Le commerce entre la Chine et le Québec

Publié le 5 septembre 2011 | Temps de lecture : 3 minutes

De 1990 à 2010, la valeur de l’ensembles des biens et services produits par la Chine a augmenté de 1,647% (passant de 357 à 5,878 milliards$) alors qu’au cours de la même période, le produit intérieur brut (PIB) québécois doublait, passant de 153 à 318 milliards$. De nos jours, le PIB par habitant est de 4,260 $ en Chine et d’environ huit fois plus au Québec.

Exportations québécoises en Chine

En 2008, les Etats-Unis achetaient 19,2% de toute la production québécoise, soit un peu plus que les achats des autres provinces canadiennes (16,6%). Ces deux principaux clients du Québec représentent respectivement 43,6% et 39,6% de nos exportations.

Loin derrière, nos autres clients sont la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l’Italie, l’Allemagne, la France, et la Chine.

L’édition du 27 août dernier de La Presse présente la Chine comme le troisième client du Québec. Cela est extrêmement douteux puisque selon ce même quotidien, la Chine n’achète que 1,7 milliards$ de biens et services québécois, ce qui équivaut à un modeste 0,53% de notre PIB et 1,3% de nos exportations.

Importations de Chine

En 2010, le Québec a importé pour 7,3 milliards$ en provenance de Chine. C’est quatre fois plus que ce que nous y exportons.

Les importations québécoises proviennent principalement des autres provinces canadiennes (37,1% de nos importations) et des Etats-Unis (31,1%). En troisième place vient donc la Chine, avec 4,4% de nos importations.

Déficit commercial

À l’heure actuelle, le Québec enregistre un déficit commercial, non seulement avec la Chine, mais envers de nombreux autres pays.

Historiquement, le Québec a toujours dégagé d’importants surplus ou de légers déficits dans ses échanges internationaux. Pour la première fois de son histoire, en 2004, le Québec s’est retrouvé avec un déficit commercial de 600 millions. Puis, avec un déficit de 6 milliards$ en 2005, 17 milliards$ en 2008, 12 milliards$ en 2009 et 16,4 milliards$ en 2010 (soit 5% du PIB).

Il s’agit d’un déficit commercial préoccupant dans la mesure où il est proportionnellement plus important que celui, colossal, des États-Unis. En effet, la population québécoise est de 2,6% de celle des États-Unis et notre PIB est de 2,1% du PIB américain : pourtant notre déficit commercial annuel est devenu 3,3% de celui des États-Unis.

Références :
Économie du Québec
Patience et longueur de temps: le parcours de la Sun Life en Chine
Produit intérieur brut (PIB), Canada, provinces et territoires, 1990, 1995, et 1999 à 2008
Vers un choc économique

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Baie-James vs Plan Nord

Publié le 14 août 2011 | Temps de lecture : 9 minutes


Avant-propos : Ce texte est daté du 14 août 2011 mais sa dernière section (« Développer pour développer ? ») a été complètement réécrite le 16 février 2012 et retouchée légèrement le 1er mars suivant.

 
Pour imaginer le Plan Nord — un projet ambitieux de développement du grand nord québécois — quoi de plus naturel que de le comparer avec ce qui nous est déjà familier, soit la Baie-James.

Jusqu’à maintenant, l’industrialisation et le peuplement du Québec se sont concentrés dans la vallée du St-Laurent et, accessoirement, à proximité de voies navigables comme l’Outaouais et le Saguenay.

La Baie-James et le Plan Nord concernent la partie nordique du Québec. Dans le cas du Plan Nord, il concerne le territoire au nord du 49e parallèle, soit 72% de la superficie du Québec (soit deux fois la superficie de la France).

De plus, ils concernent des investissements publics de dizaines de milliards de dollars dans des lieux originellement habités par des peuples autochtones.

L’un et l’autre sont des projets conçus par des gouvernements libéraux ; la Baie-James par le gouvernement de Robert Bourassa et le Plan Nord, par celui de Jean Charest.

Là s’arrêtent les similitudes.

La Baie-James

Les investissements relatifs à la Baie James avaient pour but l’exploitation d’une ressource renouvelable au bénéfice d’Hydro-Québec, une société qui appartient à la nation québécoise.

Une partie de l’électricité produite qui est consommée au Québec, principalement par ceux qui habitent la vallée du St-Laurent. Le reste est exportée aux États-Unis : les profits générés servent à alléger le fardeau fiscal des contribuables québécois. Sans ces profits, nous paierions encore d’avantage pour notre filet de sécurité sociale.

De plus, cette électricité relativement bon marché sert à attirer chez nous des entreprises énergivores comme des alumineries.

Le Plan Nord

Le Plan Nord prévoit des dizaines de milliards d’investissements publics au profit de compagnies minières multinationales afin d’extraire une ressource non-renouvelable.

De nos jours, la mise en service de nouvelles mines vise principalement à satisfaire les besoins gargantuesques de la Chine en matières premières.

Dans le territoire visé par le Plan Nord, on trouve d’importants gisements d’or, de diamant, d’uranium, de zinc et de cuivre à l’est. La partie nord est riche en nickel et en cuivre. À l’ouest, on retrouve des gisements de fer, de zinc, de nickel et de cuivre.

L’extraction de ces minéraux génèrera des revenus de centaines de milliards de dollars. Où ira cet argent ? En gros, à l’automatisation de la mine — en d’autres mots, à l’importation d’une machinerie lourde sophistiquée et à l’installation des logiciels spécialisés déjà en service à d’autres mines de la compagnie — aux salaires versés aux travailleurs, à l’acheminement du minerai vers les marchés et finalement, aux profits versés aux actionnaires étrangers.

En se basant sur les documents officiels, l’État dépenserait 47 milliards en provenance d’Hydro-Québec : une autre tranche de 33 milliards doit être investie dans le développement minier et les infrastructures publiques (aéroports, routes, écoles, hôpitaux, etc.). La partie payée par les entreprises se situerait entre 30 et 50%, mais rien n’a encore été précisé, nous dit-on.

