Gaz de schiste : des redevances « élevées » ou « justes » ?

7 décembre 2010

À l’émission « Tout le monde en parle » de dimanche dernier, le Premier ministre du Québec abordait la question des redevances imposées à l’industrie des gaz de schiste. En comparaison avec la nationalisation, M. Charest disait : « On va retirer les mêmes redevances. Puis des redevances élevées sur l’exploitation. Des redevances qui vont être justes.»

Si on avait pu voir ma courbe d’approbation, on aurait vu une montée qui culmine à élevées suivie d’un plateau et enfin d’un crash à justes. En quoi ces deux qualificatifs sont-ils si différents ?

Présentement, le Québec compte vingt-deux mines actives dans lesquelles on exploite surtout du fer, du zinc, du nickel, du cuivre et de l’or. Entre 2002 et 2008, l’industrie minière a versé 259 millions$ au fisc québécois en droits miniers, soit 1,5 pour cent des profits. En effet, les redevances versées à l’État sont calculées sur les profits et non sur la valeur brute de la production.

En contrepartie de cette contribution, lorsqu’une compagnie cesse ses opérations, le gouvernement du Québec défraye la moitié des coûts des travaux de restauration des sites contaminés. Le ministre délégué aux Ressources naturelles a indiqué récemment qu’une enveloppe de 300 millions$ est prévue pour les sites orphelins. De cette somme, 164 millions$ ont déjà été engagés dans des projets de restauration.

On remarquera donc que les redevances de l’industrie minière ne couvrent même pas les coûts de restauration des sites abandonnés. Si bien que le Québec est le troisième endroit le moins cher au monde pour l’exploitation minière.

En somme, le seul avantage que nous en retirons, c’est le salaire versé aux mineurs, les retombées économiques, de même que le mécénat non-négligeable de l’industrie pour les arts et la culture. Même s’il s’agit de sommes importantes, cela est peu de chose en comparaison avec les milliards$ de profit distribués à leurs actionnaires étrangers.

Dans un tel contexte, que signifie le qualificatif « justes » utilisé par monsieur Charest ? Les redevances payées par l’industrie des gaz de schiste seront-elles justes par rapport à celles — ridicules — versées par le reste de l’industrie minière ? Si oui, comment monsieur Charest peut-il prétendre qu’il s’agit de redevances « élevées » ?

Références :
Industrie minière – Des privilèges inaliénables
Le PQ maintient son opposition au projet de loi 79 sur les mines
Québec veut des mesures plus sévères

Paru depuis : Un siècle pour restaurer 700 sites miniers (2015-01-26)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les gaz de schiste : nous sommes nuls

6 décembre 2010

Invité hier soir à l’émission « Tout le monde en parle » de Radio-Canada, le Premier ministre du Québec a écarté toute idée de nationaliser l’industrie du gaz de schiste.

« Les gaz de schiste, on n’est pas des experts nous autres dans le développement et l’exploitation du gaz […] Alors ce n’est pas notre mission à nous de se transformer en compagnie gazière ou pétrolière » a déclaré monsieur Charest.

Les québécois francophones ne connaissaient pas grand-chose à l’énergie hydro-électrique avant la nationalisation de cette industrie, survenue en 1944 et en 1963.

En 1944, au moment de son étatisation, la Montreal Light, Heat and Power pratique une politique discriminatoire d’embauche qui a pour résultat que la majorité de ses employés sont anglophones, plus précisément unilingues anglais. Parmi son personnel technique, on ne compte aucun ingénieur francophone.

Mais dès décembre 1944, Hydro-Québec — c’est le nouveau nom de l’entreprise montréalaise étatisée — embauche Robert A. Boyd, âgé de 26 ans, un premier ingénieur francophone. Celui-ci deviendra président-directeur général de la société d’État en 1977. Peu à peu, de 1944 à 1960, le personnel d’Hydro-Québec devient majoritairement francophone.

Mais à l’extérieur de Montréal, les diplômés francophones en génie électrique trouvent très peu de débouchés: les compagnies privées préfèrent alors embaucher des ingénieurs anglophones. Cette situation changera radicalement avec la seconde (et principale) phase de la nationalisation de l’hydro-électricité du Québec en 1963.

Aujourd’hui, nous sommes parmi les leaders mondiaux reconnus dans le domaine de l’hydro-électricité. Toutefois, autant nous excellons dans ce domaine, autant nous sommes nuls et incapables d’être autre chose que nuls dans le domaine des gaz de schiste. C’est du moins l’opinion de monsieur Charest.

Je suis donc surpris de voir que nos impôts servent à payer le salaire de quelqu’un qui a si peu confiance en nous. Je me serais attendu que le Premier ministre du Québec soit un promoteur du talent d’ici, que ce soit quelqu’un qui ait confiance dans le peuple qu’il dirige.

Conséquemment, doit-on s’étonner que l’opinion des Québécois envers monsieur Charest soit à la hauteur de celle qu’il porte sur nous ?

Post-scriptum : Grâce à la nationalisation de l’hydro-électricité, nous recevons la totalité des profits réalisés par l’exploitation de cette ressource naturelle. Par opposition, les plus voraces parmi les compagnies impliquées dans les gaz de schiste au Québec s’attendent à payer aussi peu que 2% de redevance au Québec et exporter leurs énormes profits à des actionnaires étrangers.

Références :
Jean Charest maintient le cap
Montreal Light, Heat and Power
Nationalisation de l’électricité au Québec
Shawinigan Water and Power Company

Paru depuis :
Carte interactive des forages d’hydrocarbures en sol québécois depuis 1860 (2013-04-21)

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Écrit par Jean-Pierre Martel