La nouvelle guerre froide

22 mars 2021

Introduction

Cette semaine, le nouveau président américain a qualifié son homologue russe d’assassin. Pendant ce temps, le secrétaire américain à la Défense sonnait l’alarme au sujet de l’érosion de la suprématie militaire américaine face à la Chine.

Le miroir aux insultes

En réalité, dans tous les états totalitaires, les opposants politiques s’expriment au risque de leur vie.

Parlez-en à la veuve du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, dépecé à la tronçonneuse par des sbires de MBS (Mister Bone Saw). Sans parler de toutes les personnes disparues à l’époque où Washington couvrait l’Amérique latine de dictateurs à sa solde.

Washington aura beau dire qu’en assassinant le général iranien Qassem Soleimani, il a sauvé la vie de tous les civils qu’il s’apprêtait à tuer, le fait demeure que depuis un quart de siècle, les généraux américains ont tué considérablement plus de civils que leurs collègues iraniens en guerroyant en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie.

Une suprématie menacée

À l’heure actuelle, l’arsenal militaire américain possède vingt fois plus d’ogives nucléaires que la Chine.

Le tonnage de sa marine de guerre est le double de celui de la Chine, sans tenir compte de la sophistication écrasante de la technologie qui équipe ses navires.

On compte deux-mille chasseurs-bombardiers américains versus 600 chinois.

Et la puissance américaine se déploie dans 800 bases militaires à travers le monde alors que la Chine n’en possède que trois.

Le budget militaire chinois correspond à 1,5 % de son produit intérieur brut, soit moins que la norme au sein des pays de l’OTAN.

De son côté, le budget américain à la Défense équivaut à celui combiné des dix autres pays les plus dépensiers à ce sujet, dont six alliés de Washington; la Chine, l’Inde, la Russie, l’Arabie saoudite (alliée), la France (alliée), l’Allemagne (alliée), le Royaume-Uni (allié), le Japon (allié), la Corée du Sud (alliée), et le Brésil.

Depuis plus de mille ans, le pays dominant l’est en raison de sa puissance économique.

Au cours de son histoire, la Chine a perdu toutes les guerres qui l’opposaient à ses voisins. Ce qui ne l’a pas empêché d’être, pendant des siècles, le pays le plus riche au monde.

En 1820, au sommet de sa puissance économique, le produit intérieur brut de la Chine représentait 32,9 % de l’économie mondiale. Par comparaison, de nos jours, les États-Unis en représentent un peu moins de 20 %.

La Chine commerçait avec tous les marchands prêts à donner de l’or pour se procurer des biens de luxe chinois; de la porcelaine, de la soie et des épices, entre autres.

À l’autre bout du monde, la montée en puissance de l’Angleterre débute au XVIIIe siècle avec l’invention de la machine à vapeur. Celle-ci était alimentée par une ressource naturelle très abondante dans ce pays; le charbon.

Grâce à la tisseuse mécanique, on pouvait produire du textile moins cher que partout ailleurs. Conséquemment, les filatures anglaises firent la conquête du monde.

Contrairement à la Chine qui produisait ses biens de luxe à partir de ses propres ressources naturelles — le ver à soie, le kaolin pour la porcelaine, etc.— et qui vendait ses biens aux caravaniers et aux navires qui venait s’approvisionner chez elle, l’Angleterre ne produisant pas de coton.

La marine marchande anglaise se développa pour importer des matières premières et exporter des produits finis. Et pour protéger ses sources d’approvisionnement et ses marchés d’exportation, l’Angleterre consacra une partie de sa richesse à bâtir des navires de guerre.

Avec la découverte du pétrole et l’invention du moteur à explosion, le centre de gravité de l’âge thermo-industriel bascule aux États-Unis où l’invention de la chaine de montage automobile permet aux États-Unis de faire la conquête du monde.

Par la suite, la suprématie militaire américaine sera la conséquence de la montée en puissance de son économie (et non l’inverse).

Alors que la Chine n’a jamais tenté d’imposer son modèle étatique (sauf à l’époque maoïste), la manie des peuples anglo-saxons d’imposer leurs valeurs morales aux autres les prédisposait à être manipulés par leur complexe militaro-industriel.

Au nom de la défense de la démocratie parlementaire, les États-Unis ont renversé les régimes autoritaires qui ne leur convenaient pas sans jamais réussir à pacifier les pays qu’ils ont longuement occupé militairement.

Malheureusement pour eux (et nous qui en dépendons), les Américains ont ainsi gaspillé des sommes colossales à faire la guerre, de même qu’à imposer au monde les lois écrites par le grand capital international que ce dernier fait adopter ensuite par le Congrès américain.

Une des différences fondamentales entre la Chine et les États-Unis, c’est que la Chine est autoritaire à l’égard de son propre peuple alors que les États-Unis le sont hors de leurs frontières.

Après avoir longtemps piraté la technologie occidentale, la Chine est maintenant devenue une puissance technologique à part entière.

Or, comme nous venons de le voir, la suprématie technologique — et non la puissance militaire — est l’assise de la suprématie mondiale depuis le début de l’âge thermo-industriel.