Toutefois, on apprenait récemment que pour permettre à Stornoway Diamond d’accéder à des diamants dont la valeur brute est évaluée à 5,4 milliards$, il est nécessaire de prolonger la route 167 sur une distance de 240km. Normalement, cela coûterait 330 millions$ à l’entreprise. Mais grâce au Plan Nord, sa contribution est plafonnée à 4,4 millions$ par année pendant une décennie, ce qui ne couvre même pas les frais d’intérêt de l’emprunt : le reste (y compris tout dépassement de coût) sera assumé par les contribuables.

En contrepartie, nous récolterons l’impôt prélevé auprès des travailleurs non-autochtones, les impôts sur les profits réalisés par les fournisseurs de services (lignes aériennes locales, grossistes, compagnies de transport, etc.) et les redevances insignifiantes payés par les minières. En somme, selon une étude du service économique de Desjardins rendue publique plus tôt ce mois-ci, le gouvernement espère engranger 14,3 milliards en retombées fiscales sur 25 ans.

En notre nom, l’État investira 60 à 80 milliards de dollars qui en rapporteront 14 milliards. Le Plan Nord porte donc à un niveau inégalé le pillage du Trésor public au bénéfice d’intérêts privés.

Le volet environnemental du Plan Nord

Vendredi dernier, le ministre de l’Environnement annonçait que 50% du territoire visé par le Plan Nord serait protégé dans 25 ans du développement industriel.

Le ministère entend faire passer les aires protégées de 12% actuellement à 17% en l’an 2020. Il s’agit d’une extrapolation puisque cet accroissement est semblable au rythme qu’a connu le Québec au cours de la dernière décennie.

De plus, il annonce qu’un comité sera mis sur pied pour conseiller le gouvernement sur le choix des aires à protéger. Par cette annonce, le ministre révèle involontairement l’amateurisme et l’improvisation du gouvernement libéral dans ce dossier.

En effet, on aurait pu s’attendre à ce que ce ministère — en consultation avec les peuples qui habitent ce territoire — ait d’abord déterminé les critères de protection, puis ait ratissé cette partie du Québec afin de connaître la proportion qui répond aux critères.

Au lieu de cela, le ministre annonce 50% sans savoir pourquoi. Le comité devra donc trouver du terrain afin de justifier a posteriori les chiffres du ministre.

Bref, c’est pas fort.

Développer pour développer ?

L’exploitation minière est le contraire du développement durable : elle consiste à creuser le sol, à y extraire du minerai et à abandonner le tout à l’extinction du filon ou lorsque la mine cesse d’être rentable.

À long terme, la principale menace à la rentabilité des mines du Plan Nord, c’est la découverte de nouvelles mines situées plus près des marchés d’exportation. En effet, dès qu’on découvrira du minerai en Mongolie, en Sibérie ou dans n’importe quelle partie d’Extrême-Orient, les mines québécoises nées pour répondre aux besoins de la Chine et de l’Inde deviendront non-rentables.

Sur les 25 ans du Plan Nord, la seule certitude que nous ayons est que le coût du mazout deviendra de plus en plus onéreux rendant le transport maritime du minerai prohibitif sur de très longues distances : or, par rapport à la Chine ou l’Inde, le Québec, c’est l’autre bout du Monde. Les mines nées du Plan Nord ont donc une vulnérabilité que n’avaient pas celles qui sont nées pour répondre aux besoins industriels de nos voisins (l’Ontario et les États-Unis).

Les compagnies minières auront à peine quelques années pour rentabiliser leurs investissements. Pour elles, il ne s’agit pas d’un défi insurmontable puisqu’elles empochent la presque totalité des centaines de milliards de dollars de la valeur de la ressource.

Mais pour nous — les contribuables de la vallée du Saint-Laurent qui auront déboursé des dizaines de milliards$ pour construire des routes, des voies ferrées, des écoles, des hôpitaux, des réseaux de distribution d’eau potable, des égouts, des aéroports, des installations portuaires — nous serons pris à payer la facture bien après la fermeture de la mine puisque les redevances payés par la compagnie durant ses quelques années d’opération couvriront à peine les coûts reliés à la décontamination du site après le départ de l’entreprise.

Au lieu que les deniers publics servent à développer des industries de pointe comme le multimédia, l’aéronautique ou la biotechnologie, on va dépenser entre 60 et 80 milliards de dollars — environ 10,000$ par Québécois, homme, femme et enfant — pour favoriser un boom minier éphémère, pour alourdir considérablement la dette publique québécoise, pour subir une décote prévisible des agences de notation et pour enfoncer le Québec dans une pauvreté durable qui nous laissera à la merci des coupures de péréquation du gouvernement fédéral canadien.

Bref, le Plan Nord, c’est la ruine du Québec.

Références :
Côte-Nord : une étude de Desjardins met en doute les retombées du Plan Nord
Droit et développement – De longues négociations débutent
Jean Charest défend le Plan Nord et les redevances
Le Plan Nord : l’œuf de Pâques de Monsieur Charest
Plan nord : redevances basées sur les profits ou sur la valeur brute ?

Parus depuis la publication du présent billet :
Analyse de l’IRIS – Le Plan Nord ne serait pas rentable pour Québec
Consternation à Matane
Le Plan Nord loin de l’eldorado
Les redevances minières, un secret bien gardé
Perspectives – Plan Nord conjoncturel
Plan Nord – La vache à lait
Plan Nord – Québec étudie des projets de ports en eaux profondes
Plan Nord – Québec mettra 25 ans pour protéger 50 % du territoire
Plan Nord – Québec renonce à la transformation du diamant
Route 167 – Québec assumera seul tout dépassement de coûts
Une avocate à la fois émissaire de Québec et lobbyiste
Une ligne ferroviaire pourrait traverser le Nord

Paru depuis : 240 kilomètres vers une mine fermée (2024-11-23)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le néo-libéralisme du ministère des Transports

Publié le 8 août 2011 | Temps de lecture : 4 minutes

Depuis l’accession au pouvoir du Parti libéral, le budget du ministère des Transports (MTQ) a augmenté de manière importante. C’est ce qui permet au Premier ministre d’affirmer que son gouvernement investissait quatre ou cinq fois plus en infrastructures que le Parti québécois.

En réalité, le Québec n’investit pas quatre fois plus : il dépense quatre fois plus. Ce n’est pas la même chose.

