses portes ?

Si ce n’est le souhait d’aucun pays occidental, peut-être serait-il sage de cesser de vendre des armes aux pays qui s’y préparent, notamment l’Arabie saoudite, championne mondiale de l’achat d’armements.

Conclusion

La stratégie occidentale qui consiste à priver la Russie de ses alliés se solde par une réussite partielle; c’est l’effondrement de l’État libyen et l’émergence d’un nouvel État irakien.

Le réveil tardif de la Russie sonne toutefois le glas de la poursuite de cet stratégie d’isolement.

L’affaiblissement stratégique de la Russie s’accompagne de l’affaiblissement politique de l’Union européenne, profondément divisée au sujet de l’attitude à adopter face à la plus importante crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale. Une crise qui résulte directement de la stratégie militaire occidentale au Moyen-Orient.

Références :
Comment la géopolitique du pétrole explique la crise en Irak
Contestation en Arabie saoudite en 2011
Declassified Department of Defense Report (2012-07-30)
Économie de l’Irak
Guerre d’Irak
Intervention militaire de 2011 en Libye
L’Arabie saoudite, championne du monde des achats d’armements
L’éclipse russe de la Syrie
Le Rafale a-t-il réellement une chance en Arabie Saoudite ?
Libye: La France a parachiuté des armes aux insurgés
Printemps arabe
Rafale : le contrat avec le Qatar pour la vente de 24 chasseurs est effectif
Relations entre l’Iran et la Russie
Soulèvement bahreïni
The Obama Doctrine

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Écrit par Jean-Pierre Martel