En 2015, le nombre de brevets chinois était supérieur au nombre de brevets américains, japonais, coréens et européens réunis.

En 2017, les établissements américains d’enseignement supérieur (lycées, universités, écoles spécialisées) ont décerné 3,9 millions de diplômes (dont plus d’un demi-million à des étudiants étrangers).

En 2012, les universités chinoises décernaient 6,2 millions de diplômes, sans compter les 800 000 étudiants chinois diplômés à l’Étranger.

Rien n’illustre mieux le retard technologique des États-Unis que cette contamination de milliers d’ordinateurs gouvernementaux par des virus (probablement russes), une contamination qui s’est propagée pendant des mois sans éveiller des soupçons à Washington.

L’indignation bruyante des Américains ne trompe personne; leur pays n’est plus le symbole de l’excellence.

D’autre part, depuis 1979, les États-Unis ont dépensé 3 000 milliards de dollars en dépenses militaires.

À elle seule, la mise au point du chasseur-bombardier F-35 aura couté 1 700 milliards de dollars au Trésor américain. Ce qui correspond approximativement au cout estimé de la construction (encore embryonnaire) de la nouvelle Route de la soie, ce réseau routier ultramoderne destiné à apporter à la Chine les matières premières dont elle a besoin et à exporter les biens qu’elle fabrique.

La Chine a construit près de 30 000 km de chemins de fer pour ses trains à grande vitesse, mis sur pied le plus vaste réseau de tours de transmission de téléphonie 5G, construit des ponts, des routes, modernisé ses infrastructures et construit des millions de tours résidentielles (dont beaucoup sont encore inoccupées).

Sa gestion draconienne de la pandémie au Covid-19 a non seulement épargné des millions de vies chinoises, mais lui a permis une croissance économique en 2020 alors que l’économie américaine souffrait des politiques sanitaires plus libérales décidées par une classe politique plus intéressée à se quereller au sujet du port du masque qu’à sauver des vies humaines.

En somme, les États-Unis et le Canada peuvent bien se lancer dans une guerre de mots contre la Chine et dresser un rideau de fer technologique contre elle, cela ne l’empêchera pas de nous vendre les produits électroniques qu’elle fabrique (dont nous ne pouvons plus nous passer) et de prélever ses ‘honoraires’ sur tous les produits fait ailleurs, mais dont la fabrication nécessite le recours à des métaux stratégiques dont elle détient le monopole extractif.

Oui, la Chine est une menace à la suprématie américaine. Mais cette suprématie n’est pas celle qu’on pense.

Références :
At war with the truth
Chine ou États-Unis, lequel est plus dangereux ?
Les conséquences géostratégiques du basculement vers les énergies vertes
Jamal Khashoggi
La Chine championne du monde des dépôts de brevet
La Chine, dragon de l’innovation
L’affaire Huawei : dure pour le Canada, la vie de caniche américain
Qassem Soleimani
The Pentagon’s Bottomless Money Pit
The Pentagon is using China as an excuse for huge new budgets

Parus depuis :
Géopolitique de la science : la Chine accélère (2022-06-29)
Géopolitique : « La mobilisation contre la Chine fait l’unanimité aux Etats-Unis » (2022-09-23)
Les défis de la filière des véhicules électriques (2023-05-30)

3 commentaires

| Géopolitique | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Le procès de l’OMS

19 mai 2020

Ces jours-ci, beaucoup de dirigeants occidentaux — notamment à Washington, à Paris et à Londres — reprochent à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) son manque d’esprit critique envers la Chine.

Se querellant sans cesse avec ses alliés et opposée à toute forme de collaboration internationale, l’administration Trump est irritée par l’attitude bienveillante de l’OMS. Selon la rhétorique belliqueuse américaine, cette collaboration fait figure de trahison puisque les États-Unis paient une bonne partie du budget de cet organisme.

Alors que la transmission communautaire du Covid-19 est évidente depuis le début, l’administration Trump accuse l’OMS d’avoir sous-estimé la dangerosité du Covid-19 et d’avoir ignoré les alarmes des autorités sanitaires de Taïwan, cette ile où est exilé le seul gouvernement légitime de la Chine (selon Washington).

On oppose donc la bonne ile taïwanaise à la méchante Chine. Comme on opposerait la vaillance d’une poignée de guerriers gaulois à la multitude des légionnaires romains.

Il est vrai que Taïwan a très bien fait face à l’épidémie du Covid-19. Mais ce succès a un prix.

Taïwan oblige la géolocalisation de ses 24 millions de citoyens. Parmi ceux en quarantaine, le pays prête même un téléphone multifonctionnel à ceux qui n’en ont pas.

Les personnes en quarantaine qui osent quitter la zone de confinement qui leur est alloué reçoivent alors l’ordre d’appeler la police immédiatement sous peine d’une amende de 33 000$.

Si on faisait la même chose au Canada, de nombreux défenseurs des droits de la personne compareraient les mesures de type taïwanais au contrôle liberticide imposé aux personnages du roman ‘1984’.