Le gouvernement Charest a triplé le nombre de contrats accordés sans appel d’offres. Le truc utilisé par le Parti libéral pour contourner la loi, c’est qu’il scinde les travaux en plusieurs sous-contrats, ce qui permet à chacun d’eux de se trouver sous le seuil au-delà duquel la loi exige des appels d’offre.

Les cyniques diront que si le Parti québécois avait été au pouvoir, il aurait fait pareil. C’est oublier que cette loi, destinée à réduire le patronage, a été adoptée par le Parti québécois : si ce dernier avait voulu un seuil plus élevé, c’est ce seuil-là qu’il aurait inscrit dans la loi.

De plus, le gouvernement Charest a transféré massivement l’expertise du ministère des Transports vers le secteur privé. En effet, 90 % du boulot d’inspection des chantiers routiers du MTQ est effectué de nos jours par du personnel à l’emploi de firmes de génie-conseil. C’est nettement plus que la moyenne des autres gouvernements provinciaux et états américains.

Les contribuables paient donc le salaire de ces inspecteurs — généralement plus élevé que ceux versés dans le secteur public — majoré des profits de la société qui l’emploie et de la contribution de cette société à la caisse du Parti libéral. Puisque tout se paie.

On se rappellera du contrat de construction d’un viaduc sur l’autoroute 50 qui avait été accordé à une entreprise dont un ministre libéral était actionnaire minoritaire (20%). Malheureusement le MTQ avait dû démolir ce viaduc peu après sa construction en raison de la mauvaise qualité du béton utilisé.

Et parce qu’un peu tout le monde se graisse la patte, le budget du MTQ a augmenté de manière très importante sous le gouvernement actuel sans qu’il soit évident que l’état de nos infrastructures s’améliore de manière notable. Des évènements récents nous incitent même à croire le contraire.

Sur les forums de discussion des médias québécois, les partisans libéraux (et parmi eux, probablement quelques firmes de relations publiques) s’affairent à accuser l’opposition officielle de ne pas avoir suffisamment investi dans notre système routier et par conséquence, être responsable de son état actuel.

Monsieur Charest a été élu Premier ministre avec les promesses, entre autres, de mettre fin aux listes d’attente des urgences de nos hôpitaux et de corriger l’état dans lequel se trouvait le système routier en 2003. En accusant le Parti québécois d’être responsable de nos problèmes actuels, ses partisans reconnaissent implicitement que le Premier ministre a manqué à ses promesses électorales d’il y a huit ans. Les Québécois l’ont élu pour corriger les lacunes qu’il dénonçait et non pour se contenter de blâmer des autres de son incurie.

En 2003, monsieur Charest nous disait que le gouvernement péquiste gaspillait l’argent des contribuables à faire la promotion de l’indépendance, qu’il y a avait trop de fonctionnaires payés grassement à ne rien faire, que le secteur privé était plus efficace et qu’il suffisait de déléguer au privé pour réduire la taille de l’État et permettre des réductions d’impôts.

En transférant du public au privé, cela devait coûter moins cher ou, si cela s’avérait plus dispendieux, nous devions en avoir beaucoup plus pour notre argent.

Huit ans plus tard, le budget du MTQ consacré aux infrastructures a quadruplé et nos viaducs s’effondrent. D’où la question : le néo-libéralisme du ministère, est-il dans notre intérêt collectif ou profite-t-il essentiellement aux firmes de génie-conseil et aux entrepreneurs qui contribuent à la caisse du Parti libéral ?

Références :
Franco Fava impliqué dans une autre affaire ?
Infrastructures – Les routes… et le reste
Infrastructures – Revoir les façons de faire au MTQ
L’opposition veut la tête de Whissell

Paru depuis : Florent Gagné pose le MTQ en «victime» (2014-04-26)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Tunnel Ville-Marie : Sam Hamad et Anne-Marie Leclerc doivent démissionner

Publié le 5 août 2011 | Temps de lecture : 6 minutes

Le ministère des Transports connaissait le danger

Après avoir refusé dans un premier temps de rendre public les rapports d’inspections effectuées dans le tunnel Ville-Marie au cours des dernières années sous le prétexte que les épais que nous sommes n’y comprendraient rien, le ministre des Transports a finalement cédé sous la pression populaire.

On apprend donc qu’en 2008, SNC-Lavalin écrivait : « L’état actuel des paralumes en béton est douteux et nous recommandons, à très court terme, un relevé des dommages ainsi qu’une analyse structurale pour l’ensemble de ces éléments… On peut donc considérer l’état général (du tunnel) comme étant critique quant à l’aspect sécurité des usagers. »

Le ministère des transports a manqué à son devoir

Dans une conférence de presse donnée mardi dernier, la sous-ministre adjointe à la direction générale des infrastructures pour le ministère des Transports, Anne-Marie Leclerc, déclarait publiquement que toutes les recommandations de SNC-Lavalin avaient donné lieu à des mesures correctives de la part du ministère.

Pressé de questions, le ministre Sam Hamad est incapable de trouver un seul contrat accordé par son gouvernement depuis 2008 qui aurait eu pour but de solidifier les paralumes du tunnel Ville-Marie.

Dans une entrevue à La Presse, Daniel Bouchard — chef du service des structures au ministère des Transports — a confié mercredi que les travaux de réparation n’avaient pas été faits avant l’effondrement de dimanche.

Donc, de toute évidence, Anne-Marie Leclerc ment : le ministère des Transports a négligé d’agir de manière responsable et de donner suite, fondamentalement, au rapport alarmant de 2008.

L’État, responsable de la sécurité de la voie publique

Miraculeusement, l’effondrement survenu dimanche dernier n’a pas fait de victimes. Si l’issue avait été autre, l’État aurait été responsable du drame.

Si je paie le fils de mon voisin pour qu’il déneige mon entrée, qu’il néglige d’acquitter de cette tâche et que vous vous blessez gravement en glissant sur ma propriété, qui est responsable de l’accident ?

N’importe quel juge tranchera que si le fils du voisin ne vient pas déneiger, je dois voir à ce quelqu’un d’autre le fasse, de manière à ce que ma propriété soit sécuritaire en tout temps.

Le ministère des transports a une responsabilité analogue. Il peut déléguer tout ce qu’il voudra à l’entreprise privée : il demeure responsable de la sécurité de la voie publique.

La tentative de diversion de Sam Hamad

Le ministre des Transports s’empresse de blâmer l’entrepreneur privé qui a fragilisé les assises des poutres qui soutenaient les paralumes.

En effet, là où une poutre s’est effondrée, le dessous de l’assise avait été réduit de manière importante lors du décapage du mur de soutien. Il ne restait plus alors qu’un petit rebord de ciment dépourvu de toute armature d’acier. Conséquemment, le rebord a cédé, entrainant dans sa chute la poutre de trente tonnes et plus de cent tonnes de paralumes.

Qui avait demandé que ces travaux soient effectués ? Le ministère des transports. D’après ce qu’on sait, l’entrepreneur suivait le cahier de charges préparé par une firme d’ingénieurs privée, au nom du ministère.

Que cet entrepreneur ait suivi scrupuleusement (comme il l’affirme) ou non (comme le dit le ministre), cela a peu d’importance : des centaines de tonnes de paralumes reposent non pas sur du béton armé mais plutôt sur du ciment dépourvu d’armature de métal. C’est la recette idéale d’une catastrophe semblable à celle de l’effondrement de deux viaducs à Laval.

Ce ciment a été abîmé par le temps et est devenu fragile. Alerté par SNC-Lavalin, que fait le ministère ? Il ne répare rien et ordonne qu’on fragilise encore plus les assises des poutres qui soutenaient les paralumes.

Que le ciment soit aminci de quelques centimètres de plus ou de moins ne change rien de fondamental. C’était déjà dangereux avant qu’on enlève quelque chose : ce l’est encore plus après. Dans le fond, si l’entrepreneur en a trop enlevé comme le dit le ministre, tout ce que ça change, c’est que l’effondrement survient maintenant au lieu de survenir dans quelques mois ou quelques années.

Le gouvernement a réussi à éviter toute poursuite dans le cas de l’effondrement des viaducs du Souvenir (en 2000) et de la Concorde (en 2006) parce que les parents des victimes ont eu la naïveté de croire aux conclusions du rapport Johnson. Mais il semble bien que cette fois-ci les tentatives de diversion du gouvernement n’ont pas beaucoup de succès auprès de la population.

Les propos diffamatoires du ministre

En accusant l’entrepreneur qui exécuté le contrat, le ministre tente de faire porter sur d’autres le blâme qui lui revient.

Les tribunaux n’ont jamais été tendres envers ceux qui portent atteinte malicieusement à la réputation d’autrui. Le ministre est parti de Québec pour se rendre sur les lieux de l’accident avec l’intention réfléchie de salir la réputation de cet entrepreneur. Il ne s’agit pas d’une accusation prononcée par mégarde ou sous le coup de l’emportement.

Qui paiera pour les propos diffamatoires du ministre ? Nous tous. Que le gouvernement soit condamné par les tribunaux ou qu’il règle ce différent à l’amiable, dans tous les cas, ce sont les contribuables qui paieront la note.

L’irresponsabilité de M. Sam Hamad face aux recommandations pressantes de SNC-Lavalin, exige qu’il quitte des fonctions pour lesquelles, de toute évidence, il est indigne.

Pourquoi démettre le ministre et la sous-ministre ?

Il est totalement inacceptable qu’un serviteur de l’État tente d’induire effrontément le public en erreur. Sa première loyauté doit être à l’égard de la nation québécoise et non d’un parti politique (quelqu’il soit) temporairement au pouvoir. Et parce que la sous-ministre s’est prêtée à un exercice de relation publique aussi vain que mensonger, ce très mauvais précédent mérite une punition exemplaire, soit d’être congédiée, tout comme le ministre Sam Hamad.

Références :
Autoroute Ville-Marie – L’état du tunnel Viger jugé critique en 2008
Des effondrements écrits dans le ciel
Effondrement sur l’A720: «On a failli mourir»
Inspections de structures: le Québec parmi les champions de la sous-traitance
Irresponsable!
La bullshit de Sam Hamad
Les assises du tunnel Viger n’avaient pas été inspectées
Montréal, sauve-qui-peut
Viaduc Viger: d’autres poutres pourraient être instables


Post-Scriptum : Monsieur Sam Hamad a finalement perdu ce ministère à l’occasion d’un remaniement ministériel survenu le 7 septembre 2011, soit un mois après la publication du texte ci-dessus.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Fonction publique : coupe-t-on encore dans le gras ?

Publié le 3 août 2011 | Temps de lecture : 6 minutes

À chaque élection provinciale, il y a toujours une formation politique qui fait campagne sur le thème du gaspillage et qui promet de « couper dans le gras ». Afin de financer leurs promesses, ces partis politiques promettent le congédiement de fonctionnaires ou le non-remplacement des départs dans la fonction publique.

Depuis des décennies, d’une élection à l’autre, on coupe donc dans le gras. Mais reste-t-il du gras à couper ?

On trouvera toujours des exemples de dépenses inappropriées, particulièrement nombreuses sous le gouvernement Charest. Pensons aux milliards de dollars pour rénover une centrale nucléaire ou les millions pour favoriser la réouverture d’une mine d’amiante.

Mais doit-on prêter une oreille sympathique aux hommes politiques qui promettent de nouvelles dépenses en les finançant par une réduction de la taille de la fonction publique ? À mon avis, ces politiciens ont tort.

Un des problèmes majeurs du gouvernement québécois, c’est qu’il manque de gens compétents. Cette pénurie découle du fait qu’on a cru longtemps qu’il n’était pas essentiel pour l’État de disposer de ses propres experts. On croyait qu’il était beaucoup plus avantageux de recourir au privé de manière systématique et de faire appel aux serviteurs de l’État, de manière ponctuelle, en cas de besoin.

Le résultat, c’est que dans de nombreux secteurs économiques, par manque d’expertise, l’État québécois est à la solde d’intérêts privés.

À titre d’exemple, dans l’industrie des pâtes et papiers, les gens les plus compétents en ce qui concerne la gestion de la forêt publique, sont des gens qui travaillent pour l’industrie. L’État a donc le choix entre l’autorégulation de l’industrie (c’est-à-dire le laisser-faire) ou l’adoption d’une réglementation qui encadre la coupe du bois. Dans ce dernier cas, cela nécessite la création de comités consultatifs sur lesquels les experts de l’industrie ont un rôle déterminant puisque ce sont les seuls qui parlent d’autorité. Dans tous les cas, il s’agit d’une capitulation de l’État aux désirs des exploitants. Résultat ? Le désastre écologique largement démontré par le documentaire « L’erreur boréale » de Richard Desjardins.