Mais revenons aux ‘mensonges’ et aux cachoteries présumées de la Chine. En réalité, cela sert d’excuse à la gestion calamiteuse de cette crise par les dirigeants occidentaux.

Tout comme la Corée du Sud, le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, Taïwan n’a pas eu accès à des informations privilégiées au sujet de la Chine. Pourtant, tous ces pays ont agi promptement. Pas les nôtres.

Lorsque la Chine a mis en quarantaine des dizaines de millions de ses citoyens, la planète tout entière ne pouvait ignorer la dangerosité du nouveau virus.

Le rôle des diplomates américains en Chine n’est pas limité à venir en aide aux Américains dans ce pays; ce sont des espions. Plus précisément, ce sont des experts dans différents domaines qui transmettent à Washington tout ce qu’on doit savoir au sujet du pays où ils sont en fonction.

Dès novembre 2019, les services américains du renseignement ont averti leurs alliés de l’OTAN et Israël au sujet d’une nouvelle épidémie humaine de nature virale en Chine. Une épidémie extrêmement dangereuse. Ces informations ont été détaillées dans un rapport confidentiel du National Center for Medical Intelligence de l’armée américaine, un rapport que celle-ci a tenté par la suite de nier.

Ces alarmes ont été ignorées par Donald Trump comme il a ignoré celles des responsables sanitaires en sol américain. Des responsables qu’il a congédiés lorsqu’ils refusaient de soutenir son aveuglement et son insouciance.

Donald Trump ne peut pas à la fois accuser la Chine de lui avoir caché la dangerosité du Covid-19 alors qu’il a été sourd aux avertissements des experts de son propre pays.

Nous sommes dans un beau pétrin parce que l’Occident en général et le Canada en particulier n’a rien retenu des leçons de l’épidémie du SRAS. Contrairement à Taïwan.

On ne s’est pas équipé de scanneurs thermiques aux aéroports. On a tardé à fermer les frontières. On n’a assuré aucun suivi des personnes contagieuses qui entraient au pays. On a détruit les réserves stratégiques de masques. Et en raison de leur pénurie, on a malicieusement prétendu que les masques n’étaient efficaces que lorsque portés par des professionnels de la Santé.

Mais c’est plus simple de dire que c’est la faute de la Chine…

Références :
ABC News: US intelligence warned of China’s spreading contagion in November
Report: Israeli Health Ministry Ignored US Warning in November of Viral Threat from China

Laissez un commentaire »

| Politique internationale | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Le Canada et les masques N95

5 avril 2020

La guerre des masques

Puisque la pandémie au Covid-19 se propage principalement par l’air que nous respirons, toute personne qui désire se protéger à l’aide d’un masque N95 devrait pouvoir le faire.

Mais voilà, on en manque. Ce qui oblige nos gouvernements à les réserver pour ceux qui sont au front de la lutte contre la pandémie. À juste titre.

« Ça joue dur.» C’est par ces mots que le premier ministre du Québec faisait allusion à la compétition féroce que se livrent les pays afin d’acquérir du matériel médical de protection.

Le 15 mars, on apprenait la tentative des États-Unis de s’approprier l’exclusivité — pour la somme d’un milliard de dollars — d’un vaccin que cherche à mettre au point un laboratoire allemand.

Ces jours-ci, sans viser directement Washington, la présidente du Conseil régional d’Ile-de-France accuse ‘des Américains’ d’avoir détourné des masques destinés à la région parisienne.

Dans un pays aussi contrôlé que la Chine, on voit mal comment des contrebandiers américains pourraient exercer sur le tarmac d’aéroports chinois sans que les États-Unis aient officieusement obtenu la permission des autorités chinoises de les laisser opérer.

Une accusation analogue a été formulée par le ministre terre-neuvien de la Santé et le président français du Conseil régional du Grand Est.

Le 2 avril, un importateur québécois recevait une partie de sa commande de masques chinois; il a bien reçu les masques sanitaires, mais pas les 10 000 masques KN95 qui, eux, ont été expédiés par erreur en Ohio. On ignore si l’erreur a été corrigée par le transporteur.

Le 3 avril, un ministre de la cité-État de Berlin a accusé les États-Unis de piraterie après que 200 000 masques N95 destinés à la police berlinoise eurent été détournés à Bankok vers les États-Unis.

Cette semaine, les États-Unis ont officiellement interdit à un fabricant américain de masques N95 d’exporter une partie de sa production vers le Canada.

La France fait pareil. En vertu d’un décret adopté récemment, les masques fabriqués par la succursale française de Medicom seront uniquement destinés à la France.

La Chine fait l’inverse. Dans ce pays, les simples citoyens ont de la difficulté à obtenir des masques parce que leur pays préfère vendre au plus vite (et aux plus offrants) des milliards$ d’équipement de protection médicale pendant que les pays occidentaux se battent pour en avoir.

Bref, c’est la foire d’empoigne entre les pays pour obtenir des masques.

L’atout secret du Canada

Ces jours-ci, la France attend la livraison de près de deux-milliards de masques chinois.