Dans l’industrie des gaz de schiste, si on en juge par les volteface et les déclarations maladroites de la ministre des Ressources naturelles, on a affaire à un ministère qui ne sait pas très bien de quoi il parle et conséquemment, qui ne sait pas où il s’en va. Seuls des incompétents peuvent soutenir sérieusement que les fuites des puits de gaz naturel ne sont pas plus dangereuses que des pets de vache. De plus, il n’est pas normal que le Québec doive compter sur la grogne de plus de 80% de la population pour assurer la pérennité des nappes phréatiques de la vallée du Saint-Laurent.

Après la dernière élection provinciale, le ministre de la Santé avait avoué candidement que c’est à la suite de témoignages répétés d’électeurs qu’il avait fini par être convaincu de la malpropreté de nos hôpitaux alors que ses fonctionnaires l’assuraient du contraire. Or c’est justement parce que l’État est mal conseillé quant aux moyens à prendre que des dizaines de Québécois meurent chaque année de l’épidémie incontrôlée de diarrhées à C. difficile.

En mai 2008, SNC-Lavalin écrivait au sujet du tunnel Ville-Marie : « L’état actuel des paralumes en béton est douteux et nous recommandons, à très court terme, un relevé des dommages ainsi qu’une analyse structurale pour l’ensemble de ces éléments. (…) On peut donc considérer l’état général [du tunnel] comme étant critique quant à l’aspect sécurité des usagers. ». Or il ne semble pas que le ministère des Transports ait donné suite à ce rapport autrement que par des inspections de routine confiées à firmes privées. Avec le résultat qu’on sait : une poutre de l’entrée du tunnel s’est affaissée dimanche dernier (heureusement sans faire de victimes).

On peut présumer que si les ingénieurs qui ont constaté l’état lamentable du support des paralumes (ou pares-lumières) avaient été des employés de l’État, ces professionnels se seraient informés auprès de leur supérieur hiérarchique du suivi de leurs recommandations, comme tenu du danger qu’ils ont eux-mêmes constatés. Mais comme les firmes privées qui ont effectué ces inspections n’ont pas le mandat de s’assurer que leurs rapports aient des suites, leurs recommandations se sont donc retrouvés dans la pile des rapports à donner suite, quelque part sur le bureau de quelqu’un.

On a donc trop coupé. On a trop coupé dans l’enseignement, dans les hôpitaux, dans les infrastructures, bref, dans à peu près tous les secteurs de compétence provinciale. Si bien que nos hommes politiques font de leur mieux, entourés de conseillers dont les plus brillants sont en nombre insuffisant. Les décisions ministérielles reflètent donc la médiocrité de l’expertise à leur disposition…

L’idéologie dominante de nos jours, c’est que l’appareil de l’État est un fardeau économique. Sa lourdeur est un boulet qui handicape le développement économique, nous répète-t-on inlassablement. Plus on dépossède le peuple pour favoriser les gens riches, plus ces derniers se transforment en investisseurs, créant des emplois et la richesse pour tous.

Les pays qui ont adopté avec enthousiasme ce crédo néo-libéral (l’Islande, l’Irlande, l’Angleterre et les États-Unis) sont les pays les plus durement touchés par la crise économique actuelle. Pendant ce temps, des pays comme la Chine et le Brésil — deux pays totalement imperméables au laisser-faire de l’État — sont aujourd’hui parmi les plus dynamiques au Monde au point qu’il est évident que l’avenir leur appartient.

Si on juge les idéologies par leurs résultats, la conclusion est claire : continuons à priver l’État de ressources et nous devrons accepter la médiocrité de nos gouvernements comme la conséquence de nos choix.

Références :
Autoroute Ville-Marie – L’état du tunnel Viger jugé critique en 2008
Des effondrements écrits dans le ciel
Effondrement sur l’A720: «On a failli mourir»
Inspections de structures: le Québec parmi les champions de la sous-traitance
La bullshit de Sam Hamad
Montréal, sauve-qui-peut

Paru depuis :
Duchesneau décortiqué

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Consacrer le poids politique du Québec au Fédéral

Publié le 1 juin 2011 | Temps de lecture : 4 minutes

Selon le quotidien torontois Globe and Mail, le gouvernement fédéral s’apprêterait ce mois-ci à présenter au parlement canadien sa réforme du Sénat.

Fort de sa nouvelle majorité parlementaire, le parti Conservateur désire aller de l’avant avec sa promesse électorale de faire en sorte que les sénateurs soient dorénavant élus par la population et non nommés par le Parti au pouvoir.

Si cette réforme devait se concrétiser d’ici peu, il serait paradoxal de voir des ex députés du Bloc se recycler au Sénat, eux si hostiles jusqu’ici à cette réforme. Mais un tel changement ne se concrétisera pas de sitôt puisqu’il exige des changements constitutionnels.

Or le parlement québécois, unanimement, demande que soit préservée la proportion de députés et de sénateurs québécois au Parlement fédéral.

À mon avis, on mêle deux choses différentes.

Il est vrai que transformation du Sénat en chambre parlementaire élue ne peut se faire sans changements constitutionnels. Par opposition, le poids politique d’une province — au Sénat ou à la Chambre des communes — peut être modifié par simple loi fédérale.

C’est ainsi que depuis 1867, la proportion des sièges représentant le Québec à la Chambre des communes est passée de 36 % à 24 %, reflétant le déclin du poids démographique du Québec dans l’ensemble canadien.

Dans un premier temps, le gouvernement Harper peut modifier la répartition des sièges et, une fois cette mesure adoptée, présenter un projet de loi controversé imposant le scrutin sénatorial. Cet « étapisme » est celui qui est le plus susceptible de porter fruit.

Je ne serais pas surpris que ce soit la voie choisie par le gouvernement Harper.

Quant à la protection souhaitée par tous les partis politiques du Québec — soit de geler le poids politique du Québec au fédéral — cela est, à mon avis, rétrograde. Dans un pays démocratique comme le Canada, il serait inacceptable qu’un vote au Québec ait plus de poids qu’un votre ailleurs au pays.

À titre d’exemple, la constitution libanaise est basée sur le confessionnalisme : celui-ci garantit une représentation des Chrétiens libanais aux affaires politiques de ce pays. Toutefois, après des décennies de déclin démographique, ces garanties constitutionnelles accordées à la minorité chrétienne sont apparues injustes aux yeux de la majorité musulmane. Cette injustice fut une des causes de l’éclatement de la guerre civile dans ce pays.

À part neuf des dix dernières années du gouvernement péquiste de Lucien Bouchard et de Bernard Landry, la croissance économique du Québec a toujours été sous la moyenne canadienne. Cela signifie qu’il se crée moins d’emplois ici.

Conséquemment, l’immigration y est moins importante que dans les provinces les plus prospères du pays et un certain nombre de talents québécois choisissent d’aller travailler ailleurs, faute de débouchés.

Voilà pourquoi la population québécoise, pourtant en croissance, est proportionnellement en déclin depuis plus d’un siècle. Les institutions canadiennes se doivent de refléter cette réalité.

Si au cours de ce lent processus de minorisation, le Canada anglais adopte des mesures qui mettent en péril la survie des Francophones au Québec — l’adoption de la Constitution canadienne sur le dos du Québec en 1982 en est un exemple — les Québécois seront toujours libres de décider de former un nouveau pays si cela leur paraît préférable.

Mais dé-démocratiser le Canada n’est pas une option.

Références :
Le gouvernement Harper veut réformer le Sénat, mais trouvera Québec sur son chemin
Québec demande à Ottawa de maintenir son poids politique

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le Plan Nord : l’œuf de Pâques de Monsieur Charest

Publié le 14 mai 2011 | Temps de lecture : 6 minutes

Après une première annonce en 2008 (accueillie dans l’indifférence et sombrée dans l’oubli depuis), le Plan Nord était annoncé de nouveau lundi dernier par le Premier ministre du Québec.

Comme ces histoires de pèche qui deviennent de plus en plus extraordinaires d’une fois à l’autre, on a jouté des zéros aux montants et le texte s’est garni de quelques superlatifs.

On sait qu’il ne peut y avoir de développement d’un territoire occupé par un des peuples du Québec sans le consentement de celui-ci. Le mérite du Plan Nord, c’est d’avoir recueilli l’assentiment d’une bonne partie des peuples autochtones en faveur d’un cadre vague de développement industriel.

Vague parce que, à y regarder de près, ce Plan Nord a tout sauf de la substance.

Il part de prémices simples. Le territoire au nord du 49e parallèle représente 72% de la superficie du Québec. Or il est inexploité. Évidemment, les autochtones y pratiquent la chasse et la pêche depuis longtemps mais il est inexploité au sens qu’il ne bénéficie pas des lumières civilisatrices de l’industrie minière.

Ce territoire dispose d’une des plus importantes réserves d’eau douce au monde (3% des réserves mondiales) composée de près de 500 000 lacs et de milliers de rivières que nous, Blancs du sud, n’avons pas encore pollués.

Cet immense territoire comprend plus de 200 000 km² de forêts commerciales, ce qui représente plus de 53 % des forêts exploitables de la province. Après avoir dévasté les forêts publiques du Québec — comme le documentaire « L’erreur boréale » en fait la démonstration éloquente — l’industrie forestière pourrait ainsi transformer en papier les tonnes de lichen qui recouvre la toundra québécoise et y faire disparaitre les derniers chicots d’arbres qui défigurent le paysage désertique du Nouveau-Québec.

Le document du gouvernement québécois déclare : « Il renferme des ressources fauniques exceptionnelles et constitue un des derniers potentiels de conservation de vastes territoires naturels intacts au monde. » Mais, entre nous, si ces vastes territoires naturels sont encore intacts, c’est précisément parce que le Plan Nord n’a pas été adopté plus tôt, n’est-ce pas ?

Jusqu’à maintenant, lorsqu’une compagnie voulait exploiter une nouvelle mine, elle devait assumer totalement le coût de la création des routes destinées à relier cette mine au reste du réseau routier québécois.

Or plus on s’éloigne des grands centres, plus on augmente le coût de construction des routes. De plus, le réchauffement climatique occasionne la fonte du pergélisol, ce qui crée des défis nouveaux aux ingénieurs des compagnies minières. Bref, on réduit d’autant la rentabilité des investissements des compagnies.

Le Plan Nord précise : « Le nouveau modèle d’affaires développé pour les projets du Plan Nord vient changer à coup sûr la façon dont le Québec financera les infrastructures et les services publics. À partir d’aujourd’hui, les coûts d’implantation et d’entretien des infrastructures seront partagés, tout au long de leur vie utile, par les entreprises, les communautés concernées, le gouvernement du Québec et les autres utilisateurs. »

En d’autres mots, on transférera aux contribuables le coût des routes, en retour de quoi l’État bénéficiera de redevances parmi les plus faibles au monde. Il n’en fallait pas plus pour susciter l’intérêt des investisseurs pour ce projet.

Or cela tombe bien pour eux. La croissance industrielle de la Chine et son appétit pour les matières premières fait en sorte que leur prix augmente, ce qui rend rentable des projets qui ne l’étaient pas autrefois. Le Québec pourrait donc profiter de cette manne.

Le problème, c’est que le Plan Nord s’étend sur 25 ans. Or le Premier ministre prédit 80 milliards d’investissements (privés ? publics ?) répartis sur un quart de siècle alors que sa boule de cristal ne lui révèle pas ce que tout le monde sait, c’est-à-dire qu’il ne sera plus à la tête de l’État québécois dans deux ans.

La seule certitude absolue que nous ayons, c’est que le coût du pétrole augmentera à l’avenir alors que rien ne permet d’affirmer que le coût des matières premières augmentera ou même se maintiendra aux niveaux élevés actuels.

Au contraire, ce n’est qu’une question de temps pour qu’on découvre la même chose en Sibérie ou dans les pays voisins de la Chine. Entre-temps, le coût du transport de minerai québécois vers l’Asie (même en empruntant l’Arctique plutôt que le canal de Panama) deviendra de plus en plus onéreux. On peut donc prédire avec certitude qu’une bonne partie des mines nées du Plan Nord deviendront non rentables peu d’années après leur mise en opération et fermeront leurs portes, victimes de la concurrence asiatique.