Dans la lutte contre le Covid-19, vouloir une telle quantité de masques est raisonnable pour un grand pays.

Le Canada pourrait, lui aussi, obtenir autant de masques et même, les obtenir assez rapidement.

Mais comment est-ce possible ?

Parmi tous les pays qui se battent pour obtenir des masques, le Canada possède un atout qui vaut de l’or, à donner à la Chine en plus du prix usuel pour les masques; Mme Wanzhou, une des dirigeantes de Huawei.

Celle-ci est détenue au Canada en vertu d’un mandat d’arrestation que les États-Unis mirent trois mois à justifier.

Essentiellement, cette affaire est une farce, pour les raisons expliquées dans le texte ‘L’affaire Huawei : dure pour le Canada, la vie de caniche américain’.

Donald Trump a déjà déclaré que si elle était détenue aux États-Unis, il l’aurait libérée en échange d’un bon accord commercial avec la Chine.

Au Canada, elle pourrait être exfiltrée vers la Chine et remplacée par un sosie. Cela serait fait clandestinement puisque la résidence où elle est confinée est certainement épiée par des espions américains.

Lorsque la substitution sera découverte après l’élection présidentielle américaine, on fera semblant d’être surpris. Ce qui justifiera une enquête-bidon qui aboutirait à un cul-de-sac, raison d’État oblige.

Tout dépend d’Ottawa : est-ce que les vies de centaines ou de milliers de Canadiens — qu’on pourrait sauver en se procurant suffisamment de masques — valent plus que l’issue d’une affaire juridique qui est une source d’embarras pour le pays depuis plus d’un an ?

Références :
Coronavirus: anger in Germany at report Trump seeking exclusive vaccine deal
COVID-19 : des Américains rachètent en Chine un lot de masques destinés à la France
Des masques destinés au Canada détournés vers d’autres pays?
Des masques perdus à cause d’une erreur informatique?
La guerre des masques
La France a commandé près de 2 milliards de masques en Chine
La République Tchèque aurait détourné des masques et des appareils respiratoires destinés à l’Italie
Les États-Unis demandent à 3M de ne plus envoyer de masques au Canada
US accused of ‘modern piracy’ after diversion of masks meant for Europe
Washington assure n’avoir jamais acheté à la Chine de masques destinés à la France

Parus depuis :
Plus d’un million de masques commandés pour le Canada resteront en Inde (2020-04-23)
90 000 masques destinés au Québec disparaissent à l’aéroport de Toronto (2020-05-28)

Complément de lecture :
La bataille pour fabriquer du liquide désinfectant québécois (2020-04-20)


Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au Covid-19, veuillez cliquer sur ceci

7 commentaires

| Covid-19, Politique canadienne, Politique internationale, Santé | Mots-clés : , , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Isoler les régions en temps de pandémie : l’exemple chinois

29 mars 2020

Introduction

Le gouvernement québécois a annoncé hier l’interdiction de tout déplacement non essentiel entrant ou sortant de huit régions québécoises dites ‘vulnérables’ afin de les protéger de la contamination plus importante ailleurs.

Les politiques néolibérales appliquées depuis des années au secteur de la santé font en sorte que le nombre de lits et les effectifs du personnel soignant suffisent à peine en temps normal. Les ressources deviennent donc insuffisantes en période de crise.

De plus, certaines des régions du Québec peinent à conserver leur population jeune, attirée par les opportunités offertes par les grands centres urbains.

Si bien que les régions éloignées du Québec souffrent d’un vieillissement de la population. C’est ainsi que le quart de la population de la Gaspésie–Côte-Nord est âgé de 65 ans ou plus.

Leurs hôpitaux risquent d’être plus débordés qu’ailleurs par le Covid-19. D’où leur ‘vulnérabilité’.

Le cloisonnement en Chine

Cliquez sur l’image pour démarrer

On ignore généralement à quel point la société chinoise est cloisonnée.

Sous Mao Zedong, toute personne née dans une commune y demeurait en principe toute sa vie. Un producteur pouvait aller vendre ses produits dans la commune voisine, mais pas y déménager.

En raison du boum économique des villes côtières de l’Est du pays, la demande en main-d’œuvre a nécessité un assouplissement de ce cloisonnement.

On permet donc au chef de famille d’aller travailler au loin. Mais pour éviter que toute sa famille le suive, on réserve l’école publique d’une ville comme Shanghai aux seuls résidents officiels de la ville. Et c’est par le biais d’une lenteur administrative voulue qu’on décourage la migration familiale.

Voilà pourquoi des centaines de millions de travailleurs chinois envoient de l’argent à leur famille au loin plutôt que de la faire déménager près d’eux. Ces travailleurs ne voient femmes et enfants qu’à l’occasion de la semaine des festivités du Nouvel An.

Ce cloisonnement est valable pour toutes les régions sauf le Tibet, que Beijing veut coloniser.

Déjà, il est évident que la Chine sortira moins meurtrie par la pandémie que n’importe quel pays occidental.