Dans ces villes minières, lorsque le principal employeur cessera ses opérations, la ville toute entière deviendra une ville-fantôme. Payés par nos taxes, les routes, les écoles, les hôpitaux, les systèmes de collecte des ordures, et les égouts deviendront inutiles. Or la courte durabilité des investissements publics ne semble pas avoir été prise en considération dans le document gouvernemental.

En somme, le Plan Nord est comme un œuf de Pâques russe dont la coquille, richement décorée, cache le vide qu’il contient. Il révèle l’avenir que le Parti libéral nous réserve : un peuple de mineurs dont les salaires devront être compétitifs avec ceux versés aux mineurs chinois. Wow !

Référence : Plan Nord

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Faut-il réparer Gentilly-2 ?

Publié le 23 avril 2011 | Temps de lecture : 4 minutes


Dix pays (en bleu) les plus dépendants de l’énergie nucléaire


 
Le Québec possède deux centrales nucléaires dont une seule en opération.

La première est Gentilly-1, mise en service en novembre 1970 en fermée dix ans plus tard. Victime d’une série de problèmes techniques, cette centrale n’a produit de l’électricité que pendant 183 jours.

La deuxième est Gentilly-2. Construite au coût de 1,5 milliard$, elle fut mise en service en 1983 et fonctionne toujours. Sa situation géographique — à proximité des centres de consommation de Montréal et de Québec — lui confère une importance particulière au sein du réseau électrique québécois, puisqu’elle permet de stabiliser la tension dans les lignes qui acheminent les grandes quantités d’énergie hydroélectrique produite dans les centrales du nord du Québec.

En 2009, l’électricité produite par la fission nucléaire ne constituait que 2,35 % de tous les approvisionnements d’Hydro-Québec. Alors que le coût moyen de production d’Hydro-Québec s’élevait à 2,14 cents par kilowatt-heure en 2010, un responsable de la division nucléaire d’Hydro-Québec affirmait en 2005 que le coût de production à la centrale de Gentilly-2 s’élevait à 6 cents le kilowatt-heure, soit d’avantage que le prix de vente au secteur industriel et à peine moins que le tarif résidentiel. En somme, Gentilly-2 n’est pas rentable.

Il est à noter que la France produit son énergie nucléaire à 0,0284 euro (3,9 cents) du kilowatt-heure. Donc ce qui est vrai pour le Québec ne l’est pas nécessairement pour ce pays.

En 2009, la dose de rejets atmosphériques de Gentilly-2 a été plus importante que par le passé. En 2010, le taux d’accidents de travail a dépassé les niveaux de 2006 à 2009. Toutefois, les évènements qualifiés de « rapportables » par Hydro-Québec sont restés stables depuis 2007.

De son côté, la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a réalisé sa propre enquête et a répertorié 32 lacunes, dont quatre sont jugées majeures.

Après plusieurs années d’études, le gouvernement Charest a annoncé la réfection de la centrale de Gentilly-2 au coût de 1,9 milliard$, ce qui prolongera sa vie utile jusqu’en 2035. Cette décision est sujette à l’approbation de la CCSN, dont la décision est attendue d’ici la fin de cette année.

Encore une fois, il s’agit ici d’un grossier gaspillage des fonds publics. Gentilly-2 n’est pas rentable, ne l’a jamais été et personne ne sait quand elle le deviendra. Aux coûts de sa réfection, il faut ajouter les coûts d’enfouissement des déchets radioactifs : plus on prolonge la vie de la centrale, plus on se retrouve avec des déchets à enfouir.

Ceux qui pensent que le plomb protège de la radioactivité doivent savoir qu’une paroi de plomb, épaisse de six pouces, ne bloque que 50% des rayons gamma. Donc toute la centrale est radioactive et sa radioactivité est proportionnelle avec la durée de son exploitation ; plus on attend, plus elle sera contaminée. Lorsque viendra le temps de la fermer, il faudra détruire et enfouir la totalité de la centrale dans les profondeurs de la terre.

Pour terminer, l’exploitation de l’énergie nucléaire à perte représente un manque à gagner annuel de millions de dollars en comparaison avec un investissement comparable dans d’autres types de production d’énergie.

Le directeur pour le Québec de la Fondation David Suzuki, Karel Mayrand, affirme que le secteur éolien a moins d’impact sur l’environnement et est devenu moins coûteux que le nucléaire.

Références :
Centrale nucléaire de Gentilly
Énergie au Québec
Est-ce la fin du nucléaire?
Hydro-Québec
Jour 1 des audiences publiques
L’énergie nucléaire au Québec
Une coalition environnementale et politique réclame la fermeture de Gentilly-2

Parus depuis la publication de ce billet :
Décision de la CCSN sur Gentilly-2 après Fukushima (le 7 juillet 2011)
Cauchemar en vue (les 1er et 2 août 2012)
Gentilly or Not to Be – Pourquoi nous appuyons le Dr Notebaert (le 18 septembre 2012)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le Québec doit faire son deuil de l’amiante

Publié le 15 avril 2011 | Temps de lecture : 4 minutes
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L’amiante cause des cancers broncho-pulmonaires, le cancer de la plèvre ou, plus rarement, du péritoine, et des cancers digestifs. Toutes les variétés d’amiante sont cancérigènes, que ce soit la chrysotile (dont les gisements du Québec sont riches) ou la crocidolite (ou amiante bleu, que l’on rencontre au Brésil, entre autres).

Comme pour toute autre substance cancérigène, il n’existe pas de seuil en dessous duquel la présence de fibres d’amiante est sécuritaire. Même les épouses des travailleurs de l’amiante ont un risque augmenté de faire un mésothéliome, probablement parce qu’elles s’occupent du soin des vêtements du mari imprégnés de poussières d’amiante.

La nocivité de l’amiante est augmentée par l’exposition à d’autres agents cancérigènes. En comparaison avec un non-fumeur non exposé à ce minerai, le risque de cancer du poumon est multiplié par 5 pour le travailleur exposé aux taux « sécuritaires » d’amiante, par 10 pour le fumeur, et par 50 pour le travailleur de l’amiante qui fume.