Cela tient en partie à la compétence de son gouvernement basé sur une méritocratie séculaire, mais également à deux facteurs qui sont propres à ce pays : un cloisonnement régional qui fait partie de l’ADN du pays et l’habitude du port du masque, normal pour des millions de Chinois.

On peut donc s’inspirer de l’expérience chinoise, mais on ne doit pas s’attendre à obtenir d’aussi bons résultats.

Références :
Covid-19 Coronavirus Pandemic
Déplacements contrôlés dans certaines régions du Québec
Report of the WHO-China Joint Mission on Coronavirus Disease 2019

Parus depuis :
Le confinement chinois a possiblement évité 700 000 cas de coronavirus (2020-03-31)
Xi Jinping Is a ‘Good Emperor’ (2020-05-14)


Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au Covid-19, veuillez cliquer sur ceci

Laissez un commentaire »

| Covid-19, Santé | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Covid-19 : la quarantaine ou le laisser-faire ? (2e partie)

21 mars 2020

L’exemple israélien

Au fil des années, Israël s’est doté d’un des meilleurs services de renseignement au monde afin de se protéger d’un environnement hostile.

Israël fait maintenant face à un nouvel ennemi, tout aussi meurtrier et sournois qu’une cellule terroriste.

Conséquemment, les autorités ont décidé de consacrer une partie des capacités d’espionnage du pays à suivre à la trace les téléphones de tous les habitants du pays afin de débusquer ceux qui mettent en péril la vie des autres et afin de prévenir les personnes qu’ils auraient pu contaminer.

Selon les révélations d’Edward Snowden, les services de renseignements de nos pays épient déjà tous nos appels téléphoniques, tous nos textos et tous nos SMS.

De plus, la géolocalisation des appareils multifonctionnels permet aux États de procéder à des assassinats sélectifs.

Ce qui est nouveau, c’est qu’Israël a développé des algorithmes qui permettent, en temps réel, de déceler les personnes contaminées qui négligent de se placer en quarantaine.

Le 19 mars dernier, le ministre de la Santé a annoncé qu’un message sera envoyé à tous les citoyens qui seront demeurés pendant au moins deux minutes à moins de deux mètres d’une personne contaminée.

Le message type est le suivant :

D’après nos données, vous avez été en contact rapproché avec un porteur du Covid-19 le 16 mars dernier. Il est donc nécessaire de vous placer en quarantaine jusqu’au 30 mars 2020 afin de protéger vos proches et le public.

Près de quatre-cents personnes ont déjà reçu ce message.

À la suite d’une plainte d’associations de défense de droits de la personne, la Cour suprême d’Israël a reconnu la pertinence d’avoir recours à ce type de technologie, mais a donné cinq jours au gouvernement pour soumettre les mesures à la Commission parlementaire sur le renseignement (ce qui ne devrait être qu’une formalité).

La surveillance électronique ailleurs dans le monde

Tout comme la Grande-Bretagne, les États-Unis songent à accroitre leur surveillance électronique comme le fait déjà Israël.

En Chine, le déploiement de la 5G dans l’est du pays a tellement fait augmenter la masse de données qui transitent par le réseau téléphonique que l’État a obligé ses citoyens à utiliser une application spécifique qui permet aux autorités de suivre le déplacement des citoyens afin de mieux contrôler les foyers d’épidémie.

Sur la carte géographique des environs où on se trouve, cette application permet de voir les endroits visités par les personnes testées positives pour le Covid-19.

De plus, dans ce pays (comme en France), on a recours à des drones équipés de hautparleurs pour ordonner la dispersion de rassemblements de citoyens.

En Corée du Sud, les dizaines de milliers de citoyens à qui on a ordonné la quarantaine sont obligés d’installer une application qui alerte les autorités s’ils quittent leur domicile.

Taïwan oblige la géolocalisation de ses 24 millions de citoyens. Parmi ceux en quarantaine, le pays prête même un téléphone multifonctionnel à ceux qui n’en ont pas.

Les personnes en quarantaine qui quittent la zone de confinement qui leur est alloué reçoivent alors l’ordre d’appeler la police immédiatement sous peine d’une amende de 33 000$.

À Hong Kong, toutes les personnes en quarantaine sont soumises à la géolocalisation par le biais d’un téléphone mobile ou d’un bracelet électronique.

(à suivre)

Références :
Coronavirus : Israël recourt à la surveillance technologique massive pour freiner la pandémie
Government efforts to track virus through phone location data complicated by privacy concerns
How the U.S. can defeat coronavirus: Heed Asia’s lessons from past epidemics
Translating a Surveillance Tool into a Virus Tracker for Democracies

Parus depuis :
Comment se compare la progression de la COVID-19 à travers le monde? (2020-03-28)
Des leçons pour le Québec dans l’approche sud-coréenne? (2020-03-28)
The missing six weeks: how Trump failed the biggest test of his life (2020-03-28)
«La Corée du Sud a réagi vite et bien» (2020-04-02)
Learning from Taiwan’s Covid-19 response (2020-09-13)
I’ve been in Covid quarantine in South Korea – there’s a lot Britain can learn (2021-02-05)
How Taiwan triumphed over Covid as the UK faltered (2021-03-24)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au Covid-19, veuillez cliquer sur ceci

Laissez un commentaire »

| Covid-19, Santé | Mots-clés : , , , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Covid-19 : la quarantaine ou le laisser-faire ? (1re partie)

20 mars 2020

L’exemple chinois

À l’heure actuelle, la Chine est l’étalon auquel on mesure l’efficacité des autres États à prévenir ou combattre la pandémie du Covid-19.

Depuis des milliers d’années, la Chine est une méritocratie. Que veut-on dire par cela ?

Autant à l’époque impériale qu’à l’ère communiste, le pays est dirigé par des chefs puissants, conseillés par les mandarins, c’est-à-dire par des lettrés qui ont mérité leur influence au sein de l’État par leurs conseils judicieux.

Ce tableau idyllique doit être nuancé par les défauts inhérents à la nature humaine.

Li KeQiang est le premier ministre actuel de la Chine. Note : On doit éviter de le confondre avec le président Xi Jinping.

Lorsque le premier des deux était encore gouverneur de la province du Liaoning, il avait confié à l’ambassadeur américain à Beijing qu’il prenait à la légère certains indices économiques officiels, notamment la croissance du PIB.

Pour évaluer la véritable santé économique de sa province, le gouverneur KeQiang se basait plutôt sur trois données : la consommation d’électricité, le niveau du transport ferroviaire de marchandise et le volume de crédits émis.

Selon M. KeQiang, la concurrence vive que se livraient ses collègues les incitait à embellir la croissance économique de leur région afin de prouver leur compétence de gestionnaire et d’améliorer leurs chances d’une promotion au sein de l’appareil du Parti communiste.

Cet angle mort de la méritocratie chinoise est illustré par la réaction initiale des autorités locales à l’éclosion de l’épidémie au Covid-19.

Au début de la crise, les dirigeants de la province d’Hubei se sont empressés d’emprisonner les lanceurs d’alerte, accusés de saper l’harmonie sociale en répandant des nouvelles inquiétantes.

Mais quand il s’est avéré qu’on avait effectivement affaire à un problème sanitaire majeur, les choses ont été rapidement prises en main par Beijing.

Les autorités locales ont été limogées au profit d’hommes de confiance de Xi Jinping. Et surtout, ce dernier a ordonné la mise en quarantaine de dizaines de millions de personnes.

Parmi toutes les décisions prises par le président chinois, la plus dramatique fut l’annulation des célébrations de la Nouvelle année chinoise en février dernier.

Pendant 50 semaines par année, des centaines de millions de travailleurs chinois s’expatrient loin de leur famille afin de travailler dans une autre région du pays.

La quinzaine des festivités du Nouvel An chinois, c’est l’unique occasion de retrouver femme et enfants après un an d’absence.

Normalement, tous les trains du pays sont réquisitionnés et des centaines de millions de Chinois s’y entassent durant de longs trajets.

L’annulation de ce voyage fut une immense déception. Pourtant, les Chinois s’y sont pliés dans l’intérêt commun.

S’ils s’y étaient opposés ou si cette décision n’avait pas été prise, la Chine connaitrait aujourd’hui un sort analogue à celui de l’Italie.

L’Italie compte aujourd’hui plus de morts qu’en Chine, avec une population 21 fois moindre.

Or la réaction italienne fut un mélange de laisser-faire initial, suivi d’une fermeture des frontières lorsqu’il était déjà trop tard, alors que la contamination se faisait principalement d’Italien à Italien.

Le résultat est une catastrophe sanitaire dont l’Italie ne voit pas l’issue pour l’instant.

De nos jours, la Chine libère des médecins expérimentés afin d’aider les médecins d’autres pays et leur apporte le matériel médical qui leur manque.

Même si le Covid-19 régresse en Chine, l’épidémie pourrait néanmoins revenir puisque l’ensemble de la population chinoise n’y a pas été immunisée. Voilà pourquoi toute personne qui entre dans ce pays est automatiquement mise en quarantaine obligatoire.

C’est brillant !

(à suivre)

Paru depuis :
Have Australia and New Zealand stopped Covid-19 in its tracks? (2020-04-09)


Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au Covid-19, veuillez cliquer sur ceci

Un commentaire

| Covid-19, Santé | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


La dette publique chinoise

4 janvier 2014
Cliquez sur l’image pour l’agrandir

Depuis le 15 mars 2013, la Chine est dirigée par un nouveau Premier ministre, soit monsieur Li KeQiang. Lorsque ce dernier occupait le poste gouverneur de la province du Liaoning, il avait confié à l’ambassadeur américain à Beijing qu’il prenait à la légère certains indices économiques officiels.

Selon lui, la concurrence vive que se livraient ses collègues les incitait à embellir la croissance économique de leur région afin de prouver leur compétence de gestionnaire et améliorer leurs chances d’une promotion.

Pour évaluer la véritable santé économique de sa province, le gouverneur KeQiang se basait plutôt sur trois données : la consommation d’électricité, le niveau du transport ferroviaire de marchandise et le volume de crédits émis.