Dans les villes minières québécoises où l’activité économique dépendait de l’extraction de l’amiante, les médecins subissaient des pressions pour que les mortalités soient simplement diagnostiqués comme des victimes de cancer (sans précision de la cause) afin de ne pas nuire au développement économique de leur région.

La Confédération des syndicats nationaux (CSN) a du faire venir des médecins du Mont Sinaï Hospital pour faire pression sur la CSST afin qu’elle indemnise correctement les mineurs atteints d’amiantose.

Selon l’Association médicale canadienne, le Canada est la seule démocratie occidentale à s’être constamment opposée aux efforts internationaux visant à réglementer le commerce mondial de l’amiante en manipulant honteusement les connaissances scientifiques.

De nos jours, l’amiante est bannie dans de nombreux pays et son utilisation est limitée à des usages très restreints : par exemple, l’isolation thermique des navettes spatiales et véhicules orbitaux de la NASA.

Le Québec est encore aujourd’hui le quatrième producteur mondial d’amiante, derrière la Russie, le Kazakhstan, et la Chine, mais devant le Brésil.

Il y a deux jours, le ministre du Développement économique du Québec annonçait que le gouvernement Charest acceptait le projet de relance de la mine Jeffrey d’Asbestos et qu’il accorde une garantie de prêt de 58 millions de dollars nécessaire à la relance des activités. Quelque 425 emplois seront créés à Asbestos avec la relance de Mine Jeffrey.

L’extraction de ce minerai n’a aucun avenir. Inévitablement, Mine Jeffrey cessera ses opérations et les contribuables québécois auront à payer cette garantie de prêt. De plus, peu importe comment l’État dépense, cela crée des emplois. Le choix n’est donc pas entre créer des emplois ou non, mais de créer de l’emploi dans l’extraction de l’amiante ou d’en créer autrement.

Ce qui nous amène à la question fondamentale : Ne devrait-on pas laisser à d’autres pays le soin d’extraire ce minerai dangereux et utiliser plutôt l’argent de nos impôts à soutenir les entreprises tournées vers des technologies d’avenir ?

Cette position est partagée par la Confédération des syndicats nationaux (CSN), dont la présidente éclarait récemment : « La vie d’un travailleur (…) ne peut être sacrifié au nom de l’emploi.»

Références :
Amiante
L’amiante a tué 373 travailleurs entre 2007 et 2010
Mine Jeffrey – Clément Gignac défend son choix
Mine Jeffrey – Québec est critiqué
Québec d’accord pour relancer la mine d’amiante Jeffrey

Détails techniques de la photo : Panasonic GH1 + tube d’espacement de 16 mm + objectif Voigtländer 50mm f/1,1 — 1/13 sec. — F/16,0 — ISO 800 — 50 mm.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les superpiles québécoises : une autre occasion ratée

Publié le 30 mars 2011 | Temps de lecture : 3 minutes

L’Institut de recherche en électricité du Québec (IREQ) est une filiale d’Hydro-Québec. Depuis des années, cet institut travaille à la mise au point d’une superpile qui permettrait aux voitures électriques de rivaliser avec les voitures conventionnelles en terme d’autonomie et de performance.

En janvier dernier, l’IREQ annonçait la mise au point d’une pile lithium-fer-phosphate apte à conserver sa performance initiale en dépit d’une recharge à tous les jours pendant cinquante ans. De plus, cette pile se recharge à 80 % en quatre minutes, soit le temps de faire un plein d’essence.

Cette percée technologique importante — surtout en raison de la vitesse de la recharge — permettra d’utiliser ces piles autant qu’on le voudra dans des véhicules urbains de livraison, des autobus et des vélos électriques.

Les découvertes de l’IREQ ont fait l’objet d’une multitude de brevets. Cette protection légale est une occasion pour le gouvernement québécois d’imposer une « clause Québec » à toutes les entreprises qui voulaient tirer profit de ces technologies. En vertu de cette clause, les acheteurs de ces licences auraient pu être tenus d’installer une usine au Québec et d’y effectuer une partie de leur production.

Mais le gouvernement Charest en a décidé autrement. En vertu d’un scoop du journaliste Daniel Bordeleau de Radio-Canada, publié hier, on apprend que selon la ministre Nathalie Normandeau, il n’est pas question de forcer Hydro-Québec à inclure la « clause Québec » dans ses ventes de licence.

Alors que la voiture électrique s’annonce comme le mode de transport de l’avenir, le gouvernement Charest vient une fois de plus compromettre le développement économique du Québec en renonçant à une occasion extraordinaire de créer ici des milliers d’emplois qui auraient découlé des découvertes de nos chercheurs.

C’est à se demander si le gouvernement Charest possède une stratégie de développement industriel pour le Québec et si oui, sur quoi repose-t-elle ? S’agit-il de se croiser les bras en attendant qu’un industriel ait l’infinie bonté de nous faire l’honneur d’investir chez nous ? Comme des dizaines d’autres gouvernements avec lesquels nous sommes en compétition, s’agit-il offrir des subsides de plus en plus généreux ou d’offrir les réductions de taxes les plus importantes — en somme, faire la courbette la plus basse — alors qu’on possède une carte-maitresse dans notre jeu : la possibilité pour cet entrepreneur d’acquérir la technologie qui lui permettrait de fabriquer les piles les plus performantes au monde ?

Pour les grands industriels qui doivent planifier leurs investissements dans le développement des automobiles électriques et les voitures hybrides, de même que pour les entrepreneurs qui les approvisionneront en pièces et composants (dont les piles), les décisions se prennent maintenant. Pas dans dix ans. C’est maintenant que cela se discute et c’est de ces temps-ci que les grandes décisions se prennent.

En acceptant que ces investisseurs aient accès à la technologie québécoise en ne payant que de simples droits d’utilisation — sans aucun engagement de retombées économiques pour le Québec — le gouvernement Charest solde pour presque rien l’expertise de nos chercheurs comme il a bradé nos gaz de schiste pour des redevances insignifiantes.

Références :
Des brevets d’Hydro-Québec suscitent la controverse
L’IREQ met au point une batterie qui dure…50 ans

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Écrit par Jean-Pierre Martel