Devenu premier ministre,  monsieur KeQiang a conservé la même méfiance. Quatre mois après son accession au pouvoir, l’ancien gouverneur a ordonné la vérification comptable de 62 000 administrations locales, soit toutes les provinces, préfectures et cantons du pays.

Cette mesure vise non seulement à fournir des données plus fiables sur la santé économique de la Chine, mais cela permet d’assoir l’autorité du nouveau chef de l’État; dorénavant, tous ceux qui ont menti grossièrement sont sujets à la purge. Leur maintien en fonction dépend donc du bon vouloir des nouveaux dirigeants du pays.

Pas moins de 50 000 experts comptables ont donc été dépêchés dans tous les coins du pays. Leurs conclusions ont été rendues publiques il y a six jours.

Au niveau des provinces, des préfectures et des cantons, les emprunts directs sont de l’ordre de 1,9 trillions$ (c’est-à-dire presque deux mille milliards$). À cela s’ajoutent 1,2 trillions$ en garanties de prêts endossées par ces administrations.

Depuis 2010, cet endettement est passé de 20% à 33,2% du produit intérieur brut (PIB) chinois. En somme, afin de compenser la diminution des exportations vers l’Occident, les administrations locales ont soutenu la croissance économique de leur région par des investissements massifs en infrastructures (routes, gares, bâtiments officiels, quartiers résidentiels, etc.).

En ajoutant la dette du gouvernement central, la dette publique chinoise atteint donc 4,6 trillions$, soit 56,2% du PIB. En contrepartie, le gouvernement central possède les plus importantes réserves de devises étrangères et d’or au monde, soit 3,2 trillions$ (en janvier 2012).

Références :
En Chine, la dette des collectivités locales n’en finit pas de s’alourdir
Imprécision des données macroéconomiques chinoises
Réserves de change

Détails techniques : 
Panasonic GF1, objectif Lumix 20mm F/1,7 — 1/80 sec. — F/1,7 — ISO 100 — 20 mm

Laissez un commentaire »

| Économie | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


La vie de chien chinois

8 décembre 2013

P1040350
 
La loi chinoise limite à un seul, le nombre de chiens qu’une famille peut posséder. Le permis annuel coute 180$ la première année et 80$ les années suivantes. L’animal doit avoir été vacciné.

Dans certains quartiers de Shanghai, le propriétaire postulant le permis doit avoir l’assentiment de cinq personnes de son voisinage. En dépit de cela, si quelqu’un d’autre s’oppose, aucun permis ne sera délivré.

Mais l’interdiction d’en posséder plus d’un n’est pas absolue. Moyennant le paiement d’une amende — en fait, un permis d’exception — une famille pourra en posséder davantage. Le prix de ce permis d’exception est de 800$ — vingt fois le salaire mensuel moyen en Chine — pour un deuxième chien de taille moyenne (épagneul) ou de grande taille (dalmatien).

Ne sont autorisés que les chiens dont la distance au garrot — soit la hauteur de la jonction entre le dos et le cou de l’animal lorsqu’il est debout sur ses pattes — ne dépasse pas 35,5 cm.

De plus, les chiens féroces sont interdits. Cela comprend les redoutables pitbulls, mais aussi les chow-chows, pourtant originaires de Chine.

Dans un pays soucieux de faire en sorte que sa population — 1,3 milliard de personnes — ait de quoi manger, cette politique vise à limiter les bouches à nourrir.

Sont exclus de cette limite, les chiens destinés à la consommation humaine : il s’agit d’une pratique séculaire qui n’est courante que dans certaines régions du pays, dont la province chinoise de Guangxi, située au nord-est du Vietnam.

Durant la Fête du solstice d’été, en juin dernier, dans la préfecture de Yulin — située dans cette province et peuplée de près de sept millions d’habitants — on a consommé 10 000 chiens, généralement servis en ragoût.

Lors de ma visite d’un marché public de Yangshuo (une autre ville du Guangxi), les chiens qu’on était en train de dépecer — et tous ceux qui étaient dans des cages, prêts à être abattus — appartenaient à la même race de chien que celui sur la photo ci-dessus.

Références :
China’s Dog License Laws Going to the Dogs
How to get my dog’s license?
Morillot J. Chine : Les chow-chows interdits. La Revue 2013; 35: 33.
Why China has a ‘one dog policy’

Détails techniques : Appareil Panasonic GH1, objectif Lumix 14-45mm — 1/60 sec. — F/5,6 — ISO 125 — 45 mm

Un commentaire

| Fait divers, Sociologie | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Le commerce électronique en Chine

21 octobre 2013

QR_Diaporamas_de_ChineTous ceux qui ont eu l’occasion d’acheter sur l’internet des petits objets importés de Chine ont pu voir à quel point les frais d’expéditions y sont minimes. Cela est également vrai des frais reliés à l’expédition de colis à l’intérieur de ce pays.

Si bien que le commerce électronique y est florissant puisqu’il est souvent plus commode et plus économique d’acheter à partir de chez soi que de prendre la voiture ou le transport en commun pour aller l’acheter en magasin.

Le Centre de statistiques de l’internet chinois publie des données relatives au montant annuel des achats des Chinois sur l’internet : celles-ci m’apparaissent une grossière exagération et, conséquemment, on m’excusera de ne pas les répéter. Toutefois, les détails de cette consommation fournissent des précisions beaucoup plus plausibles.

Au cours de la deuxième moitié de 2012, 40,7% personnes qui ont effectué des achats électroniques, l’ont fait à partir d’un téléphone multifonctionel. Trois facteurs expliquent cela : la lenteur des connections internet chinoises, le coût d’acquisition des ordinateurs et l’apparition des codes QR dans les réclames (suscitant des achats impulsifs).

De plus, il semble que certains grands magasins chinois ont créé, comme beaucoup de quotidiens, des applications pour téléphone multifonctionnel et ardoise électronique. En effet, 53,6% de ces achats téléphoniques ont été faits grâce à une application spécifique du commerçant plutôt qu’en utilisant un fureteur (comme Chrome, Firefox ou Internet Explorer).

La moitié des achats téléphoniques s’effectuent à la maison, 26,2% au travail ou à l’école, et 10,6% en passant le temps dans les files d’attente des magasins.

Dans 41,8% des cas, l’acheteur a entendu parler de l’item sur un média social avant de prendre la décision de se le procurer.

Au cours de cette période, 81,8% des acheteurs se sont procurés des vêtements et les chaussures sur l’internet. Toutefois, près de trente pour cent du montant dépensé l’était pour faire l’acquisition de biens électroniques.

C’est le géant financier Alibaba, par le biais de ces magasins à rayons Taoboa et Tmall, qui domine ce marché. À titre d’exemple, Toaboa compte 500 millions de clients, tandis que Tmall est approvisionné par 50 000 fournisseurs.

Référence : China’s E-Commerce Market Grew To $190B In 2012, Driven By Mobile Users and Social Media, Says CNNIC


Post-scriptum : Le code QR au début de cet article vous mène à la page web des seize diaporamas de Chine. Comme quoi on n’arrête pas le progrès…

Laissez un commentaire »

| Économie | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Imprécision des données macroéconomiques chinoises

18 août 2013
Porte de la Cité interdite, sur la Place Tian’anmen, à Beijing

Depuis le 15 mars 2013, monsieur Li Keqiang occupe la fonction de Premier ministre de Chine.

Les fuites de WikiLeaks ont révélé qu’en 2007, à l’époque où il était Secrétaire du comité du Parti communiste de la province du Liaoning — en d’autres mots, quand il était gouverneur de cette province — il avait confié à l’ambassadeur américain à Beijing qu’il prenait à la légère certains indices économiques officiels.

Pour évaluer la véritable santé économique de sa province, il se basait plutôt sur trois données : la consommation d’électricité, le niveau du transport ferroviaire de marchandise et le volume de crédits émis.

« Tous les autres chiffres, en particulier les statistiques sur le Produit intérieur brut (PIB), ne peuvent être consultés qu’à titre informatif », avait-il conclu, selon le mémo diplomatique américain.

Depuis des siècles, autant sous le régime impérial que sous le régime communiste, les promotions au sein de l’appareil de l’État dépendent d’autorités centrales. En dépit du fait que le favoritisme lié à la loyauté à un clan puisse jouer un rôle dans ces promotions, celles-ci sont essentiellement basées sur le mérite.

La concurrence vive que se livrent les gouverneurs locaux les incite à embellir la croissance du PIB de leur région afin de prouver leur compétence de gestionnaire et améliorer leurs chances d’une promotion.

Selon certains experts, la croissance actuelle de l’économie chinoise serait environ deux pour cent moins élevée que les données officielles. Cette surestimation viserait à masquer l’échec relatif des politiques de relance économique décidée par les dirigeants chinois.

En 2006 et 2007, c’était le contraire. Officiellement, le PIB augmentait de dix ou onze pour cent alors qu’en réalité, la croissance atteignait sans doute 15%. Cette sous-estimation visait à rassurer les pays occidentaux face à la montée en puissance de la Chine et atténuait leurs pressions en vue de l’appréciation de la monnaie chinoise.

La fiabilité relative des données officielles est commune à de nombreux pays. Pendant des années, la Grèce a masqué l’ambleur du déficit de l’État afin de tromper ses créanciers.

De plus, c’est un secret de Polichinelle que l’économie réelle de certains pays méditerranéens — nommément l’Espagne, l’Italie et la Grèce — comporte une composante de travail au noir très importante qui relativise la récession économique qui les frappe actuellement. Dans le cas de la Grèce, ce travail au noir représenterait 30 à 40% de l’économie.

Cela n’excuse pas la Chine, mais permet d’éviter de transformer l’imprécision chinoise en faute inhérente à son régime politique.

Références :
Faut-il croire la Chine?
“La vraie croissance chinoise, c’est 4%”
Le déclin de la Grèce

Laissez un commentaire »

| Économie | